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4. ANALYSE DES RESULTATS

4.4 Analyses de cas

4.4.2 Un environnement de compétition : David

David est un élève qui, selon son enseignant, rencontre de nombreuses difficultés scolaires.

Ses notes sont sous la moyenne, son fonctionnement et son comportement en classe ne sont pas toujours adaptés et son implication est souvent en dent de scie.

David s’inscrit dans la tendance de ceux qui se sentent en compétition lorsqu’ils travaillent au sein du dispositif. Toutefois, cela ne l’empêche pas de considérer les périodes consacrées aux arbres de connaissances comme de véritables moments d’apprentissage et considère tout de même que le dispositif les amène à coopérer. Il apprécie considérablement la liberté qui lui est offerte et perçoit une égalité entre tous les élèves. David affirme alors s’impliquer davantage lorsqu’il travaille au sein du dispositif.

Une course aux brevets

Le mot « concours » est assez récurrent dans les propos de l’élève. David semble se livrer à une compétition lors des moments accordés aux arbres de connaissances. Il l’avoue lui-même : « On est en compétition. Personnellement, pour moi dans ma tête c’est un petit concours, je me dis qu’il faut avoir le max de brevets ». Ce discours nous montre bien qu’il n’engage que lui et, qu’à son sens, les autres élèves ne se sentent pas forcément en compétition.

Nous pourrions imaginer que cette compétition le gêne. Etant un élève en difficulté, il ne se sentirait pas très à l’aise de s’engager dans une course à l’obtention des brevets où il risquerait de sortir perdant et d’être, une fois de plus, le « mauvais élève » de la classe.

Toutefois, l’élève ne perçoit pas la compétition de cette manière : « Ouais c’est cool, ça me motive ». Ainsi, aussi surprenant que cela soit, l’élève se sent à l’aise dans cette compétition et elle devient même un facteur de motivation.

La compétition est souvent reliée à des attitudes négatives des élèves, à un sentiment de stress et ce, particulièrement chez les élèves ayant des difficultés (Sarrazin, Tessier &

Trouilloud, 2006). Pourtant, au sein du dispositif, elle semble avoir un effet positif sur l’élève.

L’hypothèse la plus probable serait que, cette fois-ci, l’élève se sentirait à même d’entrer dans une compétition étant donné que les activités en jeu sont à sa portée, qu’elles ne sont pas toutes d’ordre scolaire et, qu’ainsi, l’élève se sentirait à pied d’égalité avec ses camarades. Ils se battraient alors à « armes égales » ce qui ne serait pas un facteur de découragement. Nous le ressentons d’ailleurs lorsqu’il affirme que ce dispositif montre que tous les élèves sont égaux :

On est tous égaux. […] on a tous quelque chose à apprendre. Par exemple moi je suis pas très fort à l’école mais je sais quand même des choses, je peux quand même proposer des brevets que les autres ne connaissent pas et je peux passer des brevets que les forts connaissent pas non plus.

En ce sens, il considère que les arbres de connaissances sont un bon moyen de tenir compte des différences et de les valoriser :

[…] Par exemple, Matéo sait parler le portugais alors il a fait un brevet de portugais. Il a écrit sur l’arbre de connaissances "moi je sais parler le portugais". Moi je sais pas le portugais mais j’ai mis gym. Ça montre qu’on sait tous des choses différentes.

L’élève, valorisé alors pour ce qu’il sait, est « remonté à bloc » et se sent de taille à mener une compétition ce qui a une influence positive sur son implication.

Mais une meilleure ambiance !

Nous pourrions penser que la compétition ressentie par David, bien qu’elle le motive, l’amène à percevoir une mauvaise ambiance de classe et le pousse alors à ne pas coopérer avec ses camarades. Là encore, cette idée s’avère être fausse. En effet, a contrario, l’élève affirme trouver que, depuis la mise en œuvre des arbres de connaissances, l’atmosphère de classe est meilleure « […] ça fait quand même une meilleure ambiance car on se parle plus, on s’explique et tout. […] On améliore les relations entre copains et copines ».

