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2. CADRE THEORIQUE

2.1 La motivation

2.1.1 Les déterminants de la motivation

Sur la base du modèle et de la définition de Viau (2009), nous avons relevé quatre déterminants majeurs de la motivation : le contexte d’apprentissage, la perception de compétence, la perception de l’activité ainsi que la perception de contrôlabilité. Bien que le contexte ne soit pas un facteur relatif à l’élève, nous le considérons néanmoins comme un déterminant dans la mesure où il exerce une influence importante sur les perceptions de l’élève.

La perception de compétence

Tout d’abord, il convient de préciser ce qui est défini comme étant l’estime de soi et comme étant la perception de compétence. L’estime de soi renvoie à « l’évaluation globale de la valeur de soi en tant que personne. Il s’agit de l’évaluation qu’un individu fait de sa propre valeur, c'est-à-dire de son degré de satisfaction de lui-même » (Harter, 1998, p.58). Selon Harter (1998), la perception que les élèves ont de leur compétence dans différents domaines, pour lesquels ils accordent de l’importance à la réussite, influe directement sur leur estime de soi.

Bandura (2003) définit la perception de compétence comme étant la « croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (p.12). Plus spécifiquement, cette perception peut être considérée comme un jugement subjectif que l’élève porte sur son aptitude à réaliser un certain domaine d’activité, une activité d’apprentissage en particulier ou, de façon un peu plus générale, toutes tâches effectuées dans un contexte précis (Bouffard & Vezeau, 2006). L’élève peut ainsi avoir une perception négative de sa compétence à l’école mais se sentir très compétent hors de ses murs. Il s’agit d’une perception spécifique qu’il convient de distinguer, bien que ces concepts soient intimement liés, de l’estime de soi, qui désigne la perception générale qu’un individu a de lui-même (L’Ecuyer, 1978). Une personne peut ainsi avoir une très bonne estime de soi bien qu’elle ait une perception négative de sa compétence à accomplir un certain domaine d’activité. Par contre, si l’on se tient aux propos d’Harter (1998), un faible sentiment de compétence, dans un domaine ou une activité pour lesquels la réussite est considérée comme importante pour l’élève, peut influencer négativement l’estime de soi de celui-ci.

Selon Galand (2006), la perception de compétence d’un élève est un des moteurs principaux qui amènera celui-ci à s’engager dans une activité d’apprentissage et, de ce fait, il s’accorde avec Viau (2007, 2009) pour la considérer comme un facteur clé de la dynamique motivationnelle. Plusieurs recherches ont démontré son impact sur la motivation en contexte scolaire. Galand et Vanlede (2004) relèvent qu’un élève ayant une perception positive de sa compétence choisira davantage des activités qui représentent un défi et se fixera des objectifs élevés. Finalement, il fera plus d’efforts et persévérera davantage face aux difficultés. En résumé, un élève ayant une perception positive de sa compétence s’impliquera davantage qu’un élève ayant une perception faible.

La perception de compétence des élèves provient de différentes sources. Bandura (2003) soutient que les performances antérieures de l’élève jouent un rôle prépondérant. En effet, face à une activité d’apprentissage, l’élève se référera à ses échecs et ses réussites passés pour évaluer sa capacité à l’effectuer. Par ailleurs, la comparaison qu’il fera entre ses propres performances et celles des autres élèves influencera également la perception qu’il porte sur sa compétence. A ces sources, viennent s’ajouter également les commentaires de l’enseignant, des parents et des autres élèves et le regard qu’ils portent sur les compétences de l’élève.

Le contexte dans lequel évolue l’élève semble alors jouer un rôle important. Ainsi, bien que l’enseignant ne puisse pas agir directement sur la perception de compétence des élèves, il peut toutefois mettre en place des dispositifs favorisant une perception positive. Des recherches ont démontré que la valorisation des efforts, au lieu des performances, avait une conséquence positive sur la perception que les élèves ont de leur compétence. Les dispositifs induisant des comparaisons sociales entre les élèves auraient, quant à eux, une influence négative (Sarrazin, Tessier & Trouilloud, 2006). Przesmycki (2004) ajoute également qu’une classe dans laquelle les interactions sociales sont favorisées aura un effet positif sur le sentiment de compétence des élèves. En effet, en interagissant, l’élève peut être amené à expliquer une activité à des camarades ce qui contribuera à lui donner confiance en ses propres compétences.

