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I. Dynamique des relations fraternelles

I.2. Dimension horizontale

I.2.1. Caractéristiques de la fratrie

La fratrie se distingue des autres relations familiales par le temps que l’enfant passe avec elle. L’enfant passe beaucoup de temps avec ses frères et sœurs qui sont ses premiers partenaires de jeux. De plus, les liens fraternels se distinguent des liens parents-enfants par leur longévité et la constante qu’elle représente dans la famille. Ils sont généralement vingt à trente ans plus longs que les liens parents-enfant et demeurent une constante en dépit de l’âge, des divorces des parents et des ruptures qui peuvent se produire entre frères et sœurs (Goldbeter-Merinfeld, 2004).

Au niveau de sa structure, la fratrie se caractérise par des variables morphologiques qui, selon Bourguignon (1999), peuvent être présentées comme suit :

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- la succession qui implique une position propre à chaque enfant et des intervalles entre les naissances. La position renvoie à la place qu’occupe chaque enfant selon son rang de naissance et les intervalles entre les naissances définissent les écarts entre les âges.

- la distribution des sexes aboutit à des configurations très différentes selon le sexe des enfants en position d’aîné et de cadet et va définir le caractère mixte ou pas de la fratrie ;

- la taille de la fratrie. Il y a fratrie à partir de deux enfants et une fratrie de cette taille fonctionne comme un couple avec des alliances, l’alternance du pouvoir et des rapport de domination/soumission. Les familles plus nombreuses offrent des possibilités de rapports diversifiés favorisant les comparaisons, les regroupements par âge, par sexe et par affinités. Des réplications de la relation parent-enfant sont possibles au sein du groupe fraternel, les aînés protégeant, dominant les plus jeunes.

Ces variables influencent les interactions et les expériences dans la fratrie, donc les individus (Toman, 1987).

I.2.1.1. La position dans la fratrie

Les membres d’une fratrie ont chacun une place et un rôle selon son rang de naissance. L’aîné, le premier né des enfants, fait du couple une famille et le deuxième, le cadet, créé la fratrie (Camdessus, 1998). Ces différentes positions donnent aux enfants des vécus et des rôles différents dans la fratrie « le premier perdra sa position centrale d’enfant unique dès l’arrivée d’un cadet. Pour les suivants, l’aîné fait déjà partie de l’environnement familial. Chaque nouvelle naissance implique une renégociation des places et des territoires respectifs. » (Bourguignon, 1999, 8),

L’aîné est le premier né de la famille et le seul avoir vécu seul avec ses parents quelques temps, l’arrivé du cadet constitue un grand changement pour lui par rapport à ses relations avec les parents et son rôle auprès du cadet. L’aîné perd certains de ses privilèges car il bénéficie moins de l’attention et du temps de ses parents. Cette situation crée des sentiments de haine et de jalousie envers le cadet. Ces sentiments peuvent s’exprimer par des comportements régressifs et agressifs. Par ailleurs l’arrivée du cadet place l’aîné en position de grand frère, de grand tout simplement et il doit agir en tant que tel auprès de son cadet (Rufo, 2002 ; Jaques, 2008) L’aîné se voit attribuer des responsabilités vis à vis de son cadet pour aider les parents. Il est amené à renoncer à certaines choses en faveur de son cadet (Féchant-Pitavy, 2003). Son ancien statut d’enfant unique lui confère une plus grande

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proximité avec les adultes de la famille puisqu’il a déjà partagé avec eux des jeux et des découvertes. Il est la référence qui permet d’établir des comparaisons avec ses cadets. Il peut être investi d’une certaine autorité sur les cadets. La position d’aîné semble influencer les traits de personnalité. L’aîné est décrit comme une personne plus conformiste, autoritaire, dominateur, ambitieux (lett, 2004).

Le cadet va plutôt développer des sentiments de jalousie par rapport aux aptitudes plus grandes de l’aîné. Contrairement à l’aîné qui défend une place acquise, le cadet va chercher à se créer une place dans sa famille déjà constituée (Jaques, 2008). Le cadet agit comme s’il était en concurrence avec son aîné, il est sous la pression de surpasser son aîné (Adler, 1928). Le cadet va adopter un comportement opposé à celui de son aîné (Jacques, 2008). Il va développer des idées novatrices et contestataires et apparaît ainsi, comme une personne moins conformiste que l’aîné qui est souvent qualifiée de rebelle, (Lett, 2004).

