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Chapitre 2. Rapprochement des caractéristiques temporelles des expériences

2.2. Temporalité du transfert

2.2.3. Apparition d’une troisième image comme événement de l’expérience du transfert

Selon Deleuze, dans la théorie psychanalytique, qu’elle soit freudienne ou jungienne, « [t]oute la théorie de la répétition se trouve […] subordonnée aux exigences de la simple représentation »329. Pourtant, il semblerait que le transfert, par son effet de répétition

impossible, donne naissance à un tiers, c’est-à-dire à la présentation de quelque chose d’inédit, notamment dans l’expérience cinématographique. Alors que l’indomptable dieu grec

Kairos anéantit le monde « pour le recréer à sa guise »330, il y apporte quelque chose de

nouveau. De la même manière, la répétition du transfert consiste en une réélaboration331,

c’est-à-dire en la production332 d’éléments nouveaux : en tant qu’événement unique et

individuel issu d’une relation privilégiée, le transfert correspond à l’émergence d’un tiers, co- créé par les deux individus, dans le champ intersubjectif333. La troisième image, dont j’ai dit

qu’elle trouvait sa place dans l’espace du corps du cinéma334, semble aussi émerger comme

un événement et pourrait ainsi correspondre au tiers se manifestant dans le transfert. Elle est alors co-créée par le spectateur et le film. Comme l’événement et le tiers émergeant dans le

329 G. Deleuze, Différence et répétition, Paris : Puf, [1968] 2013, p. 137.

330 E. Moutsopoulos, « Kairos : la mise en l’enjeu », in : Chronos et Kairos. Entretiens d’Athènes, op. cit., pp. 14-15.

331 M. Schneider, « Temporalité, inconscient et répétition. Du mythe à l’élaboration théorique », op. cit., p. 27. 332 Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales, entrée « Elaboration », [consulté en ligne le 23/10/2016, URL : http://www.cnrtl.fr/definition/%C3%A9laboration].

333 « Lorsque l’alliance thérapeutique fonctionne de manière efficace, quelque chose survient entre le client et le thérapeute qu’ils ont co-créé. Techniquement, cela se rapporte à un tiers dans le champ intersubjectif » (« When the therapeutic alliance is working effectively, something comes into being between the client and the therapist which they have co-created. Technically this is sometimes referred to as a third in the intersubjective field », L. Hockley, « The third image. Depth psychology and the cinematic experience », in : Jung and Films II, op. cit., p. 142. Je traduis).

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champ intersubjectif lors du transfert, la troisième image, différente pour chacun, est une réponse inattendue à l’activation, par les contenus du film, de contenus inconscients du spectateur.

À propos des trois niveaux d’image, Hockley conclut :

« Parfois, les spectateurs reconnaîtront les émotions et les expériences psychologiques des personnages du film (la première image). Parfois, regardant à l’intérieur du film, ils trouveront des sens plus “profonds” et complexes qui viennent de signifiants sensoriels du film (la deuxième image). Occasionnellement, quelque chose de plus personnel se produit, qui semble proche de ce qui se produit en thérapie où l’acte d’être intensément présent à un autre (dans ce cas un film) facilite les mécanismes de transfert et de contre- transfert »335.

Ainsi, dans cet instant kairique de surgissement du transfert, la signification psychologique de la rencontre entre le film et le spectateur semble pouvoir se révéler, sous la forme d’une image survenant elle-même d’un transfert. Pour Hockley, le simple fait de regarder un film a un impact psychologique mais sa signification ne devient évidente qu’à travers son étude et son interrogation336. Relevant ces trois types d’images qui apparaissent

simultanément, Hockley évoque la sémiotique barthésienne sans reprendre le concept de troisième sens, présentant pourtant des similarités avec la troisième image.

