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Dans son « Que sais-je ? » consacré à la sociologie des sciences, Yves Gingras souligne que la norme professionnelle des activités scientifiques se fonde sur des « règles non écrites et donc le plus souvent inobservables dans le cours normal du travail scientifique »159 ; et qui s’acquièrent par le contact direct avec la recherche et les chercheurs. La professionnalisation, entendu au sens individuel du terme comme l’incorporation des normes professionnelles, passe par une socialisation et un apprentissage fondé sur l’observation et la réplication des pratiques. Dans un système globalement concurrentiel, les conditions de cette initiation sont déterminantes dans son efficacité. Elles le sont aussi durablement dans l’objectif d’une carrière efficace, c’est-à-dire dont les étapes s’enchainent rapidement. La difficulté réside alors dans la nécessité d’apprendre à maîtriser des règles du jeu non seulement largement implicites, mais aussi potentiellement contradictoires.

Pour autant, et bien que se situant à l’intérieur même de la trajectoire professionnelle académique, le doctorat apparaît dans les discours, et dans la longue durée, comme l’épreuve initiatique par excellence : on la trouve dans le premier règlement de 1808, rappelée dans une circulaire de 1903160, et encore fréquemment mobilisée dans les rapports de soutenance des années 1950161, puis se déployant au cœur de la rhétorique qui vise à soutenir la thèse de 3e cycle dans les années 1960, ainsi que le doctorat nouveau régime dans les années 1980. Il y a donc, au sein de la communauté, la reconnaissance d’une temporalité spécifique, un avant et un après, qui justifie fondamentalement une organisation professionnelle fortement hiérarchisée. Cependant, dans la pratique, le doctorat n’est pas strictement une étape préalable mais constitue bien au contraire le moment déterminant de la socialisation professionnelle dans un contexte ambigu : le doctorant162 est en général un collègue. La pratique largement dérogatoire consistant à nommer sur des postes de maîtres de conférences des individus non encore docteurs (à l’encontre des textes réglementaires) est attestée depuis l’origine et encore largement dans les années 1960 ou 1970. Ce n’est qu’avec la mise en place de la thèse dite nouveau régime, en 1984, puis avec la procédure de qualification de 1992, que s’impose définitivement la nécessité d’être docteur pour pouvoir occuper un poste de titulaire de l’enseignement supérieur. Dans le même temps, de nouveaux types de positions précaires (ATER, moniteurs, vacataires) se développent, sur le

159 Yves Gingras, Sociologie des sciences, « Que sais-je ? », Paris, PUF, p. 60. 160 Circulaire sur le doctorat ès lettres, 14 novembre 1903.

161 Soutenance de Pierre Vernotte en 1944, citée par P. Verschueren, Des savants aux chercheurs. Les sciences physiques comme métier (France, 1945-1968), thèse d’histoire, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2017, p. 505.

162 Le terme est totalement anachronique avant les années 1990, non par ce qu’il désigne mais par son usage. Je l’utiliserai cependant quelle que soit la période envisagée car il décrit très précisément un état.

modèle de celles qui existaient avant les années 1980, d’assistants et de chargés de cours, qui sont occupées par des doctorants. Il s’ensuit que la période du doctorat se présente généralement comme le principal moment d’apprentissage par la participation directe aux activités professionnelles : d’enseignement d’une part, mais aussi de collectifs de recherche, qu’ils soient actifs (laboratoire en sciences ou en sciences sociales plus tardivement, participation aux colloques ou projets de recherche) ou passifs (fréquentation des archives et des bibliothèques). Être doctorant, c’est donc expérimenter la double nature structurelle de l’activité universitaire163.

