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Temps de réponse aux comparaisons de matériel continu

4. CONCLUSION DU CHAPITRE II

2.3. Temps de réponse aux comparaisons de matériel continu

B.

Figure 16. Temps de réponses (et intervalles de confiance à 95%) obtenus à l’épreuve de comparaison approximative en T1 (A) et en T3 (B) selon les groupes et en fonction du ratio entre les quantités à comparer (en noir : enfants avec hémiparésie ; en gris : enfants du groupe contrôle).

2.3. Temps de réponse aux comparaisons de matériel continu

Une ANOVA à mesures répétées de même plan a également été conduite sur les temps de réponse obtenus à l’épreuve de comparaison non-numérique sur matériel continu, dont 5 % ont dû être écartés. Les résultats montrent que les enfants avec hémiparésie sont significativement plus lents (1625 ms) que ceux du groupe contrôle (1136 ms), F(1,28) = 17.65, p < .001, η2p = .39. L’effet de temps n’est pas significatif, F(1,28) = .31, p = .58, et il n’y a pas d’interaction entre les facteurs Groupe et Temps, F(1,28) = .13, p = .72. L’effet de ratio est significatif, F (2,56) = .5.88, p = .004, η2p = .17, mais il n’y a pas d’interaction entre les facteurs Groupe et Ratio, F (2,56) = .02, p = .98, ce qui indique que les longueurs sont traitées avec des temps de réponse comparables pour les deux groupes au sein de chaque condition, mais que deux bâtons dont le ratio de longueur est grand sont plus rapides à différencier (1341 ms) que ne le sont des bâtons de ratio moyen (1392 ms) ou de ratio petit (1410 ms). Les interactions triples faisant intervenir le Temps sont cependant significatives.

Les contrastes planifiés en T1 rapportent des différences significatives entre les deux groupes pour les trois ratios, F(1,28) = 13.47, p = .001, η2p = .32, F(1,28) = 13.37, p = .001, η2p = .32, F(1,28) = 14.24, p < .001, η2p = .34 pour les ratios large, moyen et fin, respectivement. En T3, les contrastes montrent que les différences entre groupes restent significatives également pour les trois ratios, F(1,28) = 11.75, p = .002, η2p = . 30, F(1,28) = 8.46, p = .007, η2p = .23, F(1,28) = 8.99, p = .006, η2p = .25 pour les ratios grand, moyen et petit, respectivement (Figure 17).

A.

B.

Figure 17. Temps de réponses (et intervalles de confiance à 95%) obtenus à l’épreuve de comparaison non-numérique en T1 (A) et en T3 (B) selon les groupes et en fonction du ratio entre les quantités à comparer (en noir : enfants avec hémiparésie ; en gris : enfants du groupe contrôle).

D - DISCUSSION

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Concernant les compétences de subitizing, nous avons montré que les participants avec paralysie cérébrale finissent par atteindre en dernière évaluation le même niveau d’efficacité que leurs pairs. Ainsi, contrairement aux quelques études menées chez des enfants plus jeunes (4 à 9 ans, Arp et al., 2006 ; Arp & Fagard, 2005 et 7 à 11 ans, Thevenot et al., 2014), nos résultats montrent que des enfants avec paralysie cérébrale de naissance sont en mesure de rattraper leur retard initial avancé par les auteurs pour atteindre le même niveau que leurs pairs au développement typique entre 11 et 17 ans, âges atteints en T3, même si le

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groupe contrôle a aussi progressé au cours des deux années. Cette amélioration significative des temps de réponse au cours des années pour les deux groupes laisse présager que le temps de quantification par subitizing puisse continuer à diminuer encore davantage avec l’âge.

Ainsi conformément à notre hypothèse, le retard observé chez les jeunes enfants avec paralysie cérébrale ne serait pas d’origine structurelle, mais pourrait être la conséquence d’une maturation plus lente liée à une amélioration du subitizing avec l’expérience.

