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I. Divorce ou séparation et réorganisation de la parentalité

I.3. Système de garde

I.3.2. Système de garde et développement de l’enfant

Deux conceptions différentes se dégagent des études sur le système de garde et le développement de l'enfant.

La première est que la garde conjointe, quelle que soit sa forme est plus positive pour le développement de l'enfant que la garde exclusive maternelle ou paternelle. Cette conception apparaît dans les résultats des études de Wolchik, Braver et Sandler (1985) et Bauserman (2002). En effet, Wolchik et ses collaborateurs (1985) ont comparé des enfants âgés de 8 à 15 ans en garde conjointe ou garde maternelle exclusive. Leur recherche porte sur 133 enfants qui ont expérimenté la séparation de leurs parents dans les 30 derniers mois. Les participants ont été interrogés sur leur récente expérience de divorce et ont complété des questionnaires sur l’anxiété, la dépression, l’estime de soi et l’hostilité. Les enfants en garde conjointe rapportent une expérience significativement plus positive que ceux en garde maternelle exclusive. Ils présentent également un niveau plus haut d’estime de soi et ont plus de contact avec le parent non-résident que les enfants en garde maternelle exclusive. Bauserman (2002) a, quant à lui, effectué une analyse de 33 études qui comparent le développement d’enfant en garde conjointe versus garde exclusive. Ces travaux réalisés entre 1982 et 1999, comparent l’adaptation psychologique ou comportementale des enfants dans les deux formes de garde. Il ressort de cette analyse que les enfants en garde conjointe, qu’elle soit alternée ou pas, ont un score d’adaptation plus élevé que ceux qui sont en garde exclusive. En effet, Il n’y a pas de différence significative entre la garde conjointe en résidence alternée et la garde conjointe avec la résidence principale chez l’un des parents en majorité la mère. Dans les deux types de garde conjointe, les enfants sont mieux adaptés que ceux qui sont en garde exclusive.

La deuxième conception ressort des études qui indiquent une différence entre les différentes formes de garde conjointe, certaines pouvant être négatives pour le développement de l'enfant (Baude & Zaouche Gaudron, 2010). Phélip (2006) et Rottman (2006) ont, à partir de leur expérience professionnelle, établit un lien entre la résidence alternée et des troubles du développement chez les enfants. Pour Phélip (2006), la résidence alternée entraîne des troubles de l'attachement dont les causes sont :

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- la séparation de la figure d'attachement principale, surtout si cette séparation est prolongée et/ ou répétée ;

- le jeune âge de l'enfant lors de cette séparation. Le nourrisson et le jeune enfant ressentent la séparation comme un évènement définitif et comme la perte du lien affectif et physique et de la sécurité qu'il apporte ;

- l'éloignement nocturne qui prive l'enfant des soins appropriés et rassurant de la nuit qui sont importants pour construire un lien d'attachement sécure entre la mère et l’enfant ;

- l'instabilité du cadre de vie qui ne permet pas à l'enfant « de bénéficier d'un cadre de vie stable et intime et de l'environnement unique dont chaque être humain a besoin ». De plus la résidence alternée peut correspondre en cas de conflit à « deux vies physiques et deux vies psychologiques largement indépendantes l'une de l'autre, cloisonnées, sans pont ni communication l'une avec l'autre... » (op.cit., 11).

Ces troubles de l'attachement se traduisent par des symptômes tels que l'eczéma, les crises d'asthme, l'agressivité envers la mère, les réveils nocturnes, un état dépressif.

Rottman (2006), pédopsychiatre et psychanalyste, indique que la résidence alternée affecte la construction d'une bonne relation d'objet mère-enfant qui est dans un premier temps fusionnelle et constitue la base de la différenciation moi-autrui et de son ouverture au monde. Elle affecte également l'acquisition de la permanence d'objet. Les conséquences de la résidence alternée se traduisent également en termes de mécanisme de défense. Rottman (2006) évoque le clivage qui peut être utilisé par l'enfant sous différentes formes. L'enfant peut se couper de son propre ressenti ou, par rapport à ses deux milieux de vie, se couper en « deux parties qui s'ignorent l'une l'autre pour éviter la difficulté d'avoir à articuler deux mondes opposés qu'on lui demande d'intérioriser » (op.cit., 117). Il risque alors de se construire en faux self ou en double personnalité. L'enfant peut aussi avoir recours au clivage d'objet, l'un des parents est alors considéré comme radicalement mauvais et l'autre radicalement bon. Il n'y a pas de fusion du bon et du mauvais objet dans chaque parent. L’auteur décrit également un syndrome lié à la résidence alternée : le syndrome de Salomon. Elle le définit comme la folie de l'égalité qui se traduit par une exigence rigide de symétrie absolue des choses, avec une revendication d'un partage égal quel qu'en soit le prix à payer par l'enfant sur le plan psychique ou physique.

D’autres données ( Baude , 2012 ; Baude & Zaouche Gaudron, 2013) viennent nuancer le lien fait entre la résidence alternée et les troubles du développement chez l’enfant par Phélip (2006) et Rottman (2006). Ses résultats sont basés sur une approche écosystémique. Baude

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(2012) a analysé la contribution de facteurs individuels, familiaux et contextuels sur l’adaptation socio-affective et la qualité de vie d’enfants en résidence alternée. 38 familles et leurs 56 enfants âgés de 4 à 12 ans ont participé à l’étude. Les données ont été recueillies à partir de questionnaires. Les résultats indiquent d’une part, que les enfants en résidence alternée ont une qualité de vie globalement satisfaisante, notamment dans la sphère familiale. En outre les trois quarts des enfants ont une adaptation non pathologique. D’autre part, l’analyse des facteurs qui influencent le développement des enfants, fait ressortir le sexe et l’âge des enfants ont un effet significatif au niveau individuel. En effet les filles sont plus nombreuses à se situer dans la zone pathologique de l’échelle d’adaptation extériorisée et les enfants de 4 à 6 ans tendent à présenter moins de problèmes intériorisés. Au niveau familial, la coparentalité a une influence sur le développement de l’enfant, l’hostilité indirect étant le facteur de risque le plus marqué. Au niveau du contexte la relation post-conjugale, le degré d’hostilité pré-séparation et le style d’accord formulé par les parents semble avoir une influence sur le développement de l’enfant.

Les systèmes de garde ont également été étudiés sous l’angle de leur impact sur les relations parent-enfant.