• Aucun résultat trouvé

III. Appropriation par stratégie de Coping

III.1. Définition et approches théoriques du stress et du coping

Le terme de « coping » est un terme anglosaxon. En effet, il vient de « to cope with », c’est-à-dire gérer avec succès, faire face, venir à bout et ce termerenvoie de manière générale à la gestion de situations difficiles et du stress qu’elles entrainent. Le coping implique une situation stressante entraînant la rupture d’un équilibre chez la personne. Ainsi, les stratégies de coping ou stratégies adaptatives désignent les moyens mis en œuvre par la personne pour faire face au stress et retrouver son équilibre. La recomposition familiale comporte une part de stress dans la mesure où elle constitue la rupture d’un ancien équilibre que représentait la famille nucléaire. Ce stress est lié aux changements, à la construction de nouvelles relations et de nouveaux liens (Hetterington, 1992). Les enfants de familles recomposées peuvent être amenés à faire face à ce stress et à mettre en place des stratégies de coping. Différentes approches du stress et du coping se dégagent de la littérature : l’approche physiologique, l’approche psychodynamique et l’approche contextuelle ou théorie transactionnelle. Nous allons poursuivre notre analyse du concept de coping en présentant les éléments essentiels de chacune de ces approches.

III.1.1. L’approche physiologique

L’approche physiologique est l’une des premières approches du stress. Elle a été développée par des précurseurs comme Canon (1927) qui a émit l’hypothèse que toute menace a pour résultat une réaction de fuite ou de combat et que cette réaction est une réaction au stress qui peut être physique ou social. A la suite de Canon, Selye élabore en 1956 une théorie sur « le syndrome général d’adaptation ». Ce syndrome désigne un ensemble de symptômes qui apparaissent en réponse à toutes formes d’agression subie par l’organisme. Il évolue selon trois stades successifs : le stade de la réaction d’alarme au cours duquel les forces de défenses sont mobilisées ; le stade de résistance au cours duquel les ressources sont utilisées pour l’adaptation à l’agent stressant et enfin le stade d’épuisement qui reflète l’insuffisance des ressources et se traduit par l’apparition de troubles somatiques. Selye

65

(1956) définit le stress comme une réponse non spécifique du corps à une demande de l’environnement. Les stresseurs provoquent des réactions biologiques d’adaptation au niveau du corps qui sont des indicateurs du stress. L’auteur distingue les réactions positives d’adaptations « eustress » des réactions négatives d’adaptation « distress ».

L’approche physiologique du stress apporte des éléments qui participent à la compréhension des composantes biologiques du stress. Mais elle comporte des limites dans la mesure où elle ne repose que sur le schéma stimulus-réponse et est essentiellement physiologique. De plus, elle ne prend pas en compte les aspects psychologiques du stress et les différences interindividuelles. La part active du sujet dans la perception du stress et dans la construction des réponses adaptatives n’est également pas prise en compte. La théorie n’intègre pas l’influence des ressources psychologiques et sociales.

III.1.2. L’approche psychodynamique

L’approche psychodynamique du stress et du coping a pour fondement la psychologie du moi et les mécanismes de défense de la psychanalyse. Dans cette approche, le coping est appréhendé comme un mécanisme de défense du moi. Il désigne des moyens cognitifs inconscients utilisés par le moi pour réduire ou supprimer l’angoisse (Paulhan, 1992 ; Dumont, 2001). Les mécanismes de défense ont été catégorisés en stratégies plus ou mois adaptatives. Plus une stratégie est souple, par opposition à rigide, proche de la réalité ou mature, plus elle est adaptative. Ainsi, les mécanismes tels que la projection sont des stratégies moins adaptatives que des mécanismes tels que l’humour, l’anticipation, l’altruisme, la sublimation (Vaillant, 1977 ; Vaillant, 2000).

Une autre conception du coping se rattache à cette approche est celle du coping comme un trait de personnalité. L’idée ici est que les personnes ont des « styles de coping », c’est-à-dire que, face à des évènements stressants, elles auront tendance à utiliser certains types de stratégies de coping plutôt que d’autres (Dumont, 2001). Selon cette conception, certaines caractéristiques stables de la personne vont orienter les stratégies de coping qui seront les mêmes (constantes) d’une situation à une autre comme des traits de personnalité (Paulhan, 1992).

