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Les systèmes de production de la Petite Agriculture Familiale (PAF)

FILIERE TRADITIONNELLES ET DIVERSIFICATION PRODUCTIVE

1.6. Les systèmes de production de la Petite Agriculture Familiale (PAF)

Depuis 201433, l'agriculture familiale et la petite agriculture connaissent un regain d'intérêt,

notamment du point de vue de leur contribution dans la production agricole pour l'alimentation dans le monde. En Guadeloupe, l'agriculture familiale est prédominante sur la majorité des types d'exploitations et concerne des exploitations de toutes les classes économiques, y compris les plus grandes (Agreste, 2013). En outre, la statistique agricole montre que les petites exploitations (taille économique, PBS) sont très majoritaires en Guadeloupe : elles représentent 83 % des exploitations34 (Agreste, 2015). S'agissant des surfaces, les exploitations de moins de 3ha

représentent près de 60% des exploitations totales (Agreste, 2015). Si l'on ajoute à ces chiffres, la "petite diversification de grande ampleur" composée de cultivateurs et de détenteurs d'animaux non déclarés (non référencés), il apparaît que ce que l'on nomme "la Petite Agriculture Familiale" (PAF) prédomine largement en Guadeloupe. Rasse (2017) décrit et caractérise cette PAF de Guadeloupe qui présenterait la particularité d’être "agro-écologique", d’où l’usage de la notion de "PAFAG" (Petite Agriculture Familiale et Agro-écologique de Guadeloupe). Ce concept a été défini à l’occasion d’un atelier organisé par le Centre Inra Antilles-Guyane en collaboration avec la Chambre d’Agriculture35.

1.6.1. Caractérisation de la PAFAG

La PAF résulte du système de colonat partiaire et des réformes foncières qui ont modelé le paysage agricole guadeloupéen. Les successions et partages entre héritiers ont contribué au morcellement des terres de sorte que la surface disponible s’est progressivement réduite pour aller de 1 à 5 ha. C’est ce qui a conduit à la formation d’une petite paysannerie, formée de colons et de petits propriétaires, ayant une base de subsistance limitée. Il s’agit pour beaucoup d’agriculteurs non professionnels qualifiés de "cultivateurs", "jardiniers", "paysans" ou "détenteurs d’animaux", dont l’activité agricole n’est pas forcément déclarée mais qui, au regard de leur nombre, ont un poids considérable dans la fourniture du marché alimentaire local. La PAF est décrite par Rasse (2017) comme faisant partie de la majorité des exploitations demeurées ancrées dans "des savoirs écologiques traditionnels". Les autres se sont plutôt tournées vers des systèmes spécialisés ou d’export.

On parle de PAF pour qualifier des systèmes agricoles diversifiés, peu mécanisés et faisant appel à une main d’œuvre familiale. Cette agriculture est familiale dans le sens où la main d’œuvre et l’unité de production sont liées par les liens de parenté. Ainsi l'organisation du travail, la production de revenu et la gestion de ces types d'exploitation sont régies par la famille. Les

33 Pour rappel, l'année 2014 a été déclarée l'année internationale de l'agriculture familiale (AIAF) par l'organisation

des Nations Unies pour l'Alimentation et l'agriculture (FAO).

34Elles correspondent à des structures qui ont un potentiel de production inférieur à 25 000€ (exprimé en Production

Brute Standard ; PBS-), qui peut être considéré comme un seuil des exploitations professionnelles.

35 Nommé TRANSition agro- écologique et ACTion (trans’Act), ce séminaire a rassemblé 70 participants dont 50%

d’agriculteurs, le reste étant des chercheurs, formateurs, conseillers ou consultants. Dans le cadre d’une démarche participative, l’objectif de ce dernier était de définir « la Petite Agriculture Familiale, dans le cadre d’une logique agro-écologique ».

productions permettent pour une part de nourrir les membres de l’exploitation, tandis que les surplus sont à destination des marchés de proximité (vente directe). Les PAF pratiquent aussi une forme de "troc", un don/contre-don de produits entre les familles voisines et alliées (Rasse, 2017). Généralement, la production ne permet pas de dégager un revenu suffisant. Le revenu agricole seul ne permet pas de situer ces familles au-dessus du seuil de survie. Aussi la pluriactivité est fréquente. Les ateliers de production sont généralement composés :

- d’un jaden (jardin vivrier avec arbres fruitiers) qui permet d’assurer l’alimentation familiale et la vente ou l’échange de surplus ;


- de parcelles en cannes à sucre permettant une garantie de revenu (peu de variation interannuelle de production et de prix, canne vendue à l’usine) ;

- d’élevage afin d’assurer une trésorerie en période de besoins : le bœuf au piquet est une épargne qui permet d’assurer les célébrations familiales comme les baptêmes et les mariages (on utilise communément l'expression de "bovin tirelire"). 


