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environnement global (années 1950-1980)

B. La déforestation tropicale comme problème environnemental global

2. Télédétection et controverses : la fabrique technico-politique du problème de la déforestation

L’émergence des techniques d’imagerie satellitaire révolutionne l’approche de la déforestation. Le recueil d’informations ne se limite alors plus aux données restreintes et peu fiables disponibles dans les administrations nationales, celles-ci peuvent même être dans une certaine mesure contournées. En donnant à voir ce phénomène via des artefacts pensés comme objectifs (au lieu d'agréger de données déclaratives plus ou moins fiables) la télédétection contribue largement à faire émerger une alerte environnementale globale sur les forêts tropicales, légitimant ainsi la volonté d’en faire un objet de politiques internationales. Cette dynamique nourrit en réaction l’affirmation d’une souveraineté forte des États en développement sur leur territoire et leurs ressources. Dans le cas emblématique du Brésil, celle-ci passe en particulier par le développement d’une industrie satellitaire nationale capable de produire ses propres données.

Les images satellitaires, de la guerre froide à la surveillance des forêts

Alors que la guerre froide entre bloc occidental et bloc soviétique bat son plein, la course à l’espace devient un enjeu majeur, à la fois stratégique et symbolique, depuis la récupération au sortir de la guerre de l’expertise et du matériel allemand liés aux programmes de missiles aux annonces à quelques heures d’intervalles par les États-Unis et l’URSS du lancement de programmes satellitaires, en vue de l’Année géophysique internationale (1957-1958). C’est finalement l’URSS qui marque un point majeur en lançant le premier satellite en 1957,

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Spoutnik 1, alors que le programme Orbiter étatsunien a pris du retard. Rapidement, des technologies sont développées pour permettre une reconnaissance optique à des fins de renseignement militaire. Alors que l’usage des satellites pour la météorologie et la communication se développent, une polémique freine le développement de programmes civils d’observation de la Terre1. Les géographes et géologues impliqués dans les projets militaires perçoivent très vite les bénéfices qui pourraient être tirés des technologies disponibles dans des applications pratiques. Mais les responsables de ces programmes voient d’un mauvais œil la divulgation de leurs technologies, et freinent de ce fait tout développement d’un programme civil d’observation de la Terre. Avec la diffusion d’images prises par des astronautes et par des sondes spatiales de la Terre ou d’autres planètes, la conscience des possibilités se propage, tout comme les pressions. L’intérêt en émergence est par exemple illustré par l’organisation dès 1962 du premier International symposium on remote sensing of environment par l’université du Michigan, alors le « remote sensing » est une discipline en émergence2. La revue Remote sensing of environment est aussi créée en 1969.

En 1965, la National Aeronautics and Space Administration (NASA) lance une étude préliminaire pour préparer la mise en orbite d’un satellite d’inventaire des ressources terrestres. Comme on l’a montré dans la section précédente, le contexte de Guerre froide renforce le caractère stratégique lié aux ressources naturelles et à l’environnement en général. C’est pourquoi divers départements gouvernementaux des États-Unis voient très vite les bénéfices que la télédétection pourrait leur apporter dans la réalisation de leurs missions, en particulier le département de l’Intérieur (dont l’U.S. geological survey), le Corps of engineers de l'armée étatsunienne et le département de l’Agriculture. Mais leurs besoins et priorités diffèrent et une guerre de leadership s’instaure, ce qui pèse encore sur l’avancement du projet. C’est donc dans des conditions de pression suite aux succès soviétiques, de tensions internes majeures et avec un budget lourdement grevé par la guerre du Vietnam qu’en 1972, le premier satellite du programme Earth resources technology satellite est enfin lancé. Maintenue responsable du programme, la NASA doit faire des choix déterminants sur la base d’un compromis entre diverses demandes, les technologies disponibles et les possibilités budgétaires. Le programme changera de nom en 1975 et deviendra Landsat. En France, le programme Satellite pour l’observation de la Terre (SPOT) démarre en 1978.

