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II. La recomposition familiale

II.1.1. Les sous-systèmes familiaux

II.1.1.1. Relation conjugale dans la famille recomposée

Le couple conjugal dans la famille recomposée est confronté à des défis du fait du contexte particulier dans lequel il se construit. Aussi il peut être considéré comme plus fragile que le couple dans la famille non recomposées. De ce fait, la durée de l’union constitue une variable qui est prise en compte ou qui est contrôlée dans l’étude des couples de famille recomposée. Les couples sont répartis en deux groupes ceux dont l’union date de moins de 5 ans et ceux dont l’union date de plus de 5 ans. Les couples de moins de 5 ans sont considérés comme plus fragiles que ceux de plus de 5 ans qui eux sont considérés comme des « survivants ». De plus, après 5 ans, les couples de familles recomposées semblent moins différents des couples de familles non recomposées (Hetherington, 1999 ; Slattery, Bruce, Halford & Nicholson, 2011). Le couple conjugal semble mieux gérer ses défis familiaux avec le temps.Par ailleurs, le statut matrimonial du couple peut influencer la stabilité du couple. En effet, les couples en concubinage se révèlent plus instables que ceux qui sont mariés (Martin, Le Bourdais & Lapierre-Adamcyk, 2011).

En plus du facteur temps et du statut matrimonial, les liens entre le contexte familial et la relation conjugale sont analysés. Les facteurs du contexte familial sont, entre autres, le type de familles recomposées, les liens familiaux, et la dynamique du couple.

Le caractère complexe de la famille recomposée semble ne pas favoriser des relations conjugales harmonieuses. Selon Clingenpeel (1981), les couples dans les familles recomposées simples ont une meilleure relation conjugale que les couples dans les familles recomposées complexes. La présence de « quasi liens » dans la famille recomposée complexe semble fragiliser les relations conjugales. Cette influence des quasi-liens a été mise en évidence dans de son étude menée auprès de 40 couples : 27 de familles recomposées

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complexes et 13 de familles recomposées simples. Dans les familles recomposées complexes, chaque conjoint a des enfants d’un précédent mariage mais il n’y a que la mère qui a la garde de ses enfants. Les résultats indiquent que les couples pour lesquels les contacts avec les quasi sont de fréquence modérée ont une meilleure relation conjugale que ceux où les contacts avec les quasi sont de forte ou faible fréquence. Ces résultats sont confirmés par ceux de Hetherington (1999). Il ressort que les liens biologiques entre les enfants et les conjoints ont plus d’influence sur les relations conjugales que le type de famille. Ces liens peuvent accroître ou non les conflits conjugaux liés à l’éducation des enfants. Il apparaît que les conflits conjugaux liés à l’éducation des enfants sont plus importants dans les familles où les enfants sont biologiquement liés à la mère et sont les beaux-enfants du père.

La configuration du couple qui défini la famille recomposée matricentré ou patricentré peut également avoir une influence sur la relation conjugale. Le couple dans une famille recomposée matricentrée est composée de la mère biologique de l’enfant et d’un beau-père, dans la famille patricentré le couple se compose plutôt du père biologique de l’enfant et d’une belle-mère. Il semble que les familles avec une belle-mère ont moins de risque de séparation que les familles avec un beau-père (Martin & al., 2011)

Au delà des caractéristiques de la famille recomposée, la dynamique du couple peut favoriser ou non sa stabilité et sa gestion des défis de la recomposition. La qualité de la communication, les caractéristiques personnelles et le processus de coping peuvent définir la fragilité ou la force du couple dans la recomposition famille (Martin & al., 2011). Selon Saint-Jacques, Robitaille, Godbout, Parent, Drapeau et Gagne (2011), l’instabilité de certaines familles recomposées s’explique moins par les défis et les problèmes liés à la famille recomposée que par la manière dont ils les abordent. Les auteurs ont, à partir d’une étude qualitative, comparé les couples qui sont restés ensemble et les couples qui se sont séparés. Il ressort qu’une bonne communication est importante pour la relation conjugale. Au niveau des caractéristiques personnelles, ne pas être enclin aux compromis pouvait affecter les relations de couple. Alors que des caractéristiques telles que la maturité, l’humour, le respect a un effet sur la stabilité des familles recomposées. Les croyances et les valeurs des personnes peuvent également avoir un effet sur la stabilité de leur relation conjugale. En ce qui concerne les stratégies de coping, les couples qui se séparent utilisent plus des stratégies d’évitement, des stratégies inefficaces et persévèrent moins que ceux qui restent ensemble. Dans le même ordre d’idée, O’Brian, Delongis, Pomaki, Puterman, Zwicker (2011) se sont intéressés à l’utilisation de la « réponse empathique » comme stratégie de coping dans les couples de familles recomposées. La