L’une des caractéristiques de la PAF est de valoriser ses propres ressources dans le but de se soustraire à une dépendance vis-à-vis de ressources externes. La PAF se caractérise aussi par la transmission de savoir-faire, la valorisation, la préservation et la production de "ressources traditionnelles". Ces systèmes, peu capitalistiques et intensifs en travail, sont capables d’alimenter le marché local, tout en demeurant en marge des circuits marchands formels, des systèmes d’aides et des politiques publiques destinées à favoriser la production agricole et le développement rural.

1.6.2. Typologie des systèmes de production de la PAF

L’étude de Rasse (2017) a permis d’identifier et de caractériser la diversité des systèmes de production de la PAFAG. Sur la base de ses enquêtes auprès des producteurs, l’auteur distingue et caractérise 6 types de systèmes de production :

Ø Maraîchage et culture pérenne (ou de sécurité)

- Ces systèmes se développent sur des surfaces allant de 1 à 6 ha, en Côte sous le Vent ou sur les plateaux de Grande-Terre ;

- Les agriculteurs sont propriétaires ou locataires d’une part du terrain de la famille ;

- L’atelier de maraîchage demande de la main d’œuvre en raison de la multitude d’espèces à cycle court et un entretien sanitaire permanent des cultures ;

- Le conjoint est généralement associé de l’exploitation ;

- Le salaire du ménage est uniquement issu de l’activité agricole : les producteurs avec une famille à charge cherchent avant tout à sécuriser leur revenu ;

- Pour pallier aux risques de mauvaise récolte et aux aléas du marché, ces petits exploitants mettent en place plusieurs stratégies :

ú Le maintien d’une culture pérenne (fleur/christophine) ou d’une culture à forte valeur ajoutée comme l’igname, ainsi que l’intégration d’un atelier d’élevage comme épargne sur pied (en cas d’accident ou de besoin). Ces ateliers nécessitent peu de main d’œuvre et n’engendrent pas de coûts supplémentaires. Dans le cas de la fleur, les charges sont élevées, mais le prix de vente l’est aussi ;

ú La mise en culture de petites parcelles diversifiées (0,01 à 0,3ha) ;

ú La mise en place de cycles maraîchers hors saison (tomates, concombres). Cette pratique comporte des risques d’échecs non négligeables. Ces risques sont alors compensés par une plus forte valorisation des produits avec des prix élevés. 
 On parle

de "coups" (un "coup de tomate", "un coup de laitue"), une pratique spéculative qui consiste à cultiver en petite quantité des cultures à risques qui peuvent rapporter beaucoup en peu de temps.

-

Les investissements liés au maraîchage sont importants : semences, produits

phytosanitaires, engrais, matériel d’irrigation. Il a été observé diverses stratégies liées à l’utilisation d’intrants. Ces derniers sont considérés comme une sécurité sur les rendements, mais aussi comme une lourde charge financière et ayant un impact négatif sur la santé. En fonction des ressources de l’exploitation et de la capacité de l’agriculteur à prendre des risques, les pratiques alternatives diffèrent.

Ø Maraîchage et canne à sucre

- Ces agriculteurs travaillent en association avec leur conjoint ;

- En GFA sur les plateaux de Grande-Terre, ils cultivent des terres planes, irrigables et mécanisables. Leur système est le même depuis les années 90. Ces agriculteurs ont pu agrandir leur surface de production en louant un second lot de terres au GFA. Ils cultivent aujourd’hui entre 14 et 17 hectares ;

- Leur objectif principal est de maintenir un revenu élevé tout en gardant une sécurité financière et de production avec la canne à sucre ;

- Le maraîchage et les cultures vivrières ont un potentiel de valorisation à l’hectare plus fort que la canne à sucre. Il représente au moins 6 ha de la SAU ;

- Pour assurer cette production, les producteurs ont investi dans du gros matériel et emploient une main d’œuvre permanente à mi-temps;

- La particularité de ces agriculteurs est de fournir leur production uniquement au marché de gros et/ou à un ou deux grossistes réguliers;

- La canne à sucre est une garantie de revenu.

Ø Verger et maraîchage

- Ces agriculteurs sont proches de la retraite et leur conjoint travaille en dehors de l’exploitation ;

- En Côte Sous le Vent, ils sont propriétaires de leur terrain et cultivent de petites surfaces sur des terrains pentus non mécanisables, allant de 4,5 à 6 ha. Leur objectif est de conserver un capital et d’avoir un revenu (avec le maraichage) en limitant les charges ; - Le verger est principalement constitué de manguiers et/ou avocatiers, espèces populaires

fréquemment présentes dans les jardins familiaux, qui sont peu sensibles aux maladies et qui demandent peu d’entretien. Ces arbres permettent de valoriser les terrains agricoles tout en constituant un patrimoine à léguer aux héritiers ;

- Concernant l’atelier de maraîchage, qui couvre 0,5 à 1 ha, les pratiques sont conduites de deux façons au sein de ce type :

ú Soit, le maraîchage est peu diversifié pour limiter les coûts liés à la main d’œuvre. On retrouve alors principalement des piments et céleris à cycle long (4 ans), des choux et des cives pour le marché de gros ;

ú Soit, le maraîchage est principalement vivrier et se fait sur de plus petites surfaces (inférieure à 0,5 ha) que les précédents. Il vise l’autoconsommation et les surplus sont destinés à de la vente directe. Le verger est valorisé par des cultures à haute valeur ajoutée, telle que la pitaya, et connaissant de nombreux débouchés : GMS, restaurants, épiceries etc.

