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Les négociations perpétuelles d’une convention internationale sur les forêts, ou de l’art de produire des textes ambigus

environnement global (années 1950-1980)

A. L’institutionnalisation discursive des tensions, ou la fabrique internationale de l’incapacité politique pour réguler la gestion des

3. Les négociations perpétuelles d’une convention internationale sur les forêts, ou de l’art de produire des textes ambigus

La troisième initiative internationale liée spécifiquement aux questions forestières, et en particulier aux enjeux de la déforestation tropicale, débute durant la préparation de la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement prévue pour 1992. Elle vise initialement à créer une convention spécifique aux forêts, au même titre que celles qui se préparent sur le climat ou la biodiversité. Ce qui distingue cette dynamique du PAFT et 1 (FAO, 1997). 2 (Smouts, 2003). 3 (Poore, 2003, pp. 69-70).

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de l’OIBT, c’est qu’elle est initialement impulsée par les organisations environnementalistes, et non par les organisations internationales ou les États. Si elles parviennent à imposer leurs préoccupations forestières dans l’agenda de Rio, les résultats ne seront cependant pas à la hauteur de leurs espoirs. Finalement, cette initiative subira le même discrédit de leur part. Les forums créés dans le sillon de ces débats, qui persistent aujourd’hui au sein du Forum des Nations unies sur les forêts, resteront très marginaux, n’ayant que peu de marge de manœuvre pour infléchir les enjeux forestiers à l’international. Ce nouveau cycle marque en quelque sorte la fin de toute tentative de régulation internationale des questions forestières, ouvrant ainsi la voie à d’autres types d’instruments et, en particulier, aux incitations financières et aux initiatives volontaires et privées.

Rio 1992, un nouvel espoir pour les environnementalistes

À la fin des années 1980, diverses dynamiques de lobbying par des organisations environnementales se fédèrent pour faire pression sur les Nations unies. En 1987, la revue

The Ecologist1 lance une pétition pour que les Nations unies organisent une réunion d’urgence pour prendre au sérieux l’« ethnocide » et l’« holocauste biologique qui se déroule juste sous nos yeux »2. Un manifeste est lancé en 1989 à l’initiative de World rainforest movement, qui rassemble des ONG environnementalistes du Nord (notamment le réseau européen Ecoropa ou encore l’ONG étatsunienne Environmental defense fund) et des associations de populations autochtones et de communautés locales, pour appeler à l’arrêt du PAFT, du Programme des Nations unies pour la biodiversité ou encore des projets d’exploitation appuyés par l’OIBT3. Ces initiatives sont présentées conjointement au secrétaire général de Nations unies Perez de Cuellar en septembre 1989, et un sit-in est organisé devant le siège des Nations unies pour qu’une délégation soit reçue par celui-ci4. Un lobbying est aussi mené par les organisations associées auprès de leurs autorités nationales respectives pour promouvoir l’organisation d’une rencontre sur les forêts tropicales à l’échelle internationale. C’est finalement l’optique de la rencontre de Rio, dont les négociations préliminaires commencent dès 19895, sur laquelle les espoirs des environnementalistes se concentrent pour faire avancer les enjeux liés aux forêts tropicales

1

Cette revue a été fondée en 1969 par l’un des co-auteurs de l’ouvrage A Blueprint for Survival mentionné plus haut, Edouard Teddy Goldsmith. Les politiques de la Banque mondiale sont l’une des cibles privilégiées de cettte mouvance de la deep ecology.

2

(Goldsmith, Hildyard, & Bunyard, 1987, p. 129 et 133). 3

(ABEN REDES, Americans for Indian Opportunity,Bank Information Centre ; Cultural Survival ; Development GAP ; Earth Island Institute ; ECOROPA ; The Ecologist ; Environmental Defence Fund ; Forest Peoples Support Group ; et al. , 1989).

4

(Hildyard, 1989). 5

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et à leur exploitation. En août 1990, le G7 de Houston officialise une « Déclaration en faveur d'une convention ou d'un accord international sur les forêts »1.

