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Chapitre 1. Caractéristiques des différents espaces hétérotopiques impliqués dans les

1.1. Espace extérieur de la rencontre

1.1.2. Mise en abyme de la position spectatorielle et ses similitudes avec les positions

Mettant en scène des situations rappelant plus ou moins directement la relation patient- thérapeute, les films appartenant à ce que je définis en termes de cinéma analytique se déroulent dans des espaces diégétiques qui correspondent également à des hétérotopies de déviation ou de crise. Ainsi, dans Persona, les protagonistes évoluent dans deux lieux : après s’être rencontrées dans une clinique psychiatrique correspondant à une hétérotopie de déviation40, Elisabet et son infirmière Alma s’isolent dans une villa insulaire pour un séjour

de convalescence. Par nature, l’île, certes fréquemment présentée comme utopique, est également hétérotopique, notamment car elle bénéficie d’un double statut. Il s’agit d’une part d’un lieu fermé, propre à l’emprisonnement et d’autre part d’un lieu étranger perméable dont l’accès se fait par bateau, « hétérotopie par excellence »41 selon Foucault. Par ailleurs, lieu

duquel nous ne voyons ni arriver ni repartir les deux femmes et dans lequel elles subiront une transformation psychique résultant d’un phénomène de transfert, la villa est une hétérotopie de crise.

D’une manière similaire, après une courte scène au cimetière42, la femme d’Antichrist

est hospitalisée dans une clinique psychiatrique où son mari vient lui rendre visite. Tous les deux s’isolent ensuite dans leur appartement puis dans un chalet au milieu des bois. Dans ce dernier, les protagonistes vivent une situation de crise s’achevant sur la mort de la femme et l’initiation de l’homme qui, après l’avoir tuée, peut enfin quitter ce lieu dans lequel se produisent des événements surnaturels. Le passage entre les différents lieux n’est pas visible, excepté l’accès au chalet qui se fait en plusieurs étapes nécessitant un comportement de plus en plus actif de la part des personnages. D’abord ces derniers prennent un train, emplacement

39 S. Freud, Leçons d’introduction à la psychanalyse, Paris : Payot, [1916] 1962, p. 11. 40 M. Foucault, « Des espaces autres (1967) », op. cit., p. 757.

41 Ibid., p. 762.

42 Selon Foucault, le cimetière est également une « curieuse hétérotopie » car il s’agit d’un « lieu autre par rapport aux espaces culturels ordinaires, c'est un espace qui est pourtant en liaison avec l'ensemble de tous les emplacements de la cité ou de la société ou du village, puisque chaque individu, chaque famille se trouve avoir des parents au cimetière » (Ibid., p. 757).

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mobile permettant de passer d’un point à un autre tout en restant immobile. L’homme et la femme roulent ensuite en voiture vers la forêt qui semble les engloutir43 avant de terminer

leur voyage vers le chalet à pied. Ainsi, le lieu, inaccessible pour un véhicule, est isolé : une fois qu’ils ont pénétré l’espace forestier entourant le chalet et qu’ils nomment Éden, les protagonistes sont exclus du reste du monde. Le nom choisi pour désigner ce lieu inquiétant, à la fois isolé et pourtant pénétrable, accentue le sentiment ambivalent qui s’en dégage : défini comme un jardin dans les récits bibliques, Éden est inévitablement hétérotopique. En effet, Foucault remarque que « [l]e jardin traditionnel des Persans était un espace sacré »44. Or, le

terme paradis vient d’un mot persan signifiant jardin et désigne Éden45, lieu duquel le couple

primordial fut chassé. Interdit pour ce couple qui en est exclu, le paradis sera à nouveau accessible à la fin des temps correspondant à un accomplissement et non à un retour aux origines et pourtant marquée par « un retour à la luxuriance du jardin d’Éden »46.

