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5. Les apports de la Théorie anthropologique du Didactique

5.4 L’échelle des niveaux de codétermination didactique

5.4.1 La civilisation

La civilisation renvoie au palier le plus geéneéral. Winslow (2010) y voit un ensemble de normes et de traditions partageées par diffeérentes socieéteés. Meâme les plus multiculturelles d’entre elles connaissent la domination d’une civilisation. Plus particulieèrement, il renferme des eéleéments relatifs aè la religion principale, ou aè la philosophie. Dans notre cas, l’Europe occidentale se caracteérise par la preéeéminence du christianisme, voire du catholicisme, mais aussi par la seécularisation de ses socieéteés.

• Civilisation et matheématiques

En matheématiques, cet eéchelon se manifeste lors de la tentative avorteée d’importation d’un manuel français en Algeérie (Artaud, Bebbouchi, & Menotti, 2005). Les reéticences qui s’expriment renvoient aux deux civilisations qui se rencontrent. Dans une autre optique, le niveau peut aussi influencer le rapport de l’eéleève aè une discipline particulieère. Dans le cas des matheématiques encore, il semble sensiblement diffeérent entre l’Extreâme-Orient et l’Occident (Artigues & Winslow, 2010). Cela contraint les usages de la discipline dans les socieéteés autant que les comportements attendus des professeurs et des eéleèves dans les contrats didactiques. Micheèle Artigues et Carl Winslow rapportent qu’une eétude des ouvrages scolaires de pays extreâmes orientaux et occidentaux montre des constructions diffeérentes. Les livres britanniques et eétats-uniens usent de mises en page attrayantes. Les manuels chinois, sud-coreéens et japonais adoptent un modeèle austeère, centreé sur le savoir. L’eétude mentionneée renvoie alors aè une opposition entre une peédagogie individuelle, en occident, et une approche construite autour du bien commun et de l’harmonie.

• Des eétudes sur les diffeérences des civilisations

Sans doute, de tels travaux existent pour l’histoire meâme si nous ne voyons que des eétudes limiteées aè quelques pays pour des raisons preécises. Dierkes (2001), compare ainsi les eévolutions de la discipline en Allemagne et au Japon apreès la Seconde Guerre mondiale. Nous nous contenterons de noter ce qui caracteérise plus particulieèrement la

civilisation occidentale, et qui nous inteéresse : la preéeéminence du christianisme romain, la seécularisation, les rapports ambivalents au judaïïsme (Valbousquet, 2015) ou aè l’Islam.

Ces eéleéments renvoient aè la place du fait religieux dans la socieéteé et aè son influence sur sa construction dans les manuels. Nous pouvons avancer l’hypotheèse que le catholicisme sera au centre, repoussant les autres religions et confessions chreétiennes dans les marges et les confrontations. Paralleèlement, la progression vers le contemporain doit aller de pair avec une reéduction de l’espace du fait religieux, en lien avec la seécularisation de l’Europe occidentale.

• La civilisation et le temps

La civilisation impose aussi sa lecture du temps. Si la naissance de Jeésus-Christ marque l’origine du calendrier, le deétachement de la figure centrale du « grand homme » stabilise, dans l’occident contemporain, la peériode de cent ans (Boucheron, 2014). Dans l’Ancien Reégime, cette uniteé de mesure fluctue, associeée aè une figure embleématique, comme Louis XIV chez Voltaire. La normalisation du XIXe sieècle accompagne la laïïcisation

de la socieéteé europeéenne. Plus largement, le deécoupage en quatre peériodes deécoule de ce niveau, meâme s’il s’est reépandu, et connaïât quelques variations (Le Bihan & Mazel, 2016). Si le vocabulaire fluctue, les Latins et Anglo-saxons observent la construction canonique. Au lieu d’eépoques moderne et contemporaine, l’anglais eévoque : early modern history et

late modern history (Leduc, 2014).

Les reégimes d’historiciteé, mis en lumieère notamment par Hartog (2012), touchent aussi aè ce rapport au temps. Le preésenteéisme caracteériserait alors notre eépoque. Entre un futur difficilement perceptible et un passeé de plus en plus effaceé, le preésent s’impose. Plus encore, le reégime d’historiciteé renvoie aè la theéorie du temps. Ses interpreétations cycliques des civilisations agraires ou deécadentes de la Greèce antique ne correspondent pas aux religions abrahamiques. Ces dernieères preésentent de grands moments passeés et futurs, la reéveélation et la promesse eschatologique. La socieéteé seéculariseée, avec sa mesure normaliseée de la succession des anneées, abandonne cette fin et renforce le poids du preésent.

