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La fréquence des traits dans le langage adressé à l’enfant

4.4 La fréquence des traits

4.4.1 Fréquence d’occurrence des phonèmes

Comme nous l’avons rappelé au chapitre précédent, à la sous-section 3.3.1, de nombreux auteurs (Pye et al., 1987; Beckman et al., 2003; Zamuner et al., 2005; Tsurutani, 2007) expliquent que si les chemins d’acquisition des consonnes divergent des tendances universelles, c’est parce que certains sons, qui sont consi-dérés comme marqués typologiquement, sont plus fréquents que d’autres, qui sont considérés comme non-marqués typologiquement. Par exemple, dans leur étude comparative de l’acquisition des consonnes chez des enfants anglophones et ja-ponophones, Beckman et al. (2003) expliquent que /k/ est acquis avant /t/ en japonais en raison de sa plus grande fréquence dans le lexique adulte et dans le discours adressé à l’enfant.

Nous avons donc tenté de déterminer quelle était la part de l’influence de la fréquence d’occurrence des phonèmes consonantiques du français sur l’acquisition de ces mêmes consonnes par les enfants.

Fréquence des consonnes en parole adulte

Nous avons utilisé des listes de fréquence d’occurrence des consonnes en fran-çais. La première liste de fréquence des consonnes est établie à partir de conver-sations téléphoniques entre adultes enregistrées, ce corpus est d’une durée de 120 heures (Adda-Decker, 2006). Il s’agit d’interactions spontanées, ce qui, parmi les différents grands corpus enregistrés, se rapproche le plus de conversations

natu-Rang Consonne Proportion (en %)

Table4.1: Fréquence des consonnes dans des conversations entre adultes (Adda-Decker, 2006)

relles spontanées entre adultes. Cette liste apparaît dans le tableau 4.1. Le total des fréquences n’atteint pas les 100% car dans la liste de fréquence originelle se trouvaient également les voyelles. Nous avons supprimé les fréquences des voyelles et gardé les pourcentages consonantiques initiaux.

Notre première interrogation a porté sur l’existence d’une relation quantita-tive entre la fréquence d’occurrence des consonnes et leur acquisition. Pour ce faire, nous avons effectué un test de corrélation de Spearman entre la liste de fréquence en 4.1 et l’ordre d’acquisition des consonnes de l’étude préliminaire. Le test de Spearman est un test non-paramétrique qui permet d’indiquer s’il existe une relation entre deux classements. La corrélation et la ligne de régression sont représentées à la figure 4.2, page 112. Le coefficient Rho obtenu a une valeur de 0,538 avec p < 0,05.

Les résultats obtenus montrent qu’il existe une corrélation (l’absence de corré-lation se manifestant par un coefficient égal à zéro) ; cependant le coefficient reste faible. Ces résultats appellent deux remarques. Premièrement, le fait qu’il existe

Figure 4.2: Corrélation entre fréquences de consonnes dans la parole spontanée adulte et ordre d’acquisition des consonnes

une corrélation entre deux variables ne signifie pas qu’une variable (par exemple ici, la fréquence des consonnes) est reliée directement à la seconde variable (ici, l’ordre d’acquisition des consonnes). Ce test de corrélation montre simplement qu’il existe une relation entre la fréquence d’occurrence des consonnes et leur ordre d’acquisition, mais cette relation peut tout à fait être causée par un facteur tiers.

La deuxième remarque porte sur les limites qu’impose le corpus. Puisque nous étudions l’acquisition des consonnes chez les enfants, on peut arguer qu’il aurait été plus judicieux, si cela avait été possible, que nous réalisions nos analyses sur des données de langage ou discours adressé à l’enfant (LAE ou DAE). Ainsi, le LAE a des caractéristiques prosodiques, lexicales, syntaxiques différentes de la parole adressée à l’adulte (de Boysson-Bardies, 1996). Toutes ces caractéris-tiques peuvent influencer le type de consonnes employées et par conséquent leur fréquence.

