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6. Les manuels scolaires

6.6 Appréhender le manuel dans la transposition didactique

Ravel (2003) aborde le cas des manuels de matheématiques. Elle le deésigne comme « savoir appreâteé » (annexe D.8, p. 21) selon la formule employeée par Yves Chevallard, le meâme statut que le projet de cours, intermeédiaire entre les savoirs aè enseigner et enseigneé.

Bien que sujets de l’institution scolaire, comme les auteurs des programmes, ceux des manuels subissent des contraintes singulieères. Ils construisent des organisations didactiques, des interpreétations de la prescription. Interroger le savoir appreâteé renvoie au rapport institutionnel.

Le manuel et sa production s’inscrivent donc dans un ensemble de contraintes propres. Les auteurs, en composant les contenus et les maquettes, reéalisent des gestes didactiques. Le manuel d’histoire se deécoupe donc en plusieurs types de pages qui obeéissent aè des modes peédagogiques diffeérents en encadrant l’activiteé des eéleèves/lecteurs. Abordant l’eécologie et l’eéconomie du fait religieux, nous devons nous interroger sur l’influence de ces deux modes. Quelle forme du fait religieux pour les eétudes ou pour les leçons ? Pouvons-nous observer une partition semblable aè celle mise en lumieère par Yannick Le Marec aè propos de la Premieère Guerre mondiale ? Nous restons cependant conscients que le fait religieux deépasse largement le conflit. En fonction des positions dans les programmes, des objets eétudieés, quelles places sont occupeées par le fait religieux ? Conserve-t-il hors du temps, autour de l’histoire de l’art, une position particulieère dans les eétudes ?

Le manuel apparaïât ensuite comme un objet composite dans lequel prennent place des documents de formes varieées autant que des textes d’auteurs, ou, encore, des lexiques et des biographies. La forme du fait religieux se trouve alors contrainte dans ces eéleéments. Quels documents pour les religions ? Quelle place pour les textes sacreés ? Quelle place pour les œuvres patrimoniales ? Mais aussi, quelle influence la dimension scripturale des trois religions du livre peut-elle avoir sur cette repreésentation ? Quels usages de la photographie, participe-t-elle aè la construction d’anachronismes ? AÀ la repreésentation fixiste des religions ? Nous pouvons eémettre l’hypotheèse que les documents occupent un roâle fondamental dans la repreésentation des religions. Nous pensons ainsi que l’aspect monumental et artistique conduit aè un grand nombre d’illustrations, mais aussi d’œuvres patrimoniales abordeées pour elles-meâmes, sans compter la preésence d’allusions religieuses dans des œuvres profanes.

Enfin, les manuels obeéissent aè une forme de standardisation, dans la forme comme dans les documents produits. Nous pouvons alors nous interroger sur les constances entre les diffeérentes maisons. Des documents sont-ils toujours preésents, des œuvres singulieères ? Des passages de la Bible ou du Coran, comme des œuvres embleématiques, le Doâme-du-Rocher ou la basilique Sainte-Sophie, offrent ainsi, sans doute des cas d’œuvres monumentales et patrimoniales, preésents dans tous les manuels qui peuvent les traiter. Pour autant, les approches pouvant varier, nous ne pouvons nous fier aè ces œuvres qui, d’ailleurs, apparaissent sans doute dans la prescription. Cependant, nous pouvons nous avancer en pensant que certaines œuvres moins patrimoniales, mais tout aussi importantes que la mosaïïque de Veéronique Deneuche peuvent apparaïâtre en des points similaires, comme le triptyque d’Otto Dix qui illustre la Premieère Guerre mondiale.

Synthèse

Les manuels scolaires constituent des objets complexes pris dans des séries de contraintes qui les définissent. L’œuvre elle-même n’a rien de laissé au hasard, la neutralité de l’édition scolaire s’inscrit tout de même dans des impératifs qui s’écartent des besoins du système didactique. Nous pouvons noter dans un premier temps les conditions de leurs productions dans le cadre d’un marché oligopolistique partagé entre quelques grandes maisons. La lourde concurrence impose des choix tactiques. Les positions qui sortiraient de la neutralité pourraient influencer les ventes, à moins de chercher à satisfaire une clientèle de niche. Les équipes d’auteurs sont amenées à composer des livres semblables dans leurs formes comme leurs contenus.