Nous pourrions supposer, là encore, que si l’élève perçoit une meilleure ambiance de classe, c’est qu’il se sent au même niveau que ses camarades. En effet, lui qui se déclare « plutôt nul » à l’école, avoue par contre se sentir plus fort, plus compétent lorsqu’il travaille avec les arbres de connaissances : « C’est des choses que je sais, je suis bon en ça. C’est bien je peux le montrer aux autres ça que je suis pas nul partout non plus ». Les interactions deviennent alors symétriques dans la mesure où chacun est amené, à un moment ou à un autre, à endosser le rôle du maître qui enseigne et teste les connaissances de ses élèves ou celui de l’élève qui apprend ce qu’il ne sait pas. L’ambiance est alors plus détendue, chacun se prête au jeu et les inégalités s’effacent quelque peu.

Une liberté appréciée

En plus de la compétition et de la sensation qu’il y a une meilleure ambiance dans la classe, l’élève est également séduit par la liberté qu’on lui laisse :

J’aime bien la liberté que j’ai là parce j’arrive à travailler plus seul car généralement je suis pas très fort à l’école et là on me laisse quand même

de la liberté et j’aime bien comme ça. Comme ça je peux comprendre les choses par moi-même et ça me laisse faire mes erreurs.

David se sent alors responsable de son propre apprentissage, il apprend à « se débrouiller », il a l’impression ainsi de pouvoir montrer à ses enseignants qu’il y arrive et, comme la grande majorité des élèves, il apprécie particulièrement de pouvoir choisir les brevets à créer ou à passer dans la mesure où il peut choisir un sujet qui l’intéresse. Les démarches de travail autonome peuvent poser problème aux élèves en difficulté car ils peinent à s’autoévaluer et à s’autoréguler (Allal, 1999). Toutefois, nous le voyons, cela ne semble pas être un obstacle pour David. Au contraire, cela suscite chez lui l’envie d’apprendre, de rechercher. Le droit à l’erreur et la communication avec les autres le motivent. Son besoin d’autonomie est alors comblé et cette perception de contrôlabilité devient un facteur important de motivation.

Des buts d’apprentissage

Nous l’avons vu, David mène une compétition et avoue apprécier obtenir plus de brevets que ses camarades. Certes, il se sent en compétition mais ce n’est pas pour autant qu’il choisit des brevets faciles sur un sujet qu’il connaît déjà et qui ne lui apportera rien. Il le dit lui-même : « […] Je fais des trucs qui m’intéressent et que je connais pas, sinon c’est pas utile pour moi ». L’élève poursuit donc des buts d’apprentissage. Que ce soit pour la création ou la passation des brevets, David choisit le plus souvent un brevet en fonction de l’intérêt qu’il comporte à ses yeux. D’ailleurs, c’est ce qui lui plaît. Il peut choisir ce qui l’intéresse, des sujets qui ne sont pas directement liés à l’école mais qu’il peut enfin apprendre à connaître.

Par ailleurs, contrairement à un grand nombre d’élèves, David trouve que les brevets qu’il passe peuvent lui être utiles : « […] Je me dis "ah tiens ça ça peut me servir". Comme une langue par exemple, si je passe le brevet d’italien et que je vais en Italie, bah c’est utile. ». Il trouve également que ce qu’il propose est utile, même s’il s’agit déjà d’un sujet qu’il connaît sur le bout des doigts : « […] Par exemple, moi si je veux faire le métier de prof de gym, bah les brevets m’apprennent alors à enseigner la gym et à préparer des tests de gym pour les autres ». Nous constatons alors que David évalue les activités qu’il passe ou propose en fonction de sa vie future et de sa vie en dehors de l’école et il s’agit, à son sens, de ce qui donne tout son intérêt au dispositif.

