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Les contraintes d’ordre social Ø Le manque d'accompagnement

Une vision actualisée de la situation agricole en Nord Grande-Terre

3.4. Les contraintes des agriculteurs du Nord Grande-Terre 1 Les contraintes liées à l’environnement naturel

3.4.3. Les contraintes d’ordre social Ø Le manque d'accompagnement

§ Le manque d’un lieu de conseil et de regroupement

Il y a dix ans, il y avait en Nord Grande-Terre un outil important d'accompagnement et d'appui technique, une antenne de la CAG et de la SAFER (communément appelées "les petites Chambres", ou "les petites régions"). La CAG, confrontée à un "déficit colossal" et à la nécessité de diminuer la masse salariale, suivie par la SAFER dont la situation était tout aussi critique ont décidé de fermer l’antenne du "Nord" qui engageait trop de frais. Pourtant, avec cette antenne, les producteurs du Nord bénéficiaient des conseils d'un technicien présent tous les jours sur le terrain. En Guadeloupe, où les exploitations sont de petites tailles et où la situation économique des agriculteurs est fragile, le besoin de suivi est grand. Il manque aujourd'hui un lieu de proximité, de rassemblement, de réunion et de regroupement, un espace de dialogue et de conseil où l’information et les connaissances pourraient être diffusées. En voyant ses effectifs de techniciens drastiquement diminués, la CAG a perdu de son omniprésence, passant d'un conseil direct et individuel à un conseil collectif. Les techniciens de la CAG sont peu présents sur le terrain et les agriculteurs déplorent une déconnexion de la Chambre avec certaines réalités de terrain ; on ne compte plus qu'une antenne en Nord Grande-Terre, localisée dans la commune du Moule. La CAG a été l'instigatrice des OP et autres SICA, qui sont munies de leurs propres techniciens, or l'extrême majorité des exploitants agricoles n'y sont pas regroupés. Les agriculteurs du Nord sont pour la plupart isolés, n’ayant presque aucun interlocuteur vers qui se tourner quand un problème se pose (hormis les collègues voisins), ni d’espace de dialogue de proximité (pour échanger entre eux et avec d’autres professionnels du milieu).

§ Le manque d'appui technique et de transfert des connaissances

Les instituts et centres de recherche travaillent sur des solutions techniques et sur des alternatives à la filière traditionnelle mais les planteurs n’ont pas accès à l’information. De même, les innovations et les solutions techniques alternatives aux méthodes conventionnelles existent. De nombreux agriculteurs expérimentent eux-mêmes certaines pratiques et ont des projets de développement pour leur exploitation (Leclerc, 2017; Desplan, CAG, 2017). Mais ils sont bien souvent isolés et bénéficient de peu d’encadrement technique. Le manque d’information non seulement sur les techniques agricoles mais sur les aides et les sources de financement disponibles est très marqué. Il est donc difficile dans ces conditions pour un agriculteur de mener à bien son projet. Ils sont pourtant assez nombreux à posséder des connaissances techniques précises sur les différentes cultures ou les systèmes d’élevage. Ce sont des connaissances qu’ils ont acquises par leur propre expérimentation, lors de leurs stages et de leur formation agricole ou qui leur ont été transmises par leurs parents ou collègues et voisins agriculteurs/techniciens. Par exemple, concernant la culture d’igname, il semble que certains agriculteurs fassent figure d’expert dans la maîtrise des différentes variétés et c’est vers eux que se tournent ceux qui ont besoin de conseil.

L’impact de diffusion des savoirs et de l’information est toutefois limité. Dans le Nord Grande-Terre, l’accès aux nouvelles connaissances techniques se fait par contact avec des agriculteurs y ayant déjà accès, par une recherche active sur internet ou lors de déplacements en métropole pour des journées de visites d’exploitation ou de formation, ou encore par des agriculteurs en lien avec des instituts de recherche (l’INRA, le CIRAD ou l’IT2). Les transferts de connaissances les plus efficaces dans le Nord Grande-Terre concernent les pratiques culturales cannières (à travers la SICADEG). Les évolutions techniques passent en effet par une filière organisée et forte. Or, le manque de structuration des filières de diversification crée une carence en termes d’organisation dans le transfert des connaissances. De plus, les connaissances diffusées par les filières traditionnelles sont souvent partielles, focalisées sur un système de culture, voire d'élevage, alors que les agriculteurs ont besoin d’innovations et de solutions techniques qui englobent le fonctionnement du système de production dans sa totalité en reliant les différents systèmes de culture et d’élevage.

Ø Les contraintes liées aux vols

Le risque agricole est aussi généré par le problème du vol qui concerne l’ensemble des productions, aussi bien animales que végétales, ainsi que les équipements. L’ampleur des vols va de quelques cannes coupées dans le champ à des opérations très organisées, où l’ensemble de la parcelle est récolté (cultures maraîchères) ou l’ensemble du troupeau volé (cabris essentiellement, mais aussi bovins tués et découpés dans le champ99).

