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En psychologie du développement, l’appropriation peut être définie comme un processus par lequel le sujet se construit dans ses rapports avec la société. Elle est rattachée aux processus de subjectivation, de socialisation et d’interstructuration.

Malrieu (1976) définit la subjectivation comme le processus par lequel l’enfant devient sujet. Elle est « l’activité par laquelle se produit la mise à distance à l’égard d’activité assumées, par l’installation dans une visée autre, et la mise en relation de ses activités à cette visée autre » (op.cit., 10). Selon lui, les activités assumées sont par ce processus dénaturées ; (re) signifiées ; prises dans un conflit ; lieu d’une totalisation provisoire, par un contrôle qui vise à maintenir ensemble deux activités de sens divergent. Malrieu (1976) émet des hypothèses selon lesquelles les conduites peuvent être extraites de leur finalité originelle par le déplacement, celui-ci émanant d’une mise en relation de deux désirs, et est une activité d’acculturation. L’enfant est amené à trouver un compromis entre ses désirs et ceux de l’adulte et cela entraîne un conflit qui est surmonté par une identification à autrui. Pour être refoulé, l’activité primitive est (re)signifiée et cette (re) signification exige que l’enfant s’identifie à l’autre. Cette identification permet une composition de l’activité ancienne avec les conduites culturelles qui confèrent leur signification à cette activité.

En outre, la subjectivation passe par plusieurs phases. La première, la phase pré- symbolique s’étend sur les douze premiers mois de l’enfant. Elle part des premières interactions de l’enfant avec son milieu et débouche sur une présubjectivité. Malrieu (1976) utilise le terme de présubjectivité et non de subjectivité parce que :

- l’enfant utilise certaines expériences de son passé ;

- il intervient comme cause des modifications du milieu et surtout des réactions d’autrui, avec le sentiment d’un pouvoir sur celui-ci ;

- il manifeste son attachement à autrui, et différentie ses réactions aux personnes.

Selon lui, le terme de subjectivité parce que les réactions de l’enfant obéissent à un processus de conditionnement qui exclue une intention.

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L’appropriation des comportements constitue, avec le langage, la deuxième phase de la subjectivation, la phase symbolique. Malrieu (1976) situe l’étape de l’appropriation du comportement entre 10 et 20 mois. Selon lui, l’appropriation s’effectue sur le fondement des imitations simples. Il rejoint Wallon (1942) sur le lien entre appropriation et imitation. En effet, Malrieu (1976) définit l’étape de l’appropriation comme celle où le sujet se constitue comme centre d’action et centre de signification. L’intention fonde ses actes, elle lie le passé au présent. « Le comportement est-il effectué à distance de lui-même ; il est signifié comme expression du moi, revendiqué comme manifestation d’autonomie (l’enfant veut agir tout seul) en face d’autrui ». (op. cit.,16).

L’appropriation est un processus central dans la subjectivation chez l’enfant. Elle est déplacement, identification, (re) signification et dans le même temps autonomie, contrôle et orientation de ses conduites, signification de ses actes et début d’identité dans le temps. L’appropriation donne sa substance au sujet. Elle fait du sujet un coacteur de son développement psychosocial. L’enfant restructure les apports de son milieu et se construit comme un sujet social par appropriation. Cette part active du sujet apparaît également dans la socialisation de l’enfant avec la personnalisation.

L’appropriation est un des fondements de la socialisation définie comme un processus à deux versants : l’acculturation et la personnalisation (Malrieu & Malrieu, 1973 ; Malrieu, 1976). L’acculturation renvoie à la transformation continue des conduites primitives dans le cadre des modèles proposés par les milieux sociaux dans lesquels est plongé l’enfant et la personnalisation est le processus par lequel l’enfant restructure les systèmes d’attitudes et les cadres de références élaborés dans les pratiques de l’éducation, (Malrieu & Malrieu, 1973). La socialisation se définit sous ces deux aspects parce que les pratiques culturelles transmises à l’enfant sont sources de conflit pour lui de par les contradictions qu’elles peuvent comporter. La résolution de ces conflits nécessite, de la part de l’enfant, une activité d’organisation, de redéfinition, d’appropriation de ces apports sociaux. L’appropriation sous- tend la personnalisation, elle permet la coordination des fins et des moyens, des idéaux et des capacités réelles et actuelles du moi et des autres en fonction des situations et des institutions. La personnalisation renvoie à des tentatives constamment renouvelées d’unification du moi, basées sur un équilibre entre les besoins, les désirs du sujet et les normes et institutions sociales (Tap, 1988).

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Dans ce même ordre d’idée, l’appropriation intervient dans l’interstructuration sujet- milieu. Malrieu (1976, 9) définit le sujet comme « le processus d’intégration suscité par la rencontre d’une totalisation interne et d’une totalisation externe toutes deux traversées de conflits ». Il part de l’hypothèse que l’enfant et son milieu sont à la recherche d’une unité et se servent l’un de l’autre pour l’atteindre. La recherche d’unité du sujet conduit à un mouvement d’unification du milieu qui est dans le sujet. Cette recherche est constante pour l’enfant dans la mesure où ses premières unifications sont sans cesse remises en cause, entre autres, par la maturation ou les crises de société. Le sujet a ainsi une fonction de séparation autant que d’unification. Il assure l’alternance des unifications mais aussi leur articulation par déplacement d’une position à une autre.

Pour Baubion-Broye, Malrieu et Tap (1987), l’appropriation est le moyen par lequel se réalise la première des quatre phases de l’interstructuration, l’ancrage plural et l’emprise socio-culturelle. Selon ces auteurs, l’appropriation permet à l’individu soumis à des influences multiples de s’ancrer dans les relations duelles ou plurielles avec autrui, de s’intégrer dans les réseaux culturels et les rapports sociaux, et de construire ses propres réseaux cognitifs, axiologiques et praxiques.

En référence à ces éléments théoriques, l’appropriation de la famille recomposée met le sujet au centre du processus de recomposition et le conduit à définir des stratégies de recomposition et de coping qui lui sont propres. L’appropriation permet au sujet de s’adapter (adaptation/assimilation) aux changements et aux particularités de sa famille, de répondre à ses besoins psychosociaux et d’avoir une qualité de vie satisfaisante.