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Suggate et al., 2017).

Pour conclure sur l’importance de la dextérité dans le développement des compétences mathématiques, les habiletés motrices restent ainsi engagées dans les tâches arithmétiques effectuées par l’adulte, malgré l’absence de signes visibles extérieurement. Cette implication pérenne suggère l’existence d’associations à long terme entre doigts et calcul. Celles-ci auraient été constituées au cours de l’enfance lorsque les enfants mobilisaient des stratégies digitales dans des activités numériques. Dans le cadre de la cognition incarnée, Lakoff et Núñez (2000) considèrent que les expériences corporelles d’un enfant pendant les phases de l’acquisition du concept de nombre font partie intégrante de la cognition numérique d’un adulte. Autrement dit, le concept de nombre est toujours en lien avec des « connotations sensori-motrices » (Fischer et al., 2017). Comme des activations se manifestent aussi dans les circuits neuronaux moteurs, reste à comprendre si les implications digitales en lien avec les traitement du nombre sont imposées par l’anatomie neuronale de naissance ou si elles prennent peu à peu ancrage dans les stratégies fonctionnelles lors des premiers apprentissages.

3.6. Conclusion sur les compétences numériques symboliques

L’utilisation du nombre dans ses dimensions symboliques reste ancrée dans les manipulations analogiques des quantités. Pour exemple, les épreuves de comparaison de nombres écrits ou oraux présentent les mêmes effets de distance et de taille caractérisant justement les traitements de quantités non-symboliques. Par ailleurs, nos habitudes de comptage sur les doigts influencent également nos comportements cognitifs face aux symboles numériques. Ayant réussi à attribuer un sens exact aux nombres, l’enfant est ensuite capable de les manipuler lors de transformations additives. Là encore, les doigts assurent une transition vers le calcul mentalisé. Cependant, même quand les doigts ne sont plus utilisés de façon visible, les performances d’un enfant ou d’un adulte sont en lien avec leurs habiletés sensorimotrices, telles la gnosie digitale et la dextérité fine. La nature de l’implication des doigts dans la cognition numérique reste cependant encore discutée.

4. LA NATURE DU RÔLE DES DOIGTS

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Au cours des paragraphes précédents, nous avons rapporté de nombreuses études montrant que les compétences numériques sont en lien avec les doigts tout au long de leur développement. Les débats récents apparus en psychologie cognitive, en psychologie du

développement et en neurosciences proposent principalement deux thèses différentes pour expliquer la nature de ce lien. Celles-ci étaient souvent présentées de façon plutôt opposée (Costa et al., 2001) ou au contraire aujourd'hui dans une perspective davantage complémentaire (Soylu et al., 2018). Nous avons vu que pour certains auteurs, les compétences numériques non-symboliques seraient déjà enracinées au niveau cérébral au sein du sillon intra-pariétal, où sont justement aussi localisées les aires responsables des habiletés digitales. Cet ancrage anatomique expliquerait aussi le lien entre les doigts avec les autres compétences numériques ultérieures symboliques puisqu’elles prendraient justement appui sur le « sens du nombre » d’origine non-symbolique. Nous ne pouvons cependant pas affirmer que le lien entre doigts et nombres soit seulement dû à l’intrication anatomique des zones cérébrales responsables de la sensori-motricité des doigts et de celles du « sens du nombre ».

Comme l’avancent d’autres auteurs, ce lien pourrait aussi être expliqué par l’implication fonctionnelle des doigts dans les premiers apprentissages numériques via les manipulations concrètes de quantités observées pendant les activités semi-symboliques. Nous verrons qu’une troisième approche tente de combiner ces deux thèses selon l’hypothèse de redéploiement des aires neuronales. Enfin, des auteurs se demandent également si les doigts sont forcément indispensables dans le développement des compétences numériques des enfants. Car, comme le remarquent Andres et Pesenti (2015), le fait que les habiletés digitales soient absolument nécessaires pour l’apprentissage arithmétique reste à montrer. En effet, des travaux récents, déjà signalés en introduction, ont nuancé le caractère indispensable du recours aux doigts, que cela soit chez des enfants ordinaires (Lafay et al., 2013) ou avec des atteintes sensorielles ou motrices, comme la surdité (Spaepen, Coppola, Spelke, Carey, &

Goldin-Meadow, 2011), la déficience visuelle (Crollen et al., 2011) ou encore l’hémiplégie de naissance (Thevenot et al., 2014). Nous verrons en dernier paragraphe que les enfants testés dans ces études atteignent le même niveau de performance arithmétique que leurs pairs en ayant eu peu recours à leurs doigts, ou alors de façon très inhabituelle, voire même de façon inefficace.

