• Aucun résultat trouvé

L’organisation de la formation doctorale : champ disciplinaire et habitus

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 28-31)

1.2 L’ HETEROGENEITE DE LA SITUATION DES JEUNES DOCTEURS FACE AU MARCHE DE L ’ EMPLOI PRIVE

1.2.1 L’organisation de la formation doctorale : champ disciplinaire et habitus

L’organisation de l’enseignement supérieur est analysée dans les travaux de Bourdieu (cité par Ghanem, 2007, p. 29) comme un « microcosme à l’intérieur du cosmos […] structuré en sous champs disciplinaires ». Bourdieu a construit le concept de champ en vue d’analyser les différents domaines constitutifs de l’ensemble d’une société. Cet auteur conçoit la structure de l’espace social comme une multitude de sphères articulées fonctionnant de manière relativement autonome. Pour Bourdieu, ces structures sociales ou unités du monde social constituent des « champs ». Ce sont des espaces structurés de positions de pouvoir, de luttes internes, de rapports de force entre dominants et dominés. Les champs sont les contextes sociaux dans lesquels se structure « l’habitus » (Ghanem, 2007 ; Corcuff, 1999 ; Bonnewitz, 1997).

Selon Bourdieu, l’habitus est le produit des expériences (notamment de formation) vécues par l’individu dans les différents champs où il interagit. Dans chacun de ces champs il occupe une certaine position qui détermine en grande partie ses expériences. C’est

1. http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=1230

l’intériorisation de tout ce que l’individu acquiert dans la société tout au long de sa vie et l’appropriation de ces acquis qui structurent l’habitus. L’habitus détermine donc de façon durable les manières de penser, de sentir et d’agir de l’individu mais il ne conditionne pas ses conduites. (Ghanem, 2007 ; Corcuff, 1999 ; Bonnewitz, 1997).

Les analyses de Ghanem (2007) sur l’organisation de la formation doctorale et les conditions de la « socialisation professionnelle » des doctorants, se situent dans ce cadre conceptuel développé par Bourdieu. La structure du champ que forment les disciplines dans l’enseignement supérieur renvoie aux mêmes modes de fonctionnement que celle de la société : l’enseignement supérieur est un champ scientifique régi par des rapports de force.

Ghanem (2007) propose une analyse de la structure de ce champ suivant un modèle centre/périphérie. Elle observe une certaine hiérarchie dans le positionnement des disciplines. Certaines occupent une position centrale, dominante par rapport à d’autres qui sont plus dans la périphérie. Les sciences du "centre" sont les sciences dites "dures" : à savoir les sciences exactes et les sciences de la nature, caractérisées par une épistémologie scientifique bien établi, un consensus apparent sur les enjeux du champ scientifique très élevé et une reconnaissance large de la nécessité et de l’efficacité de ces disciplines. Les sciences de la "périphérie" ou sciences dites "molles", sont caractérisées par une reconnaissance sociale moindre et un fonctionnement plus conflictuel du champ scientifique. Ces sciences de la périphérie sont représentées par les lettres et sciences humaines. Les sciences économiques et sociales occupent, quant à elles, une place intermédiaire entre le centre et la périphérie (Ghanem, 2007).

Les facteurs définissant cette hiérarchisation disciplinaire se situent à différents niveaux : - la capacité des disciplines à exporter leurs modèles et leurs méthodes de traitement

des données ;

- les moyens financiers et matériels ;

- le prestige des professions auxquelles ces champs disciplinaires préparent ;

- le niveau de l’encadrement de la recherche et de la préparation à l’insertion professionnelle etc.

Partant de ces analyses, Ghanem (2007) montre que les habitus et les processus de

« socialisation professionnelle » des doctorants diffèrent selon le champ disciplinaire dans lequel ils préparent leur doctorat. Les doctorants des disciplines du "centre" (sciences dures,

sciences de la vie et de la terre), et ceux des disciplines intermédiaires (sciences économiques et sociales), ont plus de financements, sont moins âgés et bénéficient d’un meilleur encadrement par rapport à ceux des disciplines de la "périphérie" (sciences humaines, sciences du langage, et langues etc.). Elle souligne également dans son étude que les doctorants du premier groupe participent plus à des activités pouvant favoriser leur éventuelle insertion dans le secteur privé : les doctoriales1, les colloques, les stages extra-académiques etc. Pour l’année universitaire 2002-2003, 69% des doctorants des disciplines du "centre" bénéficiaient d’une allocation contre 31% dans les disciplines de la "périphérie".

Pour la même période, 87% des bourses CIFRE2 étaient attribuées à des doctorants du

"centre" contre 14% à ceux de la "périphérie" (Ghanem, 2007). Peut-on pour autant généraliser les résultats de cette étude et en déduire que les docteurs issus des disciplines de

"centre" connaissent une meilleure insertion par rapport à ceux des sciences de la

"périphérie" ? D’après les données du CEREQ3, il est difficile d’apporter une réponse homogène à cette question.

Tableau 2 – L'insertion des docteurs selon leur discipline pour la Génération 2004

Taux de chômage Emplois à durée déterminée

2007 2007

Tableau extrait de : Giret, J.-F., & Calmand, J. (2009). Rapport final sur l’insertion des docteurs issus de la génération 2004. Marseille : CEREQ.

1.Les doctoriales sont des séminaires résidentiels d’ouverture au monde de l'entreprise et de réflexion sur le projet professionnel. Elles s’adressent en priorité aux doctorants en 2e année (en milieu de thèse).

2. La Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE) a été créée en 1981. Sa gestion et son animation est confié à l’Association Nationale de la Recherche Technique (ANRT) pour le compte du Ministère de la Recherche. C’est une convention qui associe autour d'un projet de recherche dans le cadre d'un doctorat, trois partenaires : une entreprise, un jeune diplômé, un laboratoire. Elle s'adresse aux entreprises qui s'engagent à confier à un jeune diplômé (Bac+5) un travail de recherche en liaison directe avec un laboratoire extérieur. Se reporter au site de l’ANRT http://www.anrt.asso.fr/fr/espace_cifre/mode_emploi.jsp#01.

3. Giret, J.-F., & Calmand, J. (2009). Rapport final sur l’insertion des docteurs issus de la génération 2004. Marseille : CEREQ.

L’insertion des docteurs issus des disciplines du "centre" est très hétérogène et moins favorable que celle des disciplines intermédiaires, notamment le Droit et les Sciences Economiques, Gestion qui ont le taux de chômage le plus bas (8%) juste après les Sciences de l’ingénieur (6%). De plus, on constate que certaines disciplines de ces sciences du

"centre" rencontrent plus de difficultés que les Sciences Humaines. Le taux de chômage en Chimie est par exemple plus élevé (16%) que celui en Lettres, Sciences Humaines (11%).

Par ailleurs, hormis les sciences de l’ingénieur, le taux de précarité de l’emploi (emplois à durée déterminée) est relativement élevé dans certaines disciplines du "centre" : 40% en Chimie, 45% en Sciences de la vie et de la terre.

Ces observations amènent à relativiser les conclusions de l’étude de Ghanem (2007) et à s’interroger sur l’impact réel du champ disciplinaire sur l’insertion des jeunes docteurs dans le secteur privé.

1.2.2 L’impact du champ disciplinaire sur l’insertion des jeunes docteurs

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 28-31)

Documents relatifs