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I. 1.1.1.4 Pluriparentalité et Relation parents-enfants

I.1.1.2. La fratrie recomposée

La recomposition familiale peut entraîner une recomposition de la fratrie. Cette recomposition se traduit par une modification de la structure de la fratrie, une diversité de lien fraternel dans le sous-système et de la répartition de l’espace.

La fratrie recomposée est une fratrie qui se constitue à la remise en couple d'un ou des deux parents avec un partenaire qui lui aussi a déjà eu des enfants ou lorsque des enfants nés

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de la nouvelle union viennent s'ajouter aux enfants des précédentes unions. Selon Poittevin (2005), il y a fratrie recomposée à partir de deux entités de germains. Le terme de germains est utilisé pour désigner les enfants qui ont le même père et la même mère biologique. Elle définit différentes formes de fratrie recomposée : la fratrie de quasi qui regroupe deux entités de germains n’ayant aucun lien biologique entre elles ; la fratrie de demis composée d’une entité de germains issue du nouveau couple et une entité de germains issue de l’un des adultes, les enfants ont au moins un parent en commun ; la fratrie mixte qui regroupe une entité de germains issue du nouveau couple ainsi qu’une entité de germains issue de chacun des conjoints, elle regroupe à la fois des germains, des quasis et des demis frères.

La fratrie recomposée soulève un certain nombre de question en rapport avec le nom de famille des enfants. Les enfants ayant des pères différents ont des noms de famille différents au sein de la fratrie recomposée (Angel, 1996).

Se pose aussi la question de la filiation. Les quasis frères n'ont aucun lien de parenté et les enfants ont des liens différents avec les figures parentales présentes dans le foyer.

De plus la répartition de l'espace peut être remise en cause. Dans certains cas l'enfant est amené à partager sa chambre et voir ainsi son espace personnel se modifier et être envahi. Il arrive aussi que l'enfant n'aie pas d'espace à lui en tant que tel chez l'un des parents par manque de place et dorme par exemple dans le salon (Siméon, 1999).

En outre, la taille et la composition de la fratrie change entraînant une redéfinition des positions et des rôles dans la fratrie, les aînés peuvent ainsi perdre leur rang et leur rôle d'aîné dans la fratrie recomposée. Ces changements de position et de rôle peuvent déstabiliser les aînés qui ne retrouvent plus leur place tant auprès des adultes qu'auprès des membres de la fratrie, ils perdent leur statut de confidents auprès des adultes et au niveau de la fratrie, leur pouvoir et leur utilité (Angel, 1996; Siméon, 1999). De plus, les aînés de fratrie impliqués dans une séparation et une recomposition peuvent être amenés à combler les vides affectifs, à remplir les fonctions laissées vacantes, à être des confidents, à prendre soin des plus jeunes et à être des espions pour les parents auprès de l'autre famille.

Ces rôles et fonctions les marginalisent progressivement et affectent leur processus de socialisation. Le poids de ces responsabilités peut être à l'origine de comportements défensifs tel que la prise de poids pour se croire plus apte ou des dépressions (Siméon, 1999).

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Dans l’ensemble, cette configuration de fratrie peut avoir un effet sur le développement de chacun des enfants qui la compose comme l’indique l’étude de Tillman (2008). Cette étude explore la proportion à laquelle le fait de vivre avec une fratrie de composition “non traditionnelle” explique le lien entre les problèmes académiques et le fait de vivre dans une famille recomposée. Les analyses de Tilman (2008) sont basées sur les données du « National Longitudinal Study of Adolescent Health ». Les résultats indiquent qu’une fratrie « non traditionnelle » est associée à un bas niveau académique et un haut niveau de problèmes de comportement liés à l’école. De plus, les problèmes associés à une fratrie « non traditionnelle » s’accroissent ou restent constants tant que les membres de la famille vivent ensemble. Les autres aspects de la famille recomposée qui affectent les résultats académiques des jeunes semblent être la complexité, l’ambigüité et le stress liés au fait de vivre avec une fratrie « non traditionnelle ».

Par ailleurs, l’étude de la fratrie recomposée est marquée d’une part par des comparaisons entre les différents groupes fraternels qu’elle renferme et entre ces groupes et la fratrie germaine dans les familles nucléaires. D’autre part, les liens rattachés à la recomposition c'est-à-dire les quasi et demi-frères sont analysés.

