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Chapitre 2. Rapprochement des caractéristiques temporelles des expériences

2.1. Hétérochronies impliquées par le cinéma et par l’analyse

2.1.2. Temps ressenti par les protagonistes

Un autre point de convergence entre les expériences cinématographique et psychanalytique réside dans la temporalité ressentie par le spectateur face à la projection du film et par l’analyste et l’analysant lors de la cure et lors du transfert. Alors que dans le cadre de la cure, les deux individus éprouvent un temps subjectif, seul le spectateur de cinéma est en mesure de ressentir la durée du film. Il est en effet bien difficile de prétendre que l’œuvre cinématographique puisse avoir conscience d’une temporalité impliquée par sa projection face au spectateur. Il y a donc une différence entre le temps effectif qui est objectif et le temps ressenti subjectivement par le spectateur, l’analysant et l’analyste.

Face à un même film, le temps ressenti par le spectateur peut varier. En effet, bien que la durée de projection reste fixe, le temps peut être ressenti différemment par chaque spectateur en fonction de l’intérêt que l’œuvre éveille en lui. La durée ressentie peut également différer à chaque nouvelle vision par un même spectateur. Similairement, au sein de la cure, bien que la durée de chaque séance soit fixe et invariante, elle peut être ressentie différemment par l’analyste et par l’analysant ainsi que d’une séance à l’autre. Alors que les séances constituent le temps de travail de l’analyste présent en tant que professionnel dans l’exercice de ses fonctions, l’analysant s’y rend en dehors de ses heures de travail. Le temps de la séance est un temps rémunéré pour l’un, payé par l’autre pour une consultation. Tout comme le spectateur qui a acheté son ticket s’attend à passer un moment captivant au cinéma, les attentes de l’analysant concernant l’efficacité de la cure, sont plus importantes que celles de l’analyste : il est compréhensible que spectateur et analysant veuillent en avoir pour leur argent. L’impatience, et l’impression de longueur qui s’en dégage, semblent donc pouvoir se manifester pour le spectateur s’il n’aime pas le film qu’il visionne et pour l’analysant si les résultats de la cure se font attendre.

Parfois, il arrive que le spectateur trouve un film ennuyeux, tout comme l’analyste peut être lassé par les propos de l’analysant. Cependant, il se peut que l’analysant ne sache pas quoi dire à l’analyste et trouve ainsi le temps long. À l’inverse, un film peut passionner un spectateur, de même que le discours de l’analysant peut être intéressant pour l’analyste et l’évolution du travail de cure, au point que la longueur de la durée ne soit pas ressentie. Une séance de psychanalyse peut paraître courte pour l’analysant qui a beaucoup de choses à extérioriser, mais elle peut aussi lui sembler interminable lorsque ses nombreuses confessions sont difficiles à exprimer, dévoilant des événements traumatisants. Par ailleurs, tout comme la

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perception temporelle de la réalité psychique du transfert est purement individuelle235, le

temps ressenti est différent pour chaque spectateur individuellement et semble distinct de la durée réelle du film. En effet, en fonction de l’enchaînement des scènes, séquences et événements, du rythme et de l’élaboration du scénario, etc., un film peut paraître plus long ou plus court que ne l’est sa durée effective. Le spectateur peut ne pas voir le temps passer face à un film bien mené de trois heures ou à l’inverse s’ennuyer et s’impatienter en regardant un film d’une heure vingt mal conduit. Comme le remarque Johan dans L’Heure du loup, manifestant alors son ennui et son attente interminable de l’aube : « Une minute peut sembler une éternité ». Durant la minute qu’il souligne, le tic-tac d’une horloge se fait alors entendre sur une image fixe dans laquelle seul le visage d’Alma change d’expression jusqu’à se figer en un air à la fois triste et effrayé. Le temps peut également sembler suspendu, comme l’illustre la femme d’Antichrist qui, depuis l’accident mortel de son enfant, s’est figée dans un deuil profond et intense n’évoluant pas et face auquel elle ressent le temps comme s’il était arrêté, ne sachant même plus depuis combien de temps elle est à l’hôpital. L’idée d’une attente insoutenable est aussi figurée dans Melancholia lorsque Claire puis Léo et Justine respirent difficilement alors que la fin du monde approche. Le temps ressenti par Claire est ainsi exacerbé : pour la mère, la fin du monde, inéluctable, est certes prématurée mais son attente est insupportable.

