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l’acquisition consonantiques en français

6.2.1 Les tendances pour l’ordre d’acquisition

Dans un premier temps, nous exposons l’ordre d’acquisition global des conson-nes, puis nous examinerons l’acquisition des classes naturelles consonantiques en français.

Tendances globales

Nous tentons de dresser un panorama de l’ordre d’acquisition des consonnes du français. A partir de l’étude de Grégoire (1937), il est difficile d’avoir une idée précise de l’ordre d’acquisition des consonnes. Cependant, nous utiliserons cette étude par la suite afin de discuter d’observations spécifiques et de tendances sur des classes naturelles en particulier. Par contre, il est plus aisé de tirer un ordre d’acquisition des consonnes de l’étude de dos Santos (2007).

A partir de la thèse de dos Santos (2007), nous avons réalisé un tableau récapitulant ses données. Ce tableau (6.1 page 150) donne l’âge d’acquisition de chaque consonne par Marilyn sur la base du critère utilisé par dos Santos (la consonne est considérée comme acquise lorsqu’elle est réalisée conformément à la cible adulte dans au moins 80% des occurrences). Nous avons indiqué à chaque

fois (colonne 3) la page à laquelle nous avons trouvé l’information concernant l’âge d’acquisition. Nous précisons qu’il s’agit des consonnes en position d’attaque syllabique accentuée.

Table 6.1: Acquisition des consonnes chez Marilyn, tiré de dos Santos (2007)

Sur la base du tableau 6.1, nous pouvons établir un calendrier d’acquisition des consonnes pour Marilyn, calendrier que nous avons également établi pour les enfants que nous avons étudiés (voir au chapitre 9). Nous produisons le calendrier de Marilyn en (1).

7./v, g/ – âge : 2 ;11,14

8./S, z, Z, K/ – âge : non acquis à la fin des sessions étudiées

De façon globale, dos Santos (2007) remarque que dans cette position sylla-bique, les consonnes les mieux acquises sont d’abord les nasales et /l/, qui sont réalisées conformément à la forme adulte dès le premier enregistrement, et qui semblent donc être acquises avant les sessions étudiées. Ensuite, les consonnes qui ont le meilleur pourcentage de réalisations conformes à la forme adulte sont les occlusives, suivies par les fricatives et enfin vient la consonne /K/ qui est la consonne la moins bien réalisée.

Nous examinons maintenant les classes naturelles des consonnes du français une par une afin de comparer les résultats obtenus par dos Santos (2007) aux résultats observés dans d’autres études.

Une acquisition précoce des occlusives labiales et coronales

Nous notons dans les données de dos Santos (2007) que les occlusives sont très rapidement acquises. Cela a également été observé chez Grégoire (1937). Celui-ci note que les premiers mots de ses enfants ont été ‘train’ produit [tE] par Charles à l’âge de 10 mois, et ‘papa’ [papa] et ‘maman’ [mamam] produits par Edmond aux environs du 16èmemois. Nous remarquons que ces mots comportent des consonnes occlusives et nasales labiales et coronales, comme cela a souvent été noté dans différentes langues.

De même, Rose & Wauquier-Gravelines (2007) remarquent que les occlusives sont acquises avant les fricatives, que les consonnes labiales sont acquises avant que les contrastes linguaux n’apparaissent (qui distinguent les alvéolaires des vélaires ou les alvéolaires des postalvéolaires).

Cependant, en examinant de plus près les données de dos Santos (2007), nous observons qu’au sein des occlusives, l’ordre d’acquisition est le suivant : /k/ » /p/

» /t/ » /d/ » /b/ » /g/. A première vue, l’acquisition de /k/, occlusive vélaire, avant /t/ ou /p/, occlusives alvéolaire et labiale, est étonnante, et va à l’encontre

des résultats trouvés dans notre travail de thèse ainsi que de ce qui a été observé précédemment chez Grégoire (1937) et Rose & Wauquier-Gravelines (2007).

Toutefois, dans cette position d’attaque de syllabe, dos Santos a compté en-semble consonnes simples et consonnes au sein d’un groupe consonantique, comme cela est indiqué p. 114 ou p. 138. Ainsi, pour mesurer les réalisations de /t/ par exemple, il a compté les productions de ‘tout’ mais aussi ‘train’. Or, il ne s’agit pas du même cas de figure : dans le cas du groupe consonantique, deux consonnes partagent la même position prosodique, et de nombreux processus sont facilités, tels que les assimilations homorganiques. Un groupe consonantique /tK/, dans lequel les consonnes ont des lieux différents, pourra être réalisé [kK] par les en-fants, comme le montre dos Santos à la page 222 : [kXwa] pour ‘trois’. Cette assimilation de lieu est due au contexte particulier d’un groupe consonantique en attaque branchante. Pour établir le calendrier d’acquisition des occlusives, il aurait fallu séparer les consonnes simples des consonnes faisant partie de groupes consonantiques. On a un aperçu de l’acquisition des consonnes simples dans le tableau (94) de la page 160, où l’auteur donne le pourcentage de réalisation des lieux d’articulation des occlusives dans des mots de type CV (sans attaque bran-chante). Dans ce tableau, nous voyons que /p/, /t/ et /k/ sont acquis à 2 ;0,25, ce qui laisse penser que le calendrier d’acquisition proposé pour les occlusives est à nuancer, et que l’on peut retrouver les tendances déjà décrites dans la littérature.

