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Du pays de l’herbe au pays des arbres : les nouvelles forêts ardéchoises

1.1. Des systèmes agraires multiséculaires

Comprendre les nouvelles forêts, les expliquer et y réfléchir nécessite, il en déjà été question, de prendre en compte la dimension humaine de celles-ci et donc de s’intéresser à leurs propriétaires. Ce qui sera examiné ici, c’est une histoire paysanne en Ardèche, racontée grâce aux terrasses et au châtaignier, un héritage du passé, tel qu’il a pu influencer ceux qui décidèrent de planter des arbres, ainsi que leurs descendants.

La littérature sur l’invention du Massif Central montre la prégnance des identités cévenoles et auvergnates au sein de cet espace. C’est pourquoi, il nous fallait creuser cette identité cévenole, plutôt celle de l’« homme des pentes » dont parlait Michel CARLAT (1987)83, pour montrer toute l’importance du couple terrasse – châtaigneraie dans l’œuvre de reforestation qu’on accompli les gens du pays dans la seconde moitié du XXe siècle. À ce sujet, Jean-Robert PITTE (1986) dans sa thèse sur les « Terres de Castanide »84 dit même que l’« On peut donc à bon droit parler d’une « civilisation du châtaignier » qui possède des traits communs en Galice, en Toscane, dans le Trás-os-Montes portugais, en Corse, dans les Cévennes, l’Auvergne et le Limousin : une civilisation à l’imaginaire très riche […]. »

Voici donc la description que Michel CARLAT (Ibid.) donne de la Cévenne ardéchoise :

« Pays hétérogène où se succèdent granit, schistes, micaschistes, grès et calcaire, avec une partie nord très marquée par le volcanisme. Pays où le rayol – l'homme des pentes – a édifié de fabuleuses terrasses – faysses ou accols – pour y fixer la terre supportant habitations, cultures, vignes, arbres fruitiers et surtout la châtaigneraie. Car c'est le châtaignier qui confère à la Cévenne

82MENDRAS Henri (1967). La fin des paysans : innovations et changement dans l’agriculture française. Paris : SÉDÉIS, 358 p.

83CARLAT Michel (1987). L’Ardèche. Collection Richesses de France. Paris : Éditions J. DELMAS, 160 p.

84PITTE Jean-Robert (1986). Terres de Castanide. Hommes et paysages du Châtaignier de l’Antiquité à nos jours. Paris : Fayard, 479 p.

son vrai visage. Associé à la sériciculture, le châtaignier a régné – et règne encore – en maître et a été à l'origine de la prospérité sinon de la richesse du pays. A la fois « arbre à pain » et « arbre à viande », il a fourni aussi à l'homme les poutres et les planches de sa maison, le bois de son foyer. » (CARLAT, 1987)

De cet aménagement des pentes sont nées les terrasses dont sont encore empreints certains paysages, en association avec le châtaignier. Parmi les cultures qui occupaient les terrasses (les céréales, la vigne, le mûrier), toutes ont pratiquement disparu. Le châtaignier, cet arbre qui peut vivre plusieurs siècles, a fourni subsistance et bois à des générations de paysans. Le châtaignier était l’arbre roi, l’arbre à pain, un véritable marqueur territorial, à côté des terrasses, à l’origine d’une identité. Cette identité cévenole est aussi révélée par les arguments écologiques des antagonistes au pin maritime, qui occupe une place importante dans la forêt cévenole. Comme l’a montré Vincent MORINIAUX85 (1999), cet arbre, en prenant la place du châtaignier, a porté atteinte à cette même identité. Ce sont ces paysages, si particuliers et caractéristiques de cette partie centrale et méridionale du département de l’Ardèche, qui ont justifié la création du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche (PNRMA) en 2000, sur 136 communes du département. Dans sa Charte constitutive, le Parc naturel régional des Monts d’Ardèche (PNRMA) insiste sur l’importance et le rôle des paysages sur tout son territoire, « qui forment l’atout majeur de son développement »86 (PNR DES MONTS D’ARDECHE, 2002).