L’étude de Bernstein (1997) se situe dans ce cadre. Elle a analysé les variables qui affectent les relations entre l’enfant d’une première union et l’enfant né dans la famille recomposée. L’auteur a interviewé 155 participants issus de 55 familles recomposées. Les analyses qualitatives des données indiquent que la nature et la qualité des relations des demi- frères sont variées, complexes et déterminées par plusieurs facteurs dont : le niveau de développement de la famille recomposée à la naissance de l’enfant de la nouvelle union ; l’âge et les enjeux du stade de développement de l’aîné en ce moment ; la différence d’âge entre les demi-frères ; le nombre d’enfants dans chaque fratrie germaine ; le genre du parent et du beau-parent, le type de famille recomposée (simple ou complexe) puis le système de garde avec les conflits dans les relations entre les foyers. Au niveau des comparaisons, Anderson (1999) s’est intéressé à la qualité des relations fraternelles dans les fratries germaines, entre demi-frères, et entre quasi-frères vivant dans une famille recomposée et celles de fratries germaines de familles non recomposées. Les fratries qui participent à l’étude sont des dyades de même sexe avec une différence d’âge de 5 ans maximum. Les moyennes d’âge dans les différents groupes sont comprises entre 12 et 15 ans. Les positions dans la fratrie sont variées. Les relations fraternelles sont appréhendées à l’aide d’une version révisée par Anderson et Rice (1992) du « Sibling Inventory of Behavior de Schafer et Edgerton, (1981). Les six

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dimensions de cette version révisée sont : la rivalité, l’agression, l’embarras/l’évitement, enseignement/directivité, empathie, camaraderie. L’analyse des facteurs a permis de souligner un aspect positif et un aspect négatif. Les résultats mettent en exergue une relation entre quasi-frères qu’Anderson (1999) qualifie d’unique. Elle se différencie des autres par le fait qu’elle est moins négative, et de façon singulière, elles présentent moins d’agressivité et de rivalité. Mais elles ne sont pas pour autant plus positives que les autres relations. En outre, les relations entre demi-frères/sœurs sont celles qui sont le plus proches des relations dans les fratries germaines de familles non recomposées. Il y a peu de différence entre les relations fraternelles entre demi-frères dans la famille recomposée et fratries germaines dans les familles non recomposées. De plus les facteurs personnels et le temps semblent jouer un rôle important dans les relations fraternelles. En effet les dyades de filles montrent plus d’empathie, sont plus directive, dans leur relation que les dyades de garçons. Mais il n’y a pas de différence entre les filles et les garçons sur les autres aspects des relations fraternelles. Au fil du temps, les relations fraternelles des adolescents sont caractérisées par moins de rivalité, d’agression et de camaraderie, mais le niveau d’empathie reste similaire et le déclin dans les relations fraternelles est plus visible chez les garçons.

Les résultats d’Anderson (1999) sur les relations entre quasi-frères/sœurs peuvent être éclairés par les résultats de Farmer (2006). Celle-ci porte sur la dynamique des relations entre quasi-frères selon le point de vue des quasi-frères eux-mêmes. Dans ce cadre, des entretiens ont été menés avec 29 jeunes adultes qui ont un quasi-frère. Les participants appartiennent à des familles recomposées avec un remariage, en cohabitation et des familles recomposées de premier mariage. Les fratries vivent ensemble ou non. L’échantillon consiste en 29 participants âgés de 18 à 33 ans. L’entretien était basé sur les thèmes suivants : la formation de la relation avec le quasi-frère ou la quasi-sœur et la qualité de celle-ci ; l’utilisation par les participants du terme « quasi » et leur définition de la famille ; comment selon eux les membres de la société perçoivent la famille recomposée et comment leur perception a influencé leur relation de quasi-frère/ sœurs.

Les résultats indiquent que les quasi-frères/sœurs peuvent avoir :

- une relation de « co-confident », caractérisée par une confiance mutuelle et le fait de pouvoir compter l’un sur l’autre ; selon les participants la relation est importante même si elle n’est pas comme la relation avec la fratrie germaine. La relation de co-confident est associée à l’acceptation de la nouvelle structure familiale, au développement de relations, au soutien

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mutuel, à une absence de sentiment de gène par rapport à leur relation et à des relations familiales positives en générale.

- une relation « neutre » qui même si elle n’est pas aussi positive que la relation de co- confident n’est pas pour autant négative. Il n’y a pas d’attachement émotionnel pour le quasi- frère ou la quasi-sœur.

Cette relation neutre peut être mise en lien avec les relations ni négatives ni spécialement positives relevées entre quasi-frères/sœurs par Anderson (1999).

La recomposition familiale conduit à une nouvelle structure fraternelle. Elle remet en cause les liens et les positions dans la fratrie. Les relations fraternelles entre quasi-frères et demi-frères sont différentes et ont chacune leur spécificité.

La famille recomposée renvoie à un ensemble de particularités et de défis du fait qu’elle est une transition familiale qui se met en place à la suite d’autres transitions familiales. Elle hérite de l’histoire et de l’organisation de la première structure familiale ce qui peut rendre son fonctionnement complexe. La recomposition familiale modifie la structure de la famille. Elle introduit de nouveaux membres et redéfinit les liens familiaux. L’enfant de famille recomposée est amené à s’approprier ces changements. Le prochain chapitre vise à analyser les composantes du processus d’appropriation de la famille recomposition chez l’enfant.

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Chapitre 3. Appropriation de la famille recomposée