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Le système de recherche et d’innovation français jusqu’en 1980

recherche publique / privée dans le contexte des télécoms

2.2.1. Le système de recherche et d’innovation français

2.2.1.1. Le système de recherche et d’innovation français jusqu’en 1980

Pendant longtemps le système de recherche et d’innovation a être décrit comme un système centralisé et colbertiste influencé par les politiques de planification à la française [Chesnais, 1993 ; Papon, 1998 ; Laredo et Mustar, 1998, 2002 et 2003 ; Héraud et Crespy, 2005]. Nous présenterons ici les caractéristiques de ce système de recherche publique, puis celles du système de recherche privée avant qu’ils ne subissent au début des années 80 de profondes mutations.

Le fonctionnement de la recherche publique

Une des caractéristiques principales du système de recherche français est la dualité qui différencie les grands organismes de recherche tels que le CNRS, et les universités qui assurent aussi la fonction de formation. Le CNRS a été créé dans l’objectif de regrouper des chercheurs professionnels à plein temps déchargés de charges d’enseignement. Mais, comme nous le verrons par la suite, cette distinction entre les organismes de recherche et les universités est de moins en moins nette. Plus précisément, le système de recherche public français regroupe plus de quatre-vingts universités, mais également une trentaine d’organismes publics de recherche, assez largement localisés autour de Paris, malgré l’existence de délégations régionales. On peut distinguer trois types d’établissements publics :

 Les Établissements Publics à caractère Scientifique et Technique44 (EPST) regroupant des institutions de recherche non finalisées (comme en principe, le CNRS) ayant pour mission de produire des connaissances générales, aussi bien que d’autres organismes plus spécialisés tels que l’INRA (spécialisé dans la recherche agronomique) ou l’INSERM (spécialisé dans la recherche médicale), pour ne citer que les plus importants. Ces organismes ont, pour la plupart, été créés dans l'immédiat après-guerre.

 Les Établissements Publics à caractère Industriel et Commercial (EPIC). Ce sont des organismes généralement rattachés à un ministère qui réalisent de la recherche finalisée45. Leur mission est de travailler sur des objets liés aux grands programmes civils et militaires dans des domaines stratégiques pour l’État tels que l’espace

44 Le système de recherche français comprend 9 EPST : le CEMAGREF (Centre national du Machinisme Agricole, du Génie Rural, des Eaux et des Forêts), le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), l’INED (Institut National d'Etudes Démographiques), l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique ), l’INRETS (Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité), l’INRIA (Institut national de Recherche en Informatique et en Automatique), l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) et le LCPC (Laboratoire Central des Ponts et Chaussées).

45 Le système de recherche français comprend 15 EPIC : l’ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie), l’ADIT (Agence pour la Diffusion de l'Information technologique), l’ANDRA (Agence Nationale de Gestion des Déchets Radioactifs), l’ANVAR (Agence Nationale de Valorisation de la Recherche), le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), le CEA (Commissariat à l'Energie Atomique), le CIRAD (Centre de Coopération International en Recherche Agronomique), le CNDP (Centre National de Documentation Pédagogique), le CNED (Centre National d'Enseignement à Distance), le CNES (Centre National d'Etudes Spatiales), la CSI (Cité des Sciences et de l'Industrie), le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment), l’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer), l’INERIS (Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques), l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) et l’ONERA (Office National d'Etudes et de Recherches Aérospatiales). Nous pouvons rajouter ici, le seul établissement professionnel de recherche français à savoir l’Institut Français du Pétrole (IFP).

(c’est le cas du Centre National d'Etudes Spatiales), le nucléaire (Commissariat à l'Energie Atomique) ou les télécommunications.

 Des Établissements à Caractère Administratif (EPA)46.

En complément de ces trois formes d’établissements publics de recherche, le système de recherche français inclut également des fondations qui servent à financer la recherche47 ou encore des Groupements d'Intérêt Public (GIP)48 qui regroupent un certain nombre d’acteurs publics et/ou privés rassemblés autour d’un domaine de recherche particulier.

