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Les techniques à base de marquage métabolique pour la quantification de peptides par SID

le Mutation de récepteur RCPG quelconque Mesure par LASER

Chapitre 2 : La quantification par dilution isotopique de peptides peptides

IV. Les techniques à base de marquage métabolique pour la quantification de peptides par SID

Après avoir largement discuté des approches par marquage chimique, nous allons nous intéresser aux techniques qui utilisent le marquage métabolique en recrutant des lignées cellulaires pour produire les biomolécules d’intérêt.

IV.A. L’introduction du marquage métabolique pour la quantification par SID : les approches SILAC et SILAP

Après les travaux de marquage de levures à 15N dans le laboratoire de Chait, Ong et al. ont extrapolé le concept aux cellules de mammifère et l’ont baptisée SILAC (pour « Stable Isotope Labelling by amino acis in cell culture »),305 qui constitue une méthode de marquage métabolique. Dans leur étude il a été question, non pas de marquer de façon uniforme par 15N mais plutôt d’introduire des acides aminés marqués à 15N et 13C. Le principe est de faire croître une lignée cellulaire dans un milieu qui contiendra les acides aminés essentiels à la vie cellulaire ou bien dans un milieu contenant leurs équivalents marqués par ces isotopes comme 13C615N2-Lys ou 13C615N-Leu par exemple. Les lignées marquées et non marquées sont ensuite mélangées avant de procéder à une analyse de type « bottom-up ».306 Contrairement à la technique iTRAC et le marquage isobare, la technique SILAC affiche une différence de masse au niveau MS et non plus MS/MS. En revanche, les spectres de masse deviennent plus encombrés requérant des instruments à haute résolution.307,308,309 De nombreux exemples viennent illustrer cette stratégie prometteuse de quantification,310,311,312,313 dont une étude de Pan et al. dans laquelle ce dernier évalue l’altération de la phosphorylation lorsqu’une inhibition de kinase est enclenchée. Pour cela il a utilisée la méthode SILAC multiplexée en ayant recours à des milieux de culture cellulaire légers (12C6-Arg, 12C6-Lys), lourds (13C615N4-Arg,

13C615N2-Lys) et intermédiaires (13C6-Arg, 2H4-Lys).314 De cette manière il a été possible de mesurer des milliers de peptides phosphorylés à partir des trois populations différentes de cellules SILAC qui ont été exposées à un traitement de contrôle, un stimulus par EGF (pour « Epidermal Growth Factor ») ou en présence d’inhibiteur de kinase. L’expérimentation débute par une étape de fractionnement

305 S.-E. Ong, Mol. Cell. Proteomics 2002, 1, 376–386

306 Ong SE, Mann M., Methods Mol. Biol., 2007, 359, 37–52

307 J. Zhang, G. McCombie, C. Guenat, R. Knochenmuss, Drug Discov. Today 2005, 10, 635–642

308 J. Graumann, N. C. Hubner, J. B. Kim, K. Ko, M. Moser, C. Kumar, J. Cox, H. Scholer, M. Mann, Mol. Cell.

Proteomics 2007, 7, 672–683

309 J. D. Venable, J. Wohlschlegel, D. B. McClatchy, S. K. Park, J. R. Yates, Anal. Chem. 2007, 79, 3056–3064

310 M. Gronborg, Mol. Cell. Proteomics 2005, 5, 157–171

311 A. K. Yocum, C. M. Busch, C. A. Felix, I. A. Blair, J. Proteome Res. 2006, 5, 2743–2753

312 W. Luo, R. J. Slebos, S. Hill, M. Li, J. Brábek, R. Amanchy, R. Chaerkady, A. Pandey, A.-J. L. Ham, S. K. Hanks, J. Proteome Res. 2008, 7, 3447–3460

313 A. Guo, J. Villen, J. Kornhauser, K. A. Lee, M. P. Stokes, K. Rikova, A. Possemato, J. Nardone, G. Innocenti, R. Wetzel, Y. Wang, J. MacNeil, J. Mitchell, S. P. Gigy, J. Rush, R. D. Polakiewicz, M. J. Comb, Proc. Natl.