Alors que l’expérience temporelle au cinéma est dédoublée par la perception du spectateur et son interprétation du temps diégétique vécu par les personnages236, au cours de

la cure, l’analyste, captivé par le récit de l’analysant, s’intéresse aux événements passés que ce dernier revit et actualise par la parole. Enfin, le caractère répétitif du film et du transfert témoigne de leur qualité hétérochronique car il induit une accumulation du temps. Le transfert étant une « répétition […] vécue avec un sentiment d’actualité marquée »237, l’analysant revit

une situation passée, à l’instar du spectateur qui voit ou revoit un film. Or, selon Bergson, la mémoire est la conservation et l’accumulation du passé dans le présent238. Ainsi, tout comme

le transfert fait appel à la mémoire car il consiste à faire surgir les affects refoulés à la

235 V. Medda, « Hétérochronie du transfert », op. cit., p. 138.

236 « La mise en intrigue audiovisuelle apparaît donc toujours comme une reconfiguration de l'expérience temporelle censée être vécue par les personnages fictionnels et vécue par le spectateur lui-même. » P. Beylot, Le

Récit audiovisuel, op. cit., p. 162.

237 J. Laplanche et J.-B. Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, « Transfert », op. cit., p. 492. 238 H. Bergson, L’Énergie spirituelle. Essais et conférences, Paris : Puf, [1919] 1967, p. 9.

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conscience239 et suppose donc la coexistence de deux époques, le film, qui reste identique lors

de toutes ses projections, peut agir sur la mémoire de celui qui le visionne à plusieurs reprises. À ce propos, Esquenazi remarque que le film, est en mesure de « structurer la mémoire […du] spectateur »240, dès que ce dernier le reconnaît. Ainsi, le film « induirait une mémoire

dans l’esprit du spectateur »241. En effet, le déroulement du film entraîne « une activité de

perception » et « une activité de mémoire » desquelles résulte une mémoire composée de « l’ensemble organisé des événements du film jusqu’à l’événement perçu actuellement »242.

Bergson explique quant à lui que « le passé s’accroît sans cesse, indéfiniment aussi, il se conserve »243. À chaque instant, chaque expérience se conserve automatiquement dès qu’elle

appartient au passé et s’accumule aux précédentes. Le temps « n’est pas un instant qui remplace un instant », car cela supposerait un présent qui ne soit pas le « prolongement du passé dans l’actuel »244, un présent sans évolution ni durée concrète. Ainsi, dans la psyché de

chacun :

« …ce que nous avons senti, pensé, voulu depuis notre première enfance est là, penché sur le présent qui va s’y joindre, pressant contre la porte de la conscience qui voudrait le laisser dehors »245.

Ainsi en est-il de toutes les expériences vécues, incluant les expériences cinématographiques et transférentielles qui n’échappent pas à cette réalité.

Par ailleurs, la mémoire induite par le film ne correspond pas seulement à celle qu’implique l’enchaînement des éléments constituant l’œuvre. Selon Bergson, le regard porté sur un objet suppose une temporalité qui génère un changement de l’objet pourtant intact, altération pouvant être liée à la mémoire de l’individu qui regarde. En effet, dans L’Évolution

créatrice, l’auteur remarque :

« L’objet a beau rester le même, j’ai beau le regarder du même côté, sous le même angle, au même jour : la vision que j’ai n’en diffère pas moins de celle que je viens d’avoir, quand ce ne serait que parce qu’elle a vieilli d’un instant »246.

