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Les contraintes d’ordre économique

Une vision actualisée de la situation agricole en Nord Grande-Terre

3.4. Les contraintes des agriculteurs du Nord Grande-Terre 1 Les contraintes liées à l’environnement naturel

3.4.2. Les contraintes d’ordre économique

Ø L’investissement freiné par un accès difficile au crédit

Les porteurs de projets agricoles qui souhaitent développer leur exploitation ont le choix entre deux dispositifs, la défiscalisation et les fonds européens. Les aides de l'Europe consistent en un remboursement et impliquent un préfinancement de la part du producteur, qui sollicite sa banque pour une demande de prêt. En dépit des aides publiques et des avantages fiscaux dont ils peuvent bénéficier, les agriculteurs témoignent de grandes difficultés d’accès au crédit dans la mesure où la banque demande des "garanties" qu'ils ne peuvent fournir. Ainsi, il est courant d’entendre que le Crédit Agricole n’a d’agricole que le nom. Les prêts sont très rarement accordés aux agriculteurs en vue d’un investissement sur leurs exploitations. Certains revoient leurs projets à la baisse ou abandonnent, quand d'autres utilisent des crédits à la consommation aux taux prohibitifs. Notons que les agriculteurs peuvent avoir recours à d'autres formes d'aides qui relèvent de la solidarité familiale : emprunts auprès des membres de la famille, main d'œuvre familiale non rémunérée. Enfin, comme évoqué précédemment, les producteurs qui travaillent sur des exploitations de petites dimensions et pluri-espèces ne sont pas soumis à de grands investissements en capital matériel.

Ø Des facteurs et des coûts de production élevés

Toutes les productions végétales principales dans le Nord Grande-Terre sont intensives en travail et nécessitent le recours à de la main d’œuvre agricole. Or, malgré le fort taux de chômage, il y a pénurie de travailleurs agricoles déclarés. Le système actuel de prestations sociales et le caractère saisonnier des besoins en main d’œuvre n’engage pas les Guadeloupéens sans emploi à travailler comme ouvrier agricole. Les jeunes "ont déserté la terre" et n’envisagent pas de s’engager dans des travaux agricoles connus pour leur pénibilité. Les charges sociales, au même niveau que dans les autres secteurs économiques, sont trop élevées pour permettre aux agriculteurs d’embaucher des salariés occasionnels. Il s’est donc mis en place toute une économie informelle autour de la main d’œuvre non déclarée majoritairement étrangère. Les exploitants font appel à de la main d’œuvre saisonnière pour des opérations et travaux ponctuels. Les ouvriers agricoles non déclarés sont principalement d’origine haïtienne. Ainsi, plusieurs raisons expliquent "le niveau élevé des prix" des productions agricoles locales : le coût des facteurs de production (main d’œuvre) et la faible productivité du travail ou des rendements (liée à l’insuffisance hydrique, aux aléas climatiques, au vieillissement des exploitants, à l’insuffisance des moyens etc).

Ø Un faible niveau d’équipement

Le niveau d’équipement (bâtiment et outillage) est souvent faible, surtout pour les petits exploitants, tant il est complexe de rentabiliser du matériel coûteux (importé de métropole) sur les petites surfaces des exploitations. Il existe peu de bâtiments d’élevage et de stockage (souvent bâtis avec des matériaux de récupération). Sans l’équipement nécessaire (tracteur, outils de travail du sol : socs, disques, pulvérisateurs, sillonneuse), les producteurs ne peuvent être autonomes dans la réalisation des travaux de plantation et d’entretien. Sans équipement, les coûts de production sont plus élevés et le calendrier cultural est plus difficilement respecté.