Nous pourrions nous interroger sur une peériodisation qui touche, par exemple, l’Afrique. Le continent n’a connu qu’indirectement les ceésures du temps europeéen. L’historiographie semble alors imposer d’autres deécoupages lieés aè la traite neégrieère ou aè la colonisation, sans que soient explicites les eéveènements anteérieurs (Chreétien, 2014). Ce deécoupage nous permet d’interroger la construction de cette Afrique dans les manuels, et par laè meâme de ses religions autochtones. Si ces espaces sont abordeés pour eux- meâmes, suivent-ils la peériodisation europeéenne ou africaine ? Le fait religieux, qui s’exprime plus geéneéralement, existe-t-il dans sa temporaliteé propre ? Nous eémettons l’hypotheèse, bien au contraire, qu’il reste tributaire du politique europeéen.

Touchant l’Afrique, nous ne pouvons pas eécarter la question de l’eécrit. Sa preéeéminence en occident conduit aè exclure les socieéteés orales du cours du temps, son invention seépare d’ailleurs histoire et preéhistoire (Hartog, 2005). Dans un manuel, qui impose aussi

l’importance des textes, quel espace peut donc eâtre laisseé aux religions sans eécriture ? Quels documents permettent de l’aborder aè deéfaut de Bible, de Coran ou de Bhagavad Gïâta ? Nous eémettons l’hypotheèse que ces cultes, s’ils apparaissent, se traduisent principalement par leurs dimensions monumentales.

Nous touchons laè aè ce qui importe. Le politique des socieéteés seéculariseées occupe une place centrale, source des peériodisations deétacheées du religieux. Il offre selon notre hypotheèse l’axe principal de sa construction. Ensuite, l’eécriture fonde l’occident, aè travers la loi, la litteérature ou la Bible. Le fait religieux devrait donc lui accorder une grande importance. Enfin, socieéteé urbaine, le monument y occupe une place centrale. Cette qualiteé semble d’ailleurs s’accommoder de l’iconographie des manuels. Devant l’eécrit, l’architecture et l’art, plus geéneéralement, doivent offrir la dimension la plus importante du fait religieux.

Cette ideée eévoque une influence sur la production de repreésentations. La civilisation deésigne ce qui compte, le politique, mais aussi l’autre, celui qui ne sait pas eécrire ou qui importe peu. Perrot (1998) note la difficile eémergence d’une histoire des femmes. Les raisons principales deécoulent de ce palier. Le patriarcat n’a pas permis cette eémergence avant que ne se deéveloppe un veéritable mouvement d’eémancipation. Le manque d’enseignement de l’eécriture aux femmes les a empeâcheées de laisser des traces. Leur faible roâle politique les eécarte d’une histoire centreée sur cet aspect de la socieéteé. Pour autant, la civilisation a largement eévolueé. Elles ont acquis de nombreux droits, meâme si l’eégaliteé reste en devenir. Nous nous interrogeons donc sur la place qui leur est accordeée dans le fait religieux.

Les caracteéristiques principales de la civilisation nous permettent de dresser quelques hypotheèses concernant le fait religieux au sein de l’histoire secondaire. Celui-ci devrait donc eâtre principalement centreé autour du catholicisme, il devrait faire une large part aè l’eécrit et aux monuments. Tributaire du politique, il devrait s’y inscrire suivant la chronologie seéculariseée et traduisant les liens entre ces deux versants de la socieéteé. Enfin, nous eémettons l’hypotheèse que ce fait religieux serait principalement lieé aux hommes. Tous ces eéleéments influencent l’enseignement du fait religieux. Pour autant, plusieurs socieéteés coexistent, avec leurs particulariteés, au sein d’une civilisation. La socieéteé française posseède donc ces particulariteés. Institution, au sens le plus large, la civilisation a vocation aè se maintenir en assujettissant ses membres afin qu’ils s’y inteègrent.

5.4.2 La Société

Elle apparaïât donc comme le second niveau le plus geéneéral de l’eéchelle. Elle se situe dans le cadre de la civilisation occidentale, qui contribue aè la contraindre.

