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3.1. 150 ans de reforestation en France

3.1.1. Une forêt hyper-conquérante

En France, entre 1945 et 2000, toutes essences et toutes origines (naturelle ou artificielle) confondues, l’extension nette des bois et des forêts a été de 4,5 millions d’hectares environ. Cela porte à 15,2 millions d’hectares262 la superficie des forêts françaises en 2000263 (IFN, 2006). En terme d’équivalence, cet accroissement correspond pratiquement à 7,5 fois la superficie du département français moyen, soit 6 000 km² environ. Ainsi, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tous les 7 à 8 ans, c’est un département entier qui se boise.

Entre 1945 et 1980, la superficie totale des forêts françaises s’est accrue de 3 millions d’hectares, au rythme annuel moyen de 86 000 hectares supplémentaires, passant de 10,8 à 13,8 millions d’hectares264. Entre 1980 et 2000, la cadence a légèrement diminué pour atteindre 70 000 hectares par an265, soit un gain de 1,4 millions d’hectares (Doc. n°61). Le ralentissement du rythme d’extension des forêts tient probablement à deux causes principales. Premièrement, les recettes du FFN ont commencé à chuter fortement à partir des années 1980 et sa politique forestière s’est infléchie. En pratique, les conditions d'attribution des aides ont changé, entre autre en terme de surface minimale requise et de conditions d’obtention. De plus, les domaines aidés ont été élargis à l’équipement (modernisation des scieries, desserte forestière, défense contre les incendies), à l’exploitation forestière et l'intensification de leur gestion (période des réalisations massives de PSG jusqu’à la fin des années 1980). Deuxièmement, à cette époque, les surfaces en landes et en friches s’étaient déjà considérablement réduites, amenuisant d’autant le grand réservoir d'extension forestière qu’elles avaient représenté pour la reforestation, aussi bien anthropique que naturelle.

262 Source : INVENTAIRE FORESTIER NATIONAL (2006). La forêt française en 2005 : résultats de la première campagne nationale annuelle [en ligne]. L’IF, n° spécial. Disponible sur : <http://www.ifn.fr/spip/IMG/pdf/IFspecial.pdf> (consulté le 09/03/2007).

263 Dans la méthode d’inventaire qui a prévalue jusqu’en 2005, la durée de réalisation de l’ensemble des inventaires forestiers départementaux par l’IFN couvrait une période d’une douzaine d’années environ. Débuté en 1971, le deuxième cycle d’inventaires disponible sur l’ensemble du territoire métropolitain était terminé en 1998 (les données numériques les plus récentes ne datent que de 1971). À une date choisie, les données disponibles concernant les forêts françaises sont en fait des données moyennes établies sur l’ensemble des inventaires forestiers départementaux les plus récents. Il peut donc, selon l’année de référence, s’agir du 1er, du 2e, du 3e ou du 4e cycle d’inventaires.

264 Sources : Rapport LELOUP (1945) cité par (MINISTERE DE L’AGRICULTURE, DE LA PECHE ET DE L’ALIMENTATION, 1996) et IFN, 2006.

265 Voir les deux publications suivantes, toutes deux émanant de l’IFN, sur l’évolution récente des forêts françaises en terme de surface, de volume sur pied et de productivité : PIGNARD Gérôme (2000). Évolution récente des forêts françaises : surface, volume sur pied, productivité. Revue Forestière Française, Tome LII, n° spécial, pp. 27-36 ; INVENTAIRE FORESTIER NATIONAL (2006). La forêt française en 2005 : résultats de la première campagne nationale annuelle [en ligne]. L’IF, n° spécial. Disponible sur : <http://www.ifn.fr/spip/IMG/pdf/IFspecial.pdf> (consulté le 09/03/2007).

Doc. n°61 : Encore aujourd’hui, la surface des forêts françaises progresse fortement.

