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2. L’histoire scolaire comme objet de recherche

2.1 Différentes sciences

C’est dans le champ de la didactique de l’histoire que s’inscrit notre travail. Certains des travaux que nous eévoquerons se trouvent aè l’exteérieur de ce champ, peu institutionnaliseé, dans les didactiques disciplinaires pour certaines, l’HDS, la sociologie ou de l’historiographie. Si la didactique de l’histoire a eévolueé vers des connaissances plus preécises et des recherches affineées (Lautier & Allieu-Mary, 2008), elle neécessite toujours, comme le deéfend Souplet (2012) dans sa theèse, l’importation de concepts et d’outils depuis les champs voisins.

• Deéfinir la didactique de l’histoire

Cette porositeé du champ, mise en valeur par l’ouvrage collectif didactique et histoire (Lalaguïe-Dulac, Legris, & Mercier, 2016) nous conduit aè tenter de deéfinir la didactique. Moniot (1993) l’envisage comme intrinseèquement lieée aè la discipline historique. Selon lui, elle interroge ce qui se produit lorsque nous apprenons une discipline et lorsque nous l’enseignons. Historien mettant en place un questionnement sur l’enseignement, il a joueé un roâle essentiel dans son institutionnalisation toujours partielle comme le notent Lautier et Allieu-Mary (2008). Il attribue aux fondements de celle-ci diffeérents questionnements. Dans un premier temps, elle s’inteéresse aè la discipline scolaire elle- meâme autant qu’au fait de penser en histoire ou aè la gestion des usages politiques (Henri Moniot, 2006).

Lalaguïe-Dulac, Legris et Mercier (2016) donnent, en introduction aè l’ouvrage que nous avons deéjaè citeé, des deéfinitions qui deécoulent de celle d’Henri Moniot. Dans un premier temps une acceptation large : la didactique s’inteéresse aè la façon dont on apprend l’histoire. Tout semble alors deépendre des sciences qui fournissent des eéleéments theéoriques.

La didactique de l’histoire semble dans un premier temps, lorsqu’elle s’inteéresse aè la construction de l’histoire et des apprentissages, aè l’eépisteémologie d’une part, aè la psychologie cognitive et aux sciences du langage d’une autre part. Dans les faits, ces deux approches semblent s’unir le plus souvent et constituer le noyau de la discipline.

Dans une seconde approche de la didactique de l’histoire, une approche qui nous convient davantage, ce sont les pratiques enseignantes et les manuels qui sont questionneés. AÀ l’eécoute des sciences sociales, cette didactique observe et applique un regard inductif plus qu’hypotheéticodeéductif aè l’enseignement de l’histoire. Cette

didactique tente de rendre compte des pratiques, des coutumes disciplinaires des constantes.

Une lecture plus avanceée de l’ouvrage et une analyse des reéfeérences bibliographiques tendent aè montrer cependant un ensemble de reéfeérence commune pour un groupe qui se voudrait disperseé entre histoire et didactique. Didier Cariou, Nicole Lautier ou Nicole Tutiaux-Guillon occupent ainsi une place centrale dans les reéfeérences. Dans le cas de cette dernieère auteure, l’usage important de l’autocitation grossit sans doute son emplacement, mais elle reste tout de meâme citeée par ses pairs.

Il ne s’agit pas, malgreé tout, d’un groupe de personnes qui discutent de didactique depuis des univers distincts. Cependant, nous trouvons inteéressant de noter l’importance des auteurs citeés de façon singulieère. Souvent cependant ils apparaissent pour l’exemplariteé de leurs recherches, dans une veine mise en lumieère par l’auteur, davantage que pour faire reéfeérence aè leurs travaux. D’une façon ou d’une autre, les auteurs se trouvent relieés entre eux.

Illustration 1: Mise en réseau des références

bibliographiques didactique et histoire (Lalagüe-Dulac, Legris & Mercier 2016)

Une tentative alternative de deéfinition pourrait ainsi passer par les autres disciplines. Souplet invoque le patronage de Reuter en didactique du français qui deéfinit la didactique comme science s’interrogeant sur les contenus comme objets d’enseignements et d’apprentissages (2012). Au-delaè, Yves Reuter eévoque la didactique comme particulieère aux disciplines scolaires (2008, 2014). Dans les deux cas, elle se trouve relieée aè une discipline particulieère, en ce qui nous concerne, l’histoire.

Jean-Pierre Astolfi, pour sa part, deéfinit la didactique des sciences expeérimentales comme une recherche se questionnant sur la diffusion des sciences dans la socieéteé, dans l’eécole bien entendu, et aussi dans d’autres lieux, par exemple les museées. Elle se doit alors d’inteégrer des eéleéments d’eépisteémologie, notamment, et d’interroger tout aè la fois la deéfinition des savoirs qui seront diffuseés dans la classe et les situations de classes (Astolfi & Develay, 2002).

Pour notre part, par assujettissement sans doute aè une formation didactique reçue sous son professorat, c’est vers Yves Chevallard et la TAD que nous nous tournons pour tenter une deéfinition de la didactique de l’histoire. Sans prendre part au deébat concernant l’existence d’une didactique ou de didactiques, qui a donneé lieu aè un dossier dans la revue éducation et didactique (Ligozat, Coquideé, Marlot, Verschure, & Sensevy, 2014), la deéfinition issue de l’approche anthropologique nous semble plus pertinente.