Rang Consonne Proportion (en %)

Table 4.2: Fréquence des consonnes dans du langage adressé à l’enfant (Le Cal-vez, 2004)

Fréquence des consonnes en langage adressé à l’enfant

C’est pourquoi, pour répondre à cette remarque, nous avons utilisé une deu-xième liste de fréquence. Cette liste de fréquence d’occurrences des consonnes, issue du travail de Le Calvez (2004), a été établie à partir des énoncés adressés à l’enfant des corpus de français Champaud, Leveillé et Rondal disponibles au sein de la base de données CHILDES. Ces énoncés adressés à l’enfant n’étaient disponibles qu’en transcription orthographique, les transcriptions phonétiques ont été obtenues en utilisant VoCoLex (Dufouret al., 2002). La liste de fréquence des consonnes du français en langage adressé à l’enfant est montrée dans le tableau 4.2. Là aussi, le total des fréquences n’atteint pas les 100% car dans la liste de fréquence originelle se trouvaient également les voyelles. Nous avons supprimé les fréquences des voyelles et gardé les pourcentages consonantiques initiaux.

Comme pour les fréquences de consonnes en parole adulte, nous avons tenté de déterminer s’il existait une corrélation quantitative entre les fréquences d’occur-rence de consonnes en LAE et l’ordre d’acquisition des consonnes par les enfants.

Pareillement, nous avons effectué le test de Spearman entre la liste de fréquence en 4.2 et l’ordre d’acquisition des consonnes dans nos données issues de l’étude préliminaire. La corrélation et la ligne de régression sont représentées à la figure 4.3. Le coefficient Rho obtenu a une valeur de 0,626 avec p <0,01.

Figure4.3: Corrélation entre fréquences de consonnes dans le langage adressé à l’enfant et ordre d’acquisition des consonnes

Les résultats du test de Spearman entre les fréquences d’occurrence des con-sonnes en LAE et l’ordre d’acquisition des concon-sonnes montrent qu’il existe là également une corrélation entre ces deux variables. Le coefficient de cette cor-rélation est même un peu plus élevé que lors du test entre les fréquences des consonnes en parole adulte et l’ordre d’acquisition des consonnes, ce qui confir-merait la pertinence d’une étude menée sur des données de LAE plutôt que sur des données de parole adressée à l’adulte. Cependant, la remarque faite précé-demment s’applique ici aussi : l’existence d’une corrélation quantitative entre les deux variables ne signifie pas qu’il existe une relation directe entre elles deux. La corrélation peut ainsi être due à un facteur tiers.

Les résultats de ces deux tests ont montré qu’il existe une corrélation quan-titative entre la fréquence d’occurrence des consonnes, que ce soit en parole entre adultes ou dans du langage adressé à l’enfant, et l’ordre d’acquisition des consonnes. Cependant, nous notons que l’existence de cette corrélation peut être due à d’autres facteurs, nous cherchons donc un moyen qualitatif de prouver le lien entre ces deux variables.

Prédictions sur la base des fréquences d’occurrence des consonnes S’il est exact que la fréquence d’occurrence des consonnes influence l’ordre d’acquisition des consonnes, alors nous pouvons faire des prédictions quant à l’ordre d’acquisition sur la base des fréquences consonantiques. Dans le tableau 4.3, page 116, nous avons considéré chaque paire de phonèmes distinguée par un trait (colonne 2), et pour chacune de ces paires nous avons listé (colonne 3) la prédiction que permet de faire la fréquence de chaque consonne pour ce qui concerne l’ordre d’acquisition. Nous nous basons sur la liste de fréquence en 4.2, qui a montré un coefficient de corrélation légèrement meilleur. Puis dans la colonne 4 nous présentons le phonème, qui dans chaque paire, a été acquis en premier dans les inventaires enfantins existants. Ainsi par exemple, comparons /t/ et /d/, qui sont distingués par le trait [±voisé]. Dans la liste en 4.2, /t/ a une fréquence de 5,91% et /d/ a une fréquence de 3,1% ; /t/ est donc plus fréquent que /d/. Si la fréquence des consonnes influence l’ordre d’acquisition des consonnes, la prédiction est donc que /t/ sera acquis avant /d/. L’ensemble des prédictions quant à l’acquisition des consonnes est présenté dans le tableau 4.3.

Dans le tableau 4.3 page 116, les lignes grisées représentent les prédictions qui sont infirmées par les données enfantines. Nous dénombrons qu’il y a huit mauvaises prédictions faites par la fréquence des phonèmes : dans tous ces cas, c’est la consonne la moins fréquente qui sera acquise en premier. Ceci montre que la fréquence des consonnes n’est pas un facteur suffisamment explicatif de l’ordre d’acquisition des consonnes. On peut nous objecter que les données de l’étude préliminaire ne représentent pas de façon adéquate des données naturelles d’acquisition. Cependant, nous verrons au chapitre 10 que les mêmes résultats se

Trait Paires

Table 4.3: Prédictions sur la base de la fréquence des phonèmes consonantiques retrouvent dans les données longitudinales.