Afin de replacer le système agraire qui va être étudié, l’association de la terrasse à la châtaigneraie, dans une perspective plus large à l’échelle du Massif Central, il sera pris appuie sur la cartographie réalisée par André FEL (1962)87 des paysages agraires du Massif Central (Doc. n°9). Dans sa thèse, André FEL consacre une étude approfondie aux systèmes agraires du Massif Central, tels qu’ils existaient encore dans les années 1950. Il a montré comment ses systèmes avaient traversé les siècles avec une grande constance. Ils ne devaient prendre fin réellement que dans la seconde moitié du XXe siècle.

85MORINIAUX Vincent (1999). Les Français face à l’enrésinement, XVI°-XX° siècle. Annales de Géographie n°609-610, pp. 660-663.

86PNR des Monts d’Ardèche (2000). Charte constitutive[en ligne]. Disponible sur : <http://www.parc-monts-ardeche.fr/v1/IMG/charte_pnrma_2000_2010-2.pdf> (consulté le 23/02/2006).

Les systèmes agraires montagnards en tant que tels ne seront pas étudiés dans cette recherche comme il le sera pour le type cévenol. À ce sujet rappelons que l’Ardèche des nouvelles forêts correspond peu ou prou à l’Ardèche des pentes et à la Montagne ardéchoise, ce qui limite à deux modèles les explications socio-économiques et identitaires de la reforestation. Bien que l’homme de la Montagne ait lui aussi planté dans la seconde moitié du XXe siècle, il faut voir dans l’étalement spatial et temporel de la reforestation en Ardèche, des pentes à la montagne, une explication d’ordre socio-économique, plus qu’identitaire.

Le système agraire des pentes est tombé plus rapidement en crise que celui de la montagne, incarné par l’élevage et le pastoralisme. En effet, les systèmes agraires montagnards ont réussi à se maintenir plus longtemps alors que le dépeuplement y était tout aussi important. D’ailleurs, il est encore à l’œuvre dans la partie montagnarde et rurale du Massif Central. Sur les hauts plateaux et les pentes plus douces du Haut-Vivrarais (qui continuent sur la moyenne montagne de l’est du Massif Central), la mécanisation agricole a pu jouer un rôle positif en suppléant partiellement la perte de main d’œuvre. Il n’y a pas eu dans les pentes, de progrès techniques en agriculture, comparables à ceux que la faucheuse attelée au tracteur, le faneur, l’endaineur, la presse ou l’autochargeuse ont pu engendrer dans la montagne pour la récolte des fourrages. Dans la Montagne ardéchoise, la reforestation volontaire en conifères s’est imposée d’elle-même, comme un moyen d’occuper l’espace agricole lorsqu’il n’était pas repris par d’autres agriculteurs. Mais, dans le paysage agraire du type agro-pastoral que décrit André FEL (Ibid.) (qui s’étend après la Montagne ardéchoise en direction de l’ouest vers le Gévaudan et la Margeride), on peut penser que les nouvelles forêts résineuses ont d’abord été installées sur les landes pastorales qui fonctionnaient en association avec des quartiers de champs isolés. Ce ne fut pas le cas dans la Montagne ardéchoise, où la création du finage par défrichement des forêts n’a cependant pas abouti à supprimer toutes les sylves. Les vieilles forêts domaniales de la Montagne ardéchoise en sont les témoins. Elles ont toujours représenté les hauts lieux de la production forestière de bois d’œuvre. De plus, sur les hauts plateaux, à plus de 1 000 mètres d’altitude (voir à 800 mètres), le sapin pectiné a toujours été roi. Des sapins présidents sont encore élus de nos jours dans ces vastes et vieilles forêts. Et comme la friche n’a jamais été aussi vive et conquérante que dans les pentes, la reforestation voulue a été plus tardive.

> Les terrasses : un espace construit au cœur d’un système agraire lié à la pente.