Concernant la nature du lien entre doigts et nombres, ce résultat témoigne d’une indépendance des aires cérébrales garantes du subitizing de celles responsables des doigts, ce qui, a priori, est en défaveur d’une explication neuro-anatomique. Toutefois, certains auteurs remettent en cause la nature non-symbolique du traitement par subitizing et n’y voient qu’un dénombrement accéléré (Gallistel et Gelman, 1991), dans la continuité des temps nécessaires pour quantifier des quantités plus grandes. Si c’était aussi le cas chez les participants de l’étude, notre premier résultat montrant une dissociation entre habiletés motrices et subitizing ne serait donc finalement pas un argument fort pour avancer une indépendance cérébrale entre les habiletés digitales et la construction du nombre. En effet, les quelques études menées dans la paralysie cérébrale précédemment citées (Arp et al., 2006 ; Arp & Fagard, 2005 ; Thevenot et al., 2014) mettent également davantage en avant un processus de comptage séquentiel rapide dans le mécanisme de subitizing dans la paralysie cérébrale plutôt qu’une prise en compte parallèle de tous les éléments à la fois. D’après les auteurs, la faiblesse en subitizing chez les jeunes enfants avec paralysie cérébrale peut révéler un problème de traitement perceptif ou serait alors le témoin de la prégnance du procédé de dénombrement sur lequel l’accent est mis dans les enseignements scolaires. Pour vérifier avec précision la nature du processus de subitizing que les participants de notre étude ont mis en place, il nous a semblé intéressant d’analyser plus finement de façon post-hoc les profils des temps réponses aux épreuves de subitizing, en comparaison avec ceux obtenus en dénombrement. En cohérence avec les données de la littérature scientifique, l’analyse des temps de réponses nécessaires pour déterminer combien de points sont présents à l’écran dans l’épreuve combinant subitizing et dénombrement montre très nettement une rupture de difficulté entre la quantification des petites quantités et des plus grandes (Figure 18).

Figure 18. Temps nécessaires à l’épreuve de subitizing-dénombrement pour quantifier des collections en fonction de leur nombre de points (moyennes obtenues pour les deux groupes).

Contrairement à une limite de subitizing que nous avions retenue à 3 unités dans notre partie théorique, le profil des courbes montre des temps courts et assez homogènes pour déterminer les quantités de 2 jusqu’à 4 points compris. Cette limite à 4 entités est aussi retrouvée dans d’autres études, mais plutôt chez des adultes (Mandler & Shebo, 1982). Nos résultats montrent que la quantification de ces petites quantités nécessite ainsi en moyenne des temps inférieurs à 1500 ms avec un temps de prise en compte par point supplémentaire moyen de 238 ms (± 16 ms) et la détermination des quantités supérieures à 4 points des temps requiert d’emblée des temps de réponse supérieurs à 2000 ms, augmentant encore progressivement en fonction du nombre de points à considérer d’un pente moyenne de 506 ms (± 233 ms). De plus, la rupture de temps de réponse entre petites et grandes quantités

! B.

Figure 19. Temps nécessaire à l’épreuve de subitizing-dénombrement pour quantifier des collections en fonction du nombre de points et du groupe (A : contrôle ; B : clinique).

Ainsi, nos observations suggèrent l’existence de deux mécanismes cognitifs distincts de quantification, l’un pour le subitizing qui serait très rapide et de nature non-symbolique, compétences révélée ici dans une population avec atteinte des habiletés digitales est donc un argument robuste pour avancer la possible indépendance cérébrale des fonctions digitales et des compétences numériques.

Concernant les habiletés de comparaisons analogiques approximatives, la différence de moyennes des temps de réponses entre le groupe clinique et le groupe contrôle est présente en première et dernière évaluation. Ce résultat ne réplique pas celui trouvé chez des enfants de 7 à 11 ans (Thevenot et al., 2014), mais rappelons que l’épreuve utilisée dans notre étude était davantage contrôlée concernant les dimensions continues et donc plus difficile pour les participants (Gebuis & Reynvoet, 2012). L’absence de progrès entre l’évaluation initiale et la dernière évaluation ne laisse pas présager une amélioration possible du groupe d’enfants avec hémiparésie. Cependant, en dernière évaluation, les participants atteignent des temps de réponse comparables à ceux du groupe contrôle lorsque le ratio entre les deux quantités analogiques à comparer est petit. Ce n’est pas le cas lorsque le ratio est moyen ou large. Nous avons pu confirmé ces mêmes résultats en utilisant en complément en dernière évaluation les

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images numériques hautement contrôlées construites avec Matlab (Gebuis & Reynvoet, 2011) transmises directement par Tali Leibovich que nous remercions sincèrement.