De plus l’approche psychodynamique met l’accent sur un aspect important du stress et du coping qui est la réduction des tensions et des conflits internes par la régulation des émotions. Elle analyse les processus inconscients mis en œuvre par le sujet pour retrouver son

66

équilibre émotionnel. Mais elle reste incomplète parce qu’elle n’aborde pas l’autre aspect du

coping, à savoir la résolution de problème et les stratégies conscientes du coping (Paulhan,

1992). En outre, appréhender les stratégies de coping comme des traits de personnalité revient à ignorer les variations intra individuelles et les variations dues aux caractéristiques de la situation.

III.1.3. La théorie transactionnelle

III.1.3.1. Le stress dans la théorie transactionnelle

Le modèle transactionnel personne-environnement considère qu’il y a stress lorsque la personne est confrontée à une situation pour laquelle elle ne dispose pas des ressources suffisantes pour y faire face (Lazarus, 1966). Le stress résulte d’une relation personne- environnement qui est évaluée par la personne comme excédante pour ses ressources ou menaçante pour son bien-être (Lazarus & Folkman, 1984). L’élément central dans cette approche est donc l’évaluation que le sujet fait de la situation et de ses ressources. Cette évaluation se situe entre le stresseur et la réponse de stress. Elle va être différente d’un individu à l’autre, mais aussi pour un même individu à des moments différents et d’une situation à une autre. L’évaluation est une transaction entre l’individu et l’environnement qui implique une interaction entre les caractéristiques de la personne et celles de l’environnement. Les caractéristiques de la personne les plus déterminants dans l’évaluation sont l’engagement (commitments) et les croyances (beliefs). Ces deux caractéristiques influencent l’évaluation en déterminant ce qui est important pour le bien-être dans une situation donnée. Elles modèlent la compréhension que la personne a de la situation, donc ses émotions et ses stratégies de coping et donnent les bases pour l’évaluation des résultats.

L’engagement exprime ce qui est important pour la personne et ce qui a du sens pour elle. Ainsi, le sujet détermine ce qui est dangereux dans une situation stressante particulière. Toute situation qui implique de maintenir un fort niveau d’engagement sera évaluée comme très significatif dans la mesure où les résultats ont des préjudices ou menacent l’engagement ou facilite son expression. L’engagement sous-tend également les choix que font les personnes ou qu’elles sont préparées à faire pour maintenir des valeurs idéales ou pour atteindre des buts. L’engagement a une composante cognitive en termes de choix et de but à atteindre, mais il a aussi une composante émotionnelle qui apporte du mouvement, de l’intensité, de la persistance, de l’affectivité et de la direction à la réponse du sujet.

67

Par ailleurs, les croyances déterminent la réalité des éléments c’est-à-dire comment ils se présentent dans l’environnement. Elles façonnent la compréhension des éléments et ont une influence implicite sur la perception que le sujet a de sa relation avec son environnement. Leur influence devient plus explicite lorsqu’elles connaissent un changement important ou lorsque la personne passe à un système de croyance très différent.

Quant aux caractéristiques de la situation, elles influencent le résultat de l’évaluation faite par le sujet de sa capacité à y faire face. Une situation peut être évaluée stressante ou non selon qu’elle présente ou non les caractéristiques suivantes : la nouveauté, la prédictibilité, l’incertitude, les facteurs du temps et l’ambiguité.

- La nouveauté : Lazarus et Folkman (1984) utilisent le terme de « nouveauté » pour définir les situations nouvelles pour le sujet, situations pour lesquelles il n’a aucune expérience. Dans le processus de stress, une situation nouvelle qui n’a jamais été associée directement ou indirectement à un danger ne sera pas évaluée comme une menace par le sujet. Dans le même ordre d’idée, toute situation qui n’aura pas été préalablement associée à l’excellence ou au profit ne sera pas évaluée comme un challenge par le sujet. Les auteurs soulignent que la plupart des situations ne sont pas entièrement nouvelles pour les sujets. En effet, certains aspects de ces nouvelles situations seront familiers au sujet ou la situation aura une ressemblance générale avec une autre situation.