Afin d’exemplifier ces différents niveaux d’images et de sens, intéressons-nous à une scène émotionnellement très chargée d’Antichrist, lors de laquelle le spectateur apprend, par l’intermédiaire du mari, que la femme maltraitait son enfant. Après avoir fait remarquer à la mère que les chaussures de Nick sont inversées sur une photo, l’homme se rend dans la grange afin d’en regarder davantage. Après quelques gros plans mettant en évidence les chaussures du garçon, portées au mauvais pied sur chaque photo, des images mouvantes de la mère chaussant l’enfant apparaissent. À la suite d’un plan rapproché sur les mains et les pieds, la caméra effectue un mouvement vertical afin de recadrer sur le visage de l’enfant pleurant. Par une coupe franche, l’image laisse apparaître un plan rapproché poitrine des deux personnages, face à face de profil. Malgré les gémissements du fils, la mère reste impassible.

335 « Sometimes viewers will acknowledge the emotions and psychological experiences in the characters in the film (the first image). Sometimes they will, as they look into the film, find “deeper” and more complicated meanings which come from the sensory signifiers of the film (the second image). Occasionally something more personal happens which seems close to what happens in therapy where the act of being intensely present to another (in this case a film) facilitates the mechanisms of transference and countertransference » (L. Hockley, « The third image. Depth psychology and the cinematic experience », in : Jung and Films II, op. cit., p. 142. Je traduis).

336 « Just as is the case for dreams, cinema’s psychological significance becomes apparent when the opportunity is taken to reflect on particular films and their meanings […] This is not meant to suggest that “just” watching a film has no psychological impact », Ibid. p. 135. Je traduis).

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Selon Hockley, la première image, c’est-à-dire ce qui est vu à l’écran, correspond au signifiant de la sémiotique. Elle pourrait aussi, selon Barthes, correspondre au premier sens informatif, celui de la communication. Voyant la scène d’Antichrist, le spectateur comprend ce qu’il voit : au milieu d’une clairière, la mère met des chaussures à son enfant qui pleure. Cette première image semble également s’apparenter au sens obvie, le deuxième sens qui « vient au-devant » et qui est « prélevé dans une sorte de lexique général, commun des symboles »337. Le terme symbole désigne alors un élément qui représente quelque chose

d’autre, par convention culturelle : il n’est pas à comprendre dans son acception jungienne, c’est-à-dire en tant qu’élément indicible dont les possibilités de signification sont infinies. Quant à la deuxième image, provenant de « l’acte conscient d’interprétation »338 et donc d’une

réflexion sur le film, elle ne saurait correspondre au deuxième sens tant celui-ci se présente naturellement à l’esprit. Dans la scène décrite, bien que ce ne soit pas visible à moins de faire un arrêt sur image, le spectateur comprend que la mère enfile les chaussures de l’enfant en inversant les pieds. En outre, il peut interpréter le comportement de la mère qui ne réagit pas, comme un signe de maltraitance parentale. Une fois ces éléments connus et vus, la culpabilité de la mère tout au long du film peut être comprise différemment : ce n’est plus seulement la culpabilité de n’avoir pu sauver son enfant, celle de ne pas l’avoir vu s’approcher de la fenêtre, mais ce peut être la culpabilité de la longue maltraitance présentée comme responsable de l’accident.

Enfin, la troisième image et le troisième sens, malgré des différences liées en partie à leur champ théorique et d’application, présentent des points communs, qui se retrouvent également dans la notion d’événement. De même que le troisième sens ouvre le champ du film infiniment339, la troisième image, dans sa potentialité, ouvre le film à des significations

psychologiques infinies car elles sont différentes pour chacun. Elle est comme l’événement qui, selon Deleuze, n’a pas de sens mais « est le sens lui-même »340. À l’instar du sens obtus

qualifiant le troisième sens, la troisième image pourrait s’imposer comme ce qui vient en trop : non pas qu’elle semble « émoussé[e], de forme arrondie »341 et donc obtuse, mais elle

peut être comparée à une mauvaise lecture émergeant dans la rencontre individuelle du

337 R. Barthes, L’Obvie et l’obtus. Essais critiques III, Paris : Éditions du Seuil, 1982, pp. 45.

338 « The second image, I want to suggest, can be thought of as arising from the act of conscious interpretation » (L. Hockley, « The third image. Depth psychology and the cinematic experience », in : Jung and Films II, op.

cit., p. 139. Je traduis).