Vers des principes forestiers de durabilité, ou l’évacuation du caractère contraignant d’une convention

Lors de ces rencontres, la question d’une convention internationale sur les forêts est longuement débattue, sans qu'un réel consensus ne soit atteint. La question de protection des forêts devient de fait l'un des sujets les plus controversés dans les délibérations intergouvernementales. Dans la continuité des débats précédents au sein de l’OIBT ou du PAFT, une forte opposition s'exprime entre les pays du Nord, qui veulent que l'on considère les forêts tropicales en tant que bien commun de l'humanité, et les pays du Sud ayant des forêts, qui revendiquent la souveraineté sur leurs territoires et les ressources associées. Ces pays exigent également que soit reconnu un droit au développement, développement auquel les pays du Nord ont eu accès selon eux en partie grâce à la déforestation de leurs propres forêts. De façon générale, les États rassemblés au sein du Groupe des 77 refusent donc catégoriquement toute convention environnementale contraignante, à moins que des transferts technologiques et financiers conséquents depuis les États du Nord ne l'accompagnent et que la responsabilité historique des pays développés dans la crise environnementale ne soit compensée2. Ils exigent donc des fonds supplémentaires à l’aide au développement. Cette forte opposition structure par la suite les négociations forestières malgré les évolutions de posture des uns et des autres. Les ONG et les représentants de peuples autochtones présentent globalement une troisième posture considérant les forêts comme des biens communs locaux3. Toute possibilité de convention internationale sur les forêts avec une portée contraignante semble donc impossible à atteindre. Les négociations s’orientent vers un accord non contraignant.

Une déclaration de principes est officialisée, intitulée Forest principles. La volonté de combattre la déforestation est également inscrite dans l’Agenda 21, dans la partie « Conservation et gestion des ressources pour le développement »4. Ces éléments, quoique décevants pour de nombreux acteurs environnementalistes, semblent tout de même constituer une base d’action commune non négligeable, un compromis important. Ils

1

(Parlement européen, Non daté). 2

(Kiss & Doumbe-Bille, 1992). Humphreys (2001, p. 127) cite ainsi un extrait du discours du premier ministre malaisien à l’occasion d’une réunion de préparation : « If it is in the interests of the North that we do not cut down our trees then they must compensate us for our loss of income » (prononcé lors de l’ouverture de la seconde Conférence ministérielle des pays en développement sur l’environnement et le développement à Kuala Lumpur le 27 avril 1992, para.11).

3

(Asadi, 2008, p. 658). 4

(Division du développement durable des Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, 1992).

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officialisent une certaine volonté collective d'action en faveur des forêts. D'un autre point de vue, si la situation de négociation ne se dégrade pas, elle ne s'améliore pas pour autant. Ces accords officiels restent très superficiels car ils ne mentionnent que des grands principes très vagues et généraux, pouvant être interprétés de façons divergentes par les coalitions en tension. Résultat classique des négociations internationales sur l’environnement, ces accords d'apparence permettent aux négociations de se poursuivre alors qu’un échec avoué pourrait rompre toute poursuite des discussions et entraîner une baisse de motivation. Cette situation est bien décrite par Asadi, diplomate iranien impliqué dans les négociations :

« The final agreement, it should be reckoned in all fairness, was convoluted, circuitous, and vague enough to give something to the major protagonists in a way that delegates could sell to their respective capitals as a victory, or least as a respectable face-saving formula – both on the legal mechanism as well as on the other important issues as financial mechanism, technology transfer and trade. The circuitous nature of the extremely well crafted language left the door open for each side to hope that the vague language could (just could) serve its future endeavours »1.

Le titre complet donné au Forest principles, explicitant leur statut « non juridiquement contraignant mais faisant autorité »2, est aussi particulièrement éloquent quant aux tensions et à la faiblesse du consensus sur le fond.

Une succession d’instances de négociations forestières

Certains acteurs pro-convention refusent d’en rester là. En 1994, le Canada, fervent défenseur d'une convention contraignante, et la Malaisie, dont la position s'est inversée depuis les négociations du sommet de Rio, organisent un Intergovernmental working group on forest. Selon Humphreys (2001), cette instance aurait contribué à aboutir à une approche plus coopérative des enjeux forestiers globaux : les acteurs sont alors invités en tant qu'experts et non en tant que représentants d'intérêts nationaux. Pour autant, c’est encore une fois la négociation de textes creux et ambigus qui permet de maintenir tout le monde autour de la table3. Cette dynamique de discussions, maintenant une porte ouverte pour la signature d’une convention forestière, se poursuit par la création en 1995 du Groupe Intergouvernemental spécial sur les Forêts (GIF ou Intergovernmental panel on forests). Ce groupe est mis en place pour une durée de deux ans4, sous l’égide de la Commission

1 (Asadi, 2008, pp. 660-661). Voir aussi (Humphreys D. , 2001, pp. 132-133). 2

"Non-Legally Binding Authoritative Statement of Principles for a Global Consensus on the Management, Conservation and Sustainable Development of all Types of Forests".