Mieux définir la nature du lien entre doigts et nombres peut sembler une préoccupation uniquement d’ordre de la recherche fondamentale. Néanmoins, s’y intéresser peut aussi permettre d’imaginer et de proposer des remédiations adaptées aux difficultés des enfants dans la construction de leur cognition numérique. Dans cette partie sur la nature du rôle des doigts, nous aborderons dans un premier temps les arguments en faveur d’une explication strictement neuro-anatomique, dans un second temps ceux qui témoignent d’une

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explication fonctionnelle, et dans un troisième temps nous présenterons l’explication de recyclage neuronal qui concilie les deux approches précédentes. Enfin, nous montrerons en quoi des études récentes nuancent le rôle indispensable des doigts dans la cognition numérique.

4.1. Explication neuro-anatomique du lien doigts et nombres

Selon la thèse neuro-anatomique, les relations entre les doigts et leur usage pour les traitements mathématiques élémentaires sont de nature structurelle (e.g., Andres, Seron, &

Olivier, 2007 ; Dehaene et al., 2003 ; Soylu & Newman, 2015 ; Tschentscher et al., 2012).

Chez l’adulte, la proximité, voire l’intrication des aires cérébrales traitant des nombres avec les zones responsables de la connaissance des doigts a été très tôt suspectée suite à la description de patients dont la partie postéro-inférieure du lobe pariétal gauche était affectée (voir Andres & Pesenti, 2015 pour une synthèse). Les interprétations neuronales de ces observations cliniques ont pu être testées par simulation de lésions neuronales par la technique de stimulation neuronale focale pratiquée sur six adultes devant être opérés de tumeurs cérébrales. Une telle perturbation du sillon angulaire gauche a permis de reproduire les symptômes cliniques décrits par Gerstmann (1940) chez trois des patients, dont notamment des perturbations significatives en calcul mental et des difficultés de reconnaissance des doigts (Roux et al., 2003). L’hypothèse neuro-anatomique est également étayée par des études d’imagerie cérébrale montrant que la zone cérébrale précisément impliquée dans les mouvements de la main (Pinel et al., 2004) est activée lors de tâches arithmétiques. Plus précisément, l’activité cérébrale dans le gyrus précentral est rapportée lors de la résolution de soustractions et dans une moindre mesure lors de la résolution de multiplications (Andres et al., 2012). En accord avec ces résultats, la stimulation du gyrus angulaire gauche gène à la fois des tâches de représentation de doigts et des tâches de jugement numérique (Rusconi et al., 2005). Ces arguments montrent que l’intrication des aires liées aux habiletés digitales et aux traitements arithmétiques est une réalité anatomique, sans pour autant exclure une implication fonctionnelle des doigts complémentaire à la nature cérébrale du lien entre doigts et nombres qui sera discutée dans la partie suivante.

Dans une telle perspective neuro-anatomique, l’intrication des doigts avec les compétences numériques devrait se révéler très précoce, avant même l’apparition du langage, et de façon universelle. Les parts explicatives de la gnosie digitale et de la dextérité fine restent encore à mieux définir au niveau cérébral pour une meilleure compréhension des mécanismes cognitifs numériques. Selon les expériences de Berteletti et Booth (2015), les

aires somato-sensorielles et motrices des doigts ne sont pas localisées dans la même zone cérébrale. De façon très intéressante, leurs résultats montrent que seules les soustractions, et pas les multiplications, activent significativement les aires motrices. Les aires somato-sensorielles sont activées par les deux sortes d’opérations. Par ailleurs, cette activation est uniforme pour tous les participants concernant les multiplications, tandis qu’un degré d’activation supérieur est observable pour les enfants obtenant de plus faibles performances en soustraction. Dans tous les cas, contrairement à une conception purement modulaire du cerveau, la neuropsychologie cognitive moderne met l’accent sur les interactions multiples opérant entre différentes unités fonctionnelles cérébrales pour une même tâche effectuée. Si l’aire responsable de la gnosie digitale a largement été exploitée, l’aire responsable de la motricité des doigts mérite d’être autant investiguée. Le substrat neuronal des compétences numériques ne serait donc pas restreint à la seule zone pariétale mais également en lien avec d’autres fonctions cérébrales dont les aires seraient en inter-connectivité, même au-delà des fonctions sensori-motrices (Kaufmann, Wood, Rubinsten, & Henik, 2011 ; Klein et al., 2014).