I.2.1.2. Ecart d’âge au sein de la fratrie :

L’écart d’âge entre les variables tient son importance dans une fratrie du fait qu’elle peut moduler les relations fraternelles. La proximité et les conflits entre les enfants seront plus ou moins fort selon leur écart d’âge. Pour Angel (1996) un faible écart d’âge d’un an ou deux, va favoriser la proximité entre les enfants mais aussi une rivalité et une jalousie plus intense. Plus cet écart va être grand plus les conflits seront moindre. Ainsi un écart d’âge de six ans va atténuer les conflits entre les enfants parce que l’aîné est plus autonome, est scolarisé et s’est constitué un réseau d’amis. Rufo (2002) situe également le bon écart d’âge entre les enfants à six ou sept ans. A cet âge l’aîné a acquis avec le complexe d’œdipe, une organisation qui lui permet de s’identifier avec plus d’assurance au rôle parental. « Les pulsions agressives cèdent alors la place à la tendresse » (op.cit., 43). L’enfant a eu le temps de se construire des souvenirs de famille qui lui sont propres et qui compensent le fait que sa mère soit moins disponible. La compétition pour conquérir l’amour des parents est moins aiguë parce que l’aîné a moins besoin de leur présence. Pour d’autres auteurs (Widmer, 1999 ; Brun, 2003) par contre, l’écart d’âge a moins d’influence que l’âge et le niveau de développement des enfants sur les relations fraternelles. Les données obtenues par Widmer (1999) indiquent que c’est moins la différence d’âge que les âges respectifs des deux germains qui comptent. Selon l’auteur, les germains ne se disputent pas du fait d’une faible ou forte différence d’âge mais parce que l’un ou l’autre (ou les deux) appartiennent à une classe d’âge propice aux conflits

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fraternels. Ainsi la différence d’âge serait moins déterminante que l’âge des individus. « Il y a des âges qui sont producteurs de conflits entre les germains, tout comme dans la relation aux parents » (op.cit., 51). Pour Brun (2003), le niveau de développement de l’aîné va définir son comportement, le mode de communication qu’il va utiliser et de ce fait les relations fraternelles.

I.2.1.3. Composition sexuée de la fratrie et configuration de la fratrie La configuration de la fratrie est définie par deux aspects : la position dans la fratrie et le sexe des enfants. Dans une dyade de deux enfants la combinaison de ces deux facteurs donnent les configurations suivantes : aîné-cadet ; aîné-cadette, aînée-cadet, aînée-cadette. Toman (1987) définit l’influence de ces configurations sur l’enfant et ses relations fraternelles. Ainsi dans une configuration de deux frères, le frère aîné d’un frère apprend à assumer la responsabilité de son frère, à le protéger et à renoncer à certaines choses en sa faveur. Ce rôle est un peu plus difficile au début parce qu’il ne reçoit rien en retour de son cadet mais plus tard il peut avoir droit à des faveurs, à une reconnaissance et à l’acceptation de sa tutelle par le cadet ce qui peut être gratifiant pour lui ou au contraire avoir un cadet qui le défi, rejette sa direction et ses soins et entre en compétition avec lui. La relation est alors moins gratifiante. Quant au cadet son frère aîné lui apparaît comme plus fort et parfait, et cela peut crée un besoin de le rattraper, de le surpasser ou de s’opposer à lui. Les conflits de pouvoir seront d’autant plus forts que l’écart d’âge est faible, un ou deux ans, avec quatre ou cinq ans d’écart leur personnalité se développe dans une indépendance plus grande.

Dans une configuration Frère et sœur, le frère aîné d’une cadette lorsqu’il réalise la différence de sexe peut ne pas rentrer en compétition avec elle, ils forment un couple comme les parents. La sœur cadette d’un frère apprend à admirer son frère, à accepter sa protection, ses soins et sa tutelle.

Dans une configuration de sœur et frère, la sœur aînée d’un cadet peut jouer à la mère avec lui, elle est emmené à s’occuper de lui, à le garder, le protéger à être responsable de lui ; le frère cadet peut l’admirer et profiter de ses soins.

Configuration de deux sœurs, l’aînée à l’avantage d’être plus forte et intelligente dans les premières années. Mais la sœur cadette peut être considérée comme une rivale pour l’affection du père. La sœur lorsque l’écart d’âge est faible elle apprend à dominer sa jalousie et à prendre ses responsabilités vis-à-vis de sa sœur, elle joue un rôle de mère à son égard. La

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cadette est dépendante de l’ainée et accepte d’emblée son autorité et son aide, mais essaie tout de même de s’affirmer, de faire aussi bien que sa sœur ou même mieux et enfin de s’opposer à elle.

En ce qui concerne la composition sexuée, elle semble influencer l’intensité de conflits dans la fratrie selon la description faite par Toman (1987). Il apparaît dans son analyse des configurations que les relations fraternelles sont différentes selon que la fratrie est mixte ou non. Les conflits semblent être atténués dans les fratries de sexes différents parce que les enfants sont moins en compétition. Aussi, selon Stewart (1983), la mixité modère les rivalités fraternelles et facilite les identifications parentales. Cependant l’étude de Widmer (1999) ne montre aucun effet du sexe sur la fréquence des conflits qui est identique dans les fratries mixtes et unisexuées.

I.2.2. Fonctions des relations fraternelles

Les relations fraternelles remplissent au moins trois fonctions : − une fonction d’attachement, de sécurisation, de ressource ; − une fonction de suppléance parentale ;

− une fonction d’apprentissage des rôles sociaux et cognitifs. I.2.2.1. Fonction d’attachement

I.2.2.1.1. De l’attachement mère-enfant à l’attachement fraternel