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La dépopulation des montagnes françaises à partir de la seconde moitié du XIXe siècle : le cas du Massif Central et de l’Ardèche

Du pays de l’herbe au pays des arbres : les nouvelles forêts ardéchoises

Chapitre 2 : Boiser pour lutter contre la friche

2.2. La naissance d’un vide : les Hautes Terres du Massif Central et la Bordure orientale vivaroise, des pays d’émigration

2.2.1. La dépopulation des montagnes françaises à partir de la seconde moitié du XIXe siècle : le cas du Massif Central et de l’Ardèche

En Ardèche, dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’exode rural prend progressivement de l’ampleur en réponse aux difficultés économiques des populations rurales, principalement paysannes. Les crises agricoles du XIXe siècle : la maladies du ver à soie, du châtaignier et de la vigne, qui se surajoutent aux difficultés structurelles des exploitations agricoles de l’époque (petites tenures notamment), ainsi qu’aux difficultés déjà existantes des hommes (héritages de la paysannerie) entraîneront un exode massif et généralisé de la population rurale au cours de la période 1860-1970. Michel RIOU (2000) dans « L’Ardèche de 1900 à 1930 » décrit l’exode rural dans ce département au début du XXe siècle : « On quitte les hauts pays, où la natalité reste forte, pour gagner surtout les villes, les vallées, les plaines de l'Ardèche. C'est de là que la génération suivante prend son envol vers les villes extérieures, plutôt Valence, Lyon ou Marseille que Paris. »206. Cette esquisse d’une géographie de l’exode rural en Ardèche se retrouve encore pour la période 1962-1999 analysée plus loin. En Ardèche, on continuera de quitter les pentes et la Montagne en direction de la vallée du Rhône, partageant ainsi le département en deux : d’un côté le pays qui continue de se vider et qui se boise, de l’autre celui qui se remplit et qui s’urbanise.

Ce processus de dépopulation rurale est commun à l’ensemble du Massif Central comme l’a montré André FEL (1962). Pierre ESTIENNE (1988)207 a lui aussi très largement décrit et analysé ces « Terres d’abandon » des montagnes françaises et particulièrement du Massif Central. Il livre dans l’ouvrage cité des détails fins des causes et des mécanismes du processus de dépopulation rurale dans cet espace. Il convient cependant de préciser l’ampleur du processus à l’échelle du Massif Central puis de revenir plus particulièrement sur le département de l’Ardèche pour comprendre le nouveau visage de l’exode rural à partir des années 1960. Nous en tirerons des clés de compréhension du lien entre dépopulation rurale, déprise agricole et reforestation.

> 180 ans de dépopulation rurale dans le Massif Central.

Cinq cartes ont été réunies dans un même document afin de présenter l’évolution de la population du Massif Central de 1821 à 1999 (Doc. n°46). Les quatre premières cartes a), b), c) & d) sont issues de la thèse d’André FEL (Ibid.) sur « Les Hautes terres du Massif Central ». La cinquième carte e) vient compléter le profil démographique du Massif Central débuté en 1821 en y ajoutant la série 1962-1999. Les quatre cartes réalisées par André FEL s’attachent avant tout à saisir la « marche de la dépopulation rurale dans le Massif Central », c’est pourquoi il n’intègre pas directement dans sa cartographie les gains de population des principales villes au cours de la période 1821-1954. Ceux-ci d’ailleurs, bien qu’ils soient variables selon les villes, étaient en tout cas limités dans l’espace et concentrés dans les centres villes. André FEL traite ainsi l’espace de façon homogène. Il est certain qu’à cette époque l’étendue des centres urbains était généralement limitée à une seule commune ou bien à un très petit nombre. Les aires urbaines telles que nous les connaissons aujourd’hui n’existaient pas encore208. La périurbanisation et l’étalement urbain sont nés au cours des

206RIOU Michel (2003). L’Ardèche 1900-1930. Clermont-Ferrand : Éditions de Borée, 179 p.

207ESTIENNE Pierre (1988). Terres d’abandon ? La population des montagnes françaises : hier, aujourd’hui, demain. Clermont-Ferrand : Institut d’Études du Massif Central, 288 p.

208 En 1999, d’après nos calculs, les aires urbaines du Massif Central couvraient 19 300 km², soit 23% de sa superficie. Source : INSEE (2009). Table d’appartenance géographique des communes [en ligne]. Disponible sur : <http://www.statistiques-locales.insee.fr/EslFile/basesTel/1637/tab_appart_geo.zip> (Consulté le 10/07/2009).

