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l’acquisition consonantiques en français

6.3 Les modélisations proposées

6.3.1 Modélisation en termes de contraintes

Dos Santos utilise le cadre de la phonologie prosodique afin de modéliser l’ordre d’acquisition des consonnes mais aussi les substitutions qui affectent ces consonnes. Cette approche postule que les représentations phonologiques sont structurées en différents niveaux hiérarchiques de constituants prosodiques. Pour dos Santos, ces constituants prosodiques permettent de rendre compte de diffé-rents phénomènes de l’acquisition segmentale. Il postule notamment en français l’existence de pieds iambiques, non bornés à gauche. La tête du pied est la syllabe qui porte l’accent, c’est-à-dire la dernière syllabe du mot. Au niveau syllabique, il postule également que la coda interne de mot a un statut différent de la coda finale de mot. Ainsi, la coda interne est considérée comme une « vraie » coda, qui est position dépendante dans la rime branchante de la syllabe, alors que la coda finale de mot est en réalité une attaque de syllabe à noyau vide.

Cet auteur analyse les différents processus qui affectent les consonnes sur une période donnée (de 1 ;10,17 à 2 ;0,25) en proposant l’existence de contraintes dans la grammaire de l’enfant, dans une approche optimaliste. Ces contraintes sont de deux natures différentes : elles peuvent être internes et dues aux représentations ; et elles peuvent être externes et dues à la physiologie et à l’articulation spécifiques de l’enfant.

Contraintes représentationnelles

L’acquisition d’une position prosodique va influencer l’acquisition des consonnes qui occupent cette position : dos Santos remarque ainsi que toutes les consonnes sont réalisées correctement en même temps en position de coda en rime bran-chante à l’intérieur d’un mot. Cette acquisition semble catégorique, quelle que soit la nature de la consonne.

Les positions prosodiques permettent d’expliquer également les processus qui affectent les lieux consonantiques, comme les métathèses ou les harmonies. Ainsi dos Santos (2007) postule l’existence de contraintes prosodiques associant un lieu à une place spécifique. Il propose l’existence d’une contrainte d’alignement du lieu

Labial à la borne gauche du mot, mais également l’existence d’une contrainte de légitimation du lieu Dorsal à la tête du pied.

Pour dos Santos, les contraintes représentationnelles sont liées à la représen-tation prosodique des mots ; la spécification des consonnes mêmes est très peu évoquée. Nous remarquons cependant que tous les lieux d’articulation n’ont pas le même comportement : ainsi, le lieu Coronal subit beaucoup d’assimilations mais n’en déclenche pas. Cette idée est exprimée par dos Santos (2007), p. 161 :

« l’articulateur Coronal apparaît comme un articulateur faible ou récessif ». Ce-pendant l’auteur ne propose pas d’encoder ce phénomène « d’articulateur faible ou récessif » dans les représentations consonantiques.

On note cependant que dos Santos évoque la spécification des consonnes à la page 274, quand il parle de marque : certaines consonnes, comme la liquide /l/, sont acquises d’abord en coda de rime branchante puis en coda finale. L’auteur explique ce fait par la valeur de trait [+sonant] : cette valeur de trait est non-marquée en position de « vraie » coda (en rime branchante interne de mot) et marquée en position d’attaque (et donc également en attaque de noyau vide, ou coda finale de mot). Dos Santos utilise la notion de marque pour caractériser une valeur de trait, mais dans un contexte syllabique : pour lui, une valeur de trait peut être marquée dans une certaine position syllabique, et non-marquée dans une autre position syllabique. De plus, il ne réutilise plus du tout cette notion dans le corps de son travail, et n’évoque pas du tout le rôle de la marque dans la représentation des consonnes.

Pour l’auteur, ces contraintes internes, dues aux représentations dans la gram-maire de l’enfant, se couplent à des contraintes externes afin d’influencer l’acqui-sition et la production des consonnes chez Marilyn.

Contraintes externes

Les contraintes externes sont de nature articulatoire. Selon dos Santos, la spécificité de la physiologie de l’enfant entraîne des contraintes sur la réalisation des consonnes.

Dos Santos prend ainsi l’exemple de l’harmonie dorsale : au sein d’un mot possédant une consonne à articulation dorsale, la deuxième consonne est éga-lement produite dorsaéga-lement. Par exemple, « gâteau » est produit [kako] (dos Santos, 2007, p. 158). Selon dos Santos, ce type d’harmonie dorsale est due à l’existence d’une contrainte *SeqLing. Cette contrainte a un fondement articula-toire et rend compte du fait que l’enfant a des difficultés à produire deux gestes linguaux distincts au sein de la même séquence parlée. Cette contrainte articu-latoire est réutilisée par l’auteur pour justifier de la non-réalisation de groupes consonantiques du type /kl/ en attaque de syllabe.

Selon l’auteur, la substitution des fricatives alvéolaires aux fricatives post-alvéolaires est également expliquée par des raisons articulatoires : l’acquisition de la précision articulatoire est en cours, et la différence qui existe entre le lieu alvéolaire et le lieu post-alvéolaire ne peut pas être accomplie à ce moment-là.

Enfin, toujours d’après dos Santos, la contrainte d’accord de mode (« agree-ment ») entre les consonnes d’un même mot a égaleagree-ment des fondeagree-ments articu-latoires : la production de modes d’articulation différents au sein de la même sé-quence est difficile pour les enfants. Dos Santos utilise enfin cette contrainte d’ac-cord de mode afin d’expliquer les troncations de mots CVCV dont les consonnes n’ont pas le même mode d’articulation.

Enfin le dévoisement général des obstruantes voisées est pareillement expliqué par des raisons articulatoires : en effet, dos Santos affirme que pour des raisons aérodynamiques la production d’un VOT négatif est difficile à maîtriser par les enfants.

L’ensemble de ces contraintes articulatoires sont encodées dans la grammaire en développement de l’enfant, et constituent l’ensemble des contraintes externes sur l’acquisition des consonnes.

6.3.2 Critique explicite d’une analyse en termes de traits