Par ailleurs, selon Viau (2009), pour améliorer le sentiment de compétence des élèves, il est également important de leur enseigner à être compétents. Pour ce faire, l’enseignant doit progressivement amener l’élève à s’approprier des stratégies d’apprentissage qui lui permettront de réussir les activités. En effet, selon l’auteur, « une réussite bien méritée est probablement le meilleur stimulant pour augmenter la perception de compétence des

La perception de contrôlabilité

A l’école, les pratiques d’enseignement varient d’une classe à l’autre. Certains enseignants négocieront avec les élèves et leur laisseront une part importante de liberté dans leur apprentissage. Ces élèves auront alors une perception de contrôlabilité élevée. A l’inverse, dans d’autres classes, les sujets, les activités, le temps à disposition ou encore les modalités de travail sont imposés aux élèves par l’enseignant. Ceux-ci auront alors une perception relativement faible de contrôlabilité.

La perception de contrôlabilité peut être définie comme la croyance des élèves « […] qu’ils ont une autonomie sur au moins certains aspects de leur apprentissage » (Wigfield &

Wentzel, 2007, cité par Viau, 2009, p.44). Ainsi, plus l’enseignant laissera de la liberté aux élèves, plus ceux-ci auront l’impression de contrôler le déroulement d’une activité et plus ils seront motivés et s’engageront dans l’activité (Ryan & Deci, 2000, cité par Viau, 2009).

Selon Viau (2009), cette perception provient du besoin d’autonomie ressenti par les individus, qui renvoie au besoin « de penser que l’on est agent de son propre comportement, que l’on a la capacité de contrôle sur ce que l’on fait, que l’on agit de son plein gré, […], et non sous la pression d’une contrainte, d’une injonction ou d’un contrôle extérieur » (Bourgeois, 2006, p. 237). En ce sens, pour favoriser une perception élevée de contrôlabilité chez ses élèves, l’enseignant devra privilégier des démarches de travail autonome et donc laisser l’élève s’organiser et faire des choix aussi bien concernant le contenu de la tâche que les processus (Przesmycki, 2004).

Toutefois, le degré de liberté souhaité n’est pas identique d’un élève à l’autre. Certains, principalement ceux ayant une perception négative de leur compétence, peuvent même ressentir une forte inquiétude si la liberté laissée est trop grande, ce qui devient alors un frein à leur motivation (Katz & Assor, 2007, cité par Viau, 2009). Par ailleurs, les démarches autonomes induisent une autoévaluation et une autorégulation de la part des élèves. Or, selon Allal (1999), certains d’entre eux, principalement ceux rencontrant des difficultés, auront de la peine à mobiliser de tels processus. Leur sentiment de compétence risque alors de diminuer.

La perception de l’activité

La valeur qu’un élève perçoit dans une activité joue un rôle de premier plan dans la motivation en contexte scolaire. L’acte d’apprendre étant un processus extrêmement

s’engager et s’investir véritablement s’il ne perçoit pas une quelconque valeur dans ce qu’il fait.

Selon Viau (2009), la valeur d’une activité renvoie aussi bien à l’intérêt qu’à l’utilité qu’elle revêt aux yeux de l’élève. Cette valeur n’est pas statique, elle peut se modifier et évoluer au fil du temps. Perrenoud (1995a), en abordant la valeur d’une activité sous le terme de sens des apprentissages, énonce trois thèses : « 1. Le sens se construit ; il n’est pas donné d’avance. 2. Il se construit à partir d’une culture, d’un ensemble de valeurs et de représentations. 3. Il se construit en situation, dans une interaction et une relation. » (p.162).

Le sens perçu dans une activité n’est ainsi pas le même d’un élève à l’autre. En effet, si l’on se tient aux propos de Perrenoud (1995a), le sens se construit d’une façon différente selon la culture de l’élève. Ce dernier, pour donner du sens aux situations scolaires, puise dans un héritage, un habitus, un capital culturel, une culture familiale qui peuvent se révéler très différents d’un élève à l’autre (p.165). En ce sens, aucun élève ne percevra de l’utilité et ne montrera de l’intérêt pour la même tâche ou pour le même sujet (Charlot, 1997). Toutefois, comme le souligne Perrenoud (1995a), le sens n’est pas donné une fois pour toute, il peut être modifié en fonction des situations d’apprentissage et l’enseignant peut donc le manipuler. Pour ce faire, il doit accepter l’existence de différences entre les élèves et diversifier les tâches proposées de façon à ce qu’elles s’accordent avec les intérêts de chacun. Selon l’auteur, la construction du sens est également davantage favorisée dans une classe au sein de laquelle l’enseignant accepte de négocier et donne aux élèves une part d’autonomie importante.