Cette fois-ci, le déficit conjoint entre habiletés digitales et compétences non-symboliques est en faveur de l’explication neuro-anatomique et est contraire aux prédictions faites en lien avec l’hypothèse fonctionnelle classique où le non-symbolique devrait rester indépendant des compétences symboliques ultérieures. Mais de façon cruciale, ce déficit du traitement des quantités analogiques discontinues, supposé être de nature numérique, est également associé à un déficit du traitement non-numérique des magnitudes continues. Ce résultat conjoint pourrait corroborer l’existence d’un système unique de comparaison des magnitudes, responsable à la fois des comparaisons des dimensions perceptives continues et des dimensions discontinues numériques (Leibovich et al., 2017). Il est même possible que le système de comparaison repose ainsi sur une intégration sensorielle plutôt qu’un traitement des numérosités en soi (Gebuis, Kadosh, & Gevers, 2016). Pour attester la similarité entre les deux épreuves de comparaison sur matériel continu et discontinu, nous avons souhaité mener des analyses post-hoc complémentaires. En effet, les temps de réponses obtenus à ces deux épreuves corrèlent très fortement entre eux, r = .70, p < .001, sans corréler avec les temps de réponses obtenus en subitzing, r = .28, p = .13 et r = .24, p = .20 pour l’épreuve de comparaisons sur matériel discontinu et continu, respectivement. Avec ces deux arguments, déficit conjoint et corrélation entre les deux épreuves de comparaison, nous pouvons donc douter que la tâche de comparaison approximative teste bien des compétences de nature numérique. Ainsi, s’il l’on considère que cette tâche ne révèle finalement pas du traitement de la quantité, le déficit conjoint entre habiletés digitales et cette épreuve non-symbolique ne permet donc finalement pas d’assurer que la construction du nombre soit influencée par l’intrication neuronale des aires des doigts et du « sens du nombre ». D’ailleurs, rappelons que, dans la perspective à nouveau très récemment avancée dans la littérature scientifique concernant un retour possible des difficultés symboliques vers le non-symbolique (De Smedt et al., 2013 ; Lyons et al., 2018 ; Noël et al., 2013 ; Rousselle & Noël, 2007), un déficit dans l’épreuve de comparaisons approximatives peut également être observé dans l’hypothèse fonctionnelle en cas de difficultés au niveau symbolique. Pour vérifier la possible influence temporelle du symbolique sur le non-symbolique au sein de notre étude, nous avons mesuré de façon post-hoc les corrélations entre ces deux niveaux. Les temps de réponse de l’épreuve de comparaison de nombres recueillis en T1 corrèlent fortement avec les temps de réponses mesurés deux ans plus tard, en T3, pour l’épreuve de comparaison approximative et de

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subitizing, r = .69, p < .001 et r = .73, p < .001, respectivement. Ainsi le pouvoir prédicteur des compétences symboliques vers les compétences non-symboliques va dans le sens de l’hypothèse d’un effet rétroactif des connaissances symboliques sur le degré de réussite non-symbolique. La corrélation entre habiletés non-symboliques initiales et compétences symboliques reste forte également (r = .49, p = .006 et r = .60, p < .001, respectivement entre les temps de réponses en première évaluation de comparaison approximative et de subitizing avec ceux de dernière évaluation en comparaison de nombres). Ces résultats montrent une influence mutuelle entre le non-symbolique et le symbolique.

Rappelons également que, parmi toutes les données cognitives contrôlées en évaluation initiale, seuls les temps de réponses à l’épreuve visuo-spatiale obtenus par les participants avec hémiparésie sont significativement plus lents que ceux des participants du groupe contrôle. Puisque nous venons de remettre en cause le caractère numérique de la tâche de comparaison approximative, nous avons souhaité vérifier, également de façon post-hoc, le lien qu’elle entretient avec ces capacités de perception visuelle. Il se trouve justement que les temps de réponses à l’épreuve évaluant les capacités visuo-spatiales corrèlent avec ceux obtenus à l’épreuve de comparaison approximative de quantités de cubes et de comparaison de longueurs de bâtons, r = .47, p = .009 et r = .45, p = .01, respectivement. Ainsi, une faiblesse en analyse visuo-spatiale pourrait très bien être à l’origine de ces difficultés de traitement visuel où une analyse fine est nécessaire. Pour en attester, nous avons pensé de façon post-hoc à mener des ANCOVAs de même plan que ceux présentés dans la partie empirique, où les temps de réponse obtenus à l’épreuve visuo-spatiale ont cette fois été entrés en covariance. Leurs résultats confirment notre hypothèse puisque la prise en compte statistique des différences visuo-spatiales permet de conclure à des résultats similaires pour les deux groupes, à l’épreuve de comparaison de quantités discontinues, p = .19 et, dans une moindre mesure, à l’épreuve de comparaison approximative de quantités continues, p = .07.