• En dessous

Dans la socieéteé, diffeérentes EÉcoles coexistent composant le systeème eéducatif, mais pas seulement. En fonction des positions que doivent occuper les diffeérentes personnes

assujetties, elles s’organisent afin de construire des rapports conformes. Chevallard (2007a) note par ailleurs que dans le monde extrascolaire, les apprentissages deviennent difficiles en raison de cet adultisme qui voudrait cette peériode de formation termineée aè partir d’un certain aâge. Ce qui parait juste pour les matheématiques nous semble erroneé pour l’histoire qui occupe une large part dans la vulgarisation au sein de la socieéteé et des meédias. L’histortainment teéleévisuel se double d’un nombre toujours important de magazines grands publics (Blanc, Cheéry, & Naudin, 2013). Cette situation tient d’ailleurs, aè n’en point douter, aè l’une des utiliteés de l’histoire, mise en lumieère par Boucheron (2015) : le divertissement. Ces productions malgreé leur leégeèreteé transmettent des complexes de praxeéologies, souvent reéactionnaires, autour de grands personnages et de mises en intrigues romanceées.

• Des omissions

De la socieéteé eémanent aussi quelques silences, tabous ou omissions, comme l’a noteé Ferro (1985, 2002, 2012). Dans un premier ouvrage, l’auteur cateégorise les silences en fonction de leurs objets. Le premier renvoie ainsi aè la leégitimiteé et empeâche d’aborder les origines de l’institution. Le second s’impose sur des eéleéments neégatifs du passeé, que nous preéfeérons oublier. Le dernier concerne alors des faits dont le peuple, lui-meâme, ne veut pas se souvenir.

Quelques dizaines d’anneées plus tard, il change la nomenclature avec les tabous et les interdits. L’un aborde la crainte et la pudeur que l’on peut ressentir et qui conduisent aè taire un eéveènement. L’autre, plus politique, renvoie aè une contrainte exteérieure, aè la censure.

Dans son troisieème texte, un article, il eévoque trois oublis diffeérents. Le mensonge provient de l’institution et rejoint une volonteé de leégitimation. L’oubli social eémane du peuple qui, pour des raisons d’honneur, refuse le souvenir des violences subies. Enfin, le dernier, estheétique, deécoule de l’auteur qui par souci de coheérence laisse de coâteé quelques eéleéments trop discordants.

Ce dernier renvoie, bien eévidemment, aè la question de l’eécriture et n’eémane pas de la socieéteé elle-meâme, si l’on omet le poids du roman national que nous avons traiteé bien plus haut. Cette notion reçoit un eécho dans une recherche de Clerc (2006). En geéographie, la rigiditeé du modeèle empeâcherait alors de mettre en lumieère certains eéleéments divergents.

œuvre Type Origine Motivation Objet

L’histoire sous surveillance

Silence 1 Institution Légitimité Origine

Silence 2 Institution

/société Image, cohésion sociale Crime, méfaits

Silence 3 Société Grande souffrance, honneur Massacre, crime,

souffrances, subits

Les tabous de l’histoire Tabous Société Sacralité Indéfini

Interdits Institution Indéfini Indéfini

Les oublis de l’histoire

Mensonges Institution Légitimité, image Origine, crime, méfaits

Oubli social Société Honneur Violence subie

Esthétique Auteur Esthétique divergence

Tableau 6: Les formes de l’omission chez Ferro

• La laïïciteé

La socieéteé française impose d’autres contraintes qui deécoulent de son statut d’EÉtat laïïc. Comme nous l’avons noteé plus haut, ce dernier ne se meâle pas de religion. La question reste socialement vive en France notamment en ce qui concerne la construction d’un rapport aux religions, meâme laïïque, au sein de l’eécole.

Le deébat fait rage autour de la visibiliteé des musulmans. Pour beaucoup, la religion doit rester dans l’espace priveé. La socieéteé qui cherche la pacification souhaite donc travailler au vivre ensemble, aè travers l’eécole, par la diffusion de connaissances communes qui modifient le rapport de chacun aux religions de l’autre. Multiculturelle et multiconfessionnelle, la France reéunit dans les systeèmes didactiques des croyants et non- croyants en position d’enseignement comme d’eéleève. Singulieèrement, meâme si l’islamophobie touche une large part des pays occidentaux (Asal, 2014), elle implique des rapports compliqueés qui portent les stigmates de la guerre d’Algeérie entre autres (Godard, 2015).