Dans son essai sur la formation du paysage rural français, Roger DION (1934), montre que les paysages ruraux français, hors des hautes montagnes, se caractérisent par « deux types fondamentaux : un type septentrional caractérisé par la rase campagne et par le groupement des arbres en massifs forestiers compacts ; un type méridional caractérisé par l’émiettement des forêts et la diffusion des arbres au milieu des terroirs agricoles. »88 L’Ardèche appartenait à cette économie rurale du sud, dont Roger DION avance que deux mots à eux seuls évoquaient tout un paysage, « la liberté de clore et de planter. ». En Ardèche, les châtaigniers ont très souvent été plantés sur des « clos », ces terrasses qui matérialisaient la propriété d’un certains nombre d’arbre.

Il ne s’agit pas d’une étude sur les terrasses en tant que telle. Notre objectif est de montrer avec quelles forces et volontés les paysans ardéchois ont construit au fil des siècles

88DION Roger. Essai sur la formation du paysage rural français. Tours : Arrault, 1934. 162 p. 2ième édition, Paris : Guy Durier, 1981, 168 p.

cette œuvre de tant de générations, telle qu’elle est décrite après. En effet, on retrouve encore chez les propriétaires actuels de nouvelles forêts (globalement la génération suivante de celle qui a boisé), notamment chez les petits et les moyens (en terme de surface possédée), une forte imprégnation par cette histoire paysanne. Dans le Massif Central les agriculteurs sont aussi souvent propriétaires forestiers. Ainsi, par exemple, ils s’accommodent assez bien de la petite propriété forestière qui est la leur. Avant d’imaginer constituer une plus grande propriété forestière, ils s’attachent plutôt à faire bien avec ce qu’ils ont. D’ailleurs, il y a tant à faire sur une petite surface boisée quand on pense ses pratiques forestières en puisant dans un réservoir de savoir-faire alimenté par d’anciennes pratiques agricoles transmises par les générations précédentes, des générations de paysans.

La terrasse, cette « Babylone du Pauvre » (BLANC, 2001)89, est une construction fragile, sans cesse remise en question. Chaque génération de paysans a connu des avancées et des replis, des constructions nouvelles et des abandons, de telle sorte que le paysage des terrasses est un état passager, qui dépend de conditions naturelles, économiques et sociologiques changeantes. L’Ardèche pays de transition entre le couloir rhodanien (altitude inférieure à 100 mètres) et les Hautes terres du Massif Central (à plus de 1 000 mètres) réunit les conditions topographiques indispensables à l’installation des terrasses. Ce qui frappe l’observateur avisé, qui sait retrouver leurs traces dans le paysage (souvent sous le couvert végétal), c’est le nombre considérable de versants anciennement aménagés, ainsi que la diversité de formes prises par les terrasses (Doc. n°10). En Ardèche, la technique des terrasses a concerné plus de la moitié des communes du département (Doc. n°11). Sans cet aménagement de l’espace, l’agriculture n’aurait pas connu le développement qui a été le sien dans ces territoires. Dans ce pays au relief accidenté les paysans ont édifié des terrasses sur les pentes des montagnes, mais aussi sur les croupes et les collines des avant-pays et ce n’est ni la géologie, ni l’altitude qui peuvent rendre compte de la géographie des terrasses ardéchoises. Ce sont les hommes, leurs techniques et les contraintes du relief qui expliquent la géographie des terrasses ardéchoises. Les pluies et les ruissellements engendrés ont aussi joué un rôle important dans l’établissement des terrasses, en contraignant les paysans à lutter contre l’érosion par la technique de la terrasse de culture.

89BLANC Jean-François (2001).Terrasses d’Ardèche – Paysages et patrimoine. Le Cheylard : Imprimerie Jean

En Ardèche, c’est essentiellement l’expansion démographique du XVIIIe siècle et de la première moitié du XIXe, ainsi que la densité de population qui expliquent cette conquête des pentes (Doc. n°12). En effet, l’établissement des terrasses nécessitait un travail long et pénible, mais les cultiver et les entretenir l’était tout autant. Il fallut donc une main d’œuvre abondante pour les construire et, vice-versa, les fortes densités imposaient d’utiliser l’espace le plus rationnellement possible. L’aménagement en terrasses de l’espace, en Ardèche comme ailleurs, ne résulte pas d’une décision planifiée. Il a été développé au fil du temps en mobilisant les leçons de l’expérience des anciens ou des voisins : « L’expérience se formulait après les échecs ou les réussites enregistrés dans la mémoire du groupe social. »

