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4. ANALYSE DES RESULTATS

4.5 Synthèse

Nous avons tout d’abord présenté les données que nous avons recueillies à travers les 19 entretiens effectués. Ensuite, nous avons procédé à des analyses de cas d’élèves afin d’illustrer et surtout de comprendre les constats généraux que nous avons pu soulever dans la première partie de ce chapitre. Ces analyses nous ont alors permis de relever les effets positifs de la mise en œuvre du dispositif des arbres connaissances en classe mais elles nous ont également amenées à mettre en avant certaines limites. A présent, nous sommes donc en mesure de répondre aux questions qui ont orienté notre recherche.

A. Comment les élèves perçoivent-ils l’environnement créé par le dispositif ?

Précédemment, nous avons été amenées à relever quatre grandes tendances présentes chez les élèves quant à la façon dont ils perçoivent l’environnement relatif aux arbres de connaissances. Nous avons vu qu’une grande majorité des élèves le percevait comme un véritable environnement d’apprentissage, dans lequel les élèves coopèrent. La coopération doit être ici comprise au sens où Connac (2009) l’entend, c’est à dire comme un échange de richesses individuelles qui se fait à travers l’entraide des élèves pour s’approprier des connaissances. Les élèves interagissent et se soutiennent alors dans l’apprentissage.

Certains élèves ont toutefois affirmé mener une petite compétition avec leurs camarades.

Cette compétition, bien souvent vécue de façon négative par les élèves en difficulté (Darnon

& Butera, 2006), ne l’est pas dans le cadre de ce dispositif. En effet, les élèves concernés l’apprécient et nous avons expliqué ce phénomène par le fait que le dispositif mettait en évidence que ces derniers étaient tous égaux.

personne ne sait tout et que tout le savoir est dans l’humanité se retrouvent effectivement dans le discours des élèves. Ces principes semblent même devenir les piliers du travail qu’ils effectuent dans le cadre du dispositif, sans doute de par le fait que les enseignants les aient explicités en début d’année. Selon les élèves, les arbres de connaissances permettent de créer une meilleure atmosphère de travail, dans laquelle chaque élève se sent accepté et respecté par tous. Le dispositif permet alors aux élèves de combler leur besoin d’appartenance (Ryan & Deci, 1987) ce qui est essentiel pour espérer favoriser leur implication.

Par contre, nous l’avons vu, cette perception de l’environnement n’est pas partagée de façon unanime par les élèves. Certains, en minorité, considèrent au contraire que le dispositif met en avant les inégalités existant entre les élèves. Nous avons alors émis l’hypothèse que ces élèves étaient influencés par les caractéristiques du système scolaire et se sentaient ainsi jugés à travers le dispositif qu’ils perçoivent comme une sorte de test. Celui-ci les pousse alors à se comparer à leurs camarades et est alors susceptible de créer des sentiments négatifs chez ces élèves.

D’autres encore, toujours en minorité, semblent percevoir les périodes accordées au dispositif comme des moments de détente et de jeu. Ces élèves justifient ce côté « marrant » par le fait qu’ils ont l’impression de moins travailler qu’habituellement. L’environnement créé par le dispositif les amène alors à voir le travail de manière relativement « légère ». Nous pouvons nous demander si cette façon de percevoir le dispositif n’est pas en partie due au fait que les élèves ne travaillent par régulièrement avec ce dernier. En effet, nous pourrions émettre l’hypothèse que s’il avait pu être utilisé de façon un peu plus récurrente, ces élèves auraient été amenés par la force des choses, à prendre plus au sérieux le travail effectué.

Cette perception de l’environnement est sans doute également due au système scolaire qui ne valorise que certaines disciplines et qui pousse ainsi les élèves à ne pas prendre au sérieux tout ce qui s’éloigne de ce qui est fait généralement à l’école.

B. Quelle influence le dispositif a-t-il sur les perceptions des élèves ?

En ce qui concerne les activités effectuées au sein du dispositif, tous les élèves y perçoivent de l’intérêt et ils les choisissent dans le but d’acquérir de nouveaux apprentissages. Certes, certains avouent de temps en temps choisir une activité pour faire plaisir à leurs amis ou pour les étonner mais les buts d’apprentissage sont toutefois prépondérants, même chez ceux qui avouent se sentir en compétition. Comme le souligne Perrenoud (1995a), le sens d’une activité est différent d’un élève à l’autre puisque celui-ci est en partie influencé par les

expériences vécues, le milieu familial ou encore les buts que l’élève poursuit. Le dispositif semble alors avoir une influence positive sur la perception de l’activité des élèves dans la mesure où il permet de tenir compte des envies, des préoccupations ou des besoins de chacun. Les élèves perçoivent alors plus facilement du sens dans ce qu’ils effectuent puisqu’ils sont libres de choisir eux-mêmes les activités. Par ailleurs, pour les élèves ayant de la facilité, le dispositif représente un véritable avantage car il leur permet d’aller plus loin dans leurs connaissances et de ne pas refaire toujours des activités qu’ils maîtrisent. En ce sens, le dispositif est donc un véritable outil de différenciation.