Dans L’Heure du loup, Alma et Johan, isolés sur l’île de Baltrüm, sont très affectés par les événements qui s’y déroulent tout au long du film et qui provoquent la mort finale de Johan. Ce caractère hétérotopique du lieu est accentué par son accessibilité : le couple arrive sur l’île à bord d’une barque qui navigue depuis l’horizon dépouillé. Une fois que Johan et Alma sont descendus de l’embarcation, elle repart vers l’horizon. Les protagonistes sont ainsi définitivement isolés et ne quitteront pas l’hétérotopie insulaire qu’est l’emplacement effectif et pourtant disposé à l’imaginaire de l’île de Baltrüm, existant tout autant pour le spectateur que pour les protagonistes et dans laquelle les fantasmes peuvent s’incarner.

Les personnages de Melancholia sont, quant à eux, isolés du reste du monde dans le château et la propriété qui l’entoure. Ce lieu de crise dans lequel se déroule le mariage saboté est enfin détruit lors de l’apocalypse. Dès le début du film, l’accès à cette propriété est présenté comme difficile : la limousine conduisant les jeunes mariés ne peut accéder jusqu’au château car la route est trop étroite et sinueuse. Le couple termine donc le chemin à pied. Les personnages principaux ne sortiront plus de cet espace, et ce malgré le retour de Justine,

43 L’arrivée dans la forêt est filmée en plan demi-ensemble et en légère plongée, alors que la voiture roule sur un pont passant au-dessus d’un cours d’eau qui isole un peu plus l’espace du drame du reste du monde. L’eau très sombre donne l’impression que la forêt est entourée d’une matière noire. La caméra accompagne le mouvement de la voiture par un panoramique vertical laissant apparaître la cime des arbres qui semblent bouger par un mouvement d’aspiration intérieure. L’atmosphère angoissante ainsi créée est accentuée par les sons de coups frappés.

44 M. Foucault, « Des espaces autres (1967) », op. cit., p. 759.

45 M. Carrez, Dictionnaire des religions, P. Poupard (dir.), entrée « Paradis », Paris : Puf, 1984, pp. 1268-1269. 46 Ibid.

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supposant son départ durant l’ellipse qui sépare les deux parties. En effet, la jeune femme n’est jamais filmée à l’extérieur de la propriété.

Enfin, le film Nymphomaniac présente un espace complexe constitué de multiples hétérotopies et propice au transfert. La chambre de Seligman, dans laquelle il recueille Joe, est présentée comme l’unique lieu du présent. Son accès est difficile : le soleil n’y pénètre jamais et le franchissement du seuil, invisible, ne se devine qu’à travers le son de la chatière qui bouge lorsque la porte s’ouvre. Lieu de la transformation de Joe en meurtrière et de la mort de Seligman qui souhaitait y perdre sa virginité, cette chambre est ainsi le terrain d’événements critiques. Par ailleurs, entrecoupant les scènes de discussion entre les deux personnages et illustrant les propos de Joe, des images de flash-back présentent de nombreuses autres hétérotopies tels le train, l’hôpital, le cercle de dépendants, le cabinet sadomasochiste, etc.

Dans chacun de ses lieux isolés où la mort finit toujours par frapper47, les personnages

qui y pénètrent en sont du même coup exclus. En effet, dans la villa du médecin, les deux femmes de Persona sont isolées du reste du monde, à la fois physiquement et psychiquement : lorsque le mari d’Elisabet vient leur rendre visite, elles ne semblent pas se trouver dans le même monde que lui qui ne voit qu’Alma et la confond avec sa femme se tenant pourtant juste à côté d’eux. Dans L’Heure du loup, isolés sur l’île de Baltrüm, les protagonistes sont également exclus de la réalité notamment parce qu’ils sont confrontés à l’incarnation de leurs fantasmes agissant comme des personnages réels. Alma et Johan, personnages réels a priori ne sont pas présentés comme moins illusoires que leurs fantasmes avec qui ils partagent ce qui apparaît pour le spectateur comme la réalité diégétique. Le couple d’Antichrist, dans un lieu dénommé ironiquement Éden, semble pourtant exclu du paradis : les événements tragiques auxquels l’homme et la femme vont être confrontés sont loin de créer une atmosphère idyllique. Dans Melancholia, dès lors qu’elle pénètre le huis clos de la propriété, Justine, qui jusque-là paraissait réjouie de son mariage, s’en exclut, tout en excluant les autres de son monde personnel et intime. Enfin, dans Nymphomaniac, le spectateur est en permanence visuellement exclu de l’espace diégétique, que ce soit par les flash-back qui l’éloignent de l’espace du présent ou inversement, par les retours réguliers à l’espace diégétique de la chambre, l’excluant des espaces du passé de Joe.

