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4. La Théorie de la Transposition didactique

4.2 La transposition didactique de Chevallard

4.2.8 Vers la TAD, la théorisation des processus de transposition didactique

Pourquoi la transposition didactique ? interroge Yves Chevallard en preéface aè la

premieère eédition de son livre. Nous pouvons donner trois raisons. Michel Verret consideère qu’elle deécoule neécessairement d’une eécole bureaucratique et d’une volonteé des classes bourgeoises d’entretenir la reproduction sociale. Yves Chevallard traite de son eémergence, deénonciation d’une « illusion de transparence » entre savoirs savants et enseigneés. Pour Johsua (1997), l’eécole ne diffuse ni des savoirs neécessaires aè la vie ni d’autres de haute techniciteé, mais des bases pour leur acquisition.

Pourquoi la transposition didactique ? Pourrait aussi conduire, dans notre cas, aè

interroger l’usage de cette theéorie en didactique de l’histoire. La TD, dans le cadre de la TAD, comme eétude des conditions et contraintes qui peèsent sur la diffusion des savoirs, nous parait unir diffeérentes approches. Au demeurant, ce qui nous inteéresse est avant tout « le fait religieux » et la façon dont il se construit dans les manuels scolaires. Ouvrant sur toutes les didactiques, la TTD devient un outil pour penser les savoir dans leur dimension anthropologique, aè travers leurs creéations, usages et enseignements.

Le « pourquoi » constitue, pour Yves Chevallard, une question centrale. Il ne devrait pas eâtre limiteé. La TD renvoie ainsi aè l’eécologie du savoir. Elle interroge les raisons de

telle transposition, ou de son eéchec, mais aussi les relations entre les eéleéments qui composent le texte du savoir.

Le terme de contrainte devient alors central dans la theéorisation, la topogeneèse et la chronogeneèse apparaissent ainsi endogeènes au systeème didactique. Cette neécessaire proximiteé entre le savoir enseigneé et « le savoir qui lui sert, en quelque sorte, de caution eépisteémologique au regard de la Socieéteé » (Chevallard, 1994, p. 7) est exogeène, comme le projet social. Nous rejoignons ici les discussions incessantes autour de l’histoire, et plus encore, celles qui s’inteéressent au fait religieux. La noospheère n’en finit plus de deébattre sur ce qui doit eâtre diffuseé. La tentative d’eétablissement d’un nouveau contrat, avec Debray, renvoie aè une question de notre recherche, aè la deéfinition de cet objet et aux formes de sa construction dans les manuels scolaires.

Le lien, entre le savoir enseigneé et un savoir eéponyme ne reste nieé que dans la noospheère. Le discours soutenant l’action de l’eécole, et son eévolution produit une « mise en sceène sociale ». Dans certains cas s’opeère la creéation, aè partir d’un savoir semi-savant, d’un savoir savantoïïde, afin de permettre une valorisation eépisteémologique. Et cela traduit la vassaliteé de l’eécole vis-aè-vis de la socieéteé, du soutien de laquelle elle a besoin pour accomplir sa mission. Appreéhender la TD d’un objet particulier implique d’appreéhender son origine.

Chevallard (1994) eécrit : « EÉtant donneé un savoir S et une institution I ouè vit S, comment S s’est-il introduit dans I ? » (p. 21). Deéterminer la correspondance des « S » passe alors par le lexique. Cependant, l’affirmation de l’existence de S dans I n’est pas anodine et peut conduire aè des tensions qui deécoulent de rapports de forces. Dans tous les cas, pour tout savoir S, parmi les diverses institutions qui l’abritent s’en manifeste une privileégieée P(S), qui le produit ou le valide. Pour nous, P(S) renvoie aè la communauteé historienne. Pour autant, ce n’est pas aussi clair pour tous les objets. Le cas du religieux semble sensible, nous l’avons noteé, entre un discours transposeé des professions de foi et un autre venu de la science. Nous questionnons donc la relation du texte du savoir aè un objet aux marges de la laïïciteé du projet social.

Deès lors, la notion d’institution occupe une place importante dans la theéorie. C’est ainsi aè partir de ces institutions, comme lieu d’expression des pratiques sociales, qu’il deéfinit, finalement, le savoir. La connaissance d’une telle pratique deécoule d’un rapport personnel aè cet objet. Lorsqu’une institution I juge un savoir pertinent pour ses futures

sujets, elle l’enseigne par le biais de son systeème scolaire EI. S’opeère une transposition

institutionnelle de P(S) dans I qui passe par une TD de P(S) dans EI. De façon cyclique, un

nouveau savoir germant dans I, repart dans P(S) afin de recevoir l’adoubement avant de retourner dans I aè travers EI. C’est dans le cadre de la formation de ses futurs citoyens

que l’EÉtat met en place son eécole. Le fait religieux transposeé doit ainsi correspondre aè ce qui est attendu, comme rapport au religieux, d’un Français.