Toutefois, la difficulté à laquelle se heurte le dispositif concerne l’utilité perçue dans les activités. En effet, de nombreux élèves ne trouvent pas réellement utile ce qui est fait au sein du dispositif, principalement les élèves qui perçoivent le dispositif comme un jeu et ceux qui ne distinguent pas de différence entre l’environnement quotidien et celui relatif aux arbres de connaissances. L’utilité renvoie aux « avantages que l’on retire de l’accomplissement d’une activité » (Viau, 2009, p.25). Nous avons ainsi supposé que cette absence d’utilité perçue était également due au système scolaire qui ne valorise que certaines disciplines. Les élèves jugeront alors une activité inutile si elle ne leur permet pas de progresser en vue d’une amélioration des notes. Toutefois, ces résultats peuvent être relativisés puisque les élèves mentionnent la possibilité d’utiliser le brevet dans la vie courante, ce qui leur donnerait alors l’envie de s’impliquer. Par ailleurs, les élèves ne percevant pas réellement de distinction entre l’environnement quotidien et celui créé par le dispositif, ressentent quant à eux la possibilité d’être stigmatisés en fonction du brevet qu’ils choisissent ou qu’ils créent. Un élève créant un brevet relatif à une discipline reconnue par l’école sera, selon eux, considéré comme un « bon élève » alors qu’un élève choisissant de créer par exemple un brevet d’italien sera considéré comme un « mauvais élève » dans la mesure où cela montrerait qu’il ne maîtrise pas les disciplines scolaires.

Tous les élèves ont une perception élevée de contrôlabilité. Cela n’a rien d’étonnant quand on sait que le dispositif des arbres de connaissances repose sur la liberté de chacun. Les élèves sont libres de choisir ce qu’ils désirent apprendre, libres d’avancer à leur rythme et de s’organiser comme ils le souhaitent. En ce sens, nous retrouvons les démarches de travail autonome (Przesmycki, 2004), à savoir que l’élève est libre de faire des choix aussi bien sur le contenu que sur les processus. Les élèves apprécient cette liberté qui influe directement sur leur perception de l’activité.

Dans le cadre théorique, nous avions relevé une mise en garde quant aux démarches de

(2009), nous avions en effet souligné que certains élèves ne se sentaient pas à l’aise avec ce type de démarche, principalement les élèves en difficulté, qui ressentent souvent le besoin d’être encadrés car ils ne se sentent pas aptes à prendre en charge seuls le travail qu’il leur est demandé. Or, ici, au sein du dispositif, bien que l’enseignant interrogé nous ait confié que cette liberté n’était pas facile à gérer pour les élèves, tous sauf un nous ont affirmé apprécier grandement cette liberté et ne pas désirer recevoir davantage d’aide.

Nous pouvons supposer que la liberté est appréciée parce que les élèves distinguent le travail quotidiennement fait en classe avec celui des arbres de connaissances. La pression des notes ou d’une quelconque évaluation disparaît, les élèves se sentent libres de faire des erreurs ce qui leur permet alors de s’engager dans cette démarche de travail autonome en plus grande quiétude. Toutefois, certains élèves, ceux percevant le dispositif comme un moment de détente, ne semblent pas utiliser cette liberté à bon escient puisqu’ils la considèrent comme un moyen de « s’amuser ». Il s’agit d’un des risques des démarches de travail autonome relevé par Zimmermann-Asta (2000). Toutefois, nous pouvons émettre l’hypothèse que cela est dû à la façon dont ces élèves perçoivent l’environnement ou, inversement, que c’est cette liberté qui les pousse à considérer l’environnement de cette manière.

Enfin, le dispositif ne semble pas avoir réellement d’effets sur la perception de compétence des élèves. Les enfants interrogés affirment effectivement ne pas se sentir plus compétents lorsqu’ils travaillent avec le dispositif. Pour les élèves ayant de la facilité, nous pouvons supposer que c’est parce qu’ils se sentent compétents en règle générale et, qu’ainsi, ils ne perçoivent pas de différence significative. Par contre, cela est plus surprenant pour les élèves rencontrant ordinairement des difficultés scolaires et affirmant eux-mêmes se sentir plutôt « faibles » à l’école. Nous aurions pu en effet penser qu’en se sentant égaux à leurs camarades et qu’en ayant la possibilité de proposer des brevets pour lesquels ils sont experts, leur perception de compétence serait alors élevée.