239 S. Ferenczi, Transfert et introjection, op. cit.

240 J.-P. Esquenazi, Film, perception et mémoire, op. cit., p. 32. 241 Ibid.

242 Ibid., p. 44.

243 H. Bergson, L’Évolution créatrice, Paris : Puf, [1907] 1959, p. 14. 244 Ibid.

245 Ibid. 246 Ibid., p. 13.

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Devant le mouvement des images cinématographiques, le procédé est plus complexe, bien que son résultat soit le même. En effet, chaque photogramme, en plus de correspondre à l’actualisation d’un événement passé, remplit la fonction d’un objet fixe regardé par le spectateur. D’une part, la durée induite par le film tient du temps de visionnage d’un photogramme, temps infime pour l’œil humain puisqu’il correspond à 1/24e de seconde, qui

plus est, composée de 1/48e de seconde de noir total dans le cas d’une projection en 35 mm.

D’autre part, figées sur le support filmique, les images n’en sont pas moins multiples et se répètent à chaque projection, sous leur forme objective intacte, c’est-à-dire sous une forme qui « est connu[e] de telle manière qu’une multitude toujours croissante d’impressions nouvelles pourrait être substituée à l’idée que nous en avons actuellement »247. En effet, l’objet

matérialisé par l’image reste le même, bien que le spectateur puisse y projeter tout contenu subjectif. Ainsi, le temps ressenti face à un film que le spectateur revoit n’est pas le même que celui de la première vision. Non seulement l’image a vieilli d’un instant et ce qui la précède est connu, mais ce qui suit cette image est également attendu par le spectateur qui en a déjà fait l’expérience. L’objet que représente le film a donc préalablement inscrit sa trace dans la mémoire du spectateur dont le souvenir plus ou moins marquant lui permet d’anticiper ce qui va se produire à l’écran. Le passé de la projection précédente est ainsi poussé dans le présent par la mémoire du spectateur248. Dans le cas du transfert, la situation est transposée non

seulement dans le temps, comme c’est le cas des multiples projections filmiques, mais également sur une autre personne249. En effet, le second trait caractéristique du transfert est le

concept de répétition auquel il fait appel : le phénomène transférentiel consiste en la répétition du passé de l’analysant sur la situation psychanalytique. Il « apparaît comme le moyen de “rendre actuel un conflit jadis latent” »250. En outre, le temps ressenti lors du transfert est

double car ce phénomène implique deux personnes projetant réciproquement des contenus personnels sur l’autre : selon la théorie jungienne sur la nature transpersonnelle du transfert, il dépend à la fois de la mémoire de l’analysant et de celle de l’analyste, influencé par ses expériences transférentielles antérieures.

247 H. Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, Paris : Puf, [1888] 1970, p. 42.

248 « Ma mémoire est là, qui pousse quelque chose de ce passé dans ce présent, mon état d'âme, en avançant sur la route du temps, s'enfle continuellement de la durée qu'il ramasse ; il fait, pour ainsi dire, boule de neige avec lui-même. […] La vérité est qu'on change sans cesse, et que l'état lui-même est déjà du changement », H. Bergson, L’Évolution créatrice, op. cit., p. 13.

249 Le transfert opère « un double déplacement : déplacement de temps et déplacement de personne », M. Neyraut, Le Transfert. Étude psychanalytique, op. cit., pp. 130-131.

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Dans l’expérience cinématographique comme dans le transfert, l’individu ne peut pas revivre exactement une expérience antérieure car « la survivance du passé » dans le présent entraîne « l’impossibilité, pour une conscience, de traverser deux fois le même état »251. En

effet, comme le précise Freud, les phénomènes transférentiels sont

« …de nouvelles éditions, ou des fac-similés de motions et de fantaisies qui sont éveillés et rendus conscients à mesure que se déroule l’analyse ; mais ils ont cette particularité, caractéristique de leur espèce, de substituer à une personne antérieure la personne du médecin. Autrement dit : toute une série d’expériences psychologiques sont ravivées non pas en tant qu’appartenant au passé mais en tant que s’appliquant présentement au médecin »252.