En position de coda syllabique, selon l’étude transversale de Hilaire-Debove

& Kehoe (2004), il semble que les occlusives non-voisées soient acquises et bien réalisées avant les autres classes naturelles. C’est la même observation que fait dos Santos (2007) dans cette position syllabique.

Des fricatives peu acquises et subissant de nombreuses substitutions Rose & Wauquier-Gravelines (2007) ont observé que les fricatives étaient ac-quises après les occlusives. Cette observation se retrouve chez dos Santos (2007).

Le calendrier d’acquisition des fricatives établi par dos Santos est le suivant : /f, s/ » /v/ » /S, z, Z/. Durant la première partie du corpus, l’ensemble des

fricatives ne sont pas du tout produites comme dans leur forme adulte. Puis à 2 ;5, les consonnes /f/ et /s/ commencent à être acquises, puis /v/ émerge également.

A la fin des sessions étudiées, /S/, /z/, et /Z/ ne sont toujours pas acquises. Ainsi, les fricatives post-alvéolaires sont acquises en dernier, et les fricatives non-voisées sont acquises avant leur contre-partie voisée.

Les fricatives subissent de nombreuses substitutions, que nous détaillerons à la section suivante. En coda, les fricatives sont les consonnes les moins bien réalisées selon Hilaire-Debove & Kehoe (2004) et dos Santos (2007).

Acquisition tardive du voisement

Dans les données de dos Santos (2007) nous remarquons que toutes les occlu-sives non-voisées sont acquises avant les occluocclu-sives voisées. Ceci est confirmé par Rose & Wauquier-Gravelines (2007) et également par Grégoire (1937).

A ce sujet, à la page 131, Grégoire (1937) fait une remarque intéressante sur la différence de productions entre le babillage et les premiers mots : ainsi, lorsque Charles babille, il existe dans ses productions une prépondérance d’occlusives voisées par rapport aux occlusives non-voisées. A partir du 14ème mois, lorsqu’il produit des mots, c’est l’inverse qui se produit : les occlusives non-voisées prédo-minent sur les occlusives voisées. Il semble donc qu’il existe un changement dans le système phonologique à partir du moment où les mots apparaissent. De plus, il relève une « substitution fréquente des sourdes aux sonores » (p.206), même en position intervocalique.

En coda également les voisées sont acquises après leur contre-parties non-voisées (Hilaire-Debove & Kehoe, 2004; dos Santos, 2007).

Acquisition précoce des nasales

Chez dos Santos (2007), en ce qui concerne le calendrier d’acquisition des sonantes en tête d’attaque, les nasales et /l/ sont acquises avant le début des en-registrements. Cette acquisition précoce des nasales a été observée chez Grégoire

(1937) (pour les premiers mots par exemple), comme chez Rose & Wauquier-Gravelines (2007).

Les liquides : variabilité de /l/, acquisition tardive de /K/

Dans les données de dos Santos (2007), /l/ est une consonne qui est acquise avant le début des enregistrements. Cependant, ce n’est pas toujours le cas : Rose

& Wauquier-Gravelines (2007) observent que /l/ peut être souvent substituée par [j]. Il semble donc que l’acquisition de /l/ ne soit pas décrite de manière identique dans toutes les différentes études qui en parlent.

Quant à /K/, elle est acquise très tardivement. Toutes les études l’ont observé : Rose & Wauquier-Gravelines (2007), dos Santos (2007) où cette consonne n’est pas encore acquise à la fin des sessions étudiées, et également chez Grégoire (1937). Grégoire fait d’ailleurs une observation sur cette consonne : il observe que /K/ est très présente dans le babillage précoce et dans quelques mots spécifiques comme ‘Eléonore’ [nOñOK] ou ‘encore’ [akO:K]. Par la suite, il décrit un phénomène de régression : cette consonne est totalement effacée la plupart du temps, sauf dans les mots spécifiques cités ci-avant, et quelque fois elle est remplacée par [j].

Il faudra attendre la fin de la deuxième année pour que /K/ soit acquise en coda d’abord, puis en attaque.

Dos Santos a également étudié les liquides en position de dépendance en at-taque branchante. Dans cette position, /l/ est globalement acquis mais il existe des variations en fonction de la consonne qui est tête d’attaque. Dans cette po-sition de dépendance, la consonne /K/ est majoritairement effacée, sauf quand la consonne qui est tête d’attaque est une vélaire. Ceci confirme l’influence réci-proque des consonnes au sein du même groupe consonantique.

En position de coda, les liquides semblent être bien réalisées par les enfants (Hilaire-Debove & Kehoe, 2004). Cependant, dos Santos (2007) remarque que même dans cette position, /K/ est la dernière consonne à être acquise.

6.2.2 Les tendances pour les substitutions observées en