Du côté des forêts, les images satellitaires ouvrent des perspectives majeures, qu’elles soient spatiales ou temporelles. C’est d’autant plus le cas concernant les forêts tropicales, pour lesquelles peu de données sont archivées et dont l’étude est largement limitée par les difficultés d’accès qu’elles imposent. La production d’images et d’informations « vues d’en

1

L’essentiel de ce paragraphe et du suivant reprennent le travail de Pamela E. Mack (1998; 1990). 2

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haut » ouvrent donc une nouvelle ère et génère beaucoup d’enthousiasme. Les informations produites sont très vite utilisées pour produire des chiffres (surfaces déforestées, puis taux de déforestation, etc.) et viennent alimenter les débats techniques comme politiques. Au regard des questionnaires envoyés aux responsables nationaux, le regard offert par Landsat semble neutre et objectif, tel une photographie de l'état réel des forêts, bien que leur production appelle à des processus complexes et enracinés dans des contraintes sociotechniques.

La bataille des nombres, des méthodes et des définitions

Après la publication en 1980 par les États-Unis d’un rapport alarmiste sur la conversion des forêts tropicales sans utilisation de la télédétection, une importante controverse apparaît avec la diffusion des techniques d’analyse d’images satellitaires et des données disponibles. Le débat implique aussi bien les experts des agences onusiennes que des études financées par des ONG, mais la FAO garde une certaine autorité dans le domaine.

À la fin des années 1970, le Committee on research priorities in tropical biology (US National research council) et l’académie des sciences commanditent au consultant britannique Norman Myers1 un rapport, qui est publié en 1980 sous le titre Conversion of tropical moist

forests. La publication, basée sur une revue de la littérature, des interviews et des

correspondances, identifie les principaux facteurs de conversion et les zones les plus menacées, interroge la terminologie sur ces enjeux et établit un bilan régions par régions, et pays par pays. Finalement, le taux de conversion global est estimé à 22 millions d’ha. L’auteur insiste aussi sur le manque de données disponibles et fiables. Après ce rapport très cité dans la littérature sur le sujet2, Myers devient une voix importante dans les débats sur les estimations et les conséquences de la destruction des forêts.

En 19823, la FAO et le PNUE publient un nouveau rapport et de nouvelles estimations. Elles proviennent d’un programme de large envergure : le Système mondial de surveillance continue de l'environnement (Global environmental monitoring system, GEMS) qui a été

1

Myers est surtout connu pour ses travaux et alertes sur la biodiversité à partir des années 1970 (Adger, Benjaminsen, Brown, & Svarstad, 2000, p. 6), notamment popularisés par la création du concept de « hotspot » : constatant qu’une partie importante de la biodiversité est concentrée sur des zones très réduites du globe, l’idée est d’identifier grâce à ce concept des zones à la fois très riche en biodiversité et particulièrement menacée par les activités anthropiques, afin de favoriser leur protection. Le concept a notamment été repris par l’ONG étatsunienne Conservation International et l’UICN.

2

Notamment dans le rapport produit pour l’administration états-unienne Global 2000, voir plus loin (Sedjo & Clawson, 1983).

3 Une étude a entretemps été publiée par la FAO (Lanly & Clément, 1979)mais ses résultats sont moins marquants (Lanly, et al., 1982; Fontaine, 1985). En parallèle, la FAO participie aussi à la rédaction d'une étude concernant l'état des connaissances sur les écosystèmes forestiers tropicaux, publiée en 1978 dans le cadre du Programme de l'Unesco sur l'homme et la biosphère (Fontaine, 1985).

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recommandé par la conférence de Stockholm en 1972. La FAO et l'Unesco avaient été mandatés pour s’occuper de la surveillance des forêts de la planète en utilisant à la fois les inventaires forestiers disponibles et les toutes jeunes technologies de télédétection. Entre temps, dans la foulée de la conférence, les Nations unies créent le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) à Nairobi. C’est donc finalement au PNUE que la FAO demande en 1975 des financements pour mettre en place plusieurs projets communs dans le cadre du programme GEMS. L’ambition d’utiliser dans une large mesure des images Landsat est revue à la baisse pour des raisons de budget et de doutes sur la faisabilité technique et logistique1 : seuls 3 pays font initialement l’objet d’une étude satellitaire pilote : le Bénin, le Cameroun et le Togo. Les apports de ce projet sont ensuite utilisés de façon ponctuelle pour combler des lacunes d’inventaires, dans seulement 13 pays sur 762. L’étude met aussi à contribution de nombreux experts internationaux et nationaux.