Trente Glorieuses. Alors que maintenant, les aires urbaines couvrent généralement un vaste espace en regroupant un nombre important de communes en périphéries des centres urbains. De plus, les outils cartographiques actuels ont permis de travailler à l’échelle communale quand André FEL, qui a réalisé ces cartes manuellement, ne le pouvait pas. Il en résulte donc une différence d’approche en partie résolue par la méthode de discrétisation choisie dite en « coloration continue ». Ce genre d’analyse thématique permet de ménager les effets de seuils entre bornes de classe en générant une grille raster continue produite par interpolation de données ponctuelles. C’est pourquoi, sur cette carte qui a ensuite été retravaillée apparaissent en filigrane les aires urbaines du Massif Central auréolées de communes périurbaines voire rurales dans le sens où elles sont peuplées de moins de 2 000 habitants. Il s’agit de vastes secteurs qui gagnent des habitants mais qui n’ont plus forcément un caractère rural (mais plutôt campagnard et résidentiel) parce que sous influences directes des agglomérations urbaines. Ainsi, cette carte montre-t-elle à la fois les foyers de dépopulation rurale dans le Massif Central, mais aussi les foyers urbains de croissance démographique.

Au cours de la période 1962-1999, l’exode rural continuera encore à vider certains villages de leur population. Dans l’ensemble, le Massif Central poursuivra son déclin démographique entre les recensements de la population de 1962 à 1999. Sa population est passée de 3,792 millions d’habitants en 1962 à 3,731 en 1999. L’évolution du seuil entre déclin et reprise démographique montre bien qu’il s’agit d’un exode rural, avant tout depuis les communes les moins peuplées (Voir doc. n°52). Par contre, le Massif Central a depuis regagné environ 100 000 habitants entre les deux derniers recensements de 1999 et 2006 (3,832 millions d’habitants). Il sera précisé, dans le cas de l’Ardèche comment, s’est opéré spatialement l’exode rural entre 1962 et 2006.

Les cartes a), b), c), d) & e) du document n°46 sont construites sur des intervalles de temps différents (de 25 à 40 ans) entre recensements de la population choisis comme borne de classe. Pour la première carte il est nettement plus faible que les autres et pour la deuxième légèrement supérieur. Par contre, pour les trois dernières cartes il est comparable c) à e) : de 35 à 37 ans). Il a été choisi de représenter sur la première carte a) deux périmètres du Massif Central, celui d’André FEL209 et celui de la DIACT210, afin de permettre les comparaisons.

Voici les commentaires d’André FEL (Ibid.) sur les quatre premières cartes :

Carte a) 1821-1846 : Presque partout la population augmente encore. En « a », elle augmente de 15% et plus ; en « a’ » de 0 à 15%. Les premiers foyers de dépeuplement sont : 1. [voir numéro sur la carte] Montagne Cantalienne (A : Aurillac) ; 2. Limagne montueuse (C : Clermont) ; 3. Cévennes (A : Alès) ; 4. et 5. Vallons Caussenards et Causses ; 6. Creuse moyenne.

Carte b) 1846-1886 : La population augmente encore mais faiblement (a’ : moins de 15%) dans l’Est industrialisé, avec un appendice dans la région isolée du Haut Allier (Margeride – Mont Lozère) ; dans le Ségala, le Limousin (avec, là aussi, un prolongement dans la montagne). Sur les ¾ du massif, elle diminue de 0 à 15% (b). Les dépressions s'accentuent (15 à 30%) en Marche, dans le Cantal, en Cézallier (7.), en Cévennes où elles touchent la Haute Cévenne (3. et 9.) et l'Espinouse (10.). De la Limagne, la dépression gagne le Livradois (8.).

Carte c) 1886-1921 : Tout le massif s’est dépeuplé. b : on retrouve une dépopulation modéré en Ségala, Haute Margeride, Monts du Lyonnais et Stéphanois, Cézallier, Limousin périphérique ; c : La baisse de 15 à 30% est beaucoup plus générale ; d : Elle dépasse 30% dans tout le Sud, commence à attaquer les hautes terres, s'installe en Livradois. De nouveaux foyers s'ouvrent : 11. Monts du Beaujolais, 12. Montagne Limousine proprement dite.

Carte d) 1921-1954 : b : La résistance des Monts du Lyonnais s’affirme ainsi que celle du Ségala. Renversement de situation dans le Cantal, et en Limagne, qui trouvent enfin un équilibre relatif (b = 0 à 15% de dépopulation). c : La moitié du massif perd encre 15 et 30%. d : La dépopulation maxima couvre : le Haut Limousin et la Combraille moyenne (13.) ; l’énorme tâche cévenole est soudée à celle de la Margeride (14.), et par le pédoncule de la région de la Chaise-Dieu aux deux foyers du Livradois (8.) et des Monts du Forez (15.).