Nous pouvons également penser que sa motivation réduite à l’école est due au fait qu’il peine à trouver du sens dans ce qu’il fait. L’élève avoue lui-même qu’il ne connaît pas

toujours les objectifs de ce qu’il fait à l’école. Il sait qu’il est là pour apprendre mais ne sait pas réellement à quoi cela va lui servir. A contrario, lorsqu’il passe ou crée des brevets, il connaît toujours les objectifs en jeu ce qui lui semble d’ailleurs important : « Oui au moins on sait vraiment ce qu’on doit faire et à quoi ça sert aussi parfois ». Ce qu’il apprend à travers les brevets c’est des savoirs « pratiques » qui le séduisent, peut-être plus que les savoirs scolaires à proprement dit.

Par ailleurs, ce qu’il apprend au sein du dispositif, il le fait pour lui-même. Il ne se préoccupe pas du regard des enseignants et désire juste progresser, apprendre des choses qui l’intéressent et qui lui semblent susceptibles de lui être utiles un jour ou l’autre. Parfois, David avoue quand même choisir un brevet qui étonnera ses camarades car il aime

« frimer » de temps en temps. Toutefois, si l’on examine ses réponses et l’entretien dans sa totalité, on s’aperçoit que le but dominant est tout de même un but d’apprentissage.

Une implication de qualité

En vue des propos tenus précédemment, nous ne sommes pas surpris d’entendre David affirmer qu’il s’implique plus lorsqu’il travaille avec les arbres de connaissances. Il admet alors s’appliquer davantage et avoir l’impression de mieux travailler.

Nous constatons d’ailleurs la qualité de son implication lorsqu’il nous explique comment il procède pour créer un brevet. L’élève, après avoir choisi son sujet, fait lui-même la démarche pour trouver les renseignements nécessaires et détermine ce qu’il veut que ses camarades apprennent à travers son brevet. Il avoue qu’il s’avère parfois difficile de faire un choix, de déterminer ce qui est réellement important, parmi la multitude d’informations qu’il a à disposition. Pourtant, il ne se décourage pas et persévère. Finalement, il tente de déterminer lui-même si son brevet est prêt. Il essaie alors de se mettre à la place de ses camarades pour évaluer la pertinence de son brevet afin de voir s’il n’est ni trop facile ni trop difficile.

Tous ces propos démontrent son engagement cognitif dans la tâche. L’élève arrive sans peine à nous faire part de son fonctionnement et des processus qu’il utilise pour créer son brevet. Ainsi, il est conscient des stratégies qu’il utilise, conscient que ces stratégies lui permettent d’effectuer l’activité en question et on peut donc supposer que l’élève mobilise des connaissances métacognitives. Selon Viau (2007, 2009), il s’agit alors de signes d’implication.

Nous l’avons dit précédemment, cet élève, en difficulté, ne s’implique pas toujours dans ses apprentissages. Ainsi, le dispositif a des effets très positifs sur lui. On peut supposer que cela tient principalement à cette hausse du sentiment de compétence, que l’élève se sent alors égal à ses camarades, qu’il est responsabilisé, qu’il a ainsi envie de démontrer qu’on a raison de lui accorder notre confiance et qu’il trouve davantage de sens dans les activités qu’il effectue. De plus, se livrant à une petite compétition, l’élève a envie de montrer de quoi il est capable ce qui favorise grandement sa motivation.

Une chose peut toutefois surprendre. Lorsqu’on lui demande si, selon lui, ce type de travail est utile pour l’école, il répond : « Hum… Pour l’école non pas trop. Pour autre chose mais pas tout pour l’école ». Il semble donc que l’élève n’a pas conscience que ce qu’on lui propose, bien que ce ne soit pas directement lié à l’école, peut être toutefois utile dans ce contexte. A titre d’exemple, grâce aux arbres de connaissances, les élèves peuvent apprendre à s’organiser, apprendre à être autonomes ou encore développer des processus métacognitifs. Néanmoins, la réponse de l’élève n’est pas étonnante puisque l’on sait que ces savoirs ne sont pas réellement valorisés, ou du moins pas explicitement, par le système scolaire. Toutefois, David perçoit dans les brevets une utilité pour sa vie future et c’est ce qui, sans doute, favorise également son implication dans la tâche.