Sur le pas de temps retenu dans cette recherche (seconde moitié du XXe siècle), le Massif Central apparaît très nettement, à l’échelle nationale, comme l’espace où le processus de reforestation a été le plus vif (Doc. n°62). Sur cette même carte, les surfaces plantées grâce aux aides du FFN montrent l’importance des boisements et reboisements, presque exclusivement composés de conifères, dans le visage de ces nouvelles forêts. Il faut aussi y adjoindre le Morvan qui dans la carte ci-dessous n’apparaît pas de façon évidente puisque les données cartographiées le sont à l’échelle départementale266. Jamais auparavant, le Massif Central n’avait connu une telle reforestation. Ces deux dynamiques (naturelles et anthropiques) ont toutes deux contribué à une variation record de la surface forestière du Massif Central, plus de 100% entre 1950 et 1999, dans les trois départements de la région Limousin, le département du Puy-de-Dôme, l’Ardèche, la Lozère et l’Aveyron. Les autres départements ou parties qui composent le Massif Central, hormis l’Allier, ont eux aussi vu leur manteau forestier s’étendre considérablement. De même, la Bretagne se détache à l’échelle nationale grâce à une dynamique forte de reconquête forestière. Les causes de la reforestation ont été décrites précédemment, du moins pour le Massif Central. Les difficultés des hommes et des exploitations agricoles ont libéré de vastes surfaces qui n’étaient plus cultivées. La création du FFN en 1946 servit de déclencheur à un mouvement considérable de boisements et de reboisements en conifères, permettant à des centaines de milliers de petits propriétaires terriens de panser leurs plaies. La carte du document n°62 montre justement l’importance de l’œuvre du FFN dans l’ensemble des départements du Massif Central. Le FFN a été aussi très actif dans les landes de Gascogne à la suite de

266 L’appendice du Morvan tel qu’il apparaît dans la nouvelle définition du Massif Central par la DIACT en 2005 se partage entre les quatre départements de la région Bourgogne.

grands incendies267, dans le quart nord-est de la France, dans le Centre et en Bretagne. Toutefois, le FFN n’est pas responsable de l’augmentation des surfaces forestières dans les proportions qui sont celles de la reforestation que la France connaît depuis 60 ans. En même temps, de nombreuses parcelles ont évolué au fils des années vers des formes de boisements spontanés.

Doc. n°62 : Un demi-siècle de reconquête forestière en France (1950-1999).

267 D’importants reboisements ont fait suite aux incendies de 1941 à 1949 dans les Landes de Gascogne, durant lesquels plus de 500 000 hectares disparurent en fumée. Source :MERCIER Charles (1974). Le massif Landais. Revue Forestière Française, n° spécial « Les incendies de forêts », pp. 21-25.

> Quelle est la part de l’homme et quelle est la part de la nature dans le

processus de reforestation au cours de la seconde moitié du XXe siècle ?

Dans le processus de reforestation, au détriment du territoire agricole non cultivé, la part de l’homme est moindre par rapport à celle de la « nature ». Depuis au moins trois décennies, les accrues constituent la principale modalité d'extension des forêts en France (CAVAILHES & NORMANDIN, 1993 ; DERIOZ, 1999). La majorité des nouveaux espaces boisés correspondrait donc à des extensions naturelles, à partir de friches ou de landes qui évolueraient vers des formes de boisements spontanés.

Bruno CINOTTI, dans un article de la Revue Forestière Française publié en 1996 s’est livré à un exercice périlleux de reconstitution des surfaces boisées en France depuis le début du XIXe siècle. Il apporte des éléments sur l’origine des 4,5 millions d’hectares de forêt gagnés depuis 1945268. Pierre DERIOZ (1999)269, dans un article où il tente de quantifier le phénomène du boisement spontané (ou accrue forestier), complète cette approche. Pour cela, il procède à un inventaire des inventaires fournissant des données relatives aux formations boisées dites naturelles ou spontanées, à l’échelle nationale. Enfin, Waldtraud KOERNER et al. (2000)270 s’attachent à expliquer l’importance des conditions économiques et sociales des acteurs du monde rural dans les processus de boisements et de reboisements, auxquelles s’ajoute un contexte législatif et administratif favorable. Une fois de plus, de multiples incertitudes se font jour. Il y a des problèmes de fiabilité des sources, des différences entre les méthodes d’inventaire et entre les définitions des objets inventoriés. Ces différents aspects ne seront pas traités ici. Dans cette recherche, dès lors qu’il s’agit de mettre en carte les forêts françaises, les données de l’IFN ont été retenues et utilisées (hormis lorsque des données ont été créées ad hoc pour les besoins de cette recherche).