Au sein du fait religieux, ce qui a trait aè l’islam semble ainsi devoir eâtre observeé plus preéciseément. Deuxieème religion de la socieéteé, elle n’en reste pas moins l’autre. Au-delaè de la foi et de la laïïciteé, nous touchons aè un ensemble de contraintes lieées au passeé qui ne passe pas. Les meémoires coloniales s’imposent comme autant de rapports concourants aux eéveènements. L’Islam releève alors d’une question d’identiteé qui implique un traitement le moins clivant possible. Cette dimension ainsi qu’une racialisation — comprise comme « l’attribution extensive de caracteéristiques raciales aè des individus, de groupes ou de relations sociales, qui consiste, in fine, aè deéfinir un ordre social » par Peretti-Ndiaye (2016, p. 108) — de la religion touchent sans doute, de façon peut-eâtre moindre, les autres confessions actuelles.

• Le roman national

Le roman national renvoie aussi aè ce palier. Deépassant largement les murs de la classe, il se manifeste par des usages politiques du passeé, autant de rapports aè l’identiteé. Ils deécoulent d’une theéorie de la France que nous pouvons, peut-eâtre, retrouver dans les

organisations praxeéologiques. La construction baseée sur quelques grands personnages, s’efface des programmes ou les manuels. Cependant, nous pouvons eémettre l’hypotheèse que la forme geéneérale « francocentreée » s’impose, et avec elle une repreésentation lineéaire du religieux qui laisse de coâteé quelques eéleéments discordants. Le mouvement de laïïcisation apparaïât sans doute sans recul ni deébat anteérieur ou posteérieur. Paralleèlement, les eévolutions sociales du XXe sieècle se construisent sans les reéticences religieuses qui peuvent se manifester.

• Encadrer l’eécole nationale

Enfin, ce palier contraint la diffusion des complexes de praxeéologies historiques aè travers l’encadrement de l’EÉcole. Il organise l’enseignement entre le primaire, le secondaire et le supeérieur. Actuellement, les institutions se succeèdent. La deémocratisation a associeé deux systeèmes paralleèles, baseés sur les milieux sociaux. Le secondaire descend du Lyceée napoleéonien (Marchand, 2006). Il a perdu de son eélitisme, mais en garde l’heéritage. En son sein, le colleège cloât l’enseignement obligatoire alors que le lyceée conduit au baccalaureéat. Les filieères geéneérales composent l’institution fondamentale du systeème et la section scientifique occupe la position la plus valoriseée. Ces institutions, qui sont autant d’EÉcoles, posseèdent logiquement des fonctionnements qui divergent et se ressemblent. Le contrat didactique n’attend pas la meâme chose d’un eéleève en BEP que d’un autre en Tle ES. L’histoire elle-meâme diffeère en fonction des

positions futures des diploâmeés. Nous revenons alors aè la place qu’occupe l’histoire dans la socieéteé.

Le secondaire, morceleé, recoupe donc diffeérentes eécoles qui imposent des contraintes importantes.

5.4.3 L’École

La socieéteé institue diffeérentes eécoles, ouè sont diffuseés des complexes de praxeéologies, ouè se construisent des rapports neécessaires des personnes aè des objets. L’eécole constitue plus largement une « institution qui s’engage aè faire rencontrer et/ou aè faire acqueérir aè ses eéleèves U certaines praxeéologies annonceées, c’est-aè-dire certaines reéponses aè certaines questions » (Chevallard, 2009 b, p. 9). Si certaines apparaissent momentaneément, celles qui nous inteéressent sont anciennes et chargeées de veétusteés.

Nous abordons ici plusieurs eécoles qui renvoient aè autant de positions au sein de la socieéteé. Elles encadrent la seéparation de ce qui est deésigneé aè enseigner aè travers les diffeérentes disciplines, parmi lesquelles l’histoire ou encore le français (Sion-Charvet, 2006).

L’institution neécesste, selon Chevallard (2009 b), un projet d’eécole qui comprend les complexes de praxeéologies et qui doit peériodiquement se reformuler. Ce besoin rencontre d’ailleurs le vieillissement du savoir. Les organisations praxeéologiques fournies ne correspondent plus aè ce qu’attend la socieéteé. Monumentaliseées, elles ont perdu leurs utiliteés, mais restent visiteées par les systeèmes didactiques. Notre

interrogation porte alors sur le besoin de construction d’un rapport laïïque aux religions. L’introduction de ces eéleéments, rendus neécessaires par l’eévolution d’une socieéteé multiconfessionnelle et seéculariseée, implique une reneégociation du projet d’eécole. Nous revenons sur les interrogations qui concernent la nature de ce nouvel enseignement et son introduction dans l’offre disciplinaire. Comment construire un rapport, meâme laïïc, au religieux en l’absence d’une discipline consacreée ?