Viau (2009) ajoute que les élèves percevront davantage de sens dans les activités qui représentent un défi. En effet, pour avoir du sens, « une activité ne doit pas seulement offrir aux élèves l’opportunité d’être actifs, elle doit les amener à penser » (Brophy, 2004, cité par Viau, 2009, p.140). Les buts et les objectifs de la tâche doivent aussi, selon Viau (2009), être clairement définis. De cette façon, l’élève sait ce qu’il doit effectuer et pourquoi il est judicieux de le faire. Par ailleurs, la réussite d’une tâche de défi améliorera considérablement la perception que les élèves ont de leur compétence.

Les buts d’accomplissement

Comme le souligne Viau (2007, 2009), les buts visés par l’élève jouent un rôle important dans sa motivation. En effet, lorsqu’un élève s’implique dans une activité, il le fait rarement sans rechercher quelque chose en retour. Il vise un but. En ce sens, Montserrat (2004)

considère que le but « dirige l’action, entraine la persistance de l’effort et motive l’individu à développer des stratégies pour la réalisation de l’objectif » (p.53).

La notion de but entretient un lien étroit avec celle de perception de l’activité. En effet, lorsqu’un élève se retrouve devant une activité il évaluera si elle lui permet d’atteindre les buts qu’il s’est fixés et déterminera ainsi en partie sa valeur (Viau, 2009). Toutefois, la perception que l’élève a de l’activité peut également le pousser à adopter un certain but.

Malgré l’existence de ce lien, nous avons décidé d’aborder ces deux concepts séparément, par souci de clarté.

Dans leurs recherches, Dweck (1986, cité par Viau, 2009) ainsi que Nicholls (1984, cité par Fenouillet, 2003) ont été amenés à distinguer deux catégories de buts : les buts d’apprentissage, appelés aussi implication pour l’activité, et les buts de performance, également appelés implication par l’ego. Les buts de performance sont adoptés lorsque l’individu cherche avant tout à démontrer ses compétences. L’élève qui effectue une activité dans le but d’impressionner, de rechercher une reconnaissance de ses camarades ou de plaire à son enseignant poursuit ainsi un but de performance. Au contraire, un élève qui s’implique dans une activité pour elle-même, parce qu’elle l’intéresse et qu’il désire ainsi acquérir des connaissances et des compétences sur le sujet poursuit un but d’apprentissage.

Les chercheurs ont montré les répercussions que l’adoption d’un but pouvait avoir sur l’implication. Selon Nicholls (1984), l’élève qui poursuit un but de performance aura tendance à faire moins d’efforts que celui qui a adopté un but d’apprentissage. Pour le premier but, l’effort est perçu comme un signe de médiocrité alors que, pour le second, il sera considéré comme un moyen d’apprendre et l’effort sera donc valorisé. Dweck (1986) conclut alors que les élèves poursuivant des buts d’apprentissage travaillent en profondeur, persévèrent plus et font des efforts plus importants. Au contraire, les élèves qui visent des buts de performance travaillent davantage en surface en utilisant des stratégies peu efficaces qui leur permettent néanmoins de réaliser rapidement la tâche demandée.

Les buts poursuivis par l’élève varient avec le temps et en fonction de la situation dans laquelle il se trouve (Pintrich 1990, cité par Viau, 2007). Par ailleurs, Bouffard, Boisvert, Vezeau et Larouche (1995, cité par Viau 2009) démontrent que l’élève peut à la fois viser des buts d’apprentissage et des buts de performance. Ces derniers n’auront alors pas d’effets négatifs sur les apprentissages de l’élève, du moment qu’ils sont accompagnés de

Il est intéressant de voir que le contexte de classe a une influence importante sur l’adoption des buts par les élèves. Selon Nicholls (1984, 1989, cité par Sarrazin et al., 2006), les élèves poursuivent davantage des buts de performance lorsque le climat de classe est axé sur la compétition et donc lorsque les élèves sont incités à se comparer entre eux. Les buts d’apprentissage, quant à eux, prévalent dans une classe qui privilégie la coopération.