Il en résulte une interrogation récurrente, et au cœur des discussions actuelles, sur la nature du statut du doctorant. La standardisation des carrières consécutives à la réforme de la thèse en 1984 (durée limitée, préalable obligatoire au recrutement) et la croissance des financements doctoraux sur contrat dans les années 1990 ont certainement contribué à naturaliser cette question. Le doctorant est alors dans une situation statutairement préprofessionnelle, et cette position nouvelle ouvre le débat sur le statut de cette expérience spécifique : s’agit-il d’une période de formation ou d’activité professionnelle ? Le doctorant est-il un étudiant ou un collègue ? Envisager le fait qu’il s’agisse d’une période de transition entre les deux états imposerait de penser sa prise en charge. L’idée que les doctorants puissent bénéficier d’un apprentissage rationnalisé et organisé, en complément de la formation que représente l’insertion directe dans le monde de la pratique, émerge dans les années 1930, par exemple sous la plume de Lucien Febvre164. Elle devient l’un des thèmes récurrents des réflexions engagées dans les années 1950 et 1960 sur la formation du personnel scientifique, et la mise en place de la thèse de 3e cycle se veut en partie une réponse à cette absence, par l’obligation de formation préalable. Mais celle-ci disparaît des textes réglementaires dans les années 1970 (et il semble qu’elle n’ait pas été mise en œuvre). Un arrêté de 1984 met en place des « groupes de formation doctorale » qui réunissent les enseignants-chercheurs et les équipes de recherche, responsables de la formation lors du DEA, et accueillent les doctorants (sans d’autre précision que « la préparation de la thèse s’effectue au sein d’un groupe de formation doctorale »165. Il faut attendre les années 1990 pour que les moniteurs bénéficient d’une formation au sein des centres d’initiation à l’enseignement supérieur, qui ne concernait cependant que les doctorants bénéficiant d’un

163 Cette position ambiguë d’homologie fonctionnelle et de forte différenciation statutaire induit une tension importante chez les pré-titulaires, qui s’assimilent professionnellement aux titulaires et anticipent de ce fait la poursuite de la carrière engagée. Or la probabilité d’obtenir un poste de titulaires dans un délai raisonnable est largement subordonnée à la structure démographique du marché de l’emploi universitaire, et donc susceptible à certaines périodes de ne pas être envisageable. Cf. Charles Soulié, « Précarité dans l'enseignement supérieur [Allocataires et moniteurs en sciences humaines] », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 115, 1996, p. 58-64.

164 Lucien Febvre, « L’enseignement supérieur », Encyclopédie française, tome XV, 1938. 165 Article 10 de l’arrêté relatif aux études doctorales, 5 juillet 1984.

financement contractuel pour la réalisation de leur thèse. Au même moment, un projet de mise en place d’écoles doctorales est lancé sur le mode du volontariat de la part des universités166. Elles sont généralisées (et rendues obligatoires) par l’arrêté du 7 août 2006 relatif à la formation doctorale qui reconnaît la thèse comme une période de formation professionnelle167. Le dispositif reste, jusqu’à cette date, marginal et la socialisation professionnelle demeure majoritairement une expérience individuelle non prise en charge par l’institution.

Dans ce contexte, le doctorat ne constitue pas l’unique élément pris en compte lors du recrutement et le titre de docteur n’est rentable qu’en lien avec la mise en œuvre de compétences complémentaires relatives à l’enseignement et à l’intégration dans le collectif professionnel. Cette situation produit un très fort différentiel entre les doctorants, introduisant un biais important dans la concurrence pour l’accès aux postes de titulaires. On observe ainsi que plus la socialisation initiale est proche des normes professionnelles attendues des enseignants-chercheurs en poste, plus les chances de réussite sont grandes. Il s’agit d’un effet de structure, qui incite les recruteurs à interpréter cette homologie comme la conséquence d’une bonne insertion dans le milieu professionnel168. A contrario, la découverte tardive d’un univers régi par des règles spécifiques et implicites constitue une épreuve169.

La précocité est par ailleurs un avantage constant quelle que soit la période considérée, aussi bien aujourd’hui170 qu’à la fin du XIXe. Elle se fonde sur l’idée que la prédictibilité de la qualité scientifique d’un individu se détermine sur la rapidité de la première partie de son parcours. Les normaliens et les agrégés de la fin du XIXe qui soutiennent en moyenne plus tôt que les autres doctorants171 semblent confirmer cette analyse, à moins que ce ne soit leur modèle de vélocité qui s’impose à tous. Le registre est alors celui de la « maturité précoce », qualificatif utilisé pour décrire Émile Durkheim alors en poste à Bordeaux172. Christophe Charle met en relation une titularisation précoce avec les chances de succès sur des candidatures à des chaires parisiennes sous la IIIe République173. Cependant, à l’image des interprétations complexes évoquées dans la partie précédente, la jeunesse peut aussi être

166 « Des écoles pour les futurs docteurs », Le Monde, 9 janvier 1991.