Ø Les contraintes liées à la commercialisation des productions végétales

§ La faible structuration des filières de diversification

Hormis pour la canne et la banane98, les filières de diversifications, hétérogènes et fragiles,

peinent à s’organiser. Sur les quarante dernières années, ce sont plus de vingt coopératives de commercialisation qui ont été créées et qui ont échoué (Delcombel, 2008). Les 4 OP fruits et légumes du département ne regroupement que 127 exploitations, ce qui correspond à environ 10% des productions de diversification. Comme déjà exposé supra, cette faible représentativité s’explique en partie par une inadéquation entre le modèle coopératif et une complexe réalité sociale. Il existe une forme d’antagonisme entre les objectifs des petits exploitants (qui dépendent d’un ensemble de contraintes et de besoins spécifiques) et ceux des OP qui relèvent d’une logique économique conforme à la commercialisation de gros volumes et qui, à ce titre, ne tiennent pas compte des différents degrés de diversification et des stratégies mise en œuvre par les producteurs pour limiter les risques (répartition stratégique des risques avec cumul des modes de commercialisation). De plus, les délais de paiements étant relativement longs quand la vente passe par les SICA et OP, les petits exploitants favorisent des modes de commercialisation leur permettant d’obtenir une rémunération rapide. Sans gros investissement en matériel, la recherche d’un revenu rapidement obtenu est logiquement privilégiée à celle d’un revenu optimisant les facteurs de production. Quant aux producteurs qui souhaitent développer leurs activités de cultures vivrières et maraichères, et agrandir leurs surfaces, le manque de structuration des filières rend problématique l’écoulement commercial des gros volumes.

§ Une carence en lieu de distribution

Le Nord Grande-Terre est caractérisé par une carence en lieu de distribution des cultures maraichères et vivrières. La diversification étant tardive dans cette région, particulièrement dans le "Nord historique", les communes peinent à se doter de leurs propres marchés hebdomadaires. À l'exception du Moule, on remarque que les marchés en place émergent à peine ou se sont organisés très récemment :

- Moule

La commune du Moule est la seule commune de la CANGT à accueillir tous les mercredi après- midi un marché dynamique et pérenne qui est une initiative d’agriculteurs et qui a grossi progressivement pour devenir un lieu de rassemblement de producteurs et revendeurs "absolument incontournable". Le marché du Moule est né le 29 novembre 2004, grâce à l'association et la pugnacité d'une dizaine d'agriculteurs, l'Association des Producteurs Agricoles du Moule (APAM). La principale activité de l'association était l'écoulement des la production agricole. Après quelques années, la compétence a été cédée au Maire pour que la commune gère désormais ce marché qui rassemble plus d'une centaine de producteurs du Moule et du Nord Grande-Terre. À la suite du Moule, les autres communes avoisinantes se sont dotées de leur marché : le mardi à Saint-François, le jeudi à Saint-Anne, le vendredi au Gosier.

- Petit-Canal

Afin de préparer les agriculteurs et la population à l'ouverture prochaine de la Maison de l'agriculteur (voir infra), une impulsion a été donnée pour que s'organise, sur ce lieu, un marché

98 Les producteurs de bananes sont structurés, organisés et parlent d’une seule voix ce qui facilite la négociation des

local. L'association "Les Racines de l'Agriculteur" qui regroupe 9 exploitants agricoles se prépare en vue d'assurer la gestion de la Maison de l'Agriculteur qui devrait accueillir un marché permanent dès le mois de mai 2018. À partir de décembre 2016, 5 producteurs volontaires accompagnés de quelques agro-transformateurs ont initié un marché local focalisé sur les agriculteurs (excluant les revendeurs) qui s'est d'abord tenu tous les deuxièmes vendredi du mois, puis deux vendredi par mois, puis trois, jusqu'à quatre prévus en avril 2018.