Les surfaces aidées par le FFN de 1947 à 1999 sont connues (Voir doc. n°72). Toutefois, le croisement entre les données qui figurent dans les rapports annuels du FFN au Comité de contrôle (données officielles)271 et les données des archives du FFN que nous avons dépouillées à la DDAF de l’Ardèche nécessite quelques explications. Il apparaît très clairement pour le département de l’Ardèche, que les données officielles reflètent très largement l’enthousiasme de l’Administration forestière pour la mission d’intérêt général qui était la sienne (mettre en œuvre de la politique forestière du FFN). Elle ne pouvait que susciter le zèle des ses personnels. Ainsi, le chiffre des surfaces mises en boisement et reboisement chaque année correspond toujours à la surface maximale des autorisations de programmes et non à la surface réellement mise en œuvre. Il est systématiquement fait état de tous les dossiers en cours, même de ceux qui n’aboutiront pas. Toutefois, sous l’appellation générale du FFN se cache en réalité d’autres sources de financement des boisements et reboisements : le budget de l’État et les subventions européennes principalement. De même, dans le sillage du FFN, des plantations volontaires, non aidées,

268 Dans son article paru en 1996, Bruno CINOTTI cite très exactement le chiffre de 4 millions d’hectares pour caractériser l’accroissement des forêts françaises entre 1945 et 1995. Ainsi, sur le pas de temps de 1945 à 2000, nous avons retenu le chiffre de 4,5 millions d’hectares, ce qui correspond peu ou prou à l’augmentation de surface en 5 années de 1995 à 2000. La légère différence provient de la superficie de référence des forêts françaises pour l’année 1945. Voir : CINOTTI Bruno (1996). Évolution des surfaces boisées en France : proposition de reconstitution depuis le début du XIXe siècle. Revue forestière française, Tome XLVII-6, p. 547-562. 269DERIOZ Pierre (1999). Comment quantifier le phénomène du boisement spontané : inventaire des inventaires à l’échelle nationale. Ingénieries – EAT, n°spécial Boisements naturels des espaces en déprise, pp. 11-23.

270KOERNER Waldtraud, CINOTTI Bruno, JUSSY Jean-Hugues, BENOIT Marc (2000). Évolution des surfaces boisées en France depuis le début du XIXe siècle : identification et localisation des boisements des territoires agricoles abandonnés. Revue forestière française, Tome LII-3, pp. 249-269.

271 Les rapports annuels du FFN au Comité de contrôle de 1948 à 1999 (édité par le Ministère de l’Agriculture) sont disponibles dans les archives de l’ancienne DRAF de Rhône-Alpes, où nous les avons consultés.

ont été aussi réalisées par quelques propriétaires intéressés et passionnés. Ils échappent de toute manière au dénombrement statistique.

Ainsi, les nouvelles forêts créées par plantation représentent certainement plus que les 2,25 millions d’hectares aidés par le FFN (bien que ce chiffre soit surestimé) qui figurent dans les données officielles de 1948 à 1999. De même, la part des boisements, ou l’extension forestière propre272, due aux plantations dépasse sûrement le million d’hectares répertorié dans les données officielles (sur les 2,25 cités précédemment – voir doc. n°63). En Ardèche, l’Administration forestière d’État admet que l’essentiel des plantations aidées (FFN, État et Europe) sont de véritables boisements donc des extensions forestières. Les données d’archives le prouvent273.

Doc. n°63 : Évolution des superficies mise en œuvre dans le cadre du FFN en France de 1947 à 1999.

272 L'extension forestière consiste à boiser une parcelle dont l'usage antérieur était différent de l'usage forestier (lande, friche, terre agricole...). On peut distinguer l'extension forestière contiguë à un massif forestier et le boisement hors forêt, qui correspond au boisement d'une parcelle située dans un espace non boisé auparavant. 273 À partir de 1980, la juste distinction entre boisement et reboisement ne fait plus aucun doute puisque c’était une des conditions d’éligibilité des projets. Ainsi de 1980 à 1999, plus de 90% des primes sont des boisements. La plupart des subventions sont aussi des boisements, tout comme les contrats. Pourtant la distinction opérée dans les premières années du FFN entre boisement et reboisement a pu varier dans le temps, en fonction des opérateurs. Une ancienne parcelle agricole plus cultivée était-elle déjà considérée comme forestière au moment du montage du dossier si elles portaient seulement quelques pins sylvestres et quelques arbustes épars ?

