• Aucun résultat trouvé

Au sein du Massif Central forestier, l’Ardèche des nouvelles forêts a été choisie comme domaine d’investigation et d’étude sur la base de trois critères principaux, détaillés ci-après. Cet espace est pour cette recherche ce que les géographes nomment couramment un

« terrain », objet incontournable, passage, voire aboutissement nécessaire. Pourtant, bien que le terrain soit au cœur de la production des savoirs géographiques, il n’a guère fait l’objet de mises en situation par ces mêmes géographes ; il apparaît surtout comme « un mythe fondateur allant de soi »61 (CALBERAC, 2005), « une étape fondamentale de toute recherche », mais « ni un outil en soi, ni véritablement une méthode »62 (DI MEO, 2007). Ce n’est que récemment que les terrains du géographe et plus généralement ceux des sciences humaines et sociales ont été institués en objet de recherche, comme en témoignent les derniers séminaires, colloques et thèses63 à son sujet. Sans déroger à la règle du choix d’un terrain d’étude, de sa justification et de sa délimitation, nous n’irons pas jusqu’à une introspection de notre rapport à notre terrain d’étude et de son influence sur l’énoncé de ce travail doctoral.

Dans le Massif Central la forêt intègre une composante sociale forte (pratiquement 90% des surfaces forestières sont privées), nécessitant avant tout de prendre en compte les souhaits et les attentes des hommes et des femmes qui en sont propriétaires. Les forêts conquérantes du Massif Central structurent l’espace et, dans certains territoires, elles accompagnent les mutations socio-économiques à l’œuvre. Les boisements et reboisements du FFN en conifères constituent l’originalité forestière du Massif Central ; ils sont présents dans tous les départements de cet ensemble. Dans le choix de notre terrain d’étude, la dominante privée (même l’écrasante majorité) concernant les forêts du Massif Central devait être respectée (Carte a) du doc. n°7), l’originalité de la présence des boisements et reboisements FFN en conifères attestée (Carte b) du doc. n°7) et enfin l’importance spatiale de la forêt, dans son ensemble, comme élément prépondérant de l’occupation physique du territoire, constatée (Carte c) du doc. n°7). Par ailleurs, il est relativement aisé de repérer les traces visibles des conifères dans les paysages ardéchois (Carte d) du doc. n°7).

61CALBERAC Yann (2005). En quête du terrain. Approche historique et épistémologique du terrain en géographie. Mémoire de Master de géographie. Lyon : Université Lyon II, École Normale Supérieure Lettres et Sciences humaines, 122 p. Ces travaux ont fait l’objet d’une thèse qui sera soutenue en 2009.

62DI MEO Guy (2007). Avant-propos introductif. In :Approches des terrains de recherche, colloque organisé par DOC’GEO, le 28 mars 2006. Bordeaux. Disponible sur : <http://www.ades.cnrs.fr/IMG/pdf/CAHIERS1ADES.pdf> (Consulté le 22/12/2008). « Ce dernier ne serait rien d’autre que l’espace en quelque sorte substantialisé de leur recherche, quelquefois sacralisé : réalité physique et humaine, sociale aussi, matérielle aussi bien que symbolique, au sein de laquelle les chercheurs se livrent à leurs observations, mènent leurs expériences, formulent leurs hypothèses de travail, bâtissent, testent et appliquent leurs méthodes. Ainsi le terrain rassemblerait les éléments concrets de toute recherche, pas forcément dépourvus, bien sûr, de leurs composantes idéelles. Il en recèlerait l’objet et ses contextes, l’ensemble des situations qui caractérisent le sujet étudié. De plus, le terrain enregistre l’histoire de l’objet et, à ce titre, en possède la mémoire ou plutôt les mémoires : tantôt vivante ; tantôt enfouie, occultée ou en sommeil. »

C’est pourquoi, l’Ardèche des nouvelles forêts est un cadre géographique intéressant et approprié pouvant servir de modèle de réflexion transposable aux nouvelles forêts du Massif Central. Ce travail de recherche sera l’occasion de montrer que celui-ci s’il est valable pour l’Ardèche des nouvelles forêts, l’est aussi pour l’ensemble du Massif Central. Toutefois, nous nous en sommes tenu à l’analyse des processus forestiers ardéchois, représentatifs et suffisants à la démonstration. Plus finement, le terrain d’étude sur lequel s’est focalisé cette recherche correspond à la partie ardéchoise du Massif Central (191 communes, soit 61% de la surface du département), telle que défini par la Délégation Interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires (DIACT) en 2005, qui concentre la majeure partie des boisements et reboisements FFN. Les contours de ce terrain d’étude apparaissent nettement sur la carte b) du document n°7, hormis le plateau du Coiron qui conserve une dominante agricole et ne porte pratiquement aucun boisement et reboisement FFN. Du Pilat au nord, aux Cévennes au sud, l’est ardéchois du Massif Central domine le couloir Saône-Rhône (Doc. n°8), axe de communication et de peuplement important qui concentre l’emploi. Cette cassure est à l’origine de conditions de milieu difficiles, principalement dues à la pente, puisque l’altitude passe rapidement de 1 000 à moins de 200 mètres dans l’ensemble du sillon rhodanien. Ce terrain d’étude côtoie sur ses marges orientales les principales villes d’Ardèche : Annonay, Tournon-sur-Rhône, ainsi que le pendant ardéchois de l’agglomération valençoise : Saint-Péray et Guilherand-Granges, la Voulte-sur-Rhône, Privas, Aubenas et les Vans, mais aussi Langogne (Lozère), Tence, le Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) et Bourg-Argental (Loire).

Poser la question des nouvelles forêts ardéchoises, c’est mettre en perspective des données de plusieurs ordres et de plusieurs champs (Voir doc. n°4) qui s’expliquent et se comprennent à plusieurs échelles. Notre grille de lecture et d’analyse s’appuie donc sur trois échelles principalement : celle du territoire national, celle du Massif Central et celle de l’Ardèche (Doc. n°8).

Cette recherche n’occulte pas les nouvelles forêts feuillues, mais elle donne la priorité aux nouvelles forêts résienuses64. En effet, la plupart des propriétaires forestiers du Massif Central, même s’ils ont bénéficié des aides du FFN pour créer un nouveau boisement ou enrichir une forêt, possèdent aussi des feuillus en mélange ou en peuplement pur65. Les enjeux liés aux nouvelles forêts s’appliquent donc en réalité indistinctement à tous types de forêts ou de plantations. De plus, de nombreux acteurs de la société font souvent appels aux qualités intrisèques des feuillus que ce soit en termes paysagers, écologiques ou patrimoniaux. En Ardèche, le châtaignier est considéré comme un bois de pays aux grandes qualités et il constitue un potentiel de production intéressant. Il est fréquent de trouver des peuplements de châtaignier (de chêne ou de hêtres selon les lieux) à côté de nouvelles forêts résineuses.