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Le Massif Central, des terres nues aux terres les plus forestières de France

Cette deuxième partie tient une place centrale dans ce travail de recherche. Elle est à l’articulation entre une première partie géo-historique et une troisième qui s’attachera à analyser et à proposer divers ancrages territoriaux. Après avoir décrit, expliqué et analysé le contexte dans lequel s’inscrit le processus de reforestation (partie 1) au regard des hommes et des territoires, le chapitre 3 en fait état. Il apporte non seulement, une description d’ensemble de cette reforestation, mais il s’attache surtout à décrire et analyser le cas particulier de la création des nouvelles forêts résineuses en Ardèche grâce au Fonds Forestier National (FFN). Cherchant à montrer l’ambition et l’originalité sur plus d’un demi-siècle de cette politique forestière nationale, il revient sur le contexte des forêts françaises d’après Seconde Guerre mondiale. En outre, il affiche et analyse sous certains aspects les résultats impressionnants du FFN en France sur toute sa durée d’existence de 1947 à 1999. Il offre ainsi l’occasion de mettre en discussion des réalisations globales qui laissent penser à un modèle national unique d’application du FFN. À cet égard, un important travail de recherche dans les archives du FFN en Ardèche permet de mettre au jour les réalités d’action de l’Administration forestière locale en charge de l’institution FFN. Pour ce faire, de nombreux graphiques, des tableaux, des cartes diachroniques, des documents d’archives et des commentaires constituent un corpus de matériaux originaux au service de cette recherche. Enfin, le chapitre 3 se termine par une synthèse en plusieurs points qui trouveront leur aboutissement dans la partie 3 de ce travail. Pour clore le tout, une carte de synthèse, construite à partir d’un jeu de données spécialement créé pour l’occasion, donne à voir une typologie de la structure cadastrale de la forêt privée française comme résultante de son histoire. Le commentaire qui l’accompagne est déjà une mise en perspective des premiers résultats de cette recherche. Présentée en réalité dans le chapitre 4, elle établie un lien entre les conséquences de la reforestation en terme structurel et « le nouveau visage de la propriété forestière du Massif Central », objet du ce même chapitre. Au terme de cette partie 2, les difficultés en matière de gestion durable des nouvelles forêts du Massif Central, au regard des enjeux sociétaux et territoriaux qu’elles induisent, auront été décrites, expliquées et analysées.

L’accès aux données des registres d’archives du FFN détenus par la DDAF de l’Ardèche dans le cadre de cette thèse est régit par une convention. Celle-ci stipule que « L’utilisateur s’engage à préserver l’anonymat des bénéficiaires des aides financières ». Ainsi, dans la présente recherche, aucun propriétaire particulier ayant bénéficié d’une aide du FFN n’est directement nommé. Seules des communes sont citées en exemple, ainsi que des groupements forestiers qui sont des personnes morales.

Chapitre 3 : Dynamiques forestières en France et dans le Massif

Central, mise en œuvre du Fonds Forestier National en Ardèche.

Ce chapitre sera l’occasion dans un premier temps d’étudier 150 ans de reforestation en France depuis le milieu du XIXe siècle jusqu’à la fin du XXe siècle. Pour cela trois échelles territoriales différentes seront mobilisées pour cerner les enjeux qui en résultent. D’abord observé à l’échelle française, le processus de reforestation fait apparaître un vaste ensemble central où la dynamique de reforestation a été particulièrement vive quand elle incombe à la nature et importante quand elle repose sur les hommes, notamment à travers les plantations aidées par le FFN. L’une et l’autre ayant trouvé dans les anciennes terres agricoles, dont l’abandon était déjà plus ancien pour les friches et les landes, un vaste réservoir au dépend duquel elles ont pu se développer. Il en résulte un véritable Massif Central forestier, échelle et cadre réflexif qu’il faudra nécessairement mobiliser et décliner, pour envisager l’avenir de ces nouvelles forêts et traiter des problématiques qui leur incombent, dans une perspective de gestion durable. Dans cet objectif, il sera avant tout question des nouvelles forêts résineuses car ce sont elles qui sont au centre de notre problématique. Les forêts spontanées ne sont pas absentes, mais notre postulat de départ a conduit à les mettre de côté un instant. Elles seront mobilisées à nouveau à l’échelle des territoires, au regard de l’intérêt qu’elles représentent en terme paysager et vis-à-vis d’autres enjeux comme ceux de la biodiversité ou du bois-énergie. En soi, les plantations de conifères du Massif Central constituent un potentiel forestier de centaines de millions de mètres cubes de bois sur pied, pour pratiquement un demi million d’hectares au sein d’un ensemble de 3 millions d’hectares de sylves. Enfin ausculté à travers le prisme de ses origines, le Massif Central forestier apparaît-il avant tout comme un ensemble dont l’appropriation est privée. Près de 90% des surfaces boisées du Massif Central appartiennent à des propriétaires particuliers, partagées entre des centaines de milliers de propriétaires257 : plus de 450 000 de moins de 1 hectare, 275 000 de 1 à 10 hectares258. Dans l’ensemble, la structure foncière des propriétés boisées, héritée des anciennes structures agricoles, est peu propice à la gestion forestière. Elle est source de nombreuses difficultés à cause de la petitesse des propriétés boisées et de leur éclatement en de multiples unités.