La fréquence d’occurrence des phonèmes étant insuffisante pour expliquer les données d’acquisition, nous avons, conformément à l’approche retenue dans ce travail, étudié l’influence de la fréquence des traits et non pas des phonèmes sur l’acquisition des consonnes.

4.4.2 La fréquence des traits

Comme nous l’avons rappelé au chapitre 2, les traits distinctifs rendent compte des contrastes qui existent dans la langue de manière totalement adéquate, et

donc du système consonantique dans sa globalité. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’analyser l’acquisition des consonnes par les traits distinctifs et les principes qui leur sont associés. Nous avons vu grâce aux résultats de Maye et al. (2008) que les enfants sont capables d’extraire les propriétés de traits à partir d’exemplaires de consonnes. Par conséquent, si la fréquence d’occurrence joue un rôle, ce n’est pas forcément via la fréquence des phonèmes, comme nous venons de le voir, mais via la fréquence des traits.

Nous avons vu au chapitre 2 que les traits possèdent des propriétés qui suivent certaines tendances universelles. Cependant, nous rappelons que les di-verses conclusions données dans le chapitre précédent exprimaient des tendances statistiques sur l’ensemble des langues du monde (ou au moins de la base de données UPSID). Ainsi, les valeurs marquées énoncées dans le tableau 2.3, page 48 ou l’échelle de robustesse décrite en (3) page 33 ne peuvent être appliquées telles quelles sur nos données d’acquisition du français. Chaque langue a des spé-cificités qui vont se retrouver dans l’acquisition du langage, comme nous l’avons vu précédemment, quand nous avons observé que les prédictions jakobsoniennes n’étaient pas intégralement et identiquement vérifiées dans toutes les langues.

Nous avons donc conçu un outil méthodologique (Yamaguchi, 2008) qui per-met de rendre compte de la manière dont la fréquence influence l’acquisition consonantique tout en gardant les caractéristiques associées aux traits distinctifs.

Nous avons donc choisi d’utiliser la fréquence des traits.

Calcul de la fréquence des traits

Les listes de fréquence de traits n’existant pas en français, nous avons dû trou-ver une manière de calculer nous-mêmes cette fréquence, à partir de la fréquence d’occurrence des consonnes en français. Pour ceci, il a fallu prendre en compte plusieurs précautions préliminaires.

Premièrement, les traits ne sont pas tous pertinents pour chaque consonne du français. Par exemple, [±voisé] n’est pas pertinent pour la classe des sonantes.

Comme nous l’avons expliqué au chapitre 2 (page 17), nous n’avons retenu que

les traits spécifiés pour chaque consonne.

Deuxièmement, il faut distinguer le trait de la valeur de trait. La fréquence d’un trait est la fréquence d’un contraste pertinent dans la langue ; et pour chaque contraste pertinent, nous pouvons mesurer la fréquence de chacune des valeurs de ce contraste : la fréquence de la valeur [+voisé] n’est pas la même que la fréquence de la valeur [−voisé], et l’addition de ces deux fréquences donne la fréquence du trait [±voisé].

Nous avons basé les calculs de la fréquence des traits et de la fréquence des valeurs de trait sur la liste de Le Calvez (2004), issue de corpus de langage adressé à l’enfant, qui correspond le mieux à l’input que reçoit l’enfant lors de son exposition au langage. A partir de ces fréquences consonantiques, nous avons appliqué les principes suivants :

(4) La fréquence d’un trait T est obtenue en ajoutant les fréquences de tous les phonèmes qui utilisent ce trait de façon distinctive.

(5) La fréquence de la valeur d’un trait T est obtenue en ajoutant les fré-quences de tous les phonèmes qui sont spécifiés pour cette valeur de trait.

Par exemple, pour obtenir la fréquence de [±voisé], nous ajoutons les fréquences de toutes les consonnes qui utilisent le trait de voisement de façon distinctive, c’est-à-dire toutes les obstruantes : /p/, /t/, /k/, /b/, /d/, /g/, /f/, /s/, /S/, /v/, /z/, /Z/.