En cas d’atteinte des habiletés digitales dès la naissance, une intrication neuro-anatomique des aires responsables de la sensori-motricité des doigts et de celles responsables du « sens des nombres » impliquerait aussi un effondrement de tout traitement numérique, y compris des compétences non-symboliques.

4.2. Explication fonctionnelle du lien doigts et nombres

Par contraste, une seconde thèse conçoit le lien entre doigts et nombres comme fonctionnel, construit au gré des imitations et des interactions et grâce aux apprentissages scolaires formels. Même si le substrat anatomique pourrait au départ favoriser l’installation de telles ou telles relations, elles dépendraient aussi des cultures, lesquelles utilisent des conventions différentes pour montrer, dénombrer ou opérer sur les quantités à l’aide des doigts (Saxe, 1991 ; Wiese, 2003). Dans ce cas, les relations entre doigts et nombres s’établiraient peu avant ou juste après les dénominations verbales des quantités, ou même simultanément, et participeraient ainsi à l’émergence de la fonction symbolique. Comme en témoigne la place centrale des activités semi-symboliques à composantes sensori-motrices pour faire le lien entre les premières habiletés analogiques et les ultimes compétences symboliques, les doigts jouent en effet un rôle actif dans la cognition numérique. En tant qu’aide externe pour représenter les nombres, pour garder des traces transitoires lors de calculs et parce qu’ils sous-tendent la compréhension de notre système numérique décimal, les doigts sont souvent présentés comme jouant un rôle fonctionnel dans le développement

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des habiletés numériques (Fayol & Seron, 2005). En accord avec cette hypothèse, et comme déjà souligné précédemment, il a été montré chez des enfants de 5-6 ans que leurs performances de gnosie digitale étaient de meilleurs prédicteurs pour les compétences mathématiques ultérieures que les tests d’intelligence plus classiques, comme le test du dessin de bonhomme (Fayol et al., 1998). Depuis, de nombreux résultats similaires ont été publiés dans la littérature scientifique soulignant « le rôle crucial des doigts (et de leurs représentations) dans le développement mathématique et ce, aussi bien au niveau du dénombrement (par le pointage des objets), de la représentation de la quantité (par le rôle de collection-témoin) ou des algorithmes de comptage dans la réalisation des additions et des soustractions. » (Noël, 2005a ; p. 129). Nous avons en effet rapporté au cours des paragraphes précédents des études qui témoignent de l’implication concrète des doigts dans le traitement des nombres isolés mais aussi dans le domaine de l’arithmétique. Pour exemples, rappelons d’une part qu’il a été montré que les muscles de la main sont sollicités lors d’une tâche de jugement de parité de nombres en code arabe (Sato et al., 2007). D’autre part, en tâche d’additions ou soustractions mentales, c’est le grand nombre d’erreurs de décalages de 5 unités, tant chez les enfants (Domahs et al., 2008) que chez les adultes (Klein et al., 2011) qui témoigne de l’utilisation inconsciente des doigts lors de résolutions numériques mentales.

D’ailleurs, des mouvements de doigts, qu’ils soient passifs (Imbo et al., 2011) ou actifs (Crollen & Noël, 2015 ; Michaux et al., 2013), interfèrent avec les résolutions d’opérations de type additif, tant chez des adultes (Imbo et al., 2011 ; Michaux et al., 2013) que chez des enfants (Crollen & Noël, 2015). D’autres travaux renforcent cette notion de cognition incarnée en mettant en évidence de meilleurs résultats en résolution de problèmes additifs simples si les participants sont autorisés à mimer les situations avec leurs mains (Graham, 1999 ; Goldin-Meadow et al., 2014). Dans ce cadre fonctionnel, les doigts seraient utiles au cours du développement comme un passage transitoire entre les représentations non-symboliques et les représentations non-symboliques du nombre. Ce rôle est notamment possible grâce au double statut des configurations canoniques des doigts levés, à la fois non- symboliques et symboliques. En effet, les doigts occupent d’une part un statut non-symbolique du fait de la présence concrète d’un cardinal sous forme d’entités unitaires que sont les doigts considérés un par un. Et d’autre part, leur statut est également symbolique grâce aux doigts considérés dans leur ensemble comme une organisation régulière qui permet une reconnaissance immédiate du nombre sans recourir au comptage, comme tout code le permet (Di Luca & Pesenti, 2008).