Acad. Sci. 2008, 105, 692–697

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puis d’enrichissement des peptides phosphorylés. Les différentes fractions obtenues ont été analysées par LC-MS pour obtenir la carte d’identité des trois protéomes. De cette façon, les différentes phosphorylations ont été classées entres les 3 catégories contrôle, stimulus par EGF et stimulus par EGF couplé à une inhibition de kinase.

Une critique récurrente faite lorsque l’on compare stratégie de marquage chimique et métabolique est le fait que seul le marquage chimique soit applicable à l’analyse de sources primaires de biomatériel comme les fluides biologiques ou encore les tissus selon le protocole décrit ci-dessus. C’était sans compter sur l’opiniâtreté du laboratoire de Blair qui a démontré l’utilité d’un protéome marqué par la technique SILAC comme étalon de référence utilisable avec n’importe quelle source de matériel. La technique SILAP (pour « Stable Isotope-Labelled Proteome ») était née. La démonstration du concept a été la publication par Yu et al. en 2009.315 Celle-ci présentait le marquage SILAC d’une lignée cellulaire de cancer pancréatique suivi par la collecte des protéines des milieux de culture. Par la suite ce proteome marqué aux isotopes, le SILAP, a été introduit comme étalon à des sérums concentrés de cancer pancréatique ou contrôles. De cette expérimentation est ressortie le constat d’une différence d’expression sur près de 100 biomarqueurs différents et validés indépendamment. Cette approche a été ensuite étendue par Rangiah et al. qui a développé une méthode combinant la MRM et un étalon SILAP pour l’étude de biomarqueurs chez la souris Apcmin, utilisée comme modèle biologique pour le cancer du colon.316 La totalité des 12 biomarqueurs ont été mesurés avec des différences d’expression, résultats validés par la suite par analyse Western blot pour 5 d’entre eux. La versatilité de la méthode a ensuite été démontrée par Shah et al. qui a rassemblé les sécrétomes marqués par SILAC de cellules épithéliales humaines vaginales et endocervicales. Ceci a permis de proposer une quantification relative et une caractérisation des protéines d’un prélèvement prénatal de liquide cervicovaginal. Les résultats très prometteurs ont montré le niveau particulièrement élevé de trois protéines au niveau prénatal, construisant ainsi un socle solide pour des validations avancées.317 En outre, la restriction des analyses à des protéines surexprimées dans les modèles cellulaires rend possible l’exclusion de protéines de phase aigüe318 et d’autres protéines abondantes dans le sérum ou le liquide cervicovaginal tout en se concentrant simultanément sur des protéines d’intérêt pour la maladie considérée.

315 K. H. Yu, C. G. Barry, D. Austin, C. M. Busch, V. Sangar, A. K. Rustgi, I. A. Blair, J. Proteome Res. 2009,

8, 1565–1576

316 K. Rangiah, M. Tippornwong, V. Sangar, D. Austin, M.-P. Tétreault, A. K. Rustgi, I. A. Blair, K. H. Yu, J.

Proteome Res. 2009, 8, 5153–5164

317 S. J. Shah, K. H. Yu, V. Sangar, S. I. Parry, I. A. Blair, J. Proteome Res. 2009, 8, 2407–2417

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IV.B. Le marquage métabolique et les approches de type « bottom-up »

De manière générale et quelle que soit la méthode, les techniques de quantification par SID affichent de bons coefficients de régression linéaire et une bonne précision. Il existe deux méthodes à l’heure actuelle qui utilisent le marquage métabolique et qui sont capables de proposer une quantification fiable de protéines ciblées selon une approche « bottom-up » : la technique QconCAT (voir Figure 73 p.117), qui fait appel à des peptides chimériques protéotypiques ajoutés après l’étape de fractionnement d’un mélange de protéines et la technique PSAQ qui a recours des protéines entières marquées et introduites en tout début de processus. La première consiste en la production de peptides chimériques marqués par un isotope avant l’étape de digestion enzymatique (voir Figure 73 p.117) tandis que la seconde, quant à elle, consiste en un marquage d’une protéine entière par un isotope.

