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Système de formes identitaires subjectives et cadres cognitifs

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 83-86)

3.1 V ERS UNE CONCEPTION DYNAMIQUE ET INTEGRATIVE DU CONCEPT D ’ IDENTITE

3.1.1 Système de formes identitaires subjectives et cadres cognitifs

Présenter l’identité en rapport avec les cadres cognitifs suppose une certaine explicitation de l’univers cognitif. Selon la définition de Codol (1969), l’univers cognitif, désigne

« l’ensemble des savoirs d’un individu ». Il dépend « des caractéristiques personnelles de l’individu, de son expérience passée et présente en relation avec son environnement, de l’anticipation qu’il fait d’événements futurs […]. La représentation est un sous-ensemble de

« l’univers cognitif […] qui privilégie les cognèmes mis en œuvre lorsqu’on s’intéresse à un projet particulier » (P. 65). C’est le produit d’une construction mentale du réel qui s’effectue à partir des informations reçues de l’expérience et des relations avec l’environnement. Le cognème (ou élément cognitif) est « l’unité la plus simple de toute construction théorique dans le domaine de la cognition » (p. 64). Ce sont les savoirs, opinions, croyances, concepts, attributs, idées à propos de soi-même, d’autrui, du monde. Les cognèmes sont en relation d’interdépendance, ils fonctionnent comme un système.

Du point de vue cognitiviste, le soi est présenté comme un processus cognitivo-affectif par lequel le sujet s’appréhende lui-même dans son individualité et comme la structure psychique qui résulte de ce processus : « la façon dont l’individu s’appréhende cognitivement lui-même, met en œuvre des processus de même nature que ceux qui régissent toute appréhension cognitive » (Codol, 1980, p. 154).

Les cadres cognitifs identitaires

Les « cadres cognitifs identitaires » (Guichard, 2004b) font partie de cet univers. Ce sont les structures cognitives que l’individu construit (dans sa mémoire à long terme) au cours de ses expériences et qui lui servent de repère pour organiser ses conduites, se construire et percevoir autrui. Les cadres cognitifs sont des schémas mentaux abstraits en mémoire à long terme qui structurent un ensemble de cognitions correspondant à une catégorie d’objets du monde. Les cadres cognitifs correspondent donc à ce qui permet à l’individu de voir le monde d’une certaine manière, de percevoir et de se structurer dans une certaine catégorie donnée. C’est par exemple pour un doctorant, le schéma qu’il se fait dans sa tête de ce qu’est le sociologue, le chimiste, le physicien, etc. Autrement dit, ce sont des repères construits au fil de l’expérience et qui s’appliquent à des catégories d’individus partageant une certaine identité. Guichard précise que « les cadres identitaires forment, dans l’esprit de chacun, un système de cadres cognitifs identitaires. Ce système constitue la représentation intériorisée par l’individu de l’offre identitaire de la société où il interagit, telle qu’il a pu se la construire en fonction de ses interactions, compte tenu des positions qu’il occupe dans les différents champs sociaux où il se situe » (2004b, p. 8).

Notons toutefois que la construction identitaire ne pourrait être réduite à des processus d’appréhension cognitive. C’est un phénomène « multiréférentiel […] dynamique et relationnel où interviennent simultanément des mécanismes inconscients, des mouvements d’assimilation et de différenciation, des modèles culturels et sociaux et des fonctions cognitives » (Marc, 2005, p. 54/55). D’où l’intérêt de l’approche intégrative proposé par le modèle des formes identitaires subjectives vicariantes et de la double réflexivité. Cette conception dynamique de l’identité a l’avantage de nous montrer une articulation étroite entre les différentes dimensions de l’identité : la dimension psychologique et sociale. Dans ce sens, la construction de soi peut être conçue comme un processus de développement continu qui s’élabore dans une « intrication intime entre le psychologique et le social » (Doublet, 2006, p.131). La subjectivité de l’individu y est présentée comme « un système

unifié et structuré des formes identitaires subjectives dans lesquels l’individu se construit et se représente lui-même et autrui » (Guichard, 2000, p. 186). Les cadres cognitifs identitaires ont une fonction structurante de ces formes identitaires.