Carte e) 1962-1999. L’exode rural s’est généralisé à l’ensemble des espaces ruraux (communes de moins de 2 000 habitants) du Massif Central, du moins dans un premier temps (1962-1975) (Voir doc. n°52). À la différence du premier long épisode d’exode rural, approximativement de 1860 à 1960, durant lequel les principales villes du Massif Central n’ont pas ou peu retenus les migrants, la situation des villes ou plutôt des aires urbaines du Massif Central a progressivement changé à partir des années 1960. Une grande part de l’exode rural est alors capté par l’ensemble du tissu urbain du Massif Central à quelques nuances près. Certaines petites villes des espaces à dominante rurale ne bénéficieront pas de l’exode rural et se dépeupleront elles aussi. La ville du Cheylard, dans les Boutières ardéchoises est caractéristique de ce point de vue. En effet, à partir des années 1960 le développement spatial des villes françaises est considérable. Le processus de périurbanisation agglomère sans cesse de nouveaux villages dans l’espace urbain pour former de véritables agglomérations urbaines qui concentrent la population. Le Massif Central se partage donc en trois espaces distincts. Le premier est celui des aires urbaines et des communes rurales périphériques qui voient leur population croître au cours de la période 1962-1999 (1 145 communes). Il n’est dès lors plus possible de ne pas intégrer dans la cartographie de la dépopulation rurale du Massif Central ces aires urbaines qui couvrent 23% du Massif Central. En périphérie de celles-ci, un petit nombre de communes (504

209 Il s’agit du périmètre du Massif Central qu’André FEL utilise dans la cartographie de sa thèse (1962).

210 Le périmètre du Massif Central en question correspond à la définition qu’en a donnée la DIACT en 2005. Il inclus le Morvan, ce qui n’est pas le cas du Massif Central d’André FEL.

communes) perdent seulement 0 à 14,9% de leur population (ces communes formant une auréole très étroite autour des aires urbaines n’ont pas été représentées sur la carte pour faciliter la lecture de celle-ci). Ces communes dont le dépeuplement est limité se mêlent à d’autres dont l’évolution est positive dans certains secteurs. Ainsi apparaissent sur la carte des espaces qui attirent plus qu’ils ne repoussent. C’est le cas du Quercy au sud-ouest du Massif Central, du revers cévenol et de la bordure sud, du Val d’Allier et du revers ouest des Monts du Lyonnais et du Beaujolais. Enfin, le troisième espace forme une masse sombre pratiquement continue en tout point. Il est constitué de petites communes rurales qui perdent plus de 15% de leur population (767 communes de -15 à 29,9%), dont une grande majorité plus de 30% (1 649 communes).

> Une Ardèche bipolaire, partagée par l’exode rural entre 1962 et 2006.

Le document n°47, présentant l’évolution de la population rurale et de l’ensemble de la population en Ardèche de 1856 à 2006, montre bien les deux temps de l’exode rural. Entre 1861 (maximum de la population rurale en Ardèche) et 1954, les deux courbes sont covariantes. Ainsi dans ce premier temps, ce sont globalement toutes les communes d’Ardèche confondues qui perdent des habitants. Les quelques villes d’Ardèche de l’époque ne bénéficient pas vraiment de l’exode rural, du moins pas dans les proportions selon lesquelles la population quitte les communes rurales. Par exemple, la ville d’Aubenas voit sa population augmenter durant toute la première moitié du XIXe siècle jusqu’en 1861 ou elle atteint 8 529 habitants. Mais après cet épisode faste et durant le premier temps de l’exode rural en Ardèche, elle oscillera entre 6 700 et 8 700 habitants jusqu’en 1954 avant de croître par palier depuis : 12 000 habitants en 1975, 12 700 en 2006.

Doc. n°47 : L’évolution de la population en Ardèche sur 150 ans : exode rural et reprise démographique se succèdent.