Peptides concaténés QconCAT

Etalons PSAQ Peptides AQUA

Justesse de la mesure - à +++ +++ - à +++ Précision de la mesure +++ +++ +++ Evaluation de l'achèvement de la digestion trypsique Nécessaire Non nécessaire319 Nécessaire Compatibilité avec le pré fractionnement - +++ - Discriminabilité de variations/isoformes - à + ++ - à + Etude de complexes de protéines

(stoechiométrie du partenaire)

++ ++ - à +

Quantification de PTM Impossible Impossible +++

(phosphorylation)

Tableau 10 : Forces et limitations des étalons pour SID pour la quantification absolue de protéines. - : faible ; + : bonne ; ++ très bonne ; +++ : excellente

L’approche QconCAT (pour « Quantification conCATamers ») a été développée par Beynon et al en 2005320 et reprise par Mirzaei et al en 2007.321 Dans cette dernière étude des étalons peptidiques ont été utilisés en tant qu’étalon pour la mesure de protéines, comme pour la technique AQUA. La spécificité de l’approche QconCAT réside dans le fait d’utiliser des peptides chimériques, c’est-à-dire des assemblages de peptides protéotypiques marqués par un isotope. Ceux-ci sont obtenus grâce à un système bactérien de transcription/traduction dans lequel est introduit un plasmide permettant l’expression du peptide chimérique. On parlera alors de synthèse et de marquage métabolique qui permet d’accroître considérablement le nombre de peptides protéotypiques atteignables comme des peptides hydrophobes ou contenant des résidus instables dans les conditions de synthèse en laboratoire. Pour obtenir les peptides marqués, l’équipe a

319 Si l’étalon se replie selon la même structure que l’analyte.

320 R. J. Beynon, M. K. Doherty, J. M. Pratt, S. J. Gaskell, Nat. Methods 2005, 2, 587–589

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procédé à une culture cellulaire dans un milieu contenant des acides aminés marqués par des isotopes, à savoir 13C615N2-Lys et 13C615N4-Arg. De cette manière, 25 peptides protéotypiques ont été assemblés. Malgré cette performance, la technique souffre des mêmes sources d’erreur que l’approche AQUA, liée à l’introduction de ces peptides chimériques voués à subir une digestion enzymatique. Les peptides concaténés sont, de façon similaire aux peptides AQUA, ajoutés après l’étape de pré fractionnement mais avant digestion enzymatique, car étant constitués de plusieurs peptides protéolytiques ils ont besoin de cette étape pour pouvoir rendre possible la quantification de la(les) protéine(s) cible(s). Le fait de pouvoir inclure plusieurs sous-unités peptidiques de cette manière est très avantageux et peut permettre de réduire les coûts en allant jusqu’à l’incorporation de 50 peptides.322 Cela impacte directement la robustesse de la méthode car il est alors possible de quantifier avec une plus grande fiabilité une protéine avec un nombre important de peptides protéotypiques. Au final, dès que le gène codant pour le peptide chimérique d’intérêt a été cloné, le grand avantage de cette méthode réside dans la production et le marquage de ce dernier qui deviennent très rapide et intéressant pour des études à large échelle ou dans un grand nombre de laboratoires par exemple.

Figure 73 : Stratégies de dilution isotopique pour de la quantification de protéines par spectrométrie de masse. Il existe trois modes de quantification de protéines suivant une approche « bottom – up » dans un fluide biologique par marquage métabolique, dont deux sont présentées ici : A- PSAQ pour « Protein Standard Absolute Quantification », il s’agit d’une version de la protéine cible marquée par un isotope et ajoutée directement à l’échantillon. B- QconCAT pour « Quantification concatamer », il s’agit d’une protéine chimérique qui contient un ou plusieurs peptides protéotypiques de la protéine cible marqués par des isotopes. Le peptide concaténé est ajouté avant l’étape de digestion pour que l’(les)étalon(s) soit(ent) relargué(s) dans l’échantillon