3 Dimitrov (2005, p. 10) décrit ainsi ces négociations : « The awkward wording was product of linguistic acrobatics, negotiated over the course of an entire night until it was made sufficiently obscure as to allow both sides to save face”. Asadi (2008) aboutit aux mêmes conclusions (p. 660).

4

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développement durable, également chargée par l'Assemblée générale des Nations unies d'intégrer la déclaration de principe sur les forêts dans l'Agenda 21.Le GIF reprend l'agenda proposé par l'Intergovernmental working group on forest. Les débats reprennent alors, mais sans réelles avancées sur les questions épineuses de commerce de bois et de transferts financiers et technologiques.

À l'issue des deux années, une nouvelle instance est créée, le Forum intergouvernemental sur les forêts (FIF, ou Intergovernmental forum on forests) qui dure jusqu'en 2000. Les gouvernements s'engagent alors à mettre en œuvre les propositions du GIF, sans réussir toutefois à mettre en place une convention internationale sur les forêts ni à s'accorder sur les modes de financement des mesures à prendre. Des groupes de réflexion sur des thématiques particulières se déroulent en parallèle des sessions du GIF et du FIF. Véritables

brainstorming entre scientifiques, économistes, agronomes, et représentants d'agences

internationales ou d'ONG, ils sont financés par des États sans être des lieux de négociations formelles. Devant l’absence d’enjeux concrets, un régime discursif spécifique semble se mettre en place dans les négociations du GIF et du FIF : on évite les sujets connus comme conflictuels (comme la création d'une convention ou d'un fonds de financement) et les thématiques moins controversées, comme les questions techniques et méthodologiques, se diversifient. Les conflits persistent, mais sous forme plus latente.

Ce processus continue encore avec la création en 2001 du Forum des Nations unies sur les forêts (FNUF, ou United nations forum on forests), dont le siège est à New York. Malgré l’absence d’avancée concrète, cette étape peut être malgré tout interprétée comme un renforcement relatif de l'implication des États car ce forum est créé pour durer cinq ans et l'adhésion est universelle, contrairement au GIF et au FIF qui étaient des instances ad hoc de courte durée où seuls les 53 membres de la Commission du développement durable des Nations unies pouvaient pleinement participer. Cependant, sa marge d'action reste

relativement limitée puisque le FNUF n'a pas le statut d'agence des Nations unies et n'a donc pas de budget propre et significatif alloué1. Parallèlement a été mis en place un Partenariat de collaboration sur les forêts, réunissant 14 organisations et institutions internationales fortement impliquées sur les enjeux forestiers, afin de soutenir le FNUF2.

Dans ce cas encore, les ONG finissent par se désinvestir dès le début des années 2000, considérant que leurs attentes n’ont aucune chance d’être satisfaites. Paradoxalement,

1

(Humphreys, 2001, p. 133) et (Humphreys, 2003, p. 320). 2

Le Partenariat de collaboration sur les forêts a été créé en 2001 sur la demande du Conseil économique et social de l’ONU, initialement pour accompagner le Forum des Nations unies sur les forêts. Il réunit les chefs d’organisations de l’ONU, internationales et régionales investies dans le domaine forestier, afin de mieux coordonner et rationnaliser leurs programmes. Il est présidé par la FAO et administré par le secrétariat du FNUF. En sont membres un certain nombre d’organisations déjà croisées dans notre historique : le secrétariat du FNUF, le CIFOR, la FAO, l’OIBT, l’UICN, l’IUFRO, les secrétariats de la convention sur la Diversité biologique, de la convention Climat et de la convention Désertification, le secrétariat du FEM, le PNUE, le PNUD, le World agroforestry centre, et finalement la Banque mondiale.