Ø Le manque de CUMA de diversification

Le territoire de la CANGT est actuellement pourvu de 3 CUMA, qui sont historiquement des CUMA cannières : la CUMA Nord Grande-Terre, la CUMA de Morne-à-l'Eau (secteur Morne- àl-'Eau et Abymes) et la CUMA du Moule (secteur Moule et Morne-à-l'Eau). Autrefois, le Nord historique était pourvu de 3 CUMA (Anse-Bertrand, Port-Louis et Petit-Canal), dont deux ont

99"Avant j’avais 7 bœufs, et on me les volait, alors j’en ai rachetés. Ensuite on me les abattait sur place, on ne me

laissait que la tête, les boyaux et la peau. Je ne suis pas le seul, dans mon GFA il n’y a pratiquement plus de bœufs à cause de ça. Les cabris aussi, il faudrait mettre un GPS dessus ! On me les volait aussi ! Ensuite, on me volait les cultures" (V.P., agriculteur Petit-Canal).

disparu sous la pression des Entreprises Privées de Travaux Agricoles (ETA) qui travaillent un peu sur Morne-à-l'Eau et le Moule, mais surtout au "Nord".

La CUMA du Nord Grande-Terre a connu de nombreuses difficultés, faisant notamment suite à un incendie. Elle n'est pas équipée pour les cultures de diversification et se concentre sur les travaux de récolte de la canne (comme les ETA qui ne réalisent que la coupe et s'occupent de leurs propres plantations le reste de l'année) sur le secteur Petit-canal, Port-Louis et Anse- Bertrand. Pour réaliser les labours, les agriculteurs doivent faire appel à des prestataires de service individuels, souvent des planteurs qui ont plus de 15 ha. Mais les agriculteurs ne sont plus maîtres de leur calendrier et les prestataires refusent parfois de venir labourer des surfaces trop petites ou difficiles d’accès et ils donnent priorité à leurs propres travaux de labour et d’entretien. Le Président de la CUMA du Nord entend la rendre opérationnelle en 2018. Dans l'attente, certains agriculteurs en GFA ont trouvé comme alternative la mise en place d’un groupement d’employeur d’une dizaine d’exploitants (association "Force Verte") permettant de mettre à disposition des membres du groupement des ouvriers (recrutés dans le cadre de contrats d’insertion) en fonction de leurs différents besoins. Le groupement a pu fonctionner pendant plus d’un an, avant d’être mis en veille après le changement de présidence de son conseil d’administration. Les membres de l'OP Caraïbes Melonniers (ils sont 28 sur le territoire Nord Grande-Terre) ont créé leur propre CUMA de diversification, la "CUMA Ensemble". Pour ne plus dépendre des ETA et des prestataires, c'est aussi l'une des solutions envisagée par deux groupements du Nord Grande-Terre : l'association "Les racines de l'agriculteur" qui entend assurer la gestion de la Maison de l'Agriculteur de Petit-Canal dès le printemps 2018 et l'Association des Producteurs Agricoles Ansois (APAA) dans le cadre de son projet de création d'une filière de plantes tubercules (voir infra). À noter que la CUMA de Morne-à-l'Eau fait figure d'exception puisqu'elle s'est diversifiée dès 2006 en direction principalement de l'élevage et, dans une moindre mesure, de la diversification végétale : fenaison, ensilage et balle de paille de canne (pour la complémentation alimentaire des ruminants et le paillage des cultures). Cette CUMA travaille essentiellement sur Morne-à-l'Eau, et les Abymes.

Ø Les difficultés liées à l’accès et à l’usage du foncier

Concernant les zones de réforme foncière, le problème d’accès au foncier vient du nombre de candidats à l’installation qui est supérieur au nombre de lots disponibles. Les surfaces des GFA sont fixes et les lots sont libérés en cas de départ à la retraite ou de départ d’un occupant illégal. Or, nous l’avons vu supra, les départs à la retraite sont peu nombreux et tardifs100, la libération

des parcelles occupées prend un temps considérable et les demandes d’agrandissements sont privilégiées aux demandes d’installation.

Les conflits relatifs à l’usage du foncier sont de différents ordres, ils concernent l’occupation illégale, mais aussi l’aménagement et l’amélioration foncière. Des conflits opposent des occupants sans titre (agriculteurs non déclarés qui exploitent des terres dont ils ne sont ni propriétaires, ni locataires) aux propriétaires, locataires et collectivités. Des conflits opposent aussi les exploitants à la SAFER au sujet de l’aménagement des parcelles octroyées101. Les

100 1) Le montant de la retraite est particulièrement faible, 2) Certains, après une longue phase d’attente pour la

libération de leurs terres occupées illégalement, en profitent pour les exploiter, 3) D’autres attendent de pouvoir solder leur dette de fermage (quand celle-ci n’est pas couverte par le produit de la vente de leurs parts sociales), 4) Certains attendent que leurs successeurs (descendants directs) remplissent les conditions d’installation (diplôme, formation, agricole, âge).

101Les producteurs installés par le Département sur les terres en FVD de Beauport se heurtent au même problème et

contraintes d’amélioration foncière concernent l’attribution de parcelles en friche, boisées, pierreuses, inondables et sans borne d’irrigation. Se pose aussi le problème de l’aménagement des voies d’accès aux exploitations, particulièrement accidentées et qui deviennent quasi- impraticables en période de fortes précipitations. Toutefois, la résolution d’un problème en appelle un autre. Certains exploitants hésitent à refaire les chemins d’accès en raison du risque de vol qui se voit augmenté. Une amélioration de la voie d’accès implique donc la mise en place de barrières. Les travaux d’aménagement et d’améliorations foncières ont un coût et impliquent des investissements que ne peuvent assurer les exploitants, surtout lorsqu’il s’agit de gros œuvre (fossés primaires, drainage, déboisement, voierie, bornage).

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