Pour obtenir la fréquence de [+voisé], nous ajoutons les fréquences des consonnes qui utilisent le trait de voisement de façon distinctive et qui sont spécifiées [+voisé] : /b/, /d/, /g/, /v/, /z/, /Z/.

Sur la base du principe énoncé en (4), nous obtenons les fréquences de traits suivantes, dans le tableau 4.4. Les traits sont rangés du plus fréquent au moins fréquent.

Contraste Fréquence en %

Table 4.4: Fréquences des traits en français

Pour obtenir la fréquence de [±sonant] et de [±approximant], nous avons ajouté les fréquences de toutes les consonnes, car les traits [±sonant] et [±approximant]

sont distinctifs pour toutes les consonnes. Nous rappelons que le total des consonnes ne fait pas 100% car originellement la liste des fréquences comportait également les fréquences des voyelles. Ainsi, les 49,34% qui manquent pour arriver au total de 100% correspondent aux fréquences vocaliques.

Pour obtenir les fréquences des traits de lieu, nous avons ajouté les fré-quences des consonnes s’opposant par deux lieux différents. Cependant, toutes les consonnes sont spécifiées pour le lieu d’articulation, donc les traits de lieu dans leur globalité ont une fréquence de 50,76%.

Pour obtenir la fréquence de [±continu], nous avons ajouté les fréquences des consonnes pour lesquelles ce trait est distinctif, c’est-à-dire les obstruantes : /p/, /t/, /k/, /b/, /d/, /g/, /f/, /s/, /S/, /v/, /z/, /Z/.

Pour obtenir la fréquence de [±voisé], nous avons ajouté les fréquences des consonnes pour lesquelles ce trait est distinctif, c’est-à-dire les obstruantes : /p/, /t/, /k/, /b/, /d/, /g/, /f/, /s/, /S/, /v/, /z/, /Z/.

Pour obtenir la fréquence de [±postérieur], nous avons ajouté les fréquences des consonnes pour lesquelles ce trait est distinctif, c’est-à-dire : /s/, /z/, /n/, /S/, /Z/, /ñ/.

Pour obtenir la fréquence de [±latéral], nous avons ajouté les fréquences des consonnes pour lesquelles ce trait est distinctif, c’est-à-dire : /l/, /j/.

Dans un deuxième temps, nous avons calculé les fréquences des valeurs de traits. Nous obtenons ainsi ces fréquences des valeurs de traits suivantes, dans le tableau 4.5. Pour chaque trait, nous avons donné les fréquences de ses deux valeurs.

[±continu] [−sonant] [−continu] p, t, k, b, d, g 19,75

[+continu] f, s ,S, v, z, Z 12,12

[±continu] [+sonant] [−continu] n 2,32

[+postérieur] S, Z, ñ 2,01

[±latéral] [+sonant] [−latéral] j 1,35

[+latéral] l 6,02

Table 4.5: Fréquences des valeurs de trait

Pour obtenir la fréquence de chaque valeur de trait, nous avons ajouté les fréquences des consonnes énoncées dans la colonne « Phonèmes ».

A partir des fréquences des traits, du tableau 4.4 (page 120) et des fréquences des valeurs de traits, dans le tableau 4.5, nous allons pouvoir faire des prédictions sur le rôle des principes associés aux traits dans l’acquisition des consonnes.

Prédictions à partir de la fréquence des traits

Nous rappelons tout d’abord les hypothèses concurrentes que nous avons po-sées quant à l’ordre d’acquisition des phonèmes consonantiques :

(2) L’ordre d’acquisition des consonnes est influencé par la fréquence des consonnes dans la langue cible.

(3) L’ordre d’acquisition des consonnes est influencé par la fréquence des traits dans la langue cible.

Nous avons vu dans la section précédente que les prédictions faites par l’hy-pothèse énoncée en 1 n’étaient pas toutes vérifiées par nos données d’acquisition.

Nous faisons maintenant des prédictions à partir de l’hypothèse en 1.

Dans le tableau 4.3 présenté page 116, chaque paire de consonnes de la colonne 2 est distinguée par un trait distinctif : chaque consonne porte une des deux valeurs du trait. Si la fréquence des valeurs de traits influence l’ordre d’acquisition des consonnes, alors la consonne qui porte lavaleur de trait la plus fréquente sera acquise avant celle qui porte la valeur de trait la moins fréquente. Dans le tableau 4.6 montré en page 122, nous présentons dans la colonne 3 les prédictions faites par la fréquence des phonèmes, puis dans la colonne 4 les prédictions faites par la fréquence des valeurs de traits et enfin dans la colonne 5 la première consonne acquise dans nos inventaires enfantins.

