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IV. L’adaptation socio-affective

IV.2. Recomposition familiale et adaptation socio-affective

L’adaptation socio-affective a été beaucoup étudiée dans le cadre des recompositions familiales et plus généralement des transitions familiales. Les dimensions de l’adaptation socio-affective sont entre autres, les comportements externalisés et internalisés, l’anxiété, la dépression, les acquisitions intellectuelles et les résultats académiques. Elles sont mises en lien avec des aspects de la recomposition familiale tels que les transitions familiales, la particularité de la structure familiale et les relations familiales.

Dans l’analyse de la recomposition familiale comme transition familiale, l’accent est mis sur la discontinuité dans la famille, la répétition de cette discontinuité, les recommencements qu’elle constitue pour l’enfant. Les troubles du comportement chez l’enfant sont rattachés aux discontinuités vécues plutôt qu’au fait de vivre dans une famille recomposée. L’étude de Saint-Jacques, Cloutier, Pauzé, Simard, Cagné et Poulin (2006) s’inscrit dans cette approche. Les auteurs se sont intéressés à l’effet des transitions familiales multiples sur les troubles du comportement extériorisés et intériorisés ainsi que sur l’anxiété et la depression chez les enfants. La population de l’étude est composée de 741 enfants âgés

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de 4 à 17 ans et vivant dans trois différentes structures familiales : famille nucléaire, recomposée et monoparentale. Les données ont été recueillies à partir du « Child Behavior

Checklist » (CBCL, Achenbach & Edelbrock, 1983) pour les troubles du comportement et du

« Diagnostic Interview Schedule for Children-Revised Version » (DISC-R, Shaffer, Schwab- Stone, Fisher, Cohen, Piacentini, Davies, Conners & Regier, 1993) pour l’anxiété et la depression. Les résultats indiquent que les enfants de familles recomposées ont plus de troubles du comportement que les enfants de famille non recomposée. Mais ils soulignent surtout que le nombre de transitions familiales détermine plus l’importance des troubles du comportement chez l’enfant que la structure familiale dans laquelle il vit à un moment donné. En effet, les enfants qui ont vécu au moins une recomposition ont plus de troubles du comportement que ceux de famille non recomposée peu importe qu’ils vivent maintenant dans une famille recomposée ou monoparentale. De plus, les enfants de familles monoparentales qui ont vécu au moins une recomposition ont plus de trouble du comportement que ceux qui n’ont pas connu de recomposition. En outre, le nombre de transitions a également une influence sur le niveau d’anxiété et la dépression chez l’enfant. Les résultats indiquent également que l’environnement familial prédit mieux les troubles du comportement que la structure familiale.

Dans la même perspective, Sun et Li (2011) analysent les effets de la structure et de la stabilité de la famille sur la trajectoire des performances scolaires des enfants. Leur étude compare la courbe d’évolution des performances scolaires des enfants, de la maternelle au CM2, de trois types de familles stables et trois types de familles non stables. Elle est réalisée sur une base de données qui porte sur 8008 enfants. Il en ressort que les enfants de familles stables avec deux parents biologiques et stables recomposées font constamment de meilleurs progrès dans leurs performances en mathématique et en lecture en comparaison à leurs pairs de familles stables monoparentales, instables avec deux parents biologiques et de familles d’alternances instables avec plusieurs transitions. Ces résultats sont proches de ceux de Saint- Jacques et al. (2006) sur l’importance de la stabilité et du nombre de recomposition. La différence entre les deux travaux est que selon les résultats de Sun et Li (2011) il n’y a pas de différence entre les enfants de famille recomposées stables, qui n’ont donc vécu qu’une recomposition, et ceux de familles non recomposées. Dans leur recherche une seule recomposition semble ne pas avoir d’influence sur le développement de l’enfant alors que dans celle de Saint-Jacques et al. (2006) dès que l’enfant vit une recomposition son développement s’en trouve affecté.

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En plus du nombre de recompositions, les facteurs d’âge ou de période de développement et le statut marital du couple dans la famille recomposée peuvent avoir une influence sur les effets de la recomposition sur le développement de l’enfant. Selon Ryan et Claessens (2012) ces variables ont un effet modulateur sur les effets de la recomposition sur le développement de l’enfant. Ces auteurs n’utilisent pas le terme de transition mais de changement dans la structure familiale. Les résultats de leur étude indiquent que les changements dans la structure familiale pendant les premières années de la vie ont une plus grande influence sur le développement du comportement de l’enfant que ceux qui interviennent ultérieurement. En outre, les changements dans la structure familiale sont plus problématiques pour les enfants nés de parents mariés que pour les enfants nés de parents non mariés.