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« réponse empathique » est une forme de coping basée sur la relation. Les résultats indiquent que les maris et les femmes ont tendance à accroître leur utilisation de réponses empathiques lorsque les stresseurs familiaux ont une forte signification personnelle. L’utilisation de réponses empathiques à la fois chez le mari que chez la femme semble être liée à une adaptation aux stresseurs conjugaux. Une forte utilisation de réponses empathiques est associée à un faible niveau de tension. L’utilisation de réponse empathique pourrait être une stratégie efficace pour faire face au stress quotidien.

La recomposition familiale au niveau du couple semble être influencée par les caractéristiques personnelles des membres du couple, la dynamique du couple et leur manière de faire face aux difficultés de la recomposition. Qu’en est-il de la recomposition familiale au niveau des relations parents-enfants ?

I.1.1.1. La pluriparentalité

La recomposition familiale pose la question de la parentalité, dans la mesure où, elle est composée de personnes ayant un passé familial différent et renvoie à plusieurs figures parentales. En effet, la parentalité est plus complexe dans la famille recomposée car elle s’inscrit dans un réseau familial. Cette complexité est liée aux composantes de la parentalité définies par Houzel (1999) en psychologie et Théry (1995) en sociologie.

Houzel (1999) identifie trois niveaux d’analyse de la parentalité :

- L’exercice de la parentalité, il a un aspect fondateur car il définit les cadres nécessaires pour qu’une famille se développe. Il renvoie « aux droits et devoirs qui sont attachés aux fonction parentales, à la place qui est donnée dans l’organisation du groupe social à chacun des protagonistes, enfant, père et mère dans un ensemble organisé et notamment dans une filiation et une généalogie » (op.cit., 115).

- L’expérience de la parentalité correspond à l’expérience subjective de ceux qui sont chargés des fonctions parentales. C’est le niveau d’analyse de l’expérience affective et imaginaire, des fantasmes conscients et inconscients de tout individu engagé dans un processus de « parentification ». Il inclut le désir d’enfant et la « parentification ».

- La pratique de la parentalité concerne les tâches effectives, objectivement observables qui incombent à chacun des parents. Elle comporte, entre autres, les soins à l’enfant, les interactions comportementales et les pratiques éducatives.

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Selon Houzel (1999), il n’est pas possible d’isoler la pratique de la parentalité de l’exercice et de l’expérience de la parentalité. Ces trois aspects de la parentalité sont interdépendants dans la pratique. « Qu’ils le veuillent ou non, les adultes amenés à prendre en charge un enfant séparé de ses parents sont investis d’une forme ou une autre d’exercice de la parentalité et font au contact des enfants qui leur sont confiés une certaine expérience de la parentalité » (op.cit., 116). Dans la famille recomposée, quatre adultes peuvent parfois prétendre à une forme ou une autre de parentalité.

Sous un autre angle, Théry (1995) définit la parentalité comme le « lien de parenté qui unit deux parents à leur enfant, à la différence de cette relation beaucoup plus vaste que l’enfant entretient avec tous les acteurs de sa parenté » (op.cit., 102). Elle identifie trois composantes fondamentales de la parentalité :

- la parentalité biologique est une question de fait, dans la mesure où le parent biologique d’un enfant est son géniteur ;

- la parentalité domestique est également une question de fait, le parent domestique est celui qui abrite et élève l’enfant dans sa maison. La cohabitation sous un même toit étant essentielle dans ce cadre ;

- la parentalité généalogique est une construction culturelle. Elle permet d’inscrire l’enfant dans une représentation de la parenté et de l’instituer ainsi comme sujet. Sa valeur est d’établir un ordre symbolique du monde.

Ces trois composantes de la parentalité étaient assumées par une seule personne dans le mariage. Mais en cas de rupture et de recomposition, les différentes composantes de la parentalité sont dissociées, et l’enfant peut avoir des représentants différents pour chaque composante de la parentalité. En effet, dans les familles recomposées, il est plus question de pluriparentalité que de parentalité ; plusieurs sortes de parents sociaux s’ajoutent aux parents par le sang (Fine, 2001). La pluriparentalité dans la famille recomposée a été analysée sous plusieurs axes dont le système de filiation européen, la nomination des liens de parenté et la répartition des rôles.