Reprenant l’idée de Bergson à propos du temps, il semblerait que devant la répétition du transfert ou du film :

« Les circonstances ont beau être les mêmes, ce n’est plus sur la même personne qu’elles agissent, puisqu’elles la prennent à un nouveau moment de son histoire. Notre personnalité, qui se bâtit à chaque instant avec de l’expérience accumulée, change sans cesse. En changeant, elle empêche un état, fût-il identique à lui-même en surface, de se répéter jamais en profondeur »253.

Ainsi, le temps du transfert, qui fait appel au concept de répétition, est toujours un temps ressenti et donc subjectif. Le sentiment pouvant être suscité par la répétition est figuré dans Nymphomaniac alors que Joe attend chaque nuit, nerveusement et impatiemment, le retour de P, précisant qu’elle croyait en vain à son arrivée à chaque fois qu’elle apercevait des lumières de phares par la fenêtre. En outre, la dimension répétitive du transfert et des multiples visions d’un même film est directement mise en évidence dans Persona. En effet, les révélations au sujet du sentiment d’Elisabet vis-à-vis de son enfant sont présentées dans une séquence dédoublée254 (figure 5). D’abord, Alma raconte comment Elisabet a vécu sa

grossesse et sa maternité. La caméra est alors dirigée vers Elisabet, en plan rapproché poitrine, suivi d’un plan rapproché épaule, puis d’un gros plan et enfin d’un très gros plan de son visage. La scène est ensuite montrée une seconde fois alors que l’objectif de la caméra est orienté vers Alma qui raconte la même histoire. Les tenues vestimentaires des deux femmes, les échelles de plans et l’éclairage latéral restent les mêmes. Cependant, les deux versions présentent certaines différences : la modification de l’angle de prise de vue, entraînant la substitution d’Elisabet par Alma au sein de l’image, reflète la situation transférentielle qui

251 H. Bergson, L’Évolution créatrice, op. cit., p. 13.

252 S. Freud, Cinq psychanalyses, Paris : Puf, [1935] 1954, pp. 86-87. 253 H. Bergson, L’Évolution créatrice, op. cit., p 15.

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consiste en la transposition d’une situation passée sur une autre personne (cf. infra). En atteste également la protestation d’Alma s’écriant : « Je ne suis pas Elisabet Vogler. Tu es Elisabet Vogler ». Par ailleurs, la répétition de la scène fait écho aux multiples visions d’un même film : les images sont presque les mêmes bien qu’elles soient ressenties différemment. Cette différence d’impression est figurée par la différence de perception effective. En effet, la seconde version, d’une durée de 3 minutes et 30 secondes, est légèrement plus longue que la première, se déroulant sur 3 minutes et 13 secondes. Cela est dû aux différences de discours et aux images finales. Bien que la première version contienne deux phrases supplémentaires – « Elisabet, que tiens-tu là ? », puis plus loin, « Mais il survit » – la seconde version est plus longue car elle comporte des images complémentaires accompagnées de paroles – après une première image de la fusion des deux visages, Alma s’écrie en gros plans :

« Non ! Je ne suis pas comme toi. Je n’ai pas les mêmes sentiments. Je suis Alma, infirmière. Venue pour t’aider. Je ne suis pas Elisabet Vogler. Tu es Elisabet Vogler. J’aimerais avoir… J’aime… Je n’ai pas… »

Puis, un gros plan des deux visages fusionnés réapparaît (figure 6). Face à la deuxième version, le spectateur peut alors expérimenter les nuances d’impression du temps pouvant être éprouvées face aux multiples visions d’une même œuvre. Cependant, la répétition effective dans Persona, n’offre aucun répit au spectateur qui voit les deux versions coup sur coup. L’effet pouvant être provoqué par la seconde vision d’une œuvre ne peut donc être parfaitement reproduit au sein d’un film, quand bien même il provoque, par des différences visuelles et sonores, un sentiment de nouveauté qui correspondrait à un écart entre ce dont l’esprit se souvient et ce qui apparaît réellement à l’écran. Ces différences figurent également les caractéristiques du transfert que sont les déplacements de temps et de personne. D’une part, la projection des deux versions n’est pas simultanée : elles se succèdent, tout en réactualisant le passé d’Elisabet à travers la parole d’Alma. D’autre part, la caméra, d’abord dirigée vers Elisabet change de cible dans la deuxième version et filme Alma. Ce changement d’axe pourrait témoigner de la projection de contenus psychiques d’Elisabet sur Alma, se défendant alors de peur d’être assimilée à Elisabet.