(Ibid.) Suivant les situations, la topographie et l’agriculture pratiquée, la terrasse s’associait à l’écoulement de l’eau ou s’en défendait. Le modelage de la pente par les terrasses n’était pas le fruit du hasard ; elles s’adaptaient très précisément à la topographie. Sur les fortes pentes elles étaient toujours de petite taille, souvent pentues et difficiles d’accès. Sur les pentes plus douces, elles étaient plus amples, plus accessibles, et donc plus facilement mécanisables. De plus, l’organisation du paysage des terrasses reflétait les rapports étroits entre habitat et terrasses. L’intérêt que suscitait la terrasse restait inversement proportionnel à la distance qui la séparait de l’habitat. Construites à proximité de l’habitat, elles lui étaient contemporaines et marquaient la colonisation de l’espace par de nouveaux noyaux de population, mais édifiées à l’assaut des pentes (Doc. n°13) alors que l’habitat se concentre en fond de vallée, elles témoignaient de l’extension des cultures.

L’exemple pris ci-dessus (Doc. n°13) montre des aménagements en terrasses entre 1 000 et 1 300 mètres d’altitude sur la route des crêtes (ligne de séparation biogéographique entre l’Ardèche du sud aux influences cévenoles et méditerranéennes et l’Ardèche du nord plus continentale). À l’ouest, c’est le commencement de la Cévenne ardéchoise, dont la plupart des têtes de bassin versant ont été reboisées dans le cadre de la RTM. Ce sont devenues des forêts domaniales comme celle du Pradou dont une partie du périmètre est visible dans le coin supérieur gauche de la carte au 25 000e. À l’est de la route des crêtes, débutent les Boutières. La carte au 25 000e montre que de nombreux mas ou d’anciennes fermes sont actuellement en ruines. Seules restent occupées les habitations accessibles par la route. La photographie exprime relativement bien la manière dont ont été construite les terrasses. L’aménagement de l’espace agraire s’est fait à partir de l’habitat, installé non loin d’un point d’eau (à proximité de la source de l’Auzène). Les terrasses partaient à l’assaut du Serre de Lichessol et leur qualité architecturale, comme on le voit encore, décroît avec l’éloignement de l’habitation. Sous la maison, une prairie permettait de nourrir quelques moutons, chèvres ou vaches, un mulet ou un âne. À cette altitude, le châtaignier n’est plus présent ; sa limite altitudinale supérieure est au environ de 900 mètres. Les landes sommitales servaient de parcours pour les animaux. Actuellement, l’on peut observer les différentes phases d’installation d’un couvert boisé au dessus de l’habitation. Une première plantation (douglas ou pin noir) d’une dizaine d’années forme un carré juste au dessus de l’habitation entre l’espace aménagé en terrasses et la route plus haut. À côté, une autre plantation, plus récente, occupe un espace bien circonscrit avec pour limite à gauche l’autre plantation, en bas un chemin qui traverse la propriété et qui grimpe en direction du Rocher d’Ecorche Chèvres, à droite un mur d’épierrement qui matérialise une limite de propriété et en haut la route. Enfin, très récemment, de jeunes douglas viennent d’être plantés sur les terrasses les plus éloignées de l’habitation (entre 50 et 150 mètres). Par contre, tout l’espace en dessus de l’habitation est maintenu ouvert, certainement pour conserver de la luminosité.

Certains contemporains du déclin des terrasses ont écrit à propos de l’œuvre de leurs bâtisseurs (les paysans) avant qu’elle ne soit oubliée et que les terrasses disparaissent. Nous avons fait le choix de livrer trois citations à leur sujet. Elles disent beaucoup sur les paysans.