Ø Verger et élevage

- Il n’a pas été décelé de conformité dans la situation familiale de ces agriculteurs mis à part que le conjoint travaille en dehors de l’exploitation ;

- En Côte au Vent, les surfaces en verger diversifié permettent de préserver le capital foncier. La récolte saisonnée des fruits permet une entrée d’argent régulière avec des coûts d’entretien faibles ;

- Ces exploitations produisaient autrefois des agrumes qui ont dû être détruits après détection de la pathologie "citrus greening". Ces exploitants se sont reconvertis dans une filière organisée et à forte valeur ajoutée comme le café (la mise en place de caféière sous ombrage a été permise par la présence d’autres arbres fruitiers déjà en place comme les bananiers, avocatiers, manguiers) ;

- Dans le cas où le café n’est pas encore en production, les agriculteurs ont une double activité intra ou extra agricole : soit ils font de la transformation de leurs produits, soit ils travaillent dans une autre entreprise ;

- L’élevage au sein de ces systèmes est très diversifié. Les exploitations avec des parcelles pentues ont mis en place des élevages de poules et/ou porcins hors sols, ou encore caprins. Celles avec un accès à des terrains moins pentus s’orientent vers l’élevage de petits cheptels de moins de cinq bovins (ils peuvent aussi occuper de manière informelle des parcelles avoisinantes).

Ø Elevage et canne à sucre

- Les agriculteurs de ce type sont les seuls actifs de leur exploitation ;

- Sur les plateaux de Grande-Terre en GFA, ce système peu chronophage permet une situation de pluriactivité ;

- L’élevage bovin (7 à 14 bêtes) est conduit de manière "traditionnelle", au piquet. Le cheptel de bovins est considéré comme une "épargne sur pieds" pour faire face à des dépenses imprévues et/ou importantes ;

- Les surfaces exploitées varient entre 6 et 8 ha avec une partie consacrée au pâturage des animaux ;

- La canne à sucre, qui sécurise le revenu agricole, est maintenue sur les mêmes surfaces qu’à l’installation ;

- On observe deux façons différentes de gérer les parcelles en canne à sucre et en pâturage au sein de ce type :

ú Soit, les agriculteurs sont en GFA et la canne à sucre couvre 40 à 60% de la SAU. Ces deniers sont suivis par des techniciens et ont recours à des prestataires pour le travail du sol, la coupe et la livraison. Il n’y a pas de rotation, les surfaces de pâturage et de canne à sucre sont fixes. La canne à sucre est plantée sur les parcelles où le potentiel de rendement est le plus élevé ;

ú Soit, les exploitations sont dans les Grands-Fonds, la surface en canne à sucre est plus réduite et couvrent 10 à 15 % de la SAU. Le travail se fait entièrement à la main et le transport vers les usines est privé. La canne à sucre tourne avec le pâturage tous les 5 ans. On observe la présence d’un jardin créole itinérant sans intrants dont la production est destinée à l’autoconsommation.

- Malgré la volonté de réduire les produits de synthèse, notamment les herbicides, par le sarclage et la rotation, les agriculteurs voient peu l’intérêt de limiter les intrants de la canne à sucre.

Ø Elevage et jardin

- Ces agriculteurs n’ont pas ou plus d’enfants à charge ;

- L’insécurité foncière liée au faire valoir de l’indivision est compensée par la stabilité de la double activité ;

- Ces systèmes de production, allant de 1 à 7 ha, sont les mêmes que ceux mis en œuvre par leurs parents ;

- Ce type se caractérise par la présence d’un atelier d’élevage comme ressource financière régulière et d’un atelier de culture sous forme de jaden comme ressource financière secondaire ;

- Le principal objectif de la production est de satisfaire un maximum les besoins alimentaires de la famille en produits sains et de qualité ;

- De nombreux arbres fruitiers sont répartis de manière aléatoire sur le terrain, aucun travail n’est consacré à cette ressource. La récolte ponctuelle des fruits permet d’assurer un complément de liquidité ;

- La double activité permet aux agriculteurs de ne pas être dépendants du revenu agricole. La commercialisation n’est pas au cœur de l’activité qui ne répond pas à la seule rationalité économique.

1.7. Organisation, encadrement et conseil agricole

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