- Anse-Bertrand :

À Anse-Bertrand, l'Association des Producteurs Agricoles Ansois (APAA), officialisée en 2010, a initié l'idée de développer les marchés de proximité pour inciter les agriculteurs du Nord à produire davantage (marché itinérant, grands marchés ; voir infra). Depuis 2017, le marché d'Anse Bertrand est fixé au Bourg d'Anse-Bertrand et se tient tous les samedis. Certains dires d’acteurs (agriculteurs, CAG) le présentent comme un véritable marché quand d’autres (CANGT) minimisent l’ampleur et le degré de structuration de l’événement ;

- Morne-à-l’Eau

La commune a relancé un projet de marché en cœur de ville en rénovant un bâtiment historique où se tient quotidiennement "le marché aux vivres" (voir infra) qui est ouvert tous les jours sauf le lundi. Le marché connaît une forte fréquentation le week-end et l'on s'attend à ce qu'elle prenne de l'importance dès la réouverture de l'église du Bourg. Le marché est essentiellement alimenté par des producteurs de la commune, des cultivateurs non professionnels et des revendeurs.

- Port-Louis :

La commune accueille un marché de proximité tous les deuxièmes samedi du mois.

Fautes de points de vente importants et de structures collectives dans le Nord, les agriculteurs trouvent eux-mêmes des débouchés pour leurs produits et jonglent entre plusieurs modes de commercialisation.

§ La forte variabilité des prix

Le risque commercial prend en compte les variations de prix sur le marché par rapport à des prix moyens de vente. Les prix sur le marché intérieur ne sont ni constants, ni maîtrisés (absence de régulation), si bien que les marges potentielles sur les produits à destination du marché intérieur sont hypervariables et dépendent du rapport entre l’offre et la demande ainsi que du rapport de force existant entre producteurs et distributeurs. Les amplitudes de prix sont parfois impressionnantes. Les fluctuations sont rendues spectaculaires par l’étroitesse du marché. Pour un produit donné, si le nombre de vendeurs et le volume est important, les prix chutent rapidement. Dans ce cas, la stratégie des producteurs est de vendre absolument, quitte à casser les prix, surtout lorsqu’il s’agit de produits hautement périssables. Cette tendance à la baisse s’observe surtout en période de carême, quand le climat est favorable à la production maraichère. En cas de pénurie, notamment en période d’hivernage (où seuls les producteurs ayant une bonne technicité et des conditions pédoclimatiques favorables parviennent à produire), les prix augmentent excessivement. Dans ce contexte de pénurie, la stratégie pour beaucoup de producteurs est d’opter pour la production en petite quantité de cultures à risque qui rapportent beaucoup (logique du "coups").

Ø Les contraintes économiques des installés en GFA

Les installés en GFA ont deux statuts : celui de fermier et celui d’associé (ils souscrivent à un certain nombre de parts sociales et participent à la vie du groupement). À leur installation, les bénéficiaires des parcelles doivent acheter, selon la surface attribuée, entre 10 et 40 parts sociales, dont chacune a une valeur nominale de 762 euros. Le financement du capital souscrit est, dans la grande majorité des cas, constitué par un prêt à taux bonifié (Chabane, 2013). En théorie, lorsque tous les installés en GFA payent leurs parts sociales et règlent le fermage, chaque GFA doit pouvoir dégager des bénéfices et redistribuer des dividendes. Dans la réalité, de nombreux agriculteurs voient plutôt ce système comme une contrainte et envisagent difficilement de pouvoir à la fois acheter des parts sociales en contractant un prêt à l’installation et en plus payer annuellement des fermages. Les fermages impayés et la non régularisation de l’achat des parts sociales sont donc un problème récurrent dans beaucoup de GFA de la région. La CAG, qui est propriétaire des GFA, travaille à la régularisation d’un équilibre concernant les paiements. En 2017, à l’initiative de la CAG, la SICAGRA a joué un grand rôle en avançant l’argent de ses adhérents ce qui a permis aux exploitants en difficulté de solder la totalité de leurs parts sociales ; des parts impayées depuis plus de 30 ans.

3.4.3. Les contraintes d’ordre social

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