Par ailleurs la famille recomposée, dans sa composition a un effet sur le développement de l’enfant comme l’indique les résultats de l’étude de Hofferth (2006). L’auteur fait le lien, d’une part, entre la résidence avec les parents biologiques et non biologiques mariés et non mariés, et d’autre part les acquisitions cognitives et les problèmes comportementaux des enfants âgés de 3 à 12 ans, en contrôlant les facteurs qui rendent ces familles différentes. L’étude a porté sur 2380 foyers comprenant 3563 enfants issus d’une base de données. L’adaptation socio-affective des enfants a été mesurée à l’aide du « Behavior Problem index » (Peterson & Zill, 1986). Les résultats montrent que les différences de réussite ne sont pas associées au fait que la structure familiale soit centrée sur le père, mais plutôt à des facteurs démographiques et économiques qui varient selon les familles. En revanche, les problèmes de comportement semblent liés à la structure familiale. Les enfants dans tous les types de famille, sauf la famille de parents biologiques mariés ont montré des niveaux plus élevés de problèmes de comportement. De plus, les temps d'engagement paternel et maternel expliquent certaines des différences dans les problèmes de comportement entre les familles. Bien que les enfants de familles recomposées aient tendance à atteindre des niveaux inférieurs à ceux de familles non recomposées dans les acquisitions cognitives, les beaux-enfants dans les familles recomposées atteignent des niveaux comparables à ceux de leurs demi-frères et sœurs.

Enfin, les enfants dans les familles recomposées ont tendance à avoir moins de problèmes de comportement que ceux qui n'ont pas de familles recomposées.

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Les études précédentes se sont intéressées à différents aspects de la famille recomposée en lien avec la trajectoire de la famille recomposée et sa composition. Ces aspects s’avèrent importants dans l’adaptation de l’enfant de famille recomposée. Saint-Jacques et Chamberland (2000) étendent cette analyse de l’adaptation socioaffective des enfants de familles recomposées à d’autres facteurs tels que l’environnement familial et les facteurs personnels à partir du modèle PPCT de Bronfenbrenner (1996). Ce travail porte sur 234 jeunes de familles recomposées et 2515 jeunes de famille nucléaires, monparentale et vivant en garde partagée. Elles remarquent qu’un environnement familial de bonne qualité favorise un niveau d’adaptation socioaffective élevé chez les adolescents. Plus précisément, la qualité du climat familial et la qualité de la relation avec la figure paternelle apparaissent comme les facteurs les plus importants de l’environnement familial. La qualité de la relation avec la figure maternelle est liée au degré de bien-être du jeune, au degré de problème d’anxiété, au nombre de problèmes de comportement et au degré de difficultés dans le milieu scolaire. Seule la qualité des relations fraternelles est corrélée au bien-être personnel des jeunes. Au niveau des caractéristiques personnelles, les garçons ont moins de difficultés d’adaptation que les filles. Ils présentent plus de troubles du comportement extériorisés alors que les filles présentent plus de troubles de comportement intériorisés. En outre, le temps écoulé ne favorise pas une meilleure adaptation chez les jeunes. Plus la recomposition est ancienne plus la proportion de jeunes avec un faible niveau d’adaptation s’accroit. Au niveau de la trajectoire de la famille, aucun des jeunes ayant vécu une discontinuité importante n’a un niveau d’adaptation au dessus de la moyenne.

Ces travaux montrent que la structure familiale a une influence sur l’adaptation des jeunes mais que l’environnement familial semble avoir une influence encore plus importante. Cette influence de l’environnement familial est confirmée par l’étude de King (2007). Elle examine la prévalence, les antécédents et les conséquences du fait que l’adolescent de famille recomposée soit proche de chacun de ses parents biologiques. Les données proviennent de 294 adolescents du « National Longitudinal Study of Adolescent Health » qui vivent avec leur père biologique et ont à la fois une belle-mère et une mère biologique non résidente.

Les résultats indiquent que les adolescents diffèrent dans leur tendance à être proche de leur père résident, de leur belle-mère résidente et de leur mère non résidente, mais quand ils arrivent à être proche d’eux, cela s’avère bénéfique pour eux. En effet, Les adolescents qui

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sont proche à la fois de leur père résident et de leur mère non résidente ont moins de problèmes de comportement intériorisés et extériorisés.

De plus, Saint-Jacques et Lépine (2009) montrent que le niveau d’adaptation sociale des jeunes est associé au style parental du beau-père. Les données collectées auprès de 104 adolescents indiquent que les jeunes qui perçoivent leur beau-père comme étant démocratique ou chaleureux profitent particulièrement de cette relation.

La famille joue un rôle important dans le développement de l’enfant. Ce rôle est fondé par le fait qu’elle constitue le premier cadre de construction du sujet et de socialisation du sujet. La famille recomposée de par sa structure et sa trajectoire peut avoir un effet sur le développement de l’enfant. Cet effet peut être lié à sa structure mais surtout aux transitions familiales qu’elle renferme et à l’environnement familial.

En dehors de l’adaptation socio-affective un deuxième processus peut témoigner de l’efficacité ou non des stratégies de recomposition mise en place par l’enfant : sa qualité de vie subjective.