Sur le graphique, les deux courbes ne varient plus de la même façon à partir de 1954. Ce recensement de la population marque le début du second temps de l’exode rural en Ardèche. Malgré tout, il serait plus juste de considérer l’intervalle de temps entre 1954 et 1962. En effet, l’INSEE donne pour le recensement de la population de 1962 deux valeurs différentes qui correspondent à un changement dans la méthodologie à cette date211. Ainsi, avec un premier jeu de données les deux courbes (population rurale et ensemble de la population) sont encore covariantes, alors qu’avec le second jeu de données les deux courbes amorcent une variation opposée (la population rurale diminue fortement entre 1954 et 1962 alors que l’ensemble de la population est relativement stable). C’est ce second jeu de données qui a été retenu parce qu’il est identique aux données sur lesquelles se fonde toute notre cartographie en la matière. Nous nous sommes livrés à un calcul sur l’aire urbaine d’Aubenas telle que l’INSEE l’a définie en 1999. Elle comporte 39 communes. Comme nous ne disposions pas des données du recensement de la population de 1954 pour l’ensemble des communes de l’aire urbaine d’Aubenas, nous avons considéré la période 1962-2006. Ainsi, durant ce laps de temps la ville d’Aubenas a vu augmenter sa population de 27%, alors que dans l’aire urbaine elle progressait de 41%212. Ceci atteste d’un processus généralisé en France de périurbanisation et d’étalement urbain dans la plupart des villes françaises. En effet, plusieurs communes de l’aire urbaine d’Aubenas qui étaient encore rurales en 1962 voient leur population progresser de façon exponentielle (223% entre 1962 et 2006 pour la commune de Lavilledieu, 212% pour Lachapelle-sous-Aubenas, 198% pour Mercuer, 160% pour Saint-Sernin, etc.).

À l’échelle de l’Ardèche, le nombre de communes de plus de 2 000 habitants ne cesse de progresser entre 1962 et 2006 : (18 en 1962, 17 en 1968 et 1975, 19 en 1982, 25 en 1990, 29 en 1999 et 30 en 2006). La population des 30 communes de plus de 2 000 habitants en 2006 est d’environ 142 000 habitants ; elle n’était que de 107 000 en 1962. Cette croissance a donc avant tout concerné le périurbain. Dans les années d’après Seconde Guerre mondiale, en plein baby boom, le solde naturel de la population en Ardèche est largement supérieur au solde migratoire (jusqu’en 1975). On naît donc encore beaucoup dans les campagnes puis on part trouver un emploi dans les villes ou en périphérie. Alors que le solde naturel reste proche de zéro en Ardèche de 1975 à 1999, le solde migratoire explose à partir de 1975 (il était négatif entre 1968 et 1975, + 12 000 personnes entre 1975 et 1982, + 8 823 (1982-1990), + 8 351 (1990-1999)). Les émigrés qui arrivent en Ardèche choissent préférentiellement de s’installer à la campagne. Au recensement de la population de 1999, 10% des habitants de l’Ardèche déclarent être nés dans un pays étranger (Doc. n°48). Ils résident principalement dans le sud de l’Ardèche, aux influences méditerranéennes. Hormis dans les trois principales villes d’Ardèche (Annonay, Privas et Aubenas) et dans toute la vallée du Rhône, l’importance des personnes nées à l’étranger dans la population totale ardéchoise atteste de l’installation de personnes venues d’Europe du nord (Pays-Bas et Allemagne principalement) pour la qualité des paysages, du climat et l’accession relativement aisé à la propriété bâtie de caractère. Ce principe des vases communicants a donc permis à l’ensemble de la population ardéchoise d’augmenter et sa population rurale de se stabiliser à un même niveau. Mais depuis 1999, les espaces ruraux, principalement

211 Voici la précision que donne l’INSEE par rapport aux données du recensement de 1962 : « Lors des recensements antérieurs à celui de 1962, les personnes appartenant à la population « comptée à part » étaient comptées uniquement dans la commune où se trouvait leur établissement. Les résultats donnés pour la ligne 1962A ont été établis selon le même principe. Dans les résultats donnés pour la colonne 1962 B et dans ceux des recensements suivants, les militaires et élèves internes (population comptée à part) ayant une résidence personnelle en métropole sont comptés uniquement dans la commune de leur résidence personnelle. »

212 D’après les calculs effectués, la population de l’aire urbaine d’Aubenas est passée de 31 546 habitants en 1962 à 44 546 en 2006.

dans la Montagne ardéchoise, ont connu un renversement de leur situation démographique notoire. Pour la première fois depuis un siècle et demi (la tendance est significative), les espace ruraux isolés, loin des villes, se repeuplent. Le vide semble attirer à lui de nouvelles populations.