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certaines ONG initialement favorables à un instrument contraignant pour la protection des forêts changent de position vers la fin des années 1990 : elles craignent d'une part que les initiatives nationales déjà lancées soient suspendues à cause de l'imminence de nouveaux mécanismes internationaux, et d'autre part elles estiment souvent que dans un tel contexte de controverses, le traité créé ne puisse être vraiment efficace1. Elles soupçonnent certains

pays développés promouvant une convention de vouloir tirer parti d'une baisse de l'exploitation forestière au Sud pour élargir leur propre marché du bois. Elles préfèrent donc investir leurs moyens dans d’autres processus où des ambitions plus importantes semblent encore possibles2.

Actuellement, le FNUF continue d'exister mais fait figure de fantôme à côté des grossissantes et très médiatiques conventions environnementales issues de Rio, notamment la Convention sur la diversité biologique et la Convention cadre des nations unies sur le changement climatique (CCNUCC)3. Un nouvel accord non contraignant a été signé en 20074 et des réunions se tiennent une fois par an. Certains experts rencontrés témoignent en entretien que le FNUF est complètement marginalisé et obsolète, alors que d’autres estiment qu’il reste utile de par l’espace qu’il offre pour des débats techniques loin des pressions médiatiques ou diplomatiques. On peut noter que ce retour vers des débats techniques auxquels participent principalement des experts rejoint l’évolution qu’a connu l’OBIT, également diminué sur le plan politique. De multiples travaux ont été réalisés pour expliquer ce qui est globalement considéré comme un échec des négociations en faveur d'un régime forestier international5 : spécificités des enjeux forestiers6, responsabilité de tels ou tels acteurs7, prédominance d'une approche néolibérale8 ou encore manque de connaissances sur les conséquences transfrontalières de la déforestation. Plus originale, la perspective proposée par Dimitrov9 interroge également les raisons qui peuvent pousser les États à continuer de prendre part et de financer des négociations qui n'ont finalement pas beaucoup avancé concrètement depuis leur émergence (à présent donc depuis une vingtaine d’années). Il explore la notion de « norme multilatérale environnementale », montrant que la déforestation est devenue une alerte tellement médiatisée et reconnue qu’il est impossible de ne rien faire, mais que les enjeux sont tels qu’un instrument

1

(Dimotrov, 2005, pp. 9-10). 2

World rainforest movement, cité par (Humphreys, 2003, p. 322). 3 (CIFOR, 2007), (Humphreys, 2006), (Humphreys, 2003).

4

Voir (FNUF, 2007). 5

Pour une discussion de ces arguments, voir (Viard-Crétat, 2009). 6 (Dimotrov, 2005, p. 12 et suiv.), (Davenport, 2005, p. 106 et suiv.). 7

(Davenport, 2005), Humphreys et Porter et Brown cités par (Davenport, 2005, p. 106 ); Chasek et al. cités par (Asadi, 2008, p. 658).

8 Humphreys et Lipschutz cités par (Dimotrov, 2005, p. 12). 9

(Dimotrov, 2005). Il cite ainsi William Mankin, un représentant d'un collectif d'ONG (Global Forestry Action Project) pour illustrer l'absence de conscience des enjeux globaux : « The impacts [of deforestation] are not global; there is no threat to health and human well-being » (p. 15).

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contraignant semble impossible. Ceci peut expliquer pourquoi les instruments volontaires ont finalement envahi les discussions sur les forêts à l’échelle internationale.

L’examen de ces trois dynamiques parallèles concernant spécifiquement les enjeux forestiers ne doit pas se limiter au constat de l’absence d’engagements concrets, d’instruments contraignants, de régulation internationale efficace. La faiblesse du régime forestier qui en découle ne doit pas dissimuler les effets concrets de ce processus que nous avons mis en exergue. Premièrement, le paysage institutionnel est durablement modifié. Avec la multiplication des organisations internationales qui s’intéressent aux questions forestières, la FAO qui était jusqu’alors l’institution phare sur les questions forestières se retrouve marginalisée. Ce leadership initial s’explique en effet surtout par l’absence d’autre entité onusienne sur le sujet, ce qui permet à la FAO, aux dires d’un de ses protagonistes, « de travailler en paix et efficacement »1. Cela amène ses forestiers à considérer toute la période précédant le déclin du PAFT comme « l’âge d’or de la foresterie internationale dans l’organisation »2. Affaiblie sur la thématique en effervescence sur la gestion durable des forêts tropicales, la FAO finit aussi par être concurrencée par l’OIBT dans le champ de l’information, notamment sur les marchés et les statistiques sur les bois tropicaux3. Elle parvient finalement à conserver une mission propre relativement bien identifiée par l’ensemble des acteurs du secteur forestier, relative à l’inventaire mondial des forêts. Comme on va le voir dans la section suivante, ainsi que dans le chapitre qui suit, la Banque mondiale parvient en revanche à devenir durablement une institution centrale quant aux enjeux environnementaux et forestiers dans les pays en développement.