De plus, pour contrôler la spécificité de l’effet des habiletés visuo-spatiales, nous avons aussi vérifié que la prise en compte en covariance des scores de dextérité de la main dominante n’a effectivement pas le même effet. Dans ce cas, les différences de groupe restent bien présentes, p = .02 et p = .003 pour l’épreuve de comparaison de quantités discontinues et l’épreuve de comparaison approximative de quantités continues, respectivement. Ainsi, ces analyses complémentaires montrent que la faiblesse du système de traitement des magnitudes des participants avec paralysie cérébrale ne serait finalement pas du tout en lien avec leurs habiletés digitales de dextérité, mais dépendrait davantage de leurs capacités visuo-spatiales.

PARTIE EMPIRIQUE

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Chapitre III

Le développement des compétences numériques semi-symboliques

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A – HYPOTHÈSES

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De façon visible, les doigts sont impliqués concrètement dans les compétences semi-symboliques puisque les composantes sensori-motrices sont indispensables pour mener les activités de cette nature (Figure 12, partie de droite). Dans la littérature scientifique, les compétences de dénombrement sont les seules activités semi-symboliques étudiées dans la paralysie cérébrale. Les études rapportent une faiblesse notoire dans ces compétences (Camos, et al. , 1998 ; Mazeau, 1995 ; Thevenot et al., 2014) qui serait d’origine visuelle ou gestuelle mais pas d’ordre conceptuel (Camos et al., 1998 ; Dellatolas et al., 2005). En lien avec l’hypothèse fonctionnelle, nous prédisons donc que toutes les compétences semi-symboliques, à savoir quantification de doigts levés, mais aussi dénombrement visuel et comptage sur les doigts, soient impactées dans le cadre de la paralysie cérébrale.

B - DESCRIPTIF DES ÉPREUVES 1. QUANTIFICATION DE DOIGTS LEVÉS

Dans cette épreuve de quantification, les enfants doivent identifier le plus rapidement possible le nombre de doigts levés sur des photos de mains d'enfants, présentées paumes visibles. Leur réponse numérique est donnée oralement. Les dispositions des doigts sont soit canoniques, c’est-à-dire celles habituellement utilisées au quotidien, soit non-canoniques (Figure 20). Seules les quantités 5 et 10 sont écartées du dispositif car elles ne peuvent être présentées que de façon canonique sur une et deux mains respectivement. Deux tailles de configurations sont distinguées selon que les quantités sont représentées à l’aide d’une ou de deux mains. Pour présenter les petites quantités de 1 à 4, la main gauche et la main droite sont alternativement utilisées. Concernant les quantités 6 à 9, une main avec 5 doigts levés est systématiquement utilisée pour les configurations canoniques mais également alternativement à gauche ou à droite. Les grandes quantités non-canoniques sont caractérisées par des configurations inhabituelles de doigts levés sur les deux mains. Les pourcentages de réussite et les temps de réponses pour chaque taille sont les variables dépendantes recueillies.

A. B.

Figure 20. Exemples de configurations digitales canonique (A) et non canonique (B).

2. DÉNOMBREMENT DE POINTS

Les capacités de dénombrement sont évaluées lors de la même épreuve que celles de subitizing. Des quantités de 2 à 9 points sont présentées sur écran selon trois conditions : disposition aléatoire, disposition géométrique où les points sont agencés selon une forme facilement identifiable et disposition canonique, c’est à dire où les points sont organisés comme sur un dé jusqu’à 5 et selon la décomposition 5 + n pour les quantités à partir de 6 (Figure 21). Il est demandé aux enfants de dire combien de points ils voient à l’écran, le plus rapidement possible. Seuls les pourcentages de réussite et les temps de réponse obtenus pour les quantités 4 à 9 sont retenus pour décrire les capacités de dénombrement, en distinguant les trois conditions de disposition des points.

A. B. C.

Figure 21. Exemples de dispositions aléatoire (A), géométrique (B) et canonique (C).