Dans le cas de l’hypothèse fonctionnelle, nous avons longtemps pensé que les habiletés en gnosie digitale devraient être reliées uniquement aux tâches pour lesquelles le comptage sur les doigts est pertinent, en l’occurrence avec des compétences semi-symboliques et des tâches semi-symboliques d’additions ou soustractions, mais moins dans les tâches de multiplication, où interviennent surtout des faits retrouvés en mémoire auditivo-verbale (Costa et al., 2011). Un lien fonctionnel devrait être inexistant avec les tâches non-symboliques où ce sont uniquement les capacités innées d’estimation de la magnitude qui sont en jeu. Toujours dans ce cadre fonctionnel classique, une atteinte des habiletés digitales n’avait aucune raison d’impacter les premières compétences non-symboliques où les doigts n’interviennent pas (Thevenot et al., 2014). Dans cette perspective, des incidences négatives devraient être observées seulement dans les compétences numériques semi-symboliques et éventuellement par répercussion également sur les compétences symboliques qui en découlent. Ces prédictions sont également confirmées par les données empiriques recueillies par Costa et collaborateurs (2011) montrant que la gnosie digitale entretiendrait finalement un lien supérieur avec les problèmes arithmétiques qu’avec les tâches non-symboliques.

Cependant, il est important de rappeler que des auteurs pensent aujourd'hui que la mise en place progressive des compétences symboliques peut être responsable d’un raffinement rétroactif des compétences non-symboliques (De Smedt et al., 2013 ; Lyons et al., 2018 ; Matejko & Ansari, 2016 ; Noël et al., 2013). Ainsi, même dans une perspective d’un rôle fonctionnel des doigts, des difficultés sur les tâches non-symboliques peuvent être expliquées par une mauvaise mise en place des compétences symboliques (Rousselle et Noël, 2007).

4.3. Explication du lien doigts et nombres par recyclage neuronal

Comme annoncé précédemment, les deux thèses, neuro-anatomique et fonctionnelle, ont souvent été examinées séparément dans la littérature scientifique. Pourtant, notre revue de littérature montre que la construction et l’utilisation du nombre sollicitent effectivement les doigts à tous les niveaux de sa mise en place et que les arguments sont autant le témoin d’une explication anatomique qu’en faveur d’une hypothèse fonctionnelle. On peut ainsi envisager que ces deux propositions coexistent et que c’est justement parce que l’installation des mathématiques est toujours passée par une grande sollicitation fonctionnelle des doigts au niveau ontogénétique que les régions cérébrales responsables de ces fonctions cognitives, numériques et digitales, se sont peu à peu phylogénétiquement développées à proximité. C’est ce que pensent ainsi certains auteurs pour lesquels le fait que le nombre se développe dans le

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cortex pariétal gauche, là où se situent aussi les traitements de l’espace et des doigts, ne saurait être lié au hasard (Butterworth, 1999). Ce serait justement la sollicitation ancienne des doigts au niveau du développement de l’espèce humaine et au niveau des apprentissages précoces de tout enfant de tout temps (Richardson, 1916, cité par Soylu et al., 2018) qui aurait induit une reconversion partielle des zones neuronales au départ attribuées à la sensori-motricité des doigts vers les compétences mathématiques. Il s’agit là aussi de la théorie du

« recyclage neuronal », développée par Dehaene stipulant que les compétences culturelles de haut niveau récupèrent des fondations cérébrales très anciennes dans l’évolution (Dehaene &

Cohen, 2007). Les mathématiques étant en effet une invention culturelle relativement récente dans l’Histoire de l’Homme, le cerveau n’aurait pas eu le temps de développer une nouvelle aire cérébrale spécialement dédiée aux traitements numériques précis (Soylu et al., 2018).