La perception de compétence pouvant être définie comme le jugement subjectif que l’élève porte sur son habileté à réaliser un certain domaine d’activités (Bouffard & Vezeau, 2006), nous pouvons supposer que la réponse donnée par les élèves ne concernait pas leur perception de compétence mais plutôt leur sentiment général de compétence à l’école ou leur estime de soi, qui sont des perceptions plus générales. Or, nous le savons, ces dernières sont plus difficilement modifiables et le travail au sein du dispositif ne permettrait sans doute pas à lui seul de les faire évoluer. Avec le système scolaire actuel, il est en effet

l’école est forte (Perrenoud, 1992) et les notes sont à leurs yeux le reflet de leur compétence. Ils ne prennent alors bien souvent pas en considération leur maîtrise des savoirs extrascolaires et ne les considèrent pas comme une richesse. Nous comprenons ici les difficultés rencontrées par les enseignants en début d’année, lorsque les élèves étaient amenés à noter sur l’arbre ce pour quoi ils étaient « forts ». Ainsi, nous pouvons supposer que le dispositif n’a aucun effet sur cette perception puisque les élèves, pour la plupart, ne se sentent pas valorisés dans des disciplines scolaires à travers le dispositif et cela expliquerait alors leur réponse négative à la question que nous leur avons posée.

Dans quelle mesure la mise en œuvre des arbres de connaissances permet-elle de favoriser l’implication de chaque élève ?

Comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, le travail effectué au sein du dispositif ne porte pas obligatoirement sur des savoirs dits scolaires. Néanmoins, que l’on ne s’y trompe pas, il demande une énergie et des efforts cognitifs importants, principalement lorsque les élèves proposent des brevets. En effet, lors de leur création, les questions auxquelles l’élève doit apporter une réponse sont nombreuses : en quoi suis-je compétent ? Qu’est-ce qu’il est important de savoir sur cette connaissance ? A partir de quand puis-je considérer que mes camarades ont atteint le niveau de connaissances requises pour s’approprier le brevet ? Comment leur enseigner ce que je maîtrise ? Comment planifier mon brevet de façon à ce qu’il soit compris par les autres élèves de la classe ? L’élève doit donc mobiliser des stratégies et des processus métacognitifs. Nous comprenons alors les bienfaits que peut apporter ce travail pour l’apprentissage des élèves d’autant plus qu’il leur apprend à être autonomes. Néanmoins, selon Viau (2007, 2009), tout cela n’est rendu possible que si l’élève désire s’impliquer dans l’activité.

Notre recherche nous a alors permis de constater que la mise en œuvre du dispositif en classe semble avoir de réels effets positifs sur l’implication des élèves. En effet, il permet de maintenir l’implication de ceux s’impliquant déjà ordinairement et de favoriser celle de ceux qui ne s’impliquent bien souvent pas. Les réponses données par les élèves nous montrent que ceux-ci semblent mobiliser des processus métacognitifs et persévérer lorsqu’ils rencontrent des difficultés.

Les arbres de connaissances favorisent l’implication des élèves dans la mesure où ils créent un environnement d’apprentissage dans lequel tous les élèves se sentent égaux, interagissent et coopèrent, ce qui crée alors une meilleure ambiance de classe. Les différences interindividuelles sont perçues comme des atouts et les inégalités de niveau

présentes ordinairement s’effacent quelque peu. Or, nous le savons, le climat de la classe influence les états motivationnels des élèves et donc leur implication (Sarrazin et al., 2006), et ici cette influence est positive. Par ailleurs, chaque élève est amené à jouer à la fois le rôle de tuteur et le rôle de novice. Les relations entre élèves deviennent alors symétriques dans la mesure où ce n’est plus seulement certains élèves qui expliquent aux autres. La responsabilité qui leur est donnée d’enseigner à leurs camarades semble être également un facteur de motivation important. Les élèves affirment en effet s’appliquer davantage. Ce qui semble également favoriser grandement l’implication des élèves dans le dispositif c’est la liberté qui leur est laissée et qui leur donne alors l’opportunité de choisir les apprentissages qui les intéressent, ce pour quoi ils rencontrent des difficultés ou, tout simplement, ce qu’ils ne connaissent pas encore. L’élève peut alors choisir ce qu’il désire apprendre, ce qui lui permet de trouver plus facilement du sens dans les activités qu’il effectue. En tant qu’outil de différenciation, le dispositif semble alors avoir un fort potentiel.

Toutefois, les influences du dispositif sur l’implication ne sont pas positives pour tous les élèves. En effet, nous avons vu qu’il n’avait pas réellement d’effet sur certains élèves qui ne s’impliquent pas ordinairement. Nous avons alors montré que cela était principalement dû à la façon dont ils percevaient l’environnement relatif aux arbres de connaissances. Il s’agit d’élèves qui considèrent le dispositif comme un moment de détente ou comme une sorte de test dans lequel ils sont jugés. Nous avons émis l’hypothèse que les difficultés que rencontre ici le dispositif sont alors liées au système scolaire et à la représentation qu’en ont les enfants.

En somme, si nous devions répondre de façon plus synthétique à la question de recherche, nous pourrions dire que le dispositif des arbres de connaissances favorise l’implication des élèves car celui-ci leur permet de trouver du sens dans leurs apprentissages, les responsabilise et crée un environnement d’apprentissage perçu positivement par les élèves.

Certains élèves peinent à se détacher du système scolaire et, plus précisément, de l'évaluation et de la valorisation de certaines disciplines. Dans ce cas, nous pouvons dire que le dispositif n'a pas l'effet escompté et qu'il s'agit d'un paramètre qui semble mettre en péril ses bienfaits.