Dans un deuxième et troisième temps, le FFN, qui durant cinquante ans a été la vitrine de la politique forestière française, sera étudié. Il ne nous appartient pas de réaliser un bilan quantitatif de l’action du FFN qui a par ailleurs déjà été accompli par Cécile COTTIN en 1995, dans un rapport de stage à la Direction de l’Espace Rural et de la Forêt (DERF). De même deux numéros spéciaux de la Revue Forestière Française ont été spécialement consacrés au FFN à l’occasion de ses 25e et 40e anniversaires en 1972 et en 1987259. Ils traitent tous deux en profondeur du FFN. Il s’agira néanmoins de voir qu’elles ont été les justifications de sa création à l’échelle nationale et les moyens dont il fut doté pour répondre à une politique forestière ambitieuse. Les champs de son intervention seront également abordés.

257 Les aspects concernant la propriété privée : nombre de propriétaires forestiers, origines, actions, etc. feront l’objet du chapitre 4.

258 Il s’agit là des chiffres issus de la base de données cadastrales du CRPF que nous avons constituée pour l’ensemble des départements français. Les chiffres cités ont pour assise géographique 15 départements qui constituent le cœur du Massif Central et du Morvan.

259Coll. (1972). Le Fonds Forestier National. Revue Forestière Française, n° spécial « Le FFN », Tome XXIV, pp. 497-752. ; Coll. (1987). Le Fonds Forestier National à 40 ans. Revue Forestière Française, n° spécial « Le FFN », Tome XXXIX, pp. 3-176.

Par contre, et c’est à cela que nous nous attacherons dans le troisième temps de ce chapitre, les bilans établis à l’échelle nationale260 ne laissent pas véritablement présumer de la manière dont l’institution FFN a été mise en œuvre localement. Le FFN était un outil financier qui s’appliquait à l’ensemble du territoire. Cependant, en fonction des conditions historiques, géographiques, sociologiques et économiques, l’intensité de sa mise en œuvre a été différente selon les départements. À partir de l’exemple ardéchois, il s’agira de montrer comment l’Administration forestière locale a opéré en la matière et quelles ont pu être les méthodes employées pour convaincre. Cela servira à illustrer la façon dont les personnels de terrain se sont appropriés l’outil FFN. En effet, cette entreprise a rencontré un vif succès auprès des forestiers en les investissant d’une mission d’intérêt général pour la France (satisfaire les besoins en bois de la Nation). Flattés dans leur ego, ils allaient s’appliquer à boiser ou reboiser tout ce qui relevait du vide ; ils allaient s’obstiner à vouloir de la forêt partout. Enfin, les réalisations du FFN en Ardèche seront décrites, expliquées et analysées. Cet exercice nous conduira à un bilan critique de l’œuvre du FFN, mettant en garde à propos des statistiques nationales aisément interprétées à toutes fins utiles, mais occultant quelque peu les difficultés en matière de gestion forestière et d’aménagement du territoire. Dans certains secteurs, il y a en effet eu une concordance temporelle entre les aides du FFN et la libération d’une partie de l’espace agricole, qui s’est ainsi couvert de plantations résineuses, du moins en partie. Entre une conception en haut lieu de la politique forestière du FFN et les réalités locales du territoire national, il y avait une différence, celle de l’interprétation de ce à quoi étaient destinées et allaient servir ces aides. D’un côté, il s’agissait de doter la France d’une ressource forestière résineuse à destination des industriels, bien connue en quantité et en qualité et facilement mobilisable, d’un autre côté, chez des centaines de milliers de paysans ou de leurs héritiers, les aides du FFN sont arrivées à point nommé comme une solution compensatrice aux difficultés des hommes et des exploitations agricoles.

Les éléments forts qui ressortiront de cette analyse seront mis en perspective dans la partie 3 de cette recherche à travers l’entrée territoriale et la notion de ressource. In fine, c’est donc la question de l’avenir de ces nouvelles forêts qui est posée. C’est pour apporter des réponses à ces interrogations que le département de l’Ardèche a été choisi comme terrain d’étude. Cette échelle spatiale nous a permis de faire une lecture croisée entre des données quantitatives et qualitatives, qu’il a d’abord fallu recueillir. De ce point de vue, le département est une échelle spatiale adaptée pour collecter des données sur les forêts, puisque sur le plan administratif la plupart des données statistiques y sont agglomérées et disponibles. Enfin, il était réaliste de mener quelques enquêtes qualitatives en divers points du département. Celui-ci regroupe d’ailleurs une multitudes d’autres territoires, de construction récentes ou plus anciennes, qui sont autant de cadre territoriaux pour d’éventuels projets de territoire.

260 Tant sur le plan des surfaces totales mises en œuvre par le FFN, que sur les moyens financiers globaux à sa disposition, et même sur l’évaluation de la politique du FFN dans les sources citées précédemment.