Au-delà de ces différents établissements publics consacrés uniquement à la recherche, le système académique français comprend également des établissements d'enseignement supérieur et de recherche rassemblés en deux grandes catégories qui ont longtemps été opposées : les Universités et les Écoles. Le système de recherche se caractérise ainsi par un deuxième type de dualité à l’intérieur même du système de formation, à savoir l’opposition entre les grandes écoles qui forment les ingénieurs et donc les futurs chercheurs du secteur privé et les universités qui assurent une formation plus générale et qui sélectionnent notamment les futurs chercheurs académiques. Cette dualité est associée à l’idée d’un certain élitisme du système français d’innovation, opposant d’un côté les grandes écoles qui sélectionnent les meilleurs éléments du système éducatif pour les former à travailler dans les administrations et les grandes entreprises françaises et de l’autre côté les universités dédiées à la formation de masse.

Dans cette perspective, les meilleurs éléments sont orientés vers les cursus des Écoles, lesquels préparent plus à la gestion et au commandement qu’à la recherche. Les universités se chargent de la formation du reste de l’enseignement supérieur et de la recherche qui n’est pas assurée par les EPST et les EPIC (et parfois en collaboration avec eux dans les Unités Mixtes de Recherche : UMR). Cette organisation duale a souvent été critiquée :

46 Le système de recherche français comprend 4 EPA: le CEE (Centre d'Etudes de l'Emploi), le CINES (Centre Informatique National de l'Enseignement Supérieur), l’INRP (Institut National de Recherche Pédagogique), l’EPA (Jussieu : désamiantage, mise en sécurité et rénovation du site), et l’INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives).

47 Le système de recherche français comprend 4 fondations de recherche : le CEPH (Centre d'étude du polymorphisme humain), l’Institut Curie, l’Institut Pasteur de Paris et l’Institut Pasteur de Lille.

48 Le système de recherche français comprend 8 Groupements d'Intérêt Public (GIP) : l’ANRS (Agence Nationale de la Recherche sur le Sida), le CNRG (Consortium National de Recherche en génomique), le CNRSSP (Centre National de Recherche sur les Sites et Sols Pollués), l’IPEV (Institut polaire français Paul-Emile Victor), le GENOPOLE GIP consacré à la recherche en génomique et au développement d'entreprises de biotechnologies, l’OST (Observatoire des Sciences et techniques), et le RENATER Réseau national pour la

« La France s’est historiquement dotée, avec la dualité Grandes Écoles -universités, d’un système bicéphale de formation des élites qui n’a pas favorisé les mutations technologiques » [Dodet et al., 1998 : 142].

Le système de formation de l’enseignement supérieur français s’appuie sur de moyens à la fois humains (personnel et de nombre d’étudiants), et financiers variés. En parallèle à ces universités, le système de formation comprend également une cinquantaine de grandes écoles ou grands établissements tels les Instituts nationaux polytechniques, les Écoles Normales Supérieures, les Établissements Publics à Caractère Scientifique, Culturel et Professionnel, les Grands Établissements avec des statuts divers comme le Collège de France ou les Écoles françaises à l'étranger, ou encore le Groupe des Écoles des Télécommunications (GET). On peut également évoquer l’existence des IUT, des IUFM et des classes préparatoires qui contribuent à l’enseignement supérieur mais qui ne font pas de recherche.

Le soutien à la recherche privée

La recherche privée a longtemps été caractérisée par une intervention importante de l’État, notamment dans le cadre des grands programmes industriels. Le pouvoir politique sélectionne quelques secteurs considérés comme stratégiques et soutient des programmes industriels de développement et de recherche. Le plan de développement de l’industrie nucléaire ou des télécommunications lancé sous la présidence du Général de Gaulle dans les années 60, illustre ce type d’intervention publique. En parallèle de ces grands programmes, des institutions comme le CEA ou le CNES ont été fondées (avec des prolongements internationaux comme l’Agence spatiale européenne). Ces grands programmes ont été associés à un soutien aux « champions nationaux ». Les politiques à destination de la recherche privée ont donc principalement profité aux grandes entreprises nationales et se sont focalisées sur certains domaines stratégiques comme les télécommunications ou l’espace par exemple.

Jusqu'alors, les relations entre l’industrie et l’université sont restées très faibles. Les chercheurs universitaires ont, en effet, longtemps laissé aux ingénieurs le soin de collaborer avec l’industrie et cette dernière n’avait pas (autant que dans d’autres grands pays technologiques) l’habitude d’associer le monde académique à ses projets innovants. En outre, il n’existait pas ou peu d’incitations pour les chercheurs français à passer dans le monde de l’industrie.