47 Dans Persona, Elisabet regarde, à la télévision, les images d’un bonze s’immolant par le feu à Saigon et Alma raconte son avortement vécu comme le meurtre de l’enfant. Dans Nymphomaniac, l’avortement de Joe est filmé en plan rapproché et s’achève sur un gros plan du fœtus. Le film se termine sur le meurtre de Seligman, comme

Antichrist se termine sur celui de la femme alors qu’il avait commencé par l’accident fatal de l’enfant. Melancholia se termine également sur la mort des personnages lors de l’apocalypse. Enfin, dans L’Heure du loup Johan raconte en flash-back comment il a tué un enfant, puis meurt à la fin du film.

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À l’instar de nombreux lieux, ceux du cinéma, de la cure et les espaces diégétiques des films étudiés sont donc hétérotopiques. De plus, les positions prises, soit par les personnages, soit par le spectateur et le film, soit par l’analyste et l’analysant, s’avèrent présenter certaines analogies. Face au film, le spectateur voit les images sans être vu et écoute les sons sans intervenir, tout comme l’analyste, dans la pratique freudienne, prend place derrière l’analysant pour lui être invisible et intervient le moins possible. Pourtant, dans une position semi- allongée rappelant celle de l’analysant étendu sur un divan, le spectateur peut baisser ses défenses afin de se laisser affecter par l’œuvre. Par ailleurs, Luke Hockley remarque que bon nombre de thérapeutes, suivant notamment la technique jungienne, regardent directement le patient tout au long de la session afin de construire une sorte de pont imaginaire entre eux deux48. L’analysant peut, quant à lui, regarder où il veut, tout comme le spectateur peut, s’il le

souhaite, ne pas regarder le film qui est toujours dirigé vers lui bien qu’il ne le voie pas réellement. Pourtant, la plupart du temps, le spectateur, indispensable à sa perception, regarde constamment le film qui n’est pas conscient d’être observé. Parallèlement, le spectateur est certes conscient de regarder mais ne l’est pas des conséquences psychiques provoquées par la perception du film qui, si elle engendre un transfert, est en mesure d’altérer sa psyché : le spectateur et le film sont comme l’analyste et l’analysant se trouvant, selon Jung, dans une relation basée sur une commune inconscience49. Ainsi, ni le spectateur ni le film ne prennent

tout à fait la place de l’analyste ou de l’analysant, tout en prenant chacun un peu la place de l’un et de l’autre.

Dans les espaces diégétiques des films étudiés, propices au transfert, les personnages se trouvent aussi dans des positions assimilables à celles de l’analyste et de l’analysant au cours de la cure psychanalytique. La possibilité de l’émergence d’un phénomène de transfert entre les personnages est ainsi favorisée, phénomène qui pourrait témoigner d’un processus d’individuation (cf. chapitre 6). Ainsi, en est-il des deux femmes de Persona : mutique, Elisabet dans une position rappelant celle de l’analyste, observe et écoute Alma pendant que cette dernière, telle l’analysante, se confie et se confesse. Pourtant, en tant qu’infirmière, Alma prend une position proche de celle du médecin et donc de l’analyste alors qu’Elisabet assure le rôle de la patiente. Tout comme le spectateur et le film, les deux femmes prennent chacune un peu la place de l’analyste et celle de l’analysante. En outre, la réflexivité

48 L. Hockley, « The third image. Depth psychology and the cinematic experience », in : Jung and Films II, op.

cit., p. 142.