Le contexte

Nous avons vu que la motivation d’un élève en contexte scolaire était principalement déterminée par les buts qu’il se fixe ainsi que par sa perception de l’activité, de sa compétence et de sa contrôlabilité. Nous avons déjà eu l’occasion de montrer brièvement l’influence que le contexte avait sur ceux-ci ainsi que sur la dynamique motivationnelle de l’élève. Au risque de nous répéter, nous tenons à revenir sur certains éléments constitutifs du contexte qui ont une forte influence sur la motivation d’un élève. Ceux-ci sont en effet très importants car c’est par leur entremise que l’enseignant pourra principalement agir sur la dynamique motivationnelle d’un élève.

Sarrazin et al. (2006) définissent le contexte comme « l’environnement d’apprentissage mis en place par l’enseignant » (p.149). Selon eux, cet environnement est susceptible de provoquer certains états motivationnels chez l’élève en fonction de la perception qu’il en a.

Ainsi, selon André (1998), pour motiver ses élèves, l’enseignant doit avant tout créer des conditions de travail favorisant leur engagement dans les activités proposées.

En examinant la perception de contrôlabilité, nous avons vu que les contextes de classe favorisant l’autonomie des élèves ont une influence positive sur la motivation. Zimmermann-Asta (2000) définit en partie l’autonomie comme la liberté donnée à l’élève de s’organiser, de chercher ou encore de prendre des initiatives. Cette auteure ainsi que Viau (2009) soutiennent que cette liberté permet également aux élèves de trouver davantage de sens dans les apprentissages et d’améliorer la perception qu’ils ont de leur compétence. En effet, dans certains cas, les élèves peuvent choisir les activités pour lesquelles ils démontrent de l’intérêt et avancer à leur propre rythme. Ils sont ainsi responsabilisés face à la tâche et se sentent alors capables de prendre en charge leur travail. Toutefois, nous l’avons également vu, cette autonomie ne convient pas à tous et provoquera chez certains plus d’inquiétude que de motivation. L’enseignant doit en tenir compte et épauler ainsi davantage ceux qui en ont besoin (Viau, 2009).

Selon Viau (2009), la coopération au sein d’une classe influe également de façon positive sur la motivation des élèves. Par coopération, nous entendons « toutes les situations où enfants et adultes réunis […], mettent à disposition de tous les richesses individuelles, échangent leurs connaissances et développent en même temps des attitudes métacognitives » (Connac, 2009, p.53). Les différences interindividuelles sont alors perçues comme des atouts et l’élève est valorisé. Un climat de classe axé sur la coopération permet ainsi plus facilement à l’élève de se sentir accepté et respecté par le groupe. Or, dans leur théorie de l’autodétermination, Deci et Ryan (1987, cité par Viau, 2009) considèrent ce sentiment d’appartenance comme un besoin fondamental qui joue un rôle important dans la motivation. Selon Viau (2009), pour favoriser encore davantage la motivation des élèves, la classe doit devenir une communauté d’apprenants et, plus précisément, un ensemble de personnes qui interagissent et se soutiennent dans l’apprentissage (p.162).

Toutefois, les enseignants, sans même le savoir, instaurent souvent un climat de compétition au sein de leur classe. Darnon et Butera (2006) démontrent qu’un tel climat a un impact négatif sur certains élèves. En effet, bien qu’il puisse susciter la motivation des élèves les

« plus forts », il diminue a contrario celle des autres, principalement ceux qui rencontrent des difficultés. En recensant différentes recherches, Sarrazin et al. (2006) relèvent également que dans les classes axées sur la compétition, les élèves ont une plus grande tendance à adopter des buts de performance et à comparer leur compétence à celle des autres ce qui influence bien souvent de façon négative leur sentiment de compétence et leur apprentissage.

En somme, un contexte dans lequel les élèves ont la possibilité d’être autonomes, dans lequel le climat de classe est axé sur la coopération, plutôt que sur la compétition, et qui favorise ainsi le respect, le sentiment d’appartenance et la valorisation de chaque élève, a une influence positive sur la dynamique motivationnelle. En ce sens, le dispositif des arbres de connaissances, sur lequel nous reviendrons plus tard, semble être un système très intéressant.