Par ailleurs, la différence induite par la répétition ne se réduit pas à une influence sur l’esprit du spectateur et son sentiment du temps. En effet, le souvenir présente aussi un rapport au corps. Selon Bergson, le souvenir suppose une sensation – une émotion dirait Damasio255 – mais « il est distinct de l’état qu’il suggère »256. En effet, cet état du corps qu’est

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la sensation « est essentiellement de l’actuel et du présent »257 bien que le souvenir qui en est

à l’origine provienne « du fond de l’inconscient d’où il émerge à peine »258 et témoigne de

« ce qui n’est plus, de ce qui voudrait être encore »259. Les souvenirs ravivés lors de la cure ou

par les films ne font pas exception. L’analysant raconte des souvenirs conscients, puisqu’il peut les formuler, mais qui font parfois écho à des contenus inconscients dont le corps se souvient mais que l’esprit a refoulés. Des réactions inappropriées peuvent témoigner de ce refoulé provenant de l’inconscient et requérant un retour à la conscience. D’une manière similaire, les émotions provoquées par des images cinématographiques sont excitées par les échos que peuvent trouver certains de leurs contenus dans la psyché du spectateur (cf. chapitre 6). En outre, face aux images d’un film qu’il a déjà vu, le spectateur est en mesure d’appréhender certaines des émotions qu’il va ressentir. Cependant, ces émotions ne seront pas absolument identiques aux précédentes puisque le spectateur connaît les images du film. Il pourra ainsi se sentir moins affecté et plus indifférent face aux images, ou au contraire, il pourra craindre l’émotion au point d’en exacerber son intensité.

Enfin, la temporalité ressentie par le spectateur est liée à la dimension mélancolique que peut impliquer la projection d’images cinématographiques. En effet, le film induit une temporalité toujours en devenir mais déjà passée, préalablement inscrite sur le support. Le spectateur peut alors fantasmer le film comme un objet déjà perdu pourtant jamais possédé. Or, l’état psychique engendré par la mélancolie correspond à celui ressenti dans le deuil à la différence que le sujet mélancolique n’a jamais possédé l’objet perdu : il « méconnaît l’objet précis de sa perte »260. Ainsi, comme le souligne notamment Denis Bellemare, l’expérience

cinématographique peut s’apparenter à une expérience mélancolique. Selon l’auteur, cette correspondance serait aussi le résultat d’un refus du réel visant, dans les états mélancoliques, à créer une représentation plus plaisante, tout comme le cinéma crée un fort effet de réel tout en ne restant pourtant qu’une illusion de cette réalité. De plus, selon les théories psychanalytiques, en particulier freudiennes, il apparaît que le sujet mélancolique peut « maintenir imaginairement présent à lui, intact ce qui lui est réellement absent, manquant, perdu »261. De la même manière, le film que le spectateur a déjà vu laisse des souvenirs dans

256 H. Bergson, L’Énergie spirituelle. Essais et conférences, op. cit., p. 133. 257 Ibid.

258 Ibid. 259 Ibid.

260 D. Bellemare, « Mélancolie et cinéma » in : Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas:

Journal of Film Studies, vol. 8, n°1-2, 1997, p. 155.

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son esprit, sous forme d’images physiquement absentes. Chaque projection du film actualise ces images, rendant présent ce qui est alors doublement absent. En effet, tout comme le souvenir n’est jamais l’objet dont il permet la remémoration, l’image cinématographique n’est pas l’objet qu’elle figure. Présence d’une absence, l’image cinématographique préalablement