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thématique50 de Persona accentue ces prises de position et transforme son espace en

hétérotopie d’illusion. En effet, lors du prégénérique, les visages des deux femmes sont projetés sur un écran. Leur statut d’actrices et de personnages cinématographiques est ainsi souligné par la mise en abyme du motif de l’écran comme espace d’illusion. Ce statut est ensuite accentué par la confusion des deux femmes par le mari, marquant leur interchangeabilité en tant que projection d’images illusoires. Pourtant, l’homme semble n’être qu’une projection de l’esprit des femmes qui paraissent alors être plus réelles que lui. Par ailleurs, à l’instar de Liv Ullmann qui l’incarne, Elisabet est comédienne bien que, telle une spectatrice, elle regarde et écoute Alma. Cette dernière est la spectatrice de films dans lesquels a joué Elisabet mais à l’inverse du spectateur passif, elle parle et agit comme les personnages à l’écran. Ainsi, par son métadiscours sur le cinéma, présentant d’une part une figure de l’actrice et d’autre part le dispositif de production et de réception51, Persona met en

évidence les positions prises réciproquement par le spectateur et le film et leurs similitudes avec celles d’analyste et d’analysant.

Dans L’Heure du loup, la relation psychanalytique entre les personnages n’est pas aussi clairement réciproque. En effet, Alma prend une position d’analyste, écoutant les fantasmes et souvenirs d’enfance de son mari dont elle s’occupe alors qu’il sombre dans la folie et se confie tel un analysant. Pourtant, le premier personnage fantasmatique apparaît aux yeux d’Alma seule, avant qu’elle n’ait lu le journal intime de Johan. Ce personnage pourrait donc être un fantasme d’Alma qui serait ainsi assimilée à l’analysante aux yeux du spectateur comme en témoigne la réflexivité thématique du film. En effet, durant le prologue et l’épilogue, en regard caméra, Alma raconte au spectateur ce qui s’est produit sur l’île. Par la mise en évidence de la nature fictionnelle du film, due notamment aux bruits de tournages retentissant lors du générique, la réflexivité exacerbe son caractère fictionnel : dans ce lieu réel disposé à l’imaginaire, les fantasmes s’incarnent au même titre que les personnages réels. Alma et Johan ne sont donc plus que l’équivalent de fantasmes c’est-à-dire de « vision[s] hallucinatoire[s] »52, plus proches de personnages cinématographiques que d’individus réels.

Ainsi, alors qu’il erre dans le château à la recherche de son ancienne maîtresse Veronika Vogler, Johan est grimé. Ce maquillage insiste sur son statut de personnage tout en

50 P. Beylot, Le Récit audiovisuel, op. cit., p. 106.

51 En effet, le spectateur peut voir tour à tour la lampe à charbon et le mécanisme du projecteur, un écran de projection sur lequel apparaissent les visages des deux femmes, un enfant regardant et caressant cet écran, Elisabet face à un écran de télévision, la pellicule se déchirer et fondre (ce n’est évidemment pas la véritable pellicule du film que le spectateur visionne) ainsi que la caméra filmant Elisabet.

52 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, entrée « Fantasme » [consulté en ligne le 02/06/2015, URL : http://www.cnrtl.fr/definition/fantasme]

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témoignant de la réalité de l’acteur qui l’incarne. Dans cet espace d’illusion, Johan et Alma sont à la fois acteurs – elle parle à la caméra et lui joue un rôle pour retrouver Veronika – et spectateurs – elle observe, impuissante, les agissements de son mari et ils assistent à un spectacle de marionnettes. Ainsi, à l’instar de Persona, L’Heure du loup souligne les positions d’analyste, d’analysant, du spectateur et du film.