Deuxièmement, les tensions entre perspectives divergentes se renforcent et s’institutionnalisent. Alors qu’auparavant, la médiatisation du cas brésilien avait largement mis en exergue la conversion agricole et la dynamique de front pionner comme facteur dominant de déforestation, l’industrie forestière est devenue une cible importante des environnementalistes. L’incapacité des divers forums à susciter un compromis entre ces deux coalitions aboutit à une divergence profonde, alors que certaines ONG voient dans l’exploitation forestière une activité par nature contradictoire avec leurs objectifs. Différentes postures se structurent aussi progressivement entre les ONG, les plus conservatrices d’entre elles telles que le WWF ou l’UICN devenant finalement des partenaires privilégiés des organisations internationales et en premier lieu de la Banque mondiale. C’est ainsi que la thématique forestière éclate entre divers arènes où des compromis relatifs peuvent être atteints, qu’il s’agissent des initiatives présentées rassemblant finalement des acteurs et experts ayant une vision relativement compatible

1

(Lanly, 2009, p. 10). 2

Idem, voir aussi (Dargavel, 2011, p. 138). 3

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avec celle de l’ensemble du secteur forestier, ou encore de la certification forestière portée principalement par des ONG non hostiles à l’exploitation forestière et qui parviennent à négocier avec une partie des industriels. On voit également que les ONG conservationnistes, agissant en coalition, n’ont pas réussi à infléchir le contenu normatif des accords négociés, mais en revanche, elles sont devenues suffisamment incontournables pour pouvoir marginaliser une initiative en n’y participant plus. De plus, malgré des positionnements différents qui deviennent évidents, leur collaboration lors de ces initiatives amène à un rapprochement entre plaidoyer pro-environnement et plaidoyer pro-populations, grâce à un apprentissage réciproque, notamment entre ONG du Nord et ONG du Sud1.

Troisièmement, une inflexion est également identifiable en ce qui concerne les relations entre pays du Nord et pays du Sud. On a vu dans le chapitre précédant que s’opérait une certaine « sudification » des Nations unies au cours des années 1960-1980. Cette tendance se confirme par la suite, mais dans un contexte qui n’est plus celui de l’espoir post- indépendances. Alors que dans le cadre des relations d’aide au développement, l’heure est aux programmes d’ajustements structurels et que de nombreux pays en développement, en pleine crise de la dette, se sentent contraints de façon drastique par les bailleurs, ils se positionnent d’autant plus vigoureusement dans les forums internationaux où ils peuvent négocier selon le cadrage officiel d’égal à égal avec les pays du Nord et les institutions internationales. La question de la dette extérieure est alors aisément présentée comme l’une des conséquences de termes de l’échange inéquitables concernant le marché forestier2. Certaines réformes forestières qui ne peuvent être exigées sous l’égide de l’ONU ou de l’OIBT vont être imposées via la conditionnalité de l’aide et des remises de dettes. Mais en réaction, dans les arènes de négociations globales, les pays du Sud posent aussi leurs conditions, marchandant tout engagement de leur part, qui doit de toute façon rester non contraignant, contre des engagements financiers de la part des pays riches. L’institutionnalisation onusienne du changement climatique facilite cette voie puisque peut dès lors être invoquée la responsabilité historique des pays du Nord dans la crise environnementale. Des dissensions s’affirment cependant au sein de la coalition du Groupe des 77 + Chine, chaque pays pouvant mobiliser des atouts différents3. Certains pays comme la Malaisie, la Chine ou certains pays d’Amérique latine finissent pas être favorables à des