Afin de ne pas employer des termes propres aè la TAD que nous deévelopperons en seconde partie, nous lui emprunterons une deéfinition dans un langage plus simple :

« la didactique est la science de la diffusion (et de la non-diffusion, voire de la reétention) des connaissances, savoirs et pratiques dans un groupe humain deétermineé — une classe scolaire, “la” socieéteé, une institution, etc. » (2003, p. 1).

Cette approche permet ainsi d’observer les contraintes speécifiques comme geéneériques qui portent sur les diffeérents objets de savoir transposeés (Chevallard, 2014). La didactique de l’histoire prise alors comme speécialiteé d’une science didactique pourrait se deéfinir comme la science qui eétudie la diffusion des connaissances historiques dans un groupe humain deétermineé.

Bien qu’essentielle dans la compreéhension du pheénomeène transpositif, ce n’est plus la discipline scolaire qui occupe le cœur de cette deéfinition, mais l’objet de savoir diffuseé, ce qui ouvre un champ large d’objets d’eétudes. Pour autant, il ne s’agit pas de nier son importance dans cette diffusion, mais de la deépasser. L’histoire scolaire ne constitue, en deéfinitive, qu’un mode de diffusion de l’histoire.

• … au-delaè

Dans cette partie, sans pour autant tendre aè l’exhaustiviteé, c’est de la construction de l’histoire scolaire, en grande partie au travers de la didactique de l’histoire, dont nous traiterons. Cependant, la litteérature reste immense meâme si nous laissons de coâteé les travaux sur l’apprentissage. En conseéquence des deéfinitions multiples de la didactique, des oppositions theéoriques peuvent exister entre les diffeérents auteurs. La didactique de l’histoire se manifeste d’ailleurs par une absence d’homogeéneéiteé (Allieu-Mary, Audigier, & Tutiaux-Guillon, 2006 ; Lautier & Allieu-Mary, 2008). Sans gommer les particularismes, nous tenterons d’en tirer des eéleéments utiles aè une construction theéorique sur l’eédification de l’histoire scolaire.

De la meâme façon dont en histoire la question du chercheur participe aè la deésignation des sources (de Certeau, 1975), c’est la question de la construction de l’histoire scolaire qui induit l’assemblage de cette litteérature. Nous consideèrerons ici la production d’une repreésentation du passeé, pour citer Ricœur (2000), et plus largement les contraintes qui peèsent sur l’activiteé historiographique.

L’école et la nation est le titre d’un ouvrage collectif dirigeé par Falaize, Heimberg et

Loubes (2013), dans les pages duquel la construction de l’histoire scolaire, l’eévolution de ses objets est amplement eétudieée. Elle reste avant tout une discipline scolaire. Elle existe, dans un premier lieu, dans les contraintes de l’eécole. Elle appartient aè une cateégorie que l’HDS a construite depuis les anneées 1980 autour des travaux de Chervel (1988). Prise dans les cadres de l’eécole, sous le joug de l’EÉtat et plus largement de la socieéteé, elle porte des finaliteés qui deépassent le reécit du passeé. Au fil des deécennies, l’histoire scolaire a eévolueé depuis la construction d’une citoyenneteé particulieère aè un reégime en construction, dans une Europe fragmenteée, aè une citoyenneté plurielle pour reprendre le titre d’un article de Legris (2010a).

L’un des ouvrages fondateurs dans l’eétude de l’histoire scolaire est le mythe national,

l’histoire de France revisitée de Citron (1987). L’auteure fait œuvre critique et montre que

ce reécit ne va pas de soi. Selon la preéface de la dernieère reéeédition, les difficulteés se rajoutent au moment d’une « crise identitaire ».

Au-delaè foisonnent les interrogations dans les vastes champs entre la didactique de l’histoire, l’HDS ou d’autres cadres theéoriques. La didactique en elle-meâme s’inteéresse aè de nombreuses facettes, de l’enseignement des questions socialement vives (QSV) aux situations de classe, de la penseée historienne aux travaux qui en deécoulent (Lautier & Allieu-Mary, 2008).

AÀ travers une approche historicodidactique, Heimberg (2015) adopte une attitude aè la croiseée de l’histoire de la discipline et de sa didactique. Il approche l’enseignement de l’histoire dans son fonctionnement et son eévolution. Dans une optique similaire, nous ne trouvons pas utile de seéparer ce qui se situe dans la didactique et ce qui releève d’une approche historique de la diffusion scolaire de l’histoire.

Cette coexistence sur un meâme objet de diffeérentes disciplines ameène des theéorisations parfois concurrentes est particulieèrement mise en avant dans la theèse de de Cock (2016a). Si la chercheuse place son travail historique dans le champ de la sociologie du curriculum, elle n’en mentionne pas moins d’autres disciplines voisines, parfois sœurs, qui abordent le sujet. Si nous ne trouvons pas d’opposition frontale, nous pouvons tout de meâme percevoir sa preéfeérence pour l’HDS d’Andreé Chervel, ainsi que sur la sociologie du curriculum. Elle preésente une eévolution de la didactique de l’histoire vers une approche curriculaire. Dans cette vision, la didactique semble eâtre lieée aè la notion de TD. Le reproche fait aè la discipline serait de laisser de coâteé les interactions sociales.

La permeéabiliteé reste entre l’HDS heéritieère d’Andreé Chervel et la didactique disciplinaire de l’histoire. L’importance d’une approche issue des travaux du premier, que notent d’ailleurs Audigier (1995) ou Cariou (2013), nous conduira aè prendre le temps de la questionner, surtout et principalement dans ce qui l’oppose aè la TTD.

2.2 Différents objets, différentes