Tout savoir apparait par ailleurs en acte. Plus largement, Yves Chevallard deéfinit, aè ce moment du cheminement theéorique, le savoir comme une « triniteé » qui comprend un

savoir, une pratique ainsi qu’un domaine de reéaliteé. Pour qu’il existe, ces trois eéleéments doivent s’y manifester. Mais encore, le chercheur doit deéfinir quel savoir, quel domaine de reéaliteé et quelle pratique existent, dans quelle institution.

Avec ces concepts d’institutions, de contraintes, d’eécologies et cette triniteé du savoir, la TTD eévolue vers la TAD, dans laquelle nous nous inscrivons. C’est finalement, dans une approche anthropologique que nous comptons aborder la TD du fait religieux dans les manuels scolaires. « Pourquoi ? » Elle nous donne les outils conceptuels les plus utiles pour l’eétude, des niches et des habitats, du fait religieux dans sa relation aè l’institution et aux conditions et aux contraintes qui s’exercent en son sein.

Synthèse

Au-delaè donc de ce que semblent penser certains auteurs, la TTD apparait comme une vaste theéorie de la diffusion des connaissances dans le systeème didactique. Le deébat peut parfois glisser entre partisan et deétracteur de Yves Chevallard sur la qualiteé de la TD. Constitue-t-elle un concept, un pheénomeène ou une theéorie ? Ces trois qualificatifs se trouvent dans des moments et des lieux diffeérents des migrations. La TD de Michel Verret se limite aè un concept dans une approche sociologique plus vaste.

Elle devient une theéorie avec Yves Chevallard qui la place au centre de sa compreéhension de la diffusion des objets de savoir. Elle encadre alors le choix de la noospheère, le fonctionnement du systeème didactique autour du texte du savoir, la topogeneèse ou la chronogeneèse. D’autres didacticiens ont ensuite son inteéreât. Ils l’ont aè nouveau extrait de ce qui l’entourait pour l’exiler. Ce conflit reésulte d’un mouvement habituel des concepts au sein des disciplines et des theéories. Yves Chevallard a fait de meâme en transposant le contrat didactique depuis la TSD.

La TD eévoque alors la diffusion d’objets de savoir dans la socieéteé et dans les systeèmes didactiques. Elle ne se reésume pas aè une copie, mais constitue une profonde adaptation qui sous-entend la preésence et l’action de nombreux acteurs et de modifications, la substitution didactique ou la creéation d’objets. Tout en niant la transparence entre les objets de savoirs savants et scolaires, elle reétablit un lien et une distance neécessaire.

Nous pouvons alors entrevoir son inteéreât dans la construction du fait religieux par les manuels, sa transposition. Nous avons commenceé cette eétude en nous rapportant aè la production scientifique en lien avec les sciences des religions qui constituent une discipline savante, mais aussi avec l’histoire. Nous avons observeé les contours de ce fait religieux savant et nous marchons lentement vers sa construction dans la classe, si elle existe.

Au-delaè, la TTD nous permet de revenir sur ces eétudes que nous avons citeées dans la litteérature et sur les contraintes qui s’imposent dans la transposition de l’histoire et des diffeérents eéleéments qui la composent. Le vieillissement externe des savoirs intervient notamment dans les anneées 1980 et l’enseignement de la religion. Il nous permet aussi d’appreéhender les modifications de la guerre froide ou du fait colonial en lien avec les

eévolutions de la socieéteé. L’adeéquation de ce qui est enseigneé dans la classe et de ce qui est attendu des parents et des savants nous parait fondamentale, comme le projet social qui encadre la discipline comme le fait religieux. La TD nous renvoie enfin aux deéprobleématisations et aux contours des faits religieux dans le texte du savoir.

La TTD nous permet de mettre en relation la socieéteé et l’organisation du texte du savoir. Elle ne se contente pas de nous montrer des diffeérences, elle tente d’apporter des explications aè ce qui s’est joueé, les raisons de ces diffeérences, loin de se limiter au politique. Elle preésente le fonctionnement d’une acclimatation des contenus aè de nouvelles eécologies. Elle montre enfin que ce n’est pas la preésence d’un objet qui nous permet seule de traiter de sa diffusion, mais plutoât le texte du savoir et sa place en son sein.

Avec les concepts de notions matheématiques, paramatheématiques et protomatheématiques, nous envisageons les poids des positions et fonctions diffeérentes qu’ils peuvent occuper et jouer. Les religions et le fait religieux doivent s’inscrire dans ce texte du savoir. Loin de composer un tout, ils doivent subir les choix de la noospheère. Ce qui se trouvait uni dans un reéseau de probleématique au sein de la discipline savante se retrouve sans doute dans plusieurs autres dans le texte du savoir. Cependant, la TTD a eévolueé dans la TAD, nous l’avons amplement noteé. Cette transition a porteé avec elle un ensemble de concepts nouveaux qui nous permettent d’aller plus loin dans la compreéhension de l’histoire scolaire.