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La Canne : une culture dominante à la rentabilité limitée Ø Une ressource faiblement rémunératrice pour les petites surfaces

Une vision actualisée de la situation agricole en Nord Grande-Terre

3.5. Un jeu de contraintes et d’opportunités

3.5.1. La Canne : une culture dominante à la rentabilité limitée Ø Une ressource faiblement rémunératrice pour les petites surfaces

En Nord Grande-Terre, la canne domine, avec plus de 65% des systèmes de production basés sur une quasi-monoculture cannière.Toutefois, le manque d’eau pénalise le rendement cannier de la zone qui est en moyenne de 55 à 60 t/ha. Or, pour des rendements de cette échelle, la valeur

ajoutée dégagée par la canne est très faible, voire négative (Chabane, 2013), pour peu que la valeur saccharine ne soit pas au rendez-vous. Parmi les éléments qui peuvent expliquer la faiblesse de la valeur ajoutée, il y a les prix élevés de la récolte mécanique et des intrants, une relation non sécurisée entre le planteur et l'entreprise de coupe, et le niveau faible des prix pratiqués par l’usine sucrière de Gardel. La filière canne implique un important processus de transformation industrielle et comporte beaucoup d’intermédiaires. De fait, la répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière est très inégale et en défaveur du planteur, qui est à la base de la production et qui, contrairement à tous les autres acteurs du processus payés au tonnage, est payé au taux de richesse saccharine.Les prix ne sont pas rémunérateurs pour des petites surfaces et l’analyse économique des systèmes de production menée par Chabane (2013) montre qu’il faut des surfaces suffisantes en canne et/ou une bonne technicité pour dégager un revenu intéressant. Les seuls systèmes dans lesquels la valeur ajoutée brute dégagée par la culture de canne à sucre n’est pas négative sont les planteurs qui ont plus de 15ha de canne. À l’exception de ces systèmes où la valeur ajoutée est positive mais pas élevée (inférieure à 200 euros/ha), tous les autres systèmes présentent une valeur ajoutée négative (Chabane, 2013).

Ø Une ressource dont il est difficile de s’affranchir

Bien que la culture de la canne ait une rentabilité limitée, que la récolte mécanique soit coûteuse et que le planteur soit dépendant des ETA ou prestataires pour sa réalisation, il semble que peu de planteurs aient intérêt ou soient en mesure de renoncer totalement à la canne car, comme nous l'avons précédemment dit de manière générale et particulièrement dans le Nord (le plus grand bassin cannier de la Guadeloupe), la canne :

- est rustique et souffre moins que d'autres spéculations aux aléas climatiques ; - est peu soumise aux lois du marché : les prix sont stables et la vente est assurée ;

- permet d’occuper des surfaces sans que les investissements en travail et en intrants soient trop importants ;

- garantit un complément de revenu : du fait d’un risque commercial faible, elle apporte un complément de revenu fixe à l’exploitant. L’analyse économique menée par Chabane (2013) montre que les fortes différences de valeur ajoutée entre les productions, et notamment pour la canne à sucre, ne se retrouvent pas dans l’analyse des revenus. En effet, bien que la canne soit une culture faiblement rémunératrice pour les très petites exploitations, les subventions permettent de compenser la faible valeur ajoutée et de faire de la canne une culture économiquement intéressante sur des surfaces supérieures à 10 ha102 et plus faiblement rémunératrice sur des surfaces comprises entre 6 et 10 hectares

(dans les systèmes basés principalement sur la canne mais dont la surface ne permet pas de dégager un revenu suffisant, les agriculteurs sont pluriactifs). Les petits planteurs de moins de 10 ha ont un intérêt dans la culture de canne bien qu’elle ne soit pas créatrice de richesse, car elle apporte un fonds de roulement après la récolte. Ce fond est utilisé comme complément de revenu ou comme assise pour investir dans d’autres productions plus rémunératrices (igname, produits maraîchers).

- a un fort ancrage historique et économique de par la structuration de la filière, le poids des SICA et la visibilité à plus long terme qu’elle apporte avec des prix stables et les soutiens de l’État et des fonds européens103 ;

- présente des intérêts écologiques : elle nécessite peu d’intrants, elle un très bon précédent cultural pour les cultures maraichères et s’utilise pour l’alimentation animale ;

- est porteuse d’une valeur symbolique forte : la canne est une culture qui se respecte.

Ø Un potentiel sous exploité de valorisation de la canne et de ses sous-produits

L’utilisation des nombreux sous-produits de la canne (bagasse, mélasse, boues de filtration, vinasses) dans les ateliers d’élevage ou pour l’amendement des cultures existe mais n’est pas généralisée. La canne en elle-même (tiges) possède un fort potentiel dans l’alimentation animale, sous réserve d'une complémentation protéique. Beaucoup de planteurs l’emploient déjà en saison sèche en distribuant des tiges entières, broyées ou des amarres aux animaux. La recherche montre qu’il est possible de réaliser des stocks sous forme d’ensilage ou de mettre en place des rations équilibrées pour les ruminants à base de canne broyée, de mélasse et d’herbe, ce qui leur permet de réduire l’utilisation des concentrés et de développer des systèmes d’élevage plus performants (Chabane, 2013). La paille de canne est aussi un élément intéressant, valorisé de manière efficace dans le Nord Grande-Terre par les agriculteurs qui cultivent de l’igname paillé. Certains expérimentent même le paillage sur d’autres cultures vivrières et maraîchères. La canne présente de nombreuses opportunités et de hauts potentiels qui sont pour l’heure sous exploités. La filière canne peine à donner cet élan qui serait nécessaire à une revalorisation du produit104 et de ses

sous-produits de manière à apporter plus de valeur ajoutée directement à l’exploitant, plutôt qu’au processus industriel.

102 Elles permettent même de dégager des revenus relativement élevés sur des surfaces avoisinant les 20 ha.

103 Ces derniers sont déterminants dans le maintien de cette culture. En effet, dans le cadre POSEI, les DOM

bénéficient d’un statut particulier dont l’objectif est le maintien de la production. Les planteurs perçoivent ainsi des aides directes (garantie de prix, aide au transport, aide à la replantation et prime bagasse) qui permettent de dégager un revenu de la culture de canne.

104 Par exemple, et comme dit précédemment, pour faire face à la suppression des quotas sucriers (1er octobre 2017),

l'une des perspectives possibles serait une réorientation vers les sucres spéciaux, avec une qualité de canne à sucre irréprochable (M.D., responsable du réseau DEPHY Ferme, CAG, 2017).

3.5.2. La diversification végétale : un développement entravé

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