339 R. Barthes, L’Obvie et l’obtus. Essais critiques III, op. cit., pp. 45-46. 340 G. Deleuze, Logique du sens, Paris : Éditions de Minuit, 1969, p. 34. 341 Ibid., p. 45.

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spectateur avec le film. De la même manière, le troisième sens « excède la copie du motif référentiel, il contraint à une lecture interrogative »342. Tel l’événement, la troisième image et

le troisième sens sont indicibles. Alors que la troisième image est « tertium non datur », elle s’impose comme le résultat d’un transfert dans une expérience spectatorielle individuelle. Ainsi, elle comprend inévitablement des éléments inconnus et inconnaissables, c’est-à-dire symboliques. Comme l’événement qui est une question à laquelle seul l’événement peut répondre, la troisième image semble être non objectivable et n’exister que sous sa forme psychique : elle perd son sens absolu dès lors qu’elle est exprimée. Elle s’approche alors du troisième sens qui correspond à un signifié innommable, c’est-à-dire à quelque chose qu’on tente de nommer mais qu’on ne peut décrire car il ne copie rien, il ne représente rien mais s’impose comme « la forme même d’une émergence, d’un pli (voire d’un faux pli) »343. Ce

niveau de la signifiance est « le contre-récit même »344, s’approchant de la « mauvaise

lecture »345 à l’origine de la troisième image.

Bien que Barthes propose des exemples d’éléments précis à l’origine d’un sens obtus, ce dernier, à l’instar de la troisième image, semble être bien plus personnel pour être généralisé. Dans la scène d’Antichrist, ce troisième sens, qui a quelque chose à voir avec le déguisement visible, pourrait se trouver dans le brin d’herbe au premier plan, entravant légèrement la vue du visage de l’enfant tordu de douleur. Pour Barthes, ce troisième sens se situe où commence un autre langage, défini en tant que langage filmique346. Mais s’il

correspond à celui de la troisième image, ce langage ne pourrait-il pas être celui de la psyché ? Il serait alors insaisissable, tel l’événement venant « depuis le passé comme avenir absolu », tant la troisième image, si on la considère comme le résultat d’un transfert, surgit du passé du spectateur et annonce son avenir psychique.

La troisième image advient comme un événement en ce sens qu’elle est en mesure d’affecter émotionnellement le spectateur. Damasio explique que les émotions provoquent des réactions physiques347. Certaines situations du film, similaires à des événements appartenant

au passé du spectateur, peuvent entraîner des émotions qui se manifestent dans son corps et

342 Ibid., p. 44. 343 Ibid., p. 56. 344 Ibid.

345 « …a type of “misreading” of the film » (L. Hockley, « The third image. Depth psychology and the cinematic experience », in : Jung and Films II, op. cit., p. 133. Je traduis).

346 « … le filmique est donc exactement là, dans ce lieu où le langage articulé n’est plus qu’approximatif et où commence un autre langage […] Le filmique, c’est, dans le film, ce qui ne peut être décrit, c’est la représentation qui ne peut être représentée » (R. Barthes, L’Obvie et l’obtus. Essais critiques III, op. cit. , pp. 58).

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surgissent de sa mémoire, elle-même au cœur du phénomène de transfert. Comme l’événement qui « doit être accueilli là où il tombe »348, le spectateur doit accepter les

émotions du film et le transfert, avant même qu’il n’ait eu lieu. Selon Derrida, l’événement suppose

« un certain “oui”, un “oui” à, un “oui” à l’autre qui n’est peut-être pas sans rapport à un “oui” à l’événement, c’est-à-dire un “oui” à ce qui vient, au laisser-venir. L’événement, c’est aussi ce qui vient, ce qui arrive […]. Il y a un “oui” à l’événement ou à l’autre, ou à l’événement comme autre ou venue de l’autre, dont on peut se demander si justement cela se dit, si ce “oui” se dit ou non »349.