- La prédictibilité : elle fait référence au fait qu’il y a certaines caractéristiques de l’environnement qui peuvent être discernées, découvertes et apprises. Il s’agit d’avertisseurs qui informent le sujet de l’arrivée prochaine d’un évènement et lui permettent de l’anticiper. Ils atténuent l’effet néfaste de la situation.

- L’incertitude : le caractère incertain d’une situation peut être source de stress. L’incertitude introduit la notion de probabilité avec une différence entre estimation subjective et estimation objective de la probabilité avec laquelle une situation peut se produire. L’incertitude peut avoir un effet inhibiteur sur un processus de coping anticipé et créer un état de confusion chez le sujet.

- Les facteurs du temps : trois facteurs temporels sont pris en compte par Lazarus et Folkman (1984) : l’imminence, la durée et l’incertitude du temps. L’imminence ou non d’une situation a une influence sur le processus d’évaluation et de gestion de la situation. Plus une situation est imminente plus l’évaluation est urgente. Une situation moins imminente va donner lieu à une évaluation plus complexe. Le temps peut augmenter la menace mais il peut également permettre un traitement de la situation sur un versant plus cognitif et réduire le stress. La

68

durée renvoie à la durée de l’évènement, et l’incertitude du temps désigne le fait de ne pas savoir quand l’événement va se produire. Notons que cette incertitude peut susciter des activités de coping pour réduire le stress.

- L’ambigüité fait intervenir les facteurs personnels. Elle augmente la menace si des dispositions existent chez la personne ou si d’autres éléments indiquent une potentielle menace. L’ambigüité peut réduire le stress en offrant des interprétations alternatives de la situation.

- Le moment de la vie auquel un évènement arrive influence l’évaluation. Un évènement qui arrive à une période inattendu peut être plus stressant, de parle fait qu’il soit inattendu, privant ainsi la personne du soutien appropriée de ses pairs, de la possibilité de se préparer et d’engager des actes de coping anticipés.

Lazarus et Folkman (1984) distinguent deux formes d’évaluation, l’évaluation primaire et l’évaluation secondaire. L’évaluation primaire concerne le stresseur. Elle permet de déterminer sa nature, les enjeux qu’elle comporte. L’évaluation secondaire porte sur les ressources dont dispose le sujet pour faire face à la situation. Les indications « primaire » et « secondaire » n’indiquent pas une primauté ou une supériorité de l’une des évaluations sur l’autre mais servent uniquement à les distinguer. Ces deux évaluations sont des processus parallèles et simultanés (Gobance, 2009). Les stratégies de coping sont déterminées par cette double évaluation. Il existe un aller-retour entre ces deux évaluations pour réajuster les stratégies.

III.1.3.2. Le coping dans la théorie transactionnelle

Une situation jugée stressante crée un déséquilibre chez l’individu et pour réduire ce déséquilibre l’individu met en place un processus de coping.

Dans l’approche transactionnelle le coping est appréhendé comme un processus et non comme un trait ou un comportement automatique d’adaptation. Pour Lazarus et Folkman (1984, 141) le coping est « l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux, qui changent constamment, fournis pour gérer des demandes spécifiques externes et internes qui ont été évaluées comme supérieures aux ressources. » Contrairement aux autres approches le coping est lié à une situation précise et il est susceptible de changer d’une situation à une autre. Le

69

coping sert à agir sur la situation stressante pour la modifier (coping centré sur le problème) et

réguler les émotions liées au stress (coping centré sur les émotions). Les stratégies de coping d’une personne sont déterminées par les ressources de la personne (santé, énergie, croyances, compétences sociales, support social, ressources matérielles), mais aussi par des contraintes qui peuvent réduire les ressources. Les contraintes personnelles peuvent être des croyances et des valeurs qui interdissent certains comportements tandis que les contraintes environnementales peuvent être les institutions qui contrecarrent les efforts de coping.

Les bases théoriques étant précisées, nous allons dans la suite de notre réflexion, passer en revue certaines études qui peuvent nous éclairer sur les stratégies de coping chez l’enfant.