Dans son ouvrage « L’homme à la bêche : histoire du paysan »90, Henri POURRAT (1941) décrit avec force et respect la construction des terrasses et l’acharnement des paysans à la tâche :

« Il a fallu que les hommes de par là fussent des bourreaux de travail pour aménager de la sorte les parois des vallées et les flancs des montagnes. Partout ils ont terrassé. Sur toute épaule de roche, sur tout ressaut de la pente, en toute place d’un pas de large, ils ont établi une esplanade, ne pût-elle porter qu’une demi douzaine de ceps. Malgré les nuits de glace où la lune resplendissante brûle le bourgeon, malgré la grondante grêle qui de ses cailloux blancs hache en un moment l’espoir de l’année, ils n’ont jamais cessé de croire à leur labeur. Après tant de journées, aigres ou lourdes, à suer et ahaner, entre les échalas, quand ils voient l’orage crouler sur leurs terrasses peu sûres, les ruisseaux d’eau jaune emporter la terre et ruiner la muraille, ils ne renoncent point. Dès le matin, la hotte au dos, ils remontent, ils rechargent dans cette hotte la glèbe entraînée, ils vont la décharger aux places d’où elle est partie, reconstruisant leur vigne en ses casiers de roche. Et jamais ils ne penseront s’être donné assez de peine. »

Marthe et François THOMAS (1947)91 insistent pour leur part sur l’importance des terrasses dans les paysages de l’Eyrieux. L’on imagine en filigrane ceux qui ont bâti cette montagne :

« Ces flancs balafrés de pistes qui se brouillent et semblent n’aller nulle part. Elles aboutissent pourtant à des champs perchés soutenus par des murets de pierre sèche. Toute la montagne est bâtie ; en bas, les gradins s’appuient sur des blocs noirs et se perdent au sommet dans la brousse tenace des genêts. Parfois des pointements rocheux coupent leurs alignements. Des boqueteaux de pins déformés par le vent les arrêtent. N’importe ! Derrière l’obstacle d’autres murets soutiennent d’autres champs de seigle, parmi lesquels se tassent des fermes, humbles et basses, comme des bergeries. Cette montagne bâtie impressionne et elle touche d’une émotion plus humaine que les pyramides d’Egypte vouées au culte de la mort. »

De son côté, Jean-Pierre CHABROL (1961)92raconte le labeur des Chabrous ; il écrit :

« Le granite fut brisé, les cailloux cassés en gravier, le gravier écrasé, émietté de père en fils, en petit-fils. Tout en nourrissant leur seigneur, subsistant eux-mêmes de leurs chabros [chèvres] traites après le crépuscule et avant l’aube, il leur suffit pourtant de quelques générations pour faire la terre de leurs mains. Puis il y eut le siècle des Chabrous, qui haussèrent la terre en traversière [terrasse], le siècle qui y sema le châtaignier, le siècle de la vigne, le bon siècle du mûrier. »

Dans ses travaux Jean-François BLANC montre bien, lui aussi, comment ce paysage de terrasses est « révélateur d’un état social. » (Ibid.) Cet état social, c’est celui de la paysannerie des gens pauvres décidés à mettre en œuvre tous les moyens qui lui permettraient de survivre en ces lieux. Il se caractérise par une volonté acharnée au travail, ainsi que par des connaissances empiriques et la maîtrise de techniques de construction et de culture adaptées à la pente. À l’instar de Roger DION (1934) qui décrit l’agriculture du sud de la France comme une agriculture individualiste, Jean-François BLANC souligne que « La diversité des aménagements et les différentes qualités d’ouvrages existant sur un même versant tendent à prouver que ces kilomètres et ces kilomètres de murailles ont été mis en place individuellement, et non collectivement comme on pourrait le penser. » (Ibid.) Nous reviendrons plus loin sur ce trait de caractère de la paysannerie du sud de la France quand il s’agira d’expliquer la réussite dans le Massif Central des micro-boisements issus des bons-subventions du FFN. Il est en effet frappant de voir en Ardèche, après avoir dépouillé les archives du FFN dans ce même département, années après années, le nombre considérable de propriétaires terriens, presque exclusivement des paysans, qui décident à l’époque, de boiser une ou plusieurs parcelles, de quelques ares à quelques hectares. En tout cas, jamais plus que ce qu’ils pouvaient planter de leur main. On retrouve aussi quelque fois dans les