De la même manière, le transfert s’impose aux deux individus qui le vivent, alors que la troisième image s’impose au spectateur. Au sein de l’expérience du film, le spectateur peut décider ne pas se laisser affecter, en ne regardant pas. Mais si un transfert se met en place, il ne peut pas décider de se laisser affecter : dès qu’il regarde, il est inévitablement affecté par le film : il doit dire oui au transfert avant même qu’il y ait l’idée du transfert. Ainsi, la troisième image semble pouvoir agir le sujet qui en fait l’expérience : elle ferait alors événement dans l’expérience spectatorielle. Son étude contribue à interroger la « signification psychologique des films », à la fois personnelle et collective, qui existe « entre les aspects représentationnels et ce qui est dit en termes plus conceptuels »350.

La dimension hétérochronique du cinéma

analytique

À travers des thèmes psychanalytiques et par la réflexivité dont il fait preuve, le cinéma analytique dédouble la situation spectatorielle et celle de la cure. Ainsi, il met en évidence certains points communs entre le cinéma et la psychanalyse, notamment entre l’expérience spectatorielle et celle du transfert. Depuis la salle de cinéma, que le caractère hétérotopique approche du lieu de la cure favorisant le transfert, le spectateur est inséré, par la mise en abyme de sa position, dans un espace diégétique également hétérotopique.

348 D. gé Bartoli et S. Gosselin, « La Blessure de l’événement », in : Multitudes n°55, 2014/1, p. 111.

349 J. Derrida, « Une certaine possibilité impossible de dire l’événement », in : Dire l’événement, est-ce

possible ?, op. cit., p. 84.

350 « …to exploring the psychological significance of films in which meaning exists somewhere in the interplay between the representational aspects of cinema and what is signified in more conceptual terms » (L. Hockley, « The third image. Depth psychology and the cinematic experience », in : Jung and Films II, op. cit., p. 133. Je traduis).

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Dans cet espace doublement hétérotopique, le spectateur se confronte à un mélange de temporalités, passées, présentes, effectives et ressenties. Ainsi, le deuxième trait caractéristique du cinéma analytique correspond à la dimension hétérochronique de la temporalité qu’il implique. Tout comme le temps est au cœur du processus analytique et du transfert, qu’il soit interne à la cure ou qu’il apparaisse lors de toute relation à autrui, les images de cinéma possèdent un caractère hétérochronique. Dans le transfert, la répétition du passé résulte d’un double déplacement, spatial et temporel, permettant ainsi à l’individu qui transfère de trouver un lieu « où des représentations “anciennes” sont actualisées »351. Cette

répétition « se présente essentiellement comme une injonction à oublier le passé pour en faire du présent, à reporter sur le présent les formes et les prototypes des relations entretenues dans le passé »352. Ainsi, à l’instar du temps ressenti dans le transfert qui correspond à la répétition

d’un passé psychique, réactualisé dans un hors temps inclus dans le présent, l’expérience temporelle du spectateur de cinéma est dédoublée, en ce sens que « [l]a mise en intrigue audiovisuelle apparaît donc toujours comme une reconfiguration de l’expérience temporelle censée être vécue par les personnages fictionnels et vécue par le spectateur lui-même »353.

351 J.-P. Lucchelli, Le Transfert de Freud à Lacan, Rennes : Pur, 2009, p. 26. 352 J. Sédat, « Le temps à retrouver », op. cit., p. 180.

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Le cinéma analytique

Par son déplacement spatial et temporel, le transfert implique à la fois une utopie – il est un lieu idéal où l’on actualise une situation fantasmatique – une hétérotopie – dirigé vers le passé, il survient dans un lieu effectif bien qu’il soit psychique – et une hétérochronie – il a lieu hors du temps réel. En effet, le transfert surgit dans un temps déterritorialisé : il survient depuis l’inconscient, corps psychique mémoriel, temporel et non spatial354. Pourtant,