En Ardèche, si de 1947 à 1979, la majeure partie des boisements et reboisements réalisés l’a été sur les crédits du FFN, ce n’est plus le cas à partir des années 1980. D’autres modes et modalités de financements apparaissent, comme les crédits européens (Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole274) associés à des co-financements sur le budget de l’État. Sur 15 années275, entre 1980 et 1999, pour lesquelles nous avons pu établir une comparaison en Ardèche entre les données officielles et les surfaces réellement aidées (tous types d’aides confondus) la différence est de taille. Durant ce laps de temps, 33% des surfaces réellement aidées ne figurent pas dans les rapports annuels du FFN au Comité de contrôle, source des données officielles276. Cela témoigne de l’existence d’un double système de comptabilité des surfaces mises en chantier en Ardèche durant les années 1980, tel que nous avons pu le vérifier grâce à certaines archives personnelles des techniciens forestiers en poste à la DDAF. Une distinction était opérée pour chaque opération entre l’origine du financement, le FFN ou le budget de l’État. Ce mode opératoire n’avait qu’une utilité pratique pour un meilleur suivi des dossiers.

Mais pour revenir à l’estimation de la part de l’homme et de la nature dans le processus de reforestation en France depuis 1945, il faudrait aussi intégrer un taux de réussite des boisements et des reboisements, car tous n’ont pas été menés à bien. Une étude de l’AFOCEL et du CEMAGREF (1998)277 (Doc. n°64) sur la réussite des boisements, reboisements et améliorations réalisées avec l’aide du FFN et du budget de l’État sur la période 1973-1998 montre très clairement que certaines opérations ont disparu à la suite d’un échec (non reprise de la plantation, sécheresse, incendie) dans les premières années qui suivirent leur installation. Pourtant, ces surfaces déjà comptabilisées dans les statistiques du FFN n’ont pas été déduites dans les années suivantes, de telle sorte qu’elles induisent une surestimation.

Ainsi à l’échelle nationale, si l’on applique un taux de réussite de 80% au million d’hectares aidés par le FFN présumés être des boisements (donc de l’extension forestière), il ne resterait en réalité plus que 800 000 hectares acquis278. Mais peut-on tout de même estimer la part de l’ensemble des boisements réalisés grâce à d’autres financements que ceux du FFN, ainsi que les plantations accomplies volontairement, sans aide ? Il est irréaliste de considérer que cette part soit égale à celle du FFN. Jamais pareil autre incitateur au boisement n’a existé. En réalité, seuls les personnels de terrains de l’Administration forestière sont en capacité de dire quelles sont les opérations qui ont été financées avec l’aide du FFN à l’échelle d’un département, et donc d’estimer la part des autres réalisations (mais encore, leurs connaissances se limitent-elles à la durée de leur service). Chacun d’eux connaît parfaitement l’ensemble des dossiers qu’il a suivis depuis qu’il est en poste sur un secteur dédié. Pour chacune des opérations menées, il a du se déplacer sur le terrain avant

274 Jusqu’en 2007, le Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole a été le principal instrument financier de la politique agricole commune.

275 De 1980 à 1988, 1990, de 1993 à 1996 et 1999.

276 7 230 hectares ont été réellement aidés d’après les données d’Archives, contre 5 450 figurant dans les rapports du FFN au Comité de contrôle, soit une différence de 1 780 hectares.

277 AFOCEL, CEMAGREF (1998). Enquête sur la réussite des boisements, reboisements et améliorations réalisées avec l’aide du Fonds Forestier National et du Budget de l’Etat (période 1973-1998). Synthèse Nationale. Convention Cadre - DERF-CEMAGREF-AFOCEL du 28 novembre 1994. Octobre 1998. 35p.

278 La plupart des aides prenaient en charge en général un entretien de la plantation pendant les trois années qui suivaient son installation. Ce n’était donc que 4 à 5 ans après la décision d’attribution que l’on pouvait savoir si l’opération était ou non réussie. Il faut donc appliquer aux données du FFN un taux de réussite globale à toutes les aides. Nous avons choisi 80% pour l’ensemble de la France et 75% pour l’Ardèche à cause de son appartenance à la zone méditerranéenne et aux conditions de milieux difficiles.

et après plantation. Il a même contrôlé une à une toutes les subventions279 délivrées, du moins jusqu’au début des années 1990. Sillonnant les routes d’Ardèche, quand il passe à proximité d’une opération qu’il a conduit, c’est l’occasion pour lui de se remémorer son « œuvre ». Mais toute cette connaissance, qui ne figure que dans la mémoire des techniciens, n’a jamais été transmise.

