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I. Divorce ou séparation et réorganisation de la parentalité

I.1. Le divorce/la séparation et le développement de l’enfant

Malgré sa banalisation sociale, le divorce renferme des souffrances psychologiques et peut être vécu difficilement par certains membres de la famille. Les aspects psychologiques du divorce sont liés aux rapports intrafamiliaux avant et après le divorce, aux causes du divorce et à la manière dont il s’est déroulé. Ils concernent aussi bien les parents que les enfants. La psychopathologie du divorce décrite par Poussin et Martin-Lebrun (1997) se rapporte, pour les parents, à l’estime de soi et au narcissisme. Ils soulignent le fait que les parents remettent en cause l’estime qu’ils ont d’eux, ils s’interrogent sur leur propre valeur, sur leur capacité à susciter l’amour et à le retenir. L’estime de soi se construit sur le narcissisme et se renforce par les expériences réussies qui confortent le sujet dans ses capacités. Quand le narcissisme n’est pas bien développé, le doute s’installe et les manifestations pathologiques se

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développent progressivement. Ils définissent trois formes possibles pour le développement de ces manifestations : la forme défensive, la forme abandonnique, et la forme mixte.

Pour les enfants, les problèmes psychologiques découlent du comportement des parents et sont fonction de leur âge et de leur stade de développement. L’attitude des parents face au divorce a des conséquences psychologiques sur l’enfant. L’enfant peut se retrouver pris dans les conflits qui opposent ses parents. Il est souvent celui par lequel se font les échanges entre des parents qui n’arrivent plus à communiquer, ou le support sur lequel s’appuient les parents pour faire face à leur souffrance. Ces différentes situations peuvent entraîner des troubles du comportement des crises d’angoisses ou des sentiments dépressifs chez l’enfant (Poussin & Martin-Lebrun, 1997). Les troubles psychologiques de l’enfant sont également liés à l’interprétation qu’il fait de la situation en fonction de son stade de développement. Entre deux et trois ans, la séparation parentale peut perturber le développement psychomoteur du jeune enfant en diminuant sa capacité à investir de nouveaux domaines d’exploration comme la marche, le jeu ou la propreté. Elle peut également entraîner un blocage au niveau du langage, dans une attitude plus globale de repli sur soi et d’inhibition traduisant la difficulté à accepter les changements survenus (op.cit., 1997). L’enfant âgé de trois à six ans peut avoir des troubles du comportement qui vont retentir sur ses premiers pas dans l’univers de l’école. Il peut se sentir coupable de la situation et avoir un comportement agressif ou se replier sur lui-même. Strohschen (2005) analyse les conditions dans lesquelles le divorce des parents entraîne des troubles chez certains enfants et de la résilience chez d’autres. L’étude a porté sur 2819 enfants âgés de 4 à 7 ans et vivant dans une famille nucléaire au moment du premier entretien. Il a ensuite (quatre ans après) comparé l’évolution de la santé mentale des enfants dont les parents ont divorcé à celle des enfants dont les parents sont toujours mariés. Les auteurs ont mesuré le niveau d’anxiété/dépression des enfants grâce à une échelle de sept items et leurs comportements anti-sociaux par une échelle de six items renseignées par les parents. Les échelles portent sur les fréquences auxquelles les enfants semblent heureux, tristes, dépressifs pour l’anxiété/dépression et les fréquences auxquelles les enfants ont des comportements anti-sociaux tels que la tricherie ou le mensonge.

Les résultats montrent que les enfants dont les parents divorcent plus tard, présentent un niveau plus élevé d’anxiété/dépression et de comportements anti-sociaux que les autres, même avant le divorce. Il y a une augmentation du niveau d’anxiété/dépression, mais pas des comportements anti-sociaux, avec le divorce. Un lien significatif entre le divorce des parents et le niveau de disfonctionnement de la famille avant le divorce suggère que les