l’inconscient semble enraciné dans le lieu physique de la psyché, puisque selon Jung, les archétypes sont comme des matrices structurelles, des emplacements biologiques. Ainsi distingué du corps physique, il n’en est pas moins inséparable et solidaire : pas de corps sans psyché ni de psyché sans corps. À l’instar de son aspect hétérotopique, le caractère hétérochronique du transfert est double. D’une part, il ressort de la confusion des temporalités passées et présentes qui se retrouvent dans les films dont la réflexivité formelle provoque un retour du passé diégétique, et la réflexivité citationnelle donne lieu au retour d’un passé collectif. D’autre part, le passé qu’il actualise est lui-même de nature hétérochronique tant il est psychique, c’est-à-dire fantasmatique et non vécu. En outre, le transfert provoque une double répétition : tout comme le passé se répète à cette occasion, le transfert se répète séance après séance et cure après cure. Sorte de « bulle […] exclusivement incluse dans l’existence du sujet »355 et reliée à un « temps extra-territorial [et] extra-ordinaire »356, le transfert semble

s’imposer dans le temps imprévisible de l’événement : en rupture avec le temps linéaire traditionnel, il surgit dans l’instant présent, hors de la durée, tel un kairos dans la rencontre du spectateur avec les images des films.

354 J. Sédat, « Le temps à retrouver », op. cit.

355 V. Medda, « Hétérochronie du transfert », op. cit., p. 139. 356 Ibid.

DEUXIEME PARTIE.

LES « PSYCHES-FILMS » DU CINEMA

ANALYTIQUE : UNE CONSTRUCTION

SPATIOTEMPORELLE PROPICE AU

TRANSFERT

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Dédoublant des éléments qui se rapportent à la fois à la situation spectatorielle et à la situation transférentielle, tels le caractère hétérotopique de leur espace de projection, mécanique ou psychique et le caractère hétérochronique de la temporalité qu’impliquent les deux expériences, les films étudiés appartiennent à un cinéma analytique. Leurs réflexivités formelle, citationnelle et parfois thématique témoignent de leur caractère introspectif. Les fausses répétitions mettent en évidence des éléments importants tout en réfléchissant sur leur signification, par des modifications au sein de la réitération. La réflexivité citationnelle cinématographique, au travers des répétitions de films antérieurs des réalisateurs au sein de leurs propres œuvres, met en évidence la hantise d’un film par d’autres œuvres influentes. Enfin, les films proposent une analyse de la position spectatorielle à travers sa mise en abyme. Dédoublant la position du spectateur, certains personnages diégétiques témoignent des similitudes de sa situation avec celle de la cure, tant les films sont également sous-tendus par une forte influence psychanalytique.

Toutefois, alors que le transfert se manifeste dans toute relation interpersonnelle, il implique inévitablement la rencontre de deux psychés : interroger son surgissement dans l’expérience spectatorielle présuppose donc d’appréhender le film en tant que psyché. Outre la réflexivité qui lui est inhérente et qui contribue à la mise en évidence de la situation spectatorielle dans ce qu’elle a de propice au transfert, le cinéma analytique favorise la création de « psychés-films ». Ce que je propose de qualifier de « psyché-film » correspond à un film assimilable à l’objectivation d’une psyché en projection, c’est-à-dire que ses contenus psychiques sont rendus visibles à l’écran, comme ils le sont dans des rêves racontés. Néanmoins, concevoir la « psyché-film » ne correspond pas à la simple possibilité d’appréhender le caractère psychique de certains contenus du film. Afin d’être considérée comme un analogon de la psyché selon son modèle jungien, la « psyché-film » implique à la fois une construction spatiale et temporelle de l’œuvre ainsi qu’un inconscient propre au film se révélant notamment par sa constitution figurale. Ainsi, le film peut évidemment être vu comme une fiction qui raconte une histoire, mais la construction spatio-temporelle globale et la constitution figurale de la « psyché-film » doivent favoriser son interprétation en tant qu’objectivation d’une psyché en projection. Cette deuxième partie va se limiter à l’analyse des spécificités temporelles et spatiales des films étudiés en tant que « psychés-films ». Ces films ne se limitent pas au dédoublement des situations psychanalytique, spectatorielle et transférentielle. Alors qu’elle réactive le passé, la temporalité offerte par leurs images est assimilable à celle du conscient et des inconscients personnel et collectif. Se déroulant en huis clos, tout leur espace diégétique peut