167 Cf. par exemple la revue de littérature à ce sujet dans Marianne Frenay et Marc Romainville (dir.), L’accompagnement des mémoires et des thèses, Louvain, Presse universitaires de Louvain, 2013, p. 155 sq.

168 Cf. Séverine Louvel, « Les doctorants en sciences expérimentales : futurs collègues ou jeunes collègues ? », Formation emploi, n° 4, 2006.

169 Par exemple, dans la thèse de Laurence Viry, Le monde vécu des universitaires, ou la République des égos, Rennes, PUR, 2006.

170 Bastien Bernela, « Trajectoires professionnelles et géographiques : l’étude de trois 170. -p. 147 3, 2017, , n° Formation emploi », générations de docteurs

171 Victor Karady, « Les professeurs de la République », art. cit., p. 107

172 Registre du personnel des facultés des lettres, notice Durkheim, faculté des lettres de Bordeaux, cours complémentaire, 1891 ; AN F17* 3 555.

mobilisée à l’encontre d’un candidat, que ce soit en 1882174 ou au début des années 1960 au sujet des inscriptions sur la liste d’aptitudes aux fonctions de maîtres-assistants175. On retrouve la même dualité dans les commissions du Comité national du CNRS, où de nouveau la précocité est valorisée dans un certain nombre de cas, « le jugement étant plus instantané que longitudinal, guettant les manifestations immédiates de la valeur plus que les progressions et l’accumulation des travaux », quand d’autres privilégient la reconnaissance de la patience, de la longue attente et l’abnégation d’un candidat176. Une limite paraît cependant posée à ces usages différenciés d’un même critère, qui renvoie aux vertus d’équilibre évoquées précédemment. Comme le souligne Pierre Bourdieu dans Homo Academicus : « la reproduction de la hiérarchie suppose le maintien des écarts […] cet ordre même que menace la celeritas de ceux qui veulent bruler les étapes » mais qui rend méritant ceux qui pratiquent la gravitas, « cette saine lenteur dont on aime à penser qu’elle constitue en soi une garantie de sérieux »177. Il semble pourtant que le critère de l’âge appartienne à la catégorie des arguments manipulables.

De façon générale, on peut faire l’hypothèse que la qualité de l’incorporation des normes de la profession conditionne en grande partie les chances du succès dans le processus de sélection de ceux qui réussiront. Deux éléments paraissent jouer un rôle majeur, le lieu de réalisation du doctorat et les réseaux, et ne sont pas sans lien l’un avec l’autre. La plupart des travaux nord-américains montrent ainsi que c’est avant tout le département où se déroule l’expérience doctorale qui détermine les probabilités de réussite ultérieure (et tendanciellement sur l’ensemble de la carrière)178. Malgré l’absence de hiérarchisation objectivée des établissements d’enseignement supérieur, la situation française ne semble pas structurellement différente, le positionnement des établissements (rapport Paris/province, métropole/petites villes) ayant des effets sur la mobilité académique et les conditions de recrutement179. Cette observation peut s’expliquer par des socialisations différentielles, plus efficaces dans certaines configurations car plus immédiatement en prise avec les standards dominants et mieux insérées dans les réseaux. Barbara Reskin est la première à avoir montré l’importance qu’ont

174 Minutes du procès-verbal de la séance de la Section permanente du CSIP, 6 mai 1882 ; AN F17 12 980.

175 Dossiers du CCU en chimie, physique, biologie et géologie, 1960-1964 ; AN 19810553/14-21.

176 Catherine Vilkas, « Évaluations scientifiques et décisions collectives », art. cit., p. 335. 177 Pierre Bourdieu, Homo Academicus, Paris, Minuit, 1984, p. 117.

178 Cf. en particulier les travaux de J. Scott Long et P. Allison comme « Departmental effects on scientific productivity », American Sociological Review, n° 55, 1990, p.469-478 ; ou J. Scott Long and Mary Franck Fox, « Scientific Careers : Universalism and Particularism », Annual Review of Sociology, n° 21, 1995, p. 45-71.