Cet inventaire se veut plus complet que les précédents de Sommer (1976) et Myers (1980) en ce que ces deux-là ne s’intéressaient qu’aux forêts denses tropicales, quand ce dernier prend en compte « toutes les formations ligneuses naturelles et plantées »3. L’auteur principal place à nouveau la FAO dans une mission de rassemblement, de tri et de coordination des données existantes, en mettant un fort accent sur les enjeux de clarification des concepts :

« la confusion s'est installée notamment au niveau des concepts et des entités débattus. Parle-t-on des pays tropicaux ou des pays en voie de développement? Des forêts denses tropicales ou de l'ensemble des formations forestières tropicales arborées et/ou arbustives? Des seules formations tropicales "humides" ou de l'ensemble des formations tropicales ? Lorsqu'on parle de réduction de la forêt tropicale, s'agit-il de la réduction des surfaces forestières ou de la seule diminution du volume sur pied par l'exploitation forestière, laquelle - faut-il le rappeler? - fait partie intégrante de l'aménagement et de la mise en valeur des forêts? »4.

L’idée est donc non seulement de rassembler et compléter dans la mesure du possible les informations disponibles, mais également de les standardiser à la fois en termes de périodes prises en compte et en termes de définitions5. Ce rôle d’agence leader dans le domaine des forêts au sein de l’ensemble des organismes de l’ONU est réaffirmé officiellement lors de la 6ème session du Comité des forêts en mai 1982, qui recommande l’allocation de fonds supplémentaires pour le Comité de la mise en valeur des forêts dans les tropiques6.

1

(Steinlin, 1982). 2

(Lanly, et al., 1982 , p.21). Il s’agit d’images de Landsat 1 et 2 des années 1972 à 1978. 3 (Lanly, et al. 1982 p. 2). 4 (Lanly, et al. 1982 p. 7). 5 (Lanly, et al. 1982 p. 103). 6 (Fontaine, 1985).

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En bref, le rapport conclut sur les projections suivantes, en anticipant une accélération : entre 1981 et 1985, la déforestation tropicale (au sens de changement de type d’usage des sols) devrait être de 11,3 millions d’ha, dont 7,5 millions d’ha concernent des forêts denses et 3,8 d’autres formations arborées ; s’ajoutent enfin à ces estimations de multiples formes de dégradation des forêts (restant cependant classées comme forêts)1. Cette estimation revoit donc largement à la baisse celle de Myers.

La divergence de résultats entre les études de Lanly et ses collègues et Myers est analysée en 1982 par une équipe de chercheurs (dont Myers lui-même)2 ; ils concluent que le problème vient d’une différence de définition entre la « déforestation » telle que Lanly la délimite et celle de « conversion » retenue par Myers. L’enjeu est de savoir comment prendre en compte la dynamique dans le cas de déboisement dû à des pratiques de culture itinérantes, avec des zones parfois déforestées qui redeviendront éventuellement des forêts suite à des périodes de jachère. La « déforestation » serait plus restrictive dans son acceptation que la conversion, ce qui expliquerait le résultat supérieur de Myers par rapport à Lanly. Selon d’autres auteurs, Myers aurait aussi extrapolé dans son étude les résultats de 11 pays seulement, ceux-ci étant particulièrement touchés par la déforestation, et donc non représentatifs des diverses situations nationales3.

Au cours des années 1980, les articles sur le sujet se multiplient4. Certaines revues comme

Nature, The Environmentalist ou Futures semblent particulièrement enclines à accueillir des

papiers sur le sujet. Diverses institutions et organisations produisent de nouvelles estimations ou corrigent les anciennes ; les travaux britanniques et étatsuniens semblent être les plus diffusés. En 1989, Myers réalise une nouvelle estimation pour le compte de l’ONG les Amis de la Terre concernant la décennie 19805 : le choix est fait de privilégier les données satellitaires et autres sources non gouvernementales, qui sont jugées plus fiables que les réponses officielles à des questionnaires. Le World resources institute inclut une estimation dans son rapport World Resources 1990-19916.

