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II. L’appropriation dans la représentation de la famille

II.2. Structure familiale et représentation de la famille

La structure familiale est également au centre des études sur la représentation de la famille. La représentation de la famille sous cet angle renvoie à la différence famille recomposée/famille non recomposée et à son appropriation par l’enfant. Aussi, il apparaît que

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les enfants de famille recomposée ont des stratégies de recomposition qui peuvent être différentes de celles mises en place par les figures parentales (Mietkiewivz & Schneider, 2005). L’étude de Wedemeyer, Bickhard et Cooper (1989) peut être située dans cette optique. Ils ont, dans une étude transversale, mesuré l’effet du stade de développement de l’intelligence, du sexe, et du type de famille sur la représentation de la famille par l’enfant. Des enfants des stades préopératoire, opératoire concret et opératoire formel appartenant à des familles « intactes » et des familles divorcées ont été interrogés. Leurs réponses ont été analysées sous deux aspects : le niveau de complexité des concepts utilisés et les dimensions de la famille (relations familiales, biologie, fonctions domestiques, facteurs législatifs, la co- résidence, les facteurs émotionnels et les rôles sociaux) auxquelles ces concepts sont liés. Les résultats indiquent d’une part que la complexité des concepts utilisés par les enfants est fortement liée au stade de développement de l’intelligence et au sexe à un degré moindre. D’autre part, ils révèlent que la fréquence d’utilisation des dimensions de la famille est fortement influencée par le niveau général de développement et non par le stade de développement de l’intelligence en particulier, par les « modifications » de la famille et à un degré moindre, par le sexe. Cette étude souligne l’influence du type de famille, divorcée ou non, sur la représentation de la famille.

Dans une autre approche basée sur le dessin de la famille, Dun, O’Connor et Levy (2002) ont, quant à eux, analysé la composition et la configuration de la famille selon la représentation d’enfants âgés de 5 à 7 ans. Les relations entre le type de famille et les liens biologiques d’une part, et l’omission de membres de la famille et le regroupement des parents d’autre part, ont été examinés. L’analyse des dessins montre que les enfants de famille recomposée et monoparentale ont plus tendance à exclure des membres de la famille que les enfants de famille non recomposée. De plus, les exclusions dépendent des liens biologiques. Les enfants ayant un lien biologique avec les deux parents résidents ont plutôt tendance à regrouper leurs parents. Ces résultats sont confirmés dans une autre étude réalisée par Roe, Bridges, Dunn, O’Connor (2006). Cette dernière porte sur les dessins de famille de 166 enfants âgés de 7 ans. Elle confirme et précise les résultats de l’étude précédente. Ainsi, les demi-frères et les quasi-frères sont plus susceptibles d'être exclus que les frères et sœurs germains, et les Membres non-résidents de la famille étaient plus susceptibles d'être exclus que les membres résidents.

Le lien biologique et la résidence semblent être des aspects importants de la représentation de la famille des enfants de familles recomposées. Mais d’autres facteurs

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peuvent fonder les représentations de la famille chez l’enfant de famille recomposée. Ils se traduisent par d’autres processus et d’autres restructurations de la famille.

Théry (1991) note la tendance au niveau de la fratrie de réunir l’ensemble des enfants sous le terme de frère. Le fait de désigner sous un terme unique les liens entre enfants « est une forme d’indifférence qu’on affiche, qu’on revendique : peu importe que la famille soit composite, si elle trouve une unité dans la qualité d’un attachement mutuel, peut être plus précieux de n’être pas imposé par la naissance » (op.cit., 149).

Dans une approche psychanalytique, Hurstel et Carré (1993) relèvent dans le choix généralisé de l’appellation frère et les stratégies développées autour de ce choix fait par les sujets, certains processus psychiques spécifiques aux fratries recomposées notamment le déclenchement d’un mécanisme de défense par rapport à une situation encore trop stigmatisante, et la volonté de témoigner de la solidarité du réseau.

Ces tendances au niveau de la fratrie et les objectifs qu’elles sous tendent se rapportent à la différence que les enfants font entre leur famille recomposée et les familles non recomposées. Elles indiquent que les enfants la rapproche des familles non recomposées. Cette conception est confirmée par les données des entretiens semi-directifs menés par Saint-Jacques et Chamberland (2000) auprès de 26 jeunes de familles recomposées. Ces jeunes semblent ne pas attribuer une étiquette d’anormalité à leur famille. L’élément important pour eux paraît être la présence de deux figures parentales avec lesquelles ils sont en interaction quotidienne. La présence des deux figures parentales fait que la famille recomposée leur donne la possibilité de vivre une « vraie vie de famille ».

Les résultats de l'étude de Poittevin (2005) sont plus explicites. Elle a réalisé une étude sur 55 enfants âgés de 7 à 20 ans qui ont exprimé leur conception personnelle de la fraternité, basée sur leur vécu et leur ressenti. Les dénominations qu'ils utilisent sont des indicateurs des relations et des liens qu'ils ont avec les autres enfants. Son analyse des entretiens des enfants de famille recomposée sur leur relation fraternelle a fait ressortir une nouvelle catégorie : « frères et sœurs d'habitation ». Cette catégorie désigne les « enfants qui ne sont pas frères et sœurs de sang mais qui partagent des expériences familiales et fraternelles dans un lieu commun » (op.cit., 197). En référence aux normes sociales, ils utilisent également les termes de frère et sœur pour désigner les « demi » ou les « quasi » frères avec lesquels ils ont des liens forts. Mais, Poittevin (2005) relève également que les dénominations frères et sœurs permettent aux enfants de se rapprocher de l'idéal parental de la fratrie recomposée. Ils rendent compte aussi de l'intention de l'enfant de maintenir sa propre intégration dans le

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groupe et d'occuper au mieux sa place sociale. Par ailleurs, elle note une différence entre les enfants uniques et les germains. Les enfants uniques utilisent frères et sœurs pour désigner leurs demi et quasi frères, alors que les germains utilisent « frères et sœurs » pour leurs propres germains et des comparatifs tels que « presque comme un frère/une sœur » pour leur demis et quasi frères.

Ces études qui abordent la représentation de la famille recomposée sous l’angle de la structure, font ressortir une représentation de la famille recomposée qui, de manière générale, se réfère à la famille nucléaire. Mais deux processus de recomposition sont mis en exergue. La première est de définir une famille proche de la famille nucléaire en se basant sur le lien biologique et en excluant certains membres de la famille recomposée. La deuxième est de regrouper tous les membres dans une seule famille en se basant dans certains cas sur le vécu.

La représentation de la famille comporte un autre axe, celui des rôles parentaux. Son analyse permet d’accéder à d’autres aspects du point de vue de l’enfant.