179 Par exemple Olivier Godechot et Alexandra Louvet, « Comment les docteurs deviennent-ils directeurs de thèse ? Le rôle des réseaux disponibles », Sociologie, n° 1, 2010, p. 3-23.

les réseaux dans les opérations de recrutement dans le monde académique180, dans un contexte où la définition même de ce qu’est l’excellence professionnelle n’est ni stabilisée, si universellement partagée et dépend partiellement des contingences extra-scientifiques. Elle souligne en particulier le rôle que joue le directeur de thèse dans les atouts dont dispose le candidat au recrutement, à la fois du fait de sa réputation (Prix Nobel par exemple) mais aussi des conditions d’insertion dans le milieu académique qu’il est susceptible de proposer. Se rejoignent alors les effets de localisation et de réseaux, qui garantissent une socialisation efficace car acquise dans un contexte qui incite à adopter les comportements les plus pertinents (publications précoces, participation à des projets collectifs, mobilité…).

Un siècle auparavant, les logiques de réseaux existaient déjà, peut-être même davantage dans un univers socialement et numériquement restreint. On assiste à des recommandations directes comme celle qu’écrit Fustel de Coulanges pour recommander le fils de son collègue Baudrillart181. S’y substitue le poids des mandarins parisiens déjà évoqués, qui organisent les carrières depuis leur aéropage, et pour lesquels, Christophe Charle l’a bien montré, la proximité physique est déterminante : les chances d’obtenir une chaire parisienne sont plus importantes si l’on est déjà sur place, si l’on participe à des revues182 ou des entreprises éditoriales collectives183, tout comme celle qui découle d’une expérience antérieure commune dans les murs de l’ENS ou des écoles françaises de Rome184 et d’Athènes185. Comme en témoignent les critiques à l’encontre du CCU dans les années 1970 évoquées dans la première partie du chapitre, il ne semble pas que la croissance numérique du corps n’ait produit de remise en cause de ce mode de fonctionnement. A défaut de pouvoir l’étudier dans sa réalité concrète, on peut faire l’hypothèse du poids croissant de ces critères dans le choix des candidats affectés sur les postes situés au sommet de la hiérarchie universitaire, si l’on propose d’extrapoler à partir du cas de l’EHESS des années 1990. Cet établissement, initialement conçu pour recruter de façon plus libérale que les universités (possibilité d’accueillir des chercheurs étrangers avant que le loi Faure ne l’autorise, sans doctorat et sans inscription sur les listes d’aptitudes), s’est recentrée sur le recrutement préférentiel de normaliens et d’agrégés à mesure que l’institution affirmait sa

180 Barbara F. Reskin, « Academic Sponsorship and Scientists’ Careers”, Sociology of Education, n° 3, 1979, p. 129-146.

181 Dossier Baudrillart, lettre du 8 mars 1882, F17 13 111.

182 Terry N. Clark, Prophets and patrons. The french university and the emergence of social sciences, Cambridge, Harvard University Press, 1973.

183 Christophe Charle, La République des universitaires, op. cit., p. 158 sq.

184 Sarah Rey, Écrire l’histoire ancienne à l’école française de Rome (1873-1940), Rome, École française, 2012, p. 231 sq.

185 Catherine Valenti, « Les membres de l'École française d'Athènes : étude d'une élite universitaire (1846-1992) », Bulletin de Correspondance Hellénique, n° 1, 1996, p. 157-172 ; et C. Valenti, L’École française d’Athènes (1846-1981) : histoire d'une grande institution universitaire, thèse d’histoire, université de Provence, 1999.

légitimité dans le paysage de l’enseignement supérieur dans les années 1980 et 1990186.

Prétendre entrer dans la carrière universitaire nécessite une compréhension précoce des enjeux et des logiques qui structurent la profession. Sans doute moins fondamentale dans un contexte de recrutement massif comme l’était celui des années 1960, cette capacité à faire des choix stratégiques détermine globalement les chances de succès dans l’histoire longue de la profession. Elle permet de comprendre le bénéfice dont disposent ceux qui ont été précocement sélectionnés comme les normaliens.

Reste que les normes et les critères sont susceptibles d’une importante variation selon les contextes dans lesquels ils sont mobilisés. La complexité de l’articulation entre l’activité d’enseignement et la recherche a longtemps constitué le cadre d’interprétation présidant aux choix des évaluateurs. On peut cependant souligner la grande prudence qui semble être de mise, visant à préserver la possibilité du recours aux argumentaires les plus efficaces pour une situation donnée et le soin pris à conserver une certaine opacité sur les opérations d’arbitrage, tant dans leurs formes que dans leurs contenus. L’enjeu principal est bien de s’assurer de l’existence d’une marge de manœuvre interprétative qui renforce ce faisant le pouvoir de ceux qui en disposent. De nombreuses notations ont cependant fait référence à des cadres d’interprétation spécifique aux disciplines, qui contribuent à complexifier encore le paysage. C’est à leur place dans ces processus de professionnalisation que le chapitre suivant propose de s’intéresser.