En 1993, la FAO publie une réactualisation de ses estimations, dont celle du taux de déforestation : pour la période 1991-1900, la déforestation annuelle serait de 15,4 millions d’ha7. Cette fois, la description de 71 pays (sur 90) inclut des données satellitaires.

1

(Lanly, et al., 1982).

2 (Melillo, Palm, Houghton, Woodwell, & Myers, 1985). 3

(Sedjo & Clawson, 1983). Cette interprétation doit être remise dans son contexte : le chapitre est tiré de l’ouvrage Global 2000 revisited qui se veut une réponse optimiste au rapport Global 2000. Il a été écrit par deux experts du think tank étatsunien Resources for the Future, spécialisé dans les questions de ressources. Notons que ce papier conclut sur une validation sans discussion de la thèse de Hardin sur la nécessité de supprimer tout régime de propriété collective sur des ressources.

4 (Guppy, 1984). 5 (Myers, 1989). 6 (WRI, 1991). 7 (FAO, 1993).

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Cette multiplicité d’estimations génère en elle-même sa propre littérature académique : des travaux critiques ou synthétiques tentent de mettre au clair les écarts entre les différents résultats1

; en parallèle, certaines ONG, think tanks ou organisations internationales reprennent de façon simplifiée les données afin de renforcer l’alerte2. Rapidement, les enjeux de la disparition et de la dégradation des forêts sont appropriés par diverses études : de nombreux titres relient le taux de déforestation avec le taux d’extinction d’espèces, avec les implications climatiques3, etc.

Dans cette nébuleuse d’incertitudes et de difficultés, un élément doit être souligné : les données produites par la FAO, malgré leur incohérence dans le temps et leurs limites intrinsèque, parviennent à garder un statut de référence dans le domaine. Comme plus récemment dans le champ du domaine climatique, alors que les alertes liées à la déforestation gagnent en médiatisation, on ne peut rester sur des incertitudes molles. Aussi peu fiables que soient les données disponibles, aussi prudents que soient les auteurs qui les produisent, les estimations sont transformées par les médias et les environnementalistes en faits, et dans ce processus, comme le résume Grainger : « FAO has, until recently, virtually

monopolized global forest monitoring”4.

Si ces controverses contribuent à faire des forêts un réel objet scientifique, elles n’en demeurent pas moins en même temps des enjeux de luttes politiques, comme le cas brésilien va l’illustrer. Les débats mentionnés sont principalement menés par des experts du Nord, du fait de la technicité des discussions et des moyens nécessaires à la production des images satellitaires ; les États et populations concernées se retrouvent ainsi dessaisis de ce problème. Comment images et données ont-elles fait de la forêt amazonienne la victime iconique des activités humaines ? Et surtout, comment en réaction, la souveraineté brésilienne sur son territoire s’est-elle réaffirmée au travers de la production nationale d’images et de données ?

L’Amazonie au cœur des polémiques et l’affirmation politique du Brésil comme producteur de données

Du fait de l’importante portion de l’Amazonie que le Brésil contient, ce territoire est devenu le principal laboratoire pour améliorer le suivi de ces écosystèmes à large échelle, dès l'émergence des techniques satellitaires environnementales dans les années 1970. Il a été très tôt au cœur des polémiques scientifiques, politiques et médiatiques sur la déforestation

1

(Downton, 1995), (Grainger, 1993), (Grainger, 2008).

2 Voir par exemple (Mongabay, Non daté) reprenant les travaux de Myers : « estimates that the tropical deforestation rate increased by 90% during the 1980s. »

3

(Potter, Ellsaesser, MacCracken, & Luther, 1975), (Brown & Lugo, 1982), (Houghton, et al., 1985). 4

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tropicale, qui vont faire de l’Amazonie un bassin forestier associé à une charge émotionnelle importante.