L’évolution démographique des communes d’Ardèche entre 1962 et 2006 a été mise en carte (Doc. n°49). Pour cela, une typologie a été élaborée. Elle distingue deux grands types de communes : celles dont la population a cru sur la période considérée et celles pour lesquelles elle a décru. Au sein de ces deux grands types, les communes ont été classées selon qu’elles sont en croissance ou en décroissance quasi continue (depuis 1962-1968 et/ou 1968-1975). À partir des recensements de 1975, 1982 et 1990 (toujours représentés en aplat de couleur) les communes qui amorçaient une croissance de leur population ou une décroissance ont ensuite été repérées. Enfin, pour souligner l’importance significative de l’augmentation de la population à partir de 1999 dans des communes qui jusque là n’avaient cessé d’en perdre, le symbole « + » en couleur blanche a été appliqué sur chacune d’entre elles. Inversement, le symbole « - » désigne en noir les communes qui ont perdu des habitants depuis 1999.

Doc. n°48 : Des habitants nés à l’étranger surtout installés dans le sud « méditerranéen » de l’Ardèche.

Doc. n°49 : Du négatif (couleur foncée) au positif (couleur claire) : les temps de la dynamique de peuplement des communes ardéchoises.

Les explications qui ont été données précédemment sur l’évolution démographique de l’Ardèche entre 1962 et 2006 trouvent une inscription spatiale dans la carte du document n°49. La première lecture de cette carte oppose l’Ardèche qui gagne des habitants à celle qui en perd, le Rivage (ensemble des communes qui bordent le couloir rhodanien) et le Bas-Vivarais (ou le sud de l’Ardèche y compris le Coiron) aux pays des pentes et de la montagne : Haut-Vivarais, Boutières et Montagne. C’est aussi une opposition entre les Hautes Terres du Massif Central, son revers oriental et le bas pays ainsi que les plaines d’Ardèche. C’est encore un contraste entre un espace vide et un espace regarni. L’un livré depuis de nombreuses décennies à une emprise forestière, l’autre où prospère l’urbanisation. L’aire urbaine d’Aubenas apparaît nettement avec ces auréoles successives qui attestent de l’étendue progressive de son influence sur les communes de sa périphérie. La plupart des centres urbains historiques continuent de perdre des habitants au profit du périurbain qui les bordent. Il s’agit anciennement d’Annonay, de Lamastre, du Cheylard, de Privas et du couple Aubenas / Vals-les-Bains. Plus récemment, Saint-Agrève et Vernoux-en-Vivarais qui avaient longtemps conservé leur centralité perdent petit à petit de leur substance démographique au profit de zones pavillonnaires qui se développent sur les communes voisines. Enfin tous les petits centres du sud de l’Ardèche ont depuis longtemps vu leur situation s’améliorer grâce à l’apport de nouveaux arrivants. Quelques foyers anciens de repeuplement dans le sud de la Cévenne ardéchoise (vallée de la Baume) maintiennent leur croissance ou bien sont dans une phase d’équilibre plus ou moins stable. Enfin, il semble que des perspectives meilleures se profillent pour l’ancien foyer de dépeuplement de l’Ardèche qui forme toujours une masse sombre compacte de l’est en direction du nord du département, encore que toutes les communes ne soient pas concernées. En effet, la plupart des communes de cet ancien foyer de dépeuplement qui ont basculé récemment (à partir du recensement de 1990) dans la reprise démographique continuent de gagner des habitants (notamment les communes de la Montagne autour de Saint-Agrève, mais aussi sur le pourtour du plateau de Vernoux-en-Vivarais, dans la basse vallée de l’Eyrieux, sur le plateau du Coiron, en périphérie d’Aubenas et de Vals-les-Bains, ainsi que dans la vallée du Chassezac).

L’importance, par les chiffres, de l’exode rural en Ardèche et dans le Massif Central vient d’être analysé. Par les cartes, certaines dynamiques territoriales décrites complèteront l’analyse des évolutions forestières à l’œuvre sur ce même territoire, car celles-ci ne sont pas indépendantes. Nous allons à présent revenir sur les causes du départ pour expliquer l’exode rural.

> Les causes de départ.

Une fois les grandes tendances du processus d’exode rural connues, il importe d’apprécier les causes du départ des migrants, ainsi que leur identité. L’exode rural est en effet révélateur des difficultés des hommes et des exploitations agricoles dans ces moyennes montagnes. Il participera à accentuer le processus de déprise agraire puis l’apparition de vastes surfaces en friche et en lande ouvrant la voie d’une reforestation massive. Mais surtout, l’exode rural est à l’origine d’un vaste espace vide de population au centre de la France. Ce vide a fortement influencé le devenir de nombreux territoires du Massif Central. En Ardèche, dans les pentes et la Montagne, les hommes ont laissé la place