186 Stéphane Baciocchi et al., Vingt ans d’élections à l’École des hautes études en sciences sociales (1986-2005). Synthèse des résultats d’enquête, Paris, EHESS, 2008, p. 67.

Chapitre 5 : Logique disciplinaire

et verticalité structurale

Envisager la profession universitaire sous l’angle de ses dynamiques de professionnalisation et de ses rapports avec les structures universitaires n’a fait apparaître jusqu’ici que faiblement le principe d’organisation pourtant essentiel que constituent les disciplines académiques. Il prend dans le contexte de l’enseignement supérieur français une forme de structuration spécifique dont les conséquences sur les relations entre la profession, le système et la politique universitaires sont importantes.

Définies par Rudolf Stichweh comme l’« unité primaire de différenciation interne à la science moderne »1, les disciplines peuvent se décrire comme des groupes d’acteurs rassemblés par des pratiques et des références communes, caractérisées par la cohérence, la stabilité et le consensus. Si Jean-Louis Fabiani décrit la discipline comme « une convention provisoire », « contextuelle et relative », c’est pour insister paradoxalement sur sa longévité2. Or celle-ci concerne moins les paradigmes propres à chaque discipline, qui ont tendance à se reconfigurer de façon régulière que le fait que la discipline développe un environnement institutionnel stable3, quelles que soient les formes organisationnelles nationales des systèmes d’enseignement supérieur. Cette robustesse du cadre disciplinaire explique qu’il forme la base sur laquelle les universitaires construisent leur identité professionnelle4 ; et à laquelle va leur allégeance principale, “for most academic staff, their primary allegiance is to their subject or profession, and their sense of themselves as staff at a given institution is secondary”5.

De nombreux ouvrages collectifs ont exploré ces dernières années la question des transformations des disciplines à l’aune des nouvelles politiques de recherche et d’enseignement supérieur (recherches sur projet, professionnalisation de l’université, autonomie croissante des établissements, demande sociale et économique)6 , mettant en évidence au travers de compilations d’études de cas la variabilité infinie des réponses ponctuelles, en même temps qu’une résistance (endurance pour les ouvrages anglo-saxons)

1 Rudolf Stichweh, « The sociology of scientific disciplines: on the genesis and stability of disciplinary structure of modern science”, Science in Context, n° 1, 1992, p. 4.

2 Jean-Louis Fabiani, « Du chaos des disciplines à la fin de l’ordre disciplinaire ? », Pratiques. Linguistique, littérature, didactique, n° 153-154, 2012, p. 129.

3 Andrew Abbott, Chaos of Disciplines, Chicago, Chicago University Press, 2001.

4 Mary Henkel, « Academic identity and autonomy in a changing policy environment”, Higher Education, n° 1-2, 2005, p. 161.

5 Ronald Barnett (ed.), Reshaping the University. New relationships between Research, Scholarship and Teaching, Society for Research into Higher Education, Open University Press, 2005, p. 68.

6 Je ne citerai qu’un des ouvrages récents qui s’appuie sur une riche bibliographie à jour : Martin Benninghoff et al. (dir.), Le gouvernement des disciplines académiques. Acteurs, dynamiques, instruments, échelles, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2017.

assez généralisée du cadre disciplinaire. Les disciplines sont donc résilientes aux chocs multiples que constituent des réformes très rapides et parfois touchant en profondeur certaines des structures en place. L’explication semble se trouver dans leur relative plasticité, qui leur permet d’intégrer au sein du corpus disciplinaire initial des objets et des pratiques nouveaux, ou d’infléchir ceux qui constituent les fondements de la discipline pour les adapter à l’évolution des demandes externes. On peut aussi faire l’hypothèse qu’elles reposent largement sur des structures spécifiques, qui ne dépendent pas des établissements ou de la politique universitaire, comme les prix, les associations (et leurs congrès) et les revues et qui s’organisent à une échelle suffisamment