322 J. Rivers, D. M. Simpson, D. H. L. Robertson, S. J. Gaskell, R. J. Beynon, Mol. Cell. Proteomics 2007, 6, 1416–1427

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L’utilisation de peptides chimériques est puissante car cela permet l’obtention de multiples peptides protéotypiques marqués de façon simultanée après digestion enzymatique qui peuvent ensuite être tous comparés à leur équivalent non marqué issus de la protéine d’intérêt. L’ennui avec les peptides QconCAT est l’absence de conformation particulière car cela engendre une digestion enzymatique plus rapide que la protéine cible et par conséquent un fort biais lors de la quantification, étape qui, comme pour les peptides AQUA doit être contrôlée à cause de cette différence de protéolyse. Pour surmonter ce problème, Kito et al. ont astucieusement cernés les peptides protéotypiques au sein même du peptide concaténé par leurs séquences voisines à l’état naturel, permettant ainsi de fortement réduire les biais dûs à la digestion enzymatique et obtenir des rendements de digestion similaires.323 Cependant, l’étude insiste sur le fait que, quel que soit le peptide utilisé, une attention toute particulière doit être accordée à la validation de la méthode et la précision de celle-ci. En effet, l’étalonnage des peptides QconCAT est un enjeu important de la méthode d’analyse pour assurer une quantification juste et précise en fin d’expérimentation. C’est dans ce but qu’est utilisée la technique AAA (pour « Amino Acid Analysis »). Cette méthode consiste en une étape d’hydrolyse acide du peptide considéré sous activation thermique (110 - 165 °C). Par la suite, les acides aminés sont séparés par une colonne échangeuse d’ions et directement détectés ensuite par ampérométrie ou mesure UV.324,325 Une fois que la mesure a été effectuée, seuls des contrôles de qualités de routine sont à prévoir.

La seconde approche considérée a été baptisée PSAQ pour « Protein Standard Absolute Quantification ».326 Lorsque l’on considère la quantité phénoménale de protéines dans certains échantillons biologiques et surtout dans des fluides biologiques extraits d’organismes vivants, le pré fractionnement devient incontournable pour parvenir à détecter des protéines faiblement abondantes.327 Dans cette situation l’étalon idéal pour une protéine donnée est d’avoir le même comportement que la cible pendant l’étape d’analyse. Ceci dans le but de limiter tout biais qui serait lié à l’ionisation des composés ou à leur comportement vis-à-vis de la fragmentation. De plus l’étalon idéal possède également un comportement similaire pendant l’étape pré analytique correspondant au traitement et à la manipulation des échantillons, là aussi dans le but de limiter le plus possible les sources de variabilité. Ainsi le choix d’un équivalent de la protéine cible entièrement marquée avec un ou plusieurs isotopes est tout à fait pertinent. Elle sera ensuite introduite en tout début de manipulation de l’échantillon marqué, en l’occurrence, par les acides aminés [13C6,15N2] L-lysine et

323 K. Kito, K. Ota, T. Fujita, T. Ito, J. Proteome Res. 2007, 6, 792–800

324 A. P. Clarke, P. Jandik, R. D. Rocklin, Y. Liu, N. Avdalovic, Anal. Chem. 1999, 71, 2774–2781

325 P. Jandik, A. P. Clarke, N. Avdalovic, D. C. Andersen, J. Cacia, J. Chromatogr. B. Biomed. Sci. App. 1999,

732, 193–201

326 V. Brun, A. Dupuis, A. Adrait, M. Marcellin, D. Thomas, M. Court, F. Vandenesch, J. Garin, Mol. Cell.

Proteomics 2007, 6, 2139–2149

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[13C6,15N4]L-arginine. Ces derniers sont incorporés dans la protéine grâce à des kits tels que le kit RTS 500 ProteoMaster Escherichia coli HY qui, combiné à l’introduction de plasmides, permet sa synthèse sachant que des systèmes bactériens peuvent également être utilisés.328 La technique a été développée par Brun et al en 2007 et comparée aux deux précédentes techniques, à savoir AQUA et QconCAT, afin d’en extraire les avantages et inconvénients.