Cette œuvre normalisée se structure dans les manuels scolaires autour de la double page qui renvoie à une unité de lieu et de temps. Elle laisse alors les sujets s’organiser autour de trois principaux modèles, la leçon, l’étude et l’histoire de l’art. Chacun de ces modèles impose des organisations didactiques différentes, ainsi que des rencontres différentes avec les objets. En fonction de la place du fait religieux, de son positionnement dans ces sujets, de ceux qui lui sont consacrés ou non, il peut prendre des formes différentes.

Ces sujets, encore, organisent des documents de différentes natures, fonctions et origines ainsi que des textes d’auteurs. Le sujet et son approche ne peuvent s’établir qu’à travers l’organisation de ces différents éléments. Il permet d’entrevoir différents habitats pour les religions ou ses composantes. Entre des illustrations, ou des sujets eux-mêmes, entre de simples allusions ou des constructions organisées autour des croyances ou des pratiques.

La forme fixe de ces œuvres nous permet d’observer l’intégralité de ces présences du fait religieux, l’organisation des manuels. Nous ne devons pas nier que nous rencontrons un savoir apprêté, une œuvre interprétant le savoir à enseigner. Nous sommes loin de pouvoir atteindre ce qui est diffusé dans la classe ou ce qui se trouve appris par les élèves. Par ailleurs, les manuels interprètent les programmes. L’état à travers le ministère de l’Éducation, notamment, constitue une des principales sources de contraintes qui pèsent sur eux.

De la discipline savante, histoire, science de religions, ou autre, jusqu’aux manuels, nous observons donc une TD. Avec ce savoir appreâteé, nous nous trouvons aè la limite du systeème didactique. Si le savoir et l’enseignant s’y trouvent identifieés, nous ignorons tout, ou presque des eéleèves. La TD renvoie donc aux contraintes que subit la diffusion des complexes de praxeéologie dans la socieéteé.

Nous devons alors entreprendre de questionner ce que nous trouvons dans les programmes avant de porter notre attention sur les pages des manuels. L’eétude de l’eécologie et de l’eéconomie du fait religieux dans ces livres passe par l’eétude de ces derniers. C’est avant tout l’architecture des objets qui le composent comme des points

qui les reéunissent qui nous importe. AÀ travers ces manuels, les sujets comme leurs limites, nous pouvons appreéhender ce qui a eéteé transposeé et ce qui ne l’a pas eéteé. Ces deux points nous semblent fondamentaux dans l’appreéhension de la transposition du fait religieux lui-meâme.

Le poids de la visite des œuvres impose des deécoupages du fait religieux, il n’est rencontreé qu’aè travers les visites preévues par les manuels et qui ne se tournent pas souvent vers la religion ou ses eémanations. Le poids des diffeérents niveaux de l’eéchelle des niveaux de codeétermination didactique nous permet alors de comprendre et d’interpreéter les origines de ces choix, de leurs organisations. Nous devrons alors interroger les raisons de chaque manque et de chaque preésence. Pour autant, nous ne consideérons pas de mauvaise TD. Nous ne jugeons pas ce que produisent les manuels au regard de ce que construit la litteérature. Nous partons de l’ideée que les choix sont tributaires d’eéleéments divers qui les encadrent et en empeâchent d’autres. L’organisation du fait religieux, son eécologie et son eéconomie nous paraissent plus importantes que la conformiteé aux avanceées de la discipline savante, meâme si celle-ci peut permettre d’appreéhender les origines de certains choix.

Avant de passer aux manuels et d’entrer dans leurs organisations du fait religieux, nous passerons par les prescriptions qui encadrent plus preéciseément les textes du savoir et le corpus.

Écologie du fait religieux

7. L’écologie du religieux dans la