Le tableau 4.6 page 122 compare les prédictions faites à partir de la fréquence d’occurrence des phonèmes (déjà testées dans le tableau 4.3 page 116) aux pré-dictions faites par la fréquence des valeurs de trait. Les lignes grisées représentent les contradictions entre les deux types de prédictions : la prédiction faite par la fréquence des phonèmes contredit la prédiction faite par la fréquence des valeurs de trait. Dans tous ces cas contradictoires, les données des inventaires en-fantins confirment la prédiction faite par la fréquence des valeurs de trait. Ces résultats montrent que la fréquence des traits fait de meilleures pré-dictions et permet de proposer une modélisation plus adéquate de la constitution des inventaires consonantiques enfantins.

4.5 Synthèse

Dans ce chapitre, nous avons essayé de répondre à la question de savoir com-ment les enfants acquéraient les contrastes de leur langue, sur la base de l’input qu’ils recevaient, c’est-à-dire le langage adressé à l’enfant. Nous supposons que

Trait Paires Prédictions Prédictions 1ère cons.

de consonnes freq. phon. freq. traits acquise

[±voisé]

Table 4.6: Comparaison entre prédictions à partir de la fréquence des phonèmes et prédictions à partir de la fréquence des valeurs de trait

les informations fréquentielles présentes dans le LAE jouaient un rôle dans cette construction des contrastes. Après avoir présenté les différentes fréquences utili-sées dans les travaux en acquisition phonologique, nous avons présenté les travaux de Mayeet al.(2002, 2008) mettant en valeur le rôle de la fréquence d’occurrence présente dans l’input de l’enfant dans la construction des contrastes en percep-tion. A partir de ces résultats, nous avons cherché à voir si les informations fréquentielles présentes dans l’input permettaient de rendre compte également des données d’acquisition en production issues d’une étude préliminaire.

Pour cette étude, nous avons développé un outil permettant de rendre compte

des effets fréquentiels dans l’acquisition des contrastes : la fréquence des traits, et nous l’avons testé sur une étude préliminaire. Nous avons ainsi présenté l’étude préliminaire qui a précédé cette thèse, sur la base d’un corpus transversal. Nous avons testé deux hypothèses concurrentes afin d’expliquer les données d’acqui-sition de ce corpus, toutes les deux basées sur la fréquence de catégories. La première catégorie était constituée des phonèmes, et la deuxième des traits dis-tinctifs.

La première hypothèse postule que la fréquence d’occurrence des phonèmes influence l’ordre d’acquisition des consonnes, hypothèse proposée par exemple par Beckman et al.(2003); Stiteset al.(2004); Zamuner et al.(2005). La seconde hypothèse, qui se base également sur la fréquence, facteur mis en valeur dans les études de Beckman et al. (2003); Stiteset al. (2004); Zamuneret al. (2005) mais également de Maye et al. (2002, 2008), postule que les catégories pertinentes qui permettent de rendre compte des données enfantines sont les traits distinctifs.

Cette hypothèse propose que la fréquence des traits influence l’ordre d’acquisi-tion des consonnes. Pour tester cette seconde hypothèse, nous avons élaboré une méthode de calcul de fréquence des traits et des valeurs de trait, à partir des fréquences des consonnes de la langue.

En observant les données produites par les enfants, nous avons montré que la première hypothèse faisait de mauvaises prédictions, alors que pour ces cas en particulier, la deuxième hypothèse faisait au contraire de bonnes prédictions. Les résultats préliminaires de l’étude préliminaire ont mis en lumière le lien entre la fréquence des traits et les données d’acquisition en production. Ce lien semble supposer que la fréquence des traits, qui permet d’exprimer la construction du système consonantique en perception, pourrait également jouer un rôle dans l’ac-quisition du système en production. Il semble donc que la fréquence des traits soit un moyen efficace de rendre compte de la construction du système phonologique de l’enfant.

A partir de l’outil opérationnel que nous avons élaboré, la fréquence des traits et de leurs valeurs, nous pouvons adapter le contenu des principes associés aux traits pour le français. Notre modèle de l’acquisition des traits peut être construit

et être vérifié sur des données longitudinales.

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Acquisition des consonnes du