Figure 74 : Quantification de la SEA (pour « Staphylococcal Enterotoxin A ») à partir du chromatogramme des ions extraits pour chaque paire des deux peptides sélectionnés pour le suivi en LC-MS par MRM. Le graphique représente les quantités estimées de SEA en fonction des quantités ajoutées329

L’étude a porté sur des toxines de staphylocoques synthétisées et marquées par un isotope. Il est apparu que l’approche PSAQ était bien plus juste que ces deux concurrentes sur ce cas précis, et surtout qu’elle ne sous-estimait pas les quantités de toxines. En outre, le suivi de deux peptides protéotypiques entraîne une mesure juste et une quantification robuste du fait de plusieurs points :

· L’absence de dispersion des rendements de digestion enzymatique entre l’étalon et l’analyte grâce à leur similarité de structure. C’est un point capital étant donné que la digestion trypsique est connue pour être incomplète et non spécifique.330

· La compatibilité avec n’importe quel type de fractionnement pré opératoire pourvu que la protéine cible naturelle et l’étalon choisi partagent les mêmes propriétés biochimiques mises en jeu dans le processus de séparation. On peut citer parmi ces techniques de séparation la méthode SDS-PAGE, la capture de protéines hydrophobes ou encore l’immunocapture.331,332

328 S. Hanke, H. Besir, D. Oesterhelt, M. Mann, J. Proteome Res. 2008, 7, 1118–1130

329 V. Brun, C. Masselon, J. Garin, A. Dupuis, Journal of Proteomics 2009, 72, 740–749

330 P. Picotti, R. Aebersold, B. Domon, Mol. Cell. Proteomics 2007, 6, 1589–1598

331 A. Dupuis, J.-A. Hennekinne, J. Garin, V. Brun, PROTEOMICS 2008, 8, 4633–4636

332 V. Brun, A. Dupuis, A. Adrait, M. Marcellin, D. Thomas, M. Court, F. Vandenesch, J. Garin, Mol. Cell.

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· La compatibilité de la méthodologie avec l’élimination des protéines de sérum en forte abondance. Cela a été démontré au cours d’expériences de titrage effectuées sur l’entérotoxine A de staphylocoque dans du sérum humain. Cette immunoélimination est effectuée grâce à des anticorps contenus dans des cartouches, en l’occurrence des cartouches MARS d’Agilent Technologies©. L’avantage de ces travaux réside dans le fait que la SEA n’est pas présente naturellement dans le sérum humain, ce qui en fait, de facto, une matrice exempte de contamination et particulièrement adaptée pour les mesures de l’étude.

Figure 75 : Protocole opératoire utilisé pour démontrer la compatibilité de la stratégie PSAQ avec l’immunoélimination. Pour cela la SEA a été ajoutée avec une quantité connue d’étalon PSAQ dans des échantillons avant de subir

l’immunoélimination

Cette méthodologie est également séduisante pour son comportement face aux interférences comme la compétition à l’ionisation. En effet, si un tel phénomène devait se produire avec un peptide, la technique PSAQ offre la possibilité de passer rapidement au suivi d’un autre peptide issu de digestion trypsique. A noter que pour un étalon PSAQ donné, il est toujours possible de recourir à une autre enzyme de digestion. En effet, grâce au marquage par deux acides aminés basiques chaque peptide issu de la digestion enzymatique possèdera au moins un acide aminé sous sa forme dite lourde à condition que l’enzyme choisie coupe au niveau des résidus basiques. De cette étape de digestion et ses nombreuses possibilités découle une qualité de la technique PSAQ, à savoir l’accès à un recouvrement de séquence important et par voie de conséquence, la possibilité de différencier des isoformes ou des variantes de protéines (voir Tableau 10 p.116).333

Cependant, et malgré ses qualités, la PSAQ nécessite tout de même une étape d’étalonnage qui est effectuée par AAA (pour « Amino Acid Analysis »)334 de la même manière que ce qui est prévu pour les peptides QconCAT.