Selon Dehaene, les fonctions numériques symboliques prendraient donc appui sur les aires cérébrales responsables du « sens du nombre », de l’espace et du temps, présentes de façon ancestrale dans l’Histoire de l’Homme. Selon Anderson (2010), leur l’installation cérébrale récente serait davantage en lien avec aires sensori-motrices des doigts. Cette hypothèse est aussi connue sous le nom du « redéploiement neuronal » (Anderson (2010 ; Penner-Wilger &

Anderson, 2013). Cette vision évolutionniste ne s’oppose donc ni à l’approche fonctionnelle, ni à l’approche neuro-anatomique, mais les concilie justement. De façon ancestrale, l’utilisation fonctionnelle des doigts pour construire le nombre aurait peu à peu induit une intrication anatomique. Aujourd’hui, tandis que les premières relations entre doigts et nombres pourraient donc relever de bases neuronales communes, le raffinement progressif des compétences numériques pourraient également dépendre des expériences corporelles vécues lors du développement de l’enfant (Soylu et al., 2018). Ainsi cette double vision donne force d’arguments pour l’enracinement sensori-moteur des compétences mathématiques plus abstraites, conciliant les visions des neurosciences et de la pédagogie dans le courant de la cognition incarnée.

Néanmoins, les habiletés digitales ne sont évidemment pas les seules compétences impliquées avec la cognition numérique. Lorsque les études prennent en compte différentes composantes cognitives, on s’aperçoit que l’apprentissage des mathématiques repose sur des composantes variées (Fias, Menon, & Szucs, 2013 ; Kaufmann et al., 2011 ; Kucian & von Aster, 2015). Plus précisément, non seulement les habiletés sensori-motrices des doigts ne seraient bien sûr pas les seules compétences impliquées dans la cognition numérique, mais

aussi, des résultats récents remettent en cause le caractère indispensable des doigts pour les présenter comme juste utiles.

4.4. Rôle des doigts nuancé dans la cognition numérique

Assez récemment, des données ont été recueillies auprès de populations intelligentes, mais touchées sur le plan instrumental, se trouvant ainsi dans des situations de handicap sensoriel ou moteur. Nous verrons que ces études ont conduit à nuancer le rôle des habiletés digitales dans les performances numériques. Ces résultats sont confortés par les conclusions d’autres études auprès d’enfants au développement ordinaire.

Dans le cas de la surdité, les résultats montrent que les personnes ayant appris le langage des signes ont accès aux configurations digitales canoniques. En revanche, les

« signeurs natifs » n’ayant pas appris un système conventionnel de codage, notamment pour représenter les nombres, peuvent toutefois utiliser leurs doigts pour coder les quantités à leur manière, mais ils ne le font plus de manière efficiente au-delà de 3 doigts (Spaepen et al., 2011). Les auteurs avancent alors l’hypothèse qu’un langage formel serait ainsi un prérequis pour une installation correcte des configurations digitales opérationnelles. De telles personnes atteintes de surdité non initiées à un système symbolique, même quand elles évoluent dans des sociétés disposant d’une activité commerciale bien développée avec une forte contrainte d’utilisation des nombres, ne mobilisent pas non plus leurs doigts pour effectuer des dénombrements et des calculs (Spaepen et al., 2011 ; Spaepen, Coppola, Flaherty, Spelke, &

Goldin-Meadow, 2013). Dans le cas de la déficience visuelle, on constate que les enfants aveugles utilisent leurs doigts de façon peu canonique dans les configurations numériques.

Pourtant, ils réussissent aussi bien aux tâches de comptage sur les doigts que des enfants valides (Crollen et al., 2011). Par ailleurs, des enfants aveugles de naissance, sans aucun problème de gnosie digitale, ne sont pas sensibles aux phénomènes d’interférence manuelles dans des tâches numériques (Crollen et al., 2014). Pour les auteurs, cette observation est en défaveur de l’hypothèse anatomique de redéploiement neuronal, puisque l’interférence par occupation manuelle impliquerait une gène conjointe de l’aire du « sens du nombre » non visible chez les participants aveugles. Dans le cas du handicap moteur, des enfants présentant une hémiparésie de naissance et qui ont donc beaucoup de difficultés à utiliser leurs doigts

Pourtant, ils réussissent aussi bien aux tâches de comptage sur les doigts que des enfants valides (Crollen et al., 2011). Par ailleurs, des enfants aveugles de naissance, sans aucun problème de gnosie digitale, ne sont pas sensibles aux phénomènes d’interférence manuelles dans des tâches numériques (Crollen et al., 2014). Pour les auteurs, cette observation est en défaveur de l’hypothèse anatomique de redéploiement neuronal, puisque l’interférence par occupation manuelle impliquerait une gène conjointe de l’aire du « sens du nombre » non visible chez les participants aveugles. Dans le cas du handicap moteur, des enfants présentant une hémiparésie de naissance et qui ont donc beaucoup de difficultés à utiliser leurs doigts