Dans les films de Lars von Trier, la dimension psychanalytique est très marquée, mais la réflexivité thématique est plus inhabituelle. Ainsi, dans Antichrist, le mari psychothérapeute, dépourvu de déontologie, impose à sa femme en deuil moult discussions et exercices aux résonances psychanalytiques. En outre, la présence d’un sofa dans le salon du chalet du couple rappelle celui des cures freudiennes. Le mari prend donc le rôle de l’analyste et la femme celui de l’analysante. Pourtant, les images fantasmagoriques, par exemple celles du renard doué de parole qui se dévore lui-même, n’apparaissent que lorsque le mari est seul et sont donc présentées comme ses hallucinations : le mari, souffrant de troubles mentaux, prend ainsi la place de l’analysant exprimant visuellement ses fantasmes. Par ailleurs, avant qu’elle ne devienne violente et tente de tuer l’homme, la femme, passive telle une spectatrice, se laisse porter par les événements. À l’inverse, lui est actif et dirige les déplacements. Une fois de plus, l’équilibre patient-thérapeute n’est pas respecté et les personnages prennent à la fois une place d’analysant, d’acteurs et de spectateurs.

Dans Melancholia, Claire prend soin de sa sœur Justine, souffrant de mélancolie. La position de celle-ci rappelle celle de l’analysante, en particulier lorsqu’elle raconte son rêve à Claire qui l’écoute, dans un rôle proche de celui de l’analyste. Mais lors de la seconde partie, Justine écoute Claire, sans pour autant tenter de la rassurer, quand celle-ci panique à l’idée de la fin de l’humanité : les rôles sont inversés. En outre, Justine est passive, spectatrice de la fête de son mariage organisée par Claire. Mais elle est également actrice lorsqu’elle feint d’être heureuse au cours de la réception. Les deux femmes sont aussi spectatrices de l’approche de la planète Melancholia qu’elles observent depuis la terrasse à l’aide d’appareils optiques. Ainsi, l’une comme l’autre prennent des positions proches de celles de l’analyste, de l’analysante mais aussi d’actrices et de spectatrices.

Dans Nymphomaniac, Joe raconte à Seligman sa vie de nymphomane, adoptant ainsi une position assimilable à celle de l’analysante. Face à ces confessions, Seligman prend un rôle d’analyste. Par ailleurs, Joe est actrice des flash-back pendant que Seligman en est le spectateur par imagination, puisqu’il ne peut qu’imaginer les événements que lui raconte Joe. Les rôles pris par les personnages sont figés mais celui de Joe est accentué par l’élément

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métadiscursif que constitue la caméra apparaissant brièvement dans un miroir. Cette réflexivité fugace insiste sur le statut de personnage de Joe rejouant sa vie.

Ainsi, dans ces espaces diégétiques hétérotopiques, les personnages occupent des positions assimilables à celles d’analyste et d’analysant tout en étant spectateurs et acteurs des événements. De cette manière, les protagonistes mettent en abyme la position spectatorielle vis-à-vis du film et réciproquement, sans que la réflexivité en soit indispensable, bien qu’elle l’accentue. Les œuvres font ainsi ressortir les similitudes entre ces différentes positions. En outre, la dimension hétérotopique de l’espace de la salle de cinéma, dans ses ressemblances avec l’espace de la cure, est reproduite à l’écran. Le résultat de la construction spatiale des films appartenant à un cinéma analytique est alors comparable à un espace sacré à l’instar des lieux de la cure et du cinéma. Cet espace est sacré en ce sens qu’il est privilégié, c’est-à-dire qu’il « possède des qualités, des particularités naturelles, favorables, profitables »53. Eliade

remarque que l’acte de création d’un monde transforme un Chaos en Cosmos, c’est-à-dire en un espace privilégié, et donc sacré, face auquel l’individu peut avoir « la révélation d’une autre réalité que celle à laquelle il participe par son existence quotidienne »54. L’homme non-

religieux peut également en faire l’expérience, notamment face aux espaces fictionnels du cinéma analytique, construits non plus suivant le modèle de la Création de l’Univers mais d’après celui de l’espace privilégié dédoublé de la cure et du cinéma.

Par la mise en abyme de sa position, le spectateur présent dans l’hétérotopie de la salle de cinéma est inséré, à travers son double, dans un espace diégétique hétérotopique au sein duquel se déroule une situation comparable à celle d’une cure psychanalytique. Un