La déforestation est relativement restreinte au Brésil jusqu'aux années 60, notamment du fait de manque de moyens techniques et de l’instabilité politique, qui freine les initiatives de développement. À partir de 1964, la dictature militaire qui est instaurée développe un programme de colonisation des terres par des incitations financières, pour des raisons essentiellement géopolitiques. Des pays voisins ont commencé à coloniser leurs territoires amazoniens et les dirigeants brésiliens veulent assurer leur souveraineté sur leurs ressources1. Le contexte économique est aussi très favorable à l’installation d’élevages. Ce sont en particulier les États de Rondônia, Para, et Mato Grosso qui sont concernés. En parallèle émergent à la fois les programmes de suivi satellitaire de l’environnement et l’alerte en faveur de la protection des forêts tropicales. Très tôt, le Brésil investit dans des politiques satellitaires. La première institution est le Grupo de organização da comissão nacional de atividades espaciais, créé en 1961 sous le contrôle des militaires, et qui deviendra en 1971 l’Institut national de recherche spatiale (INPE pour Instituto nacional de pesquisas espaciais). Les premières estimations de la déforestation sont réalisées pour le compte du gouvernement fédéral dans le cadre du projet RAdar in AMazonia (RADAM). Les objectifs lors du lancement du programme en 1970 sont avant tout de réaliser une cartographie des usages des sols et des inventaires des ressources minérales, végétales et pédologiques. Les données, relevées par avion, indiquent que la déforestation serait relativement faible2.

À partir de 1973, une station Landsat est implantée au Brésil, permettant aux instances nationales de recevoir rapidement les images produites et de construire de nouvelles données sur la déforestation. Et dès 1979, un programme indépendant de lancement est mis en place. L’INPE réalise une estimation en 1980 sur la base d’images Landsat : selon cette étude, seulement 1,55% de l’Amazonie légale3 aurait été déforestée4, ce qui remet en question les évaluations précédentes de la FAO en 19765. Mais certains éléments amènent à penser que la méthode génère une certaine sous-estimation, car les petites zones de déforestation ne sont pas détectées. Il y aurait aussi des difficultés à distinguer une forêt dite « primaire » d’une forêt secondaire, revenue quelques années après une coupe ; seules des visites sur le terrain permettent de vérifier la réalité de l’écosystème6. D’importantes incertitudes sont aussi liées à la volonté de situer la déforestation dans une dynamique

1

(Mahar, 1989), (Fearnside, 1997). 2 (Mahar, 1989, pp. 6-7).

3

Il s’agit de la portion du territoire brésilien regroupant les principale surfaces forestières amazoniennes, défini en 1953 en vue de politiques gouvernementales spécifiques, incluant les États Acre, Amapá, Amazonas, Pará, Rondônia, Roraima, Mato Grosso, Goias et Maranhão.

4 (Tardin, et al., 1980). 5 (Steininger, et al., 2001). 6 (Fearnside, 1982).

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temporelle, pour pouvoir produire des taux de déforestation, ainsi que leur évolution dans le temps afin de pouvoir décrire les tendances, s’il y a ou non une accélération. Devant ces défis et ces limites techniques, certains craignent que l’illusion d’une forêt infinie tende à sous-estimer les dégâts1, Fearnside décrit ainsi « one of the Amazon's great illusions: the illusion of infinite size ». Pour d’autres, ces premiers résultats montrent que les environnementalistes, dont certains annonçaient déjà la disparition de l’Amazonie pour la fin du XXème siècle, ont largement exagéré la situation2.

La controverse prend de l’ampleur alors que les estimations s’accumulent, se basant sur des dates, des images et des méthodes statistiques souvent différentes3. Devant les enjeux associés à l’Amazonie, les dirigeants militaires des pays concernés craignent une internationalisation de cette partie de leur territoire ; ils signent donc en 1978 un accord de coopération régionale pour fédérer leur pouvoir diplomatique afin de sécuriser leurs ressources tout en déclarant promouvoir un développement harmonieux4. Alors que les moyens financiers pour le suivi satellitaire des forêts sont souvent jugés insuffisants, les premières publications expérimentent de nouvelles méthodes au gré des données progressivement disponibles. Les premiers chiffres circulent rapidement hors des réseaux scientifiques malgré les grandes divergences de résultats. Surtout, le contexte politique va être déterminant. Alors que l’alerte sur la déforestation gagne le grand public, la dictature brésilienne prend fin en 19855. Cette ouverture vers la démocratie rend le pays plus sensible aux pressions internationales.

Pour autant, les enjeux sont importants pour le nouveau président pour affirmer son leadership face à la communauté internationale6. S’il lui faut pouvoir se défendre des