Nous rencontrons une des contraintes majeures de ce niveau. Chevallard (2009a) parle, dans le cas de l’eéducation nationale, d’un pacte scolaire qui reposerait essentiellement sur le paradigme de l’inventaire des savoirs. L’eéleève serait conduit aè travers un ensemble de points. Par opposition, il eévoque un paradigme de questionnement du monde qui part de l’œuvre. L’EÉcole produit diffeérentes disciplines d’importance varieée qui cohabitent. L’Histoire, associeée aè la geéographie et aè l’eéducation civique, apparaïât aè tous les niveaux, meâme si elle tombe en disgraâce en Tle scientifique.

Nous pouvons peut-eâtre voir une conseéquence du roâle de l’histoire au niveau de la Socieéteé.

Au sein de l’EÉcole, l’organisation touche tout aè la fois le statut des enseignants, leurs obligations, comme celle des eéleèves, mais aussi la dimension docimologique aè laquelle ils peuvent eâtre tenus. Des eépreuves fixent les moments importants de la scolariteé. Leurs formes imposent des contraintes aux disciplines.

AÀ travers les manuels, nous rencontrons un savoir appreâteé. Ils reéunissent le minimum requis pour le respect du programme, leurs eécritures ou productions constituent des gestes didactiques. Si les ouvrages sont destineés aux diffeérents niveaux du secondaire, nous devons aussi les appreéhender comme des publications, et consideérer leurs maisons d’eédition comme autant d’eécoles. Elles encadrent alors des systeèmes dans lesquels les auteurs Y rencontrent des eéleèves x putatifs.

En France, ce marcheé s’inscrit dans celui de l’industrie eéducative et est ouvert. Les diffeérents eéditeurs diffusent des savoirs proches dans des formes convergentes. Bahuaud (2005) observe une centralisation de l’eéconomie autour de quelques poâles. Six maisons se partagent 80 % aè 90 % du marcheé. La concentration conduit aè des choix strateégiques, la focalisation de certaines sur des filieères speécialiseées. Par ailleurs, elles vivent en symbiose avec l’eéducation nationale. Myriam Bahuaud note ainsi que l’absence de renouvellement des programmes dans les anneées 2000 a entraïâneé un recul du chiffre d’affaires du secteur. Le manuel doit se vendre et ce besoin apporte de nombreuses contraintes dans sa forme et son fond, une neécessaire conformation au programme, meâme si la loi ne l’impose pas.

Dans l’oligopole qu’elle esquisse pour l’anneée 2004, et dont nous avons tireé un scheéma (Annexe C.6, p.13), elle montre ainsi une concentration du marcheé. Seuls, isoleés, Belin et Bordas restent indeépendants. Cette structure subit, cependant, une profonde deéstabilisation en raison de l’introduction des TICE ou des tentatives d’ouverture du systeème.

Moeglin (2005) note une reéduction du nombre de maisons et de collection aè la fin du XXe sieècle. La concurrence, tourneée tout aè la fois vers les enseignants, les parents et la

socieéteé, entraïâne des strateégies commerciales qui s’expriment jusque dans les reéunions de reédactions. Le poids de la maquette compte tout autant que les collections de documents, au deétriment du politique.

Alors que certains livres revendiquaient dans les anneées 1970 une orientation socialiste, la neutraliteé s’impose aujourd’hui. La fondation Aristote propose un nouveau

manuel d’histoire pour les programmes de 2016, autour de Dimitri Casali, et d’une

theéorie reéactionnaire de la discipline, mais elle reste exteérieure au marcheé. Dans ce cadre commercial, nous pourrions interroger l’influence des repreésentations sociales des religions dans les ouvrages.

Si la TTD deéfend une neécessaire distance entre les connaissances des parents et celle des enseignants, les manuels ne se tiennent-ils pas, tout de meâme, aè la diffusion de rapports acceptables aux religions qui pourraient eâtre source de clivages ? Cette construction pourrait s’eétablir au deétriment d’une proximiteé des disciplines savantes. Abordant la production aè destination de l’inteégraliteé du secondaire, nous pouvons envisager les influences relatives de ces diffeérents groupes. Existe-t-il un veéritable « effet de maison d’eédition » ?

Au-delaè de l’EÉcole, les manuels portent des eéleéments dans le niveau qui lui est intrinseèquement lieé, la peédagogie.

5.4.4 La pédagogie

Nous atteignons la frontieère du territoire du didacticien et du professeur. Chevallard (2002 b) estime ainsi qu’aè ce palier l’introduction de nouveaux eéleéments deépend des