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La fréquence des traits dans le langage adressé à l’enfant

4.2 Présentation de l’étude préliminaire

Cette étude préliminaire a été effectuée dans le cadre de notre travail de re-cherche de DEA. Nous n’utiliserons ici que les résultats pertinents pour notre thèse, cependant il est possible de se reporter à notre mémoire de DEA (Yama-guchi, 2005) pour avoir l’étude complète. Nous exposons dans cette section la méthodologie de ce corpus spécifique, qui est un corpus transversal : ce corpus contient les productions de plusieurs enfants à un moment particulier.

4.2.1 Protocole expérimental

Le corpus transversal a été constitué lors des travaux de Chevrie-Mulleret al.

(2001) afin de construire une nouvelle batterie de tests permettant d’évaluer les compétences linguistiques d’enfants de 3 à 8 ans. Ce protocole expérimental, ap-pelé « Nouvelles Epreuves pour l’Examen du Langage », a été réalisé par l’équipe du Laboratoire de Recherche sur le Langage (Hôpital de La Pitié-Salpêtrière et Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) . La batterie de tests comporte neuf parties et permet d’évaluer plus précisément les compétences sui-vantes : articulation, phonologie, mémoire, lexique, morphosyntaxe que ce soit en production ou en compréhension. Nous avons utilisé l’étalonnage de la première partie de cette batterie de tests, intitulée « Phonologie et Articulation ».

Cette partie a été conçue comme « une exploration de la réalisation articula-toire du paradigme consonantique » (Chevrie-Muller et al., 2001). Elle consiste en une élicitation de mots connus de l’enfant, au moyen d’images ou de pointages.

L’enfant peut répondre de trois manières différentes :

– L’enfant connaît le mot et le dénomme spontanément sous une forme pho-nétique conforme à la forme adulte ;

– L’enfant connaît le mot et le produit spontanément mais la forme ne corres-pond pas à la forme adulte. L’expérimentateur énonce le mot et demande à l’enfant de le répéter ;

– L’enfant semble ne pas connaître le mot. L’examinateur essaie d’éliciter le mot uniquement par une activation sémantique et en aucun cas phono-logique. Si cette tentative échoue, l’examinateur énonce le mot et le fait répéter par l’enfant.

Nous avons donc deux modes d’énonciation : la dénomination spontanée, et la répétition. Nous avons pris le parti de ne tenir compte, dans la mesure du possible4, que des résultats en dénomination spontanée. Cette décision tient au fait que la production de mots ne consiste pas uniquement en l’imitation de ces mêmes mots. Selon de Boysson-Bardies (1996) « l’enfant doit reconnaître

4. Par exemple, pour /ñ/, il n’y avait que rarement des dénominations spontanées, nous avons donc pris en compte dans ce cas précis les répétitions.

les mots qu’il produit » ; ainsi le lexique de production de l’enfant doit faire l’objet d’une véritable construction mentale. C’est cette construction qui nous intéresse présentement, voici donc pourquoi nous n’utiliserons les mots énoncés en répétition que manière sporadique et nécessaire5 : cette utilisation sera détaillée dans chaque utilisation de résultats.

4.2.2 Les participants

L’étude originelle incluait des enfants âgés de 3 à 8 ans, habitant tous la région parisienne. Nous avons choisi de ne retenir que des enfants dans la tranche d’âge la plus jeune (3-4 ans) afin de cadrer une fenêtre temporelle correspondant à une situation d’acquisition phonologique en cours. En effet, il est considéré que l’enfant possède une grammaire et une compétence phonologiques complètes à 6 ans (Macken, 1996).

Il y avait au total 109 enfants qui ont passé le protocole destiné aux 4 ans.

L’âge des enfants s’échelonnait de 3 ans 7 mois à 4 ans 6 mois. Sur ces 109 enfants, nous avons retenu 26 enfants. En effet, selon les transcriptions des expérimenta-teurs, ces 26 enfants n’ont pas réalisé la totalité des phonèmes consonantiques de façon conforme à la cible adulte. Nous pouvions donc considérer que ces enfants étaient en phase d’acquisition des contrastes. Les 26 enfants sélectionnés ont de 3 ans 7 mois à 4 ans 5 mois ; la moyenne d’âge est de 3 ans 11 mois. L’étude n’a porté que sur des sujets monolingues ; et ce afin d’éviter d’éventuelles interac-tions entre les langues. Les parents des sujets appartiennent à diverses catégories socio-professionnelles. Parmi ces 26 enfants se trouvaient 13 filles et 13 garçons.

Durant l’étude, aucun enfant n’était suivi par un orthophoniste ; le postulat de départ est donc qu’a priori aucun des enfants n’a de retard de langage. Nous nous situons donc dans le domaine de l’acquisition « typique » et non pathologique.

5. Pour les mots ciblant /ñ/.

4.2.3 Exploitation des données

Chaque enfant passait l’expérience dans le cadre de l’école maternelle, dans une salle de classe, selon le protocole décrit plus haut avec un expérimentateur qui était étudiant orthophoniste. L’expérimentateur transcrivait phonétiquement les productions de l’enfant au moment de la passation du protocole. Chaque entretien était enregistré sur des cassettes audio analogiques.

Par la suite, les cassettes audio ont été numérisées, puis transcrites phonétique-ment par trois autres transcripteurs : deux étudiants en 3èmeannée de Sciences du langage, formés à la transcription phonétique, ainsi que nous-même. Pour chaque enregistrement, nous avions donc quatre transcriptions phonétiques. En cas de désaccord, la transcription retenue était celle de la majorité des transcripteurs.

4.2.4 Atouts et inconvénients

Le principal avantage de ce corpus transversal est qu’il donne accès aux don-nées de nombreux enfants. En effet, les corpus en acquisition du langage pré-sentent rarement les données d’autant d’enfants à la fois.

De plus, la variation inter-individuelle peut être examinée de façon précise, car les enfants sont sollicités sur les mêmes mots, les données collectées sont ainsi contrôlées et peuvent être comparées entre elles, et il a été facile de faire des observations fines de la variation entre les enfants, par exemple pour la réalisation d’un même mot pour tous les enfants.

De surcroît, le protocole a été construit de manière à obtenir tous les phonèmes du français, dans les positions syllabiques d’attaque et de coda, il n’existe pas de lacunes dans les cibles et nous avions donc potentiellement les réalisations de tous les phonèmes du français6.

Cependant, ce corpus présente deux défauts majeurs. Le premier défaut de ce corpus est l’âge des participants. Même si nous n’avons retenu que les en-fants dont nous pouvions supposer qu’ils n’avaient pas encore acquis tous les

6. Toutefois l’environnement segmental des consonnes n’a pas été contrôlé.

contrastes du français, la moyenne d’âge de 3 ;11est malheureusement un peu tardive et dans de nombreux cas, à cet âge, les enfants ont déjà un inventaire segmental phonologique quasi-complet, et maîtrisent la plupart des contrastes consonantiques. Evidemment, les contrastes non maîtrisés permettent toutefois une analyse intéressante de l’acquisition phonologique.

Le second défaut de ce corpus réside dans les mauvaises conditions d’enregis-trement. Le protocole expérimental a été passé dans une salle de classe vide, mais non prévue pour des enregistrements de qualité au niveau acoustique. Ainsi, un bruit de fond peut être entendu sur différentes bandes. Tout ceci empêche une analyse acoustique précise des données recueillies, sans invalider les résultats pré-sentés ici basés sur les transcriptions phonétiques.