En Ardèche, les tentatives de reproduction au marqueur de chaque aide du FFN, sur carte plastifiée au 25 000e, ont mal vieilli. 10, 20 ou 30 ans après, la couleur s’est effacée et personne n’entreprendra vraisemblablement la numérisation ou la digitalisation de ces fonds en vue d’en constituer une base de données. Ainsi est-on condamné à perdre la mémoire du FFN. Déjà, lors de nos recherches nous n’avons pu obtenir de l’Administration centrale, par omission ou par oubli, les données du FFN dont les dernières sont déjà vieilles de pratiquement 10 ans. Le passage à l’informatique a certainement engendré des pertes considérables de données qu’il faudra peut-être redécouvrir un jour dans un quelconque programme de recherche. Malgré tout, en 1972, dans le numéro spécial de la Revue Forestière Française sur le FFN, à l’occasion de ses 25 ans, Philippe GIRAUT écrit : « les boisements et reboisements réalisés sans l’aide du FFN, qui ne peuvent être connus avec la même précision, ne sauraient être inférieurs, d’après les meilleurs spécialistes à la moitié des surfaces ayant bénéficié de l’aide du FFN »280. Faut-il donc retenir comme hypothèse la moitié des 800 000 hectares acquis d’extensions forestières du FFN ? Donc 1,2 millions d’hectares au total d’extensions forestières imputables au FFN, aux aides apparentées et aux initiatives individuelles ? C’est ce que nous considérerons.

Ainsi peut-on estimer que la main de l’homme dans le processus de reforestation, en créant peut-être jusqu’à 1,2 millions d’hectares de nouvelles forêts sur des terrains qui n’étaient pas boisés auparavant (extension forestière), représente-t-elle le quart des 4,5 millions d’hectares gagnés depuis 1945. Le chiffre de 2 millions d’hectares d’extensions forestières imputables au FFN, que donne Bruno CINOTTI (1996) et qui est repris par Waldtraud KOERNER et al. (2000), paraît surestimé. Du moins, l’estimation de Bruno CINOTTI est sujette à caution puisqu’elle n’est pas expliquée outre mesure (elle tient en une phrase), ni même appuyée par des chiffres281.

Outre, la part du FFN dans l’extension des surfaces boisées en France au cours de la seconde moitié du XXe siècle, celui-ci a joué un rôle majeur dans la transformation du visage des forêts françaises, notamment parce que la plupart des boisements et reboisements aidés par le FFN l’ont été en conifères.

279 Aide pour laquelle, le bénéficiaire effectuait lui-même la plantation après avoir retiré les plants forestiers nécessaires auprès d’une pépinière agréée. Voir le 3.3. sur la mise en œuvre du FFN en Ardèche pour connaître l’ensemble des différentes aides du FFN.

280GIRAUT Philippe (1972). Les propriétaires privés. Revue Forestière Française, n° spécial « Le FFN », Vol. XXIV, pp. 630-632.

281 Pourtant, l’article en question de Bruno CINOTTI est devenu une référence en matière de reconstitution de l’évolution des surfaces forestières en France. Il est fréquemment cité en bibliographie dans de nombreux documents officiels.

Doc. n°64 : Deux enquêtes pour estimer la réussite des plantations du FFN dans le Massif Central.

> Quelle est la part du FFN dans la transformation du visage des forêts françaises au cours de la seconde moitié du XXe siècle ?

Entre 1946 et 1996, selon les chiffres du MINISTERE DE L’AGRICULTURE, DE LA PECHE ET DE L’ALIMENTATION (1996)282 parus dans un document à l’occasion du 50e anniversaire du FFN, la proportion des résineux dans les forêts françaises est passée de 28% à 36% (+ 2 millions d’hectares environ), pendant que le taux de boisement passait de 20 à 27% du territoire métropolitain (+ 4 millions d’hectares environ). Si au cours de la seconde moitié du XXe

siècle, la forêt feuillue s’est développée sur des surfaces bien plus importantes que la forêt résineuse, l’accroissement de la proportion des conifères durant cette période est en revanche principalement due aux plantations résineuses réalisées avec les aides du FFN. En effet, les premiers boisements et reboisements financés par le FFN étaient très majoritairement composés d’espèces résineuses : 87% des surfaces mises en plantation de 1955 à 1979283. De 1980 à 1989, l’engouement pour les résineux demeurait encore très vif puisque la proportion de résineux utilisés avoisinait les 75%. Elle était encore de 64% de 1990 à 1999. Les peupliers ont été les seuls à se maintenir aux alentours de 10% sur toute la période 1947 à 1999. À titre d’exemple, 99% des surfaces mise en œuvre grâce au FFN en Ardèche284 ont été plantées en conifères.

Afin d’estimer la part du FFN dans la transformation du visage des forêts françaises par