Cette technique ne quantifiait pas les PTMs telles que la phosphorylation, étant une modification facilement éliminable par hydrolyse ; en revanche, concernant les PTMs stables telles

333 D. J. Janecki, K. G. Bemis, T. J. Tegeler, P. C. Sanghani, L. Zhai, T. D. Hurley, W. F. Bosron, M. Wang,

Anal. Biochem. 2007, 369, 18–26

334 Determination of the Amino Acid Content of Peptides by AAA-Direct, Dionex, Technical note 50, Thermo Scientific

121

que les glycosylations, il est toutefois possible de les inclure dans les étalons PSAQ grâce à des systèmes dédiés pour leur expression. C’était sans compter sur l’implication du laboratoire de Blair qui a réussi à mettre au point un étalon PSAQ modifié pour correspondre à la protéine naturelle ayant subi une PTM, en l’occurrence une phosphorylation.335 Les deux études conduites par Ciccimaro et al. ont été les premières à se servir d’une protéine complète phosphorylée par PTM et marquée par des isotopes, fournissant ainsi des données inatteignables par les autres techniques existantes. L’objectif de la première étude était la phosphorylation de la tyrosine kinase Src336 par la FAK (pour « human Focal Adhesion Kinase ») à l’intérieur même de la zone catalytique de cette dernière. A cette fin, les deux protéines ont été synthétisées par voie métabolique in vitro à la fois sous forme phosphorylée et marquée aux isotopes. Dans un premier temps la quantité de protéine FAK a été mesurée sous forme native et sous forme phosphorylée grâce à des étalons peptidiques, permettant ainsi l’accès à la quantité de Scr phosphorylée par rapport à sa forme native. Cela étant fait dans des conditions métaboliques normales, c’est-à-dire sans ajout d’aucun médicament pouvant affecter le métabolisme, il est alors devenu possible des suivre, dans la seconde étude, l’influence de l’inhibition de la kinase Src sur des cultures cellulaires.337 Récemment, la technique PSAQ et le suivi par SIM/SIR (pour « Single Ion Monitoring » ou « Single Ion Recording ») a été combinée avec un appareil de type LTQ-orbitrap par Hanke et al. en 2008. Cela leur a permis de quantifier une protéine liée au maltose à des quantités infimes, de l’ordre de la centaine d’attomole.338

Une autre application élégante de la technique PSAQ a été publiée par Heudi et al. pour la quantification d’un anticorps de manière juste et précise, et ce malgré des pertes impressionnantes de matériel de 72 % sur tout le traitement de l’échantillon dont 32 % sur la seule digestion enzymatique.339 La comparaison entre l’analyse par spectrométrie de masse et le test ELISA a montré une surestimation des valeurs obtenues par LC-MS/MS d’un facteur 1,6 environ. Après avoir effectué des tests de digestion enzymatique sur une solution type contenant un complexe rendant l’anticorps inaccessible pour le test ELISA, l’équipe a montré que 80 % de la quantité totale d’anticorps était récupérée à partir du complexe, c’est-à-dire la forme libre ou active de celui-ci. Cela a permis de démontrer le fait que le test ELISA n’est pas capable de comptabiliser seule une forme active ou libre d’un anticorps, rendant ainsi la technique PSAQ très séduisante pour des tests cliniques en mettant en valeur son avantage, surtout dans les cas où des anticorps seraient « piégés ». Une des limitations de cette méthode, en revanche, est son coût et la certaine difficulté à produire des étalons

335 E. Ciccimaro, S. K. Hanks, K. H. Yu, I. A. Blair, Anal. Chem. 2009, 81, 3304–3313

336 Tyrosine kinase impliquée dans la voie de signalisation de nombreux récepteurs membranaires comme les récepteurs à tyrosine kinase et les GPCR.

337 E. Ciccimaro, S. K. Hanks, I. A. Blair, Mol. Pharmacol. 2009, 75, 658–666