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comportements anti-sociaux baissent lorsqu’il y a divorce dans les familles qui connaissent un haut niveau de disfonctionnement. La recherche de Oldehinkel, Ormel, Veenstral, DeWinter, et Verlhulst (2008), donnent encore plus de précision sur les troubles psychologiques liés au divorce chez l’enfant. Ils examinent si le lien entre le divorce des parents et les symptômes de dépression diffèrent selon le sexe des enfants. Leur étude porte sur 2149 enfants âgés de 10 à 15 ans de parents divorcés (les parents résidents se sont remis en couple dans 36,7% des cas) ; Les résultats revèlent que plus les enfants sont âgés plus le divorce parental est associé à des symptômes de dépression chez les filles. Ces données suggèrent que les filles de parents divorcés sont plus enclines à développer des symptômes dépressifs à l’adolescence. La dépression a été appréhendée à l’aide du Child behavior Checklist (CBCL, Achenbach, 1991) renseigné par les parents et le Youth Self-Report (YSR, Achenbach, 1991) renseigné par les enfants.

D’autres auteurs (Potter, 2010 ; Babalis, Xanthakou, Papa et Tsolou, 2011) ont abordés le sujet sous d’autres angles, ceux des variables modératrices et l’approche comparative. Potter (2010) examine le rôle du bien-être de l’enfant dans la relation entre le divorce des parents et les résultats académiques des enfants. Les enfants sont au nombre de 10061 issus d’une base de donnée « Early, childhood longituditunal study-Kindergerten cohort (ECLS-K) »Les résultats suggèrent que le divorce est associé à une diminution du bien-être psychologique chez l’enfant et que cette baisse peut expliquer le lien entre le divorce et une baisse des résultats académique. Le bien-être psychologique des enfants a été estimé à partir des renseignements fournis par l’instituteur et un parent ou l’enfant sur les comportements internalisées et externalisés ainsi que les compétences sociales. Les indices d’évaluation pour ces différentes composantes du bien-être étant fournis par le ECLS-K. Babalis et al., (2011), ont pour leur part, réalisé une étude comparative sur l’adaptation psychosociale d’enfants d’école maternelle dont les parents ont divorcé ou issus de famille nucléaire en Grèce. Leur échantillon est constitué de 60 enfants, âgé de 4 à 6 ans avec une moyenne d’âge est de 5, 21, 30 de parents divorcé et 30 de famille nucléaire. L’adaptation scolaire a été appréhendée à partir d’un entretien avec les instituteurs. Les enfants ont dessiné une famille imaginaire dans le cadre du test de la famille. Les résultats montrent qu’il n’y a pas de différence entre les deux groupes au niveau de l’adaptation scolaire, des compétences sociales et des performances scolaires. Mais ils indiquent une corrélation significative entre la qualité des relations interpersonnelles, c’est-à-dire, la communication entre parents, la relation parent absent/enfant et les performances scolaires. Lorsque les parents ont une communication

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positive, sans tension et sans conflits, les enfants ont de bonnes relations avec le parent absent. Par ailleurs, les enfants qui ont de bonnes relations avec leur parent absent ont des performances scolaires élevées selon les instituteurs. Un lien significatif apparaît entre le type de famille et l’émergence de troubles émotionnels et comportementaux chez les enfants. Ceux qui sont de parents divorcés présentant plus de troubles que ceux de familles nucléaires. Les dessins des enfants montrent une différence significative entre les deux groupes. Concernant la famille dessinée, les enfants de famille nucléaire ont tendance à reproduire leur famille réelle alors que ceux de parents divorcés vont plutôt dessiner une famille imaginaire. Concernant les additions et les omissions, les analyses révèlent plus d’omissions chez les enfants de familles nucléaires, et ces omissions concernent en majorité leur fratrie. Par contre les enfants de parents divorcés, qui vivent avec un seul parent, ce sont les additions qui sont plus élevées, et la personne rajoutée est le plus souvent le père. Au niveau des couleurs, les dessins des enfants de familles nucléaires sont plus colorés et les couleurs utilisées sont principalement des couleurs chaudes et éclatantes. Alors que les enfants de parents divorcés sont juste assez colorés et les couleurs utilisées sont plutôt froides.

Le divorce ou la séparation des parents est la première transition que connaissent les enfants de familles recomposées. Elle conduit à une nouvelle structure familiale dans laquelle les parents ne vivent plus ensemble ainsi qu’à une nouvelle organisation dans l’exercice de la parentalité et dans les relations parent-enfant. Cette nouvelle organisation renvoie à la coparentalité et au système de garde.