Les formes identitaires

Partant des apports de la psychologie cognitive, Guichard suggère une redéfinition du concept sociologique de « formes identitaires » proposé par Dubar. Il en précise les modes de structuration interne caractérisés par des structures cognitives, schémas, scripts, représentations mentales, cadres qui permettent de « percevoir » immédiatement un objet, de « lire » une situation et de s’y comporter d’une manière sensée pour soi-même et pour autrui. (Guichard, 2004b, p. 6). Les « formes identitaires » représentent donc une vision d’autrui ou de soi-même ou une construction de soi selon la structure d’un cadre identitaire déterminé (Guichard, 2004b, p. 8). Elles correspondent à un ensemble d’actions et d’interactions qui renvoient à des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être. Ce sont également des modes de rapports aux « objets » du contexte, à soi-même, aux autres et aux anticipations futures de soi. Guichard distingue dans ces formes identitaires, les « formes identitaires subjectives » et les « formes identitaires subjectives anticipées ».

Les formes identitaires subjectives

La subjectivité telle qu’elle est présentée dans ce modèle se réfère au concept de

« subjectivation » de Foucault. Elle désigne les modes de rapports à soi qui déterminent la manière dont l’individu se construit en fonction des contextes, des circonstances mais aussi dans son rapport à autrui. La subjectivité est donc faite de facteurs et processus intra-interindividuels, collectifs et sociaux (Guichard, 2004b, p.2). Elle prend différentes formes en fonction des contextes : « Le sujet n’est pas une substance. C’est une forme, et cette forme n’est pas partout ni toujours identique à elle-même […] Il y a sans doute des rapports et des interférences entre ces différentes formes du sujet, mais on n’est pas en présence du même type de sujet. Dans chaque cas, on joue, on établit à soi-même des formes de rapport différentes » (Foucault cité par Guichard, 2004b, p. 6)

Les « formes identitaires subjectives » (FIS) renvoient à un ensemble de manières d’être, d’agir et d’interagir en lien avec une certaine représentation de soi dans un certain contexte (Guichard, 2007). Dans ce sens, les formes identitaires qui caractérisent un individu à un

moment précis sont celles qui constituent son présent, celles qui sont passées mais continuent toujours à marquer le présent et celles qui correspondent à certaines anticipations de soi. Cette représentation/perception de soi est marquée par un processus de différenciation, d’affirmation de son individualité et de son unicité : « la construction de soi dans une forme identitaire subjective conduit, selon toute vraisemblance, l’individu à assigner certaines valeurs par défaut particulières aux attributs du cadre sous-jacent » (Guichard, 2004b, p. 8).

Les formes identitaires subjectives anticipées

Guichard (2004b) précise par ailleurs que certaines de ces FIS se rapportent aux contextes dans lesquels l’individu interagit et dialogue à un moment donné de son existence, d’autres renvoient à des anticipations ou à des imaginations de soi dans le futur, d’autres enfin à des expériences passées qui ont durablement marqué la personne. Les formes identitaires subjectives renvoyant à des anticipations ou à des imaginations de soi dans une position sociale future, notamment, un concept de soi professionnel possible et souhaitable sont désignées : « formes identitaires subjectives anticipées » (FISPA), e.g. moi en tant que chimiste, biologiste ou sociologue, etc.

Dans le fonctionnement de ce système, certaines formes identitaires peuvent occuper une place centrale par rapport à d’autres. Elles sont également susceptibles de varier selon les contextes. Guichard utilise le terme de vicariance pour exprimer la possibilité de substitution d’un FIS à un autre en fonction du contexte. Les formes identitaires sont donc vicariantes mais elles fonctionnent sur la base d’un système subjectif unifié.

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