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Autre trait caractéristique, le syndicalisme dans le nettoyage est un syndicalisme de chantier. D’où ce leitmotiv chez les syndicalistes rencontrés : on ne fait pas du syndicalisme dans le nettoyage comme chez Renault en se postant à l’entrée de l’usine pour distribuer des tracts. Car il n’y a aucun endroit où se retrouvent les salariés et aucun moyen de communication mise en place par les entreprises pour les atteindre tous. L’impact sur l’activité syndicale des délégués est donc à la mesure de la dissémination des sites.

« Il y a plein de petites boites dans le secteur mais il est largement dominé par les grosses. Il ne faut pas croire que cela nous avantage car la réalité du secteur, ce n’est pas l’entreprise mais le chantier. Le problème du secteur est vraiment celui-là, c’est que les entreprises reposent sur des chantiers. Du coup, le quotidien d’un délégué, car il n’y a pas tant de permanents que cela, c’est de faire le tour des chantiers. Il doit aller voir les salariés très tôt le matin et très tard le soir. Pour peu qu’il travaille en journée, vous imaginez son emploi du temps. C’est pour cela que dans notre profession, l’activité syndicale est vraiment difficile. Ce n’est pas comme si on travaillait au sein d’un même site où sont regroupés les salariés. » (Secrétaire général de la Fédération de

l’Equipement, de l’Environnement, du Transport et des Services Force Ouvrière).

Sites sur lesquels ils ne sont pas forcément les bienvenus, d’autant moins qu’ils ne sont pas forcément identifiés par les entreprises donneuses d’ordre comme faisant partie de l’entreprise prestataire, et cela même si une disposition conventionnelle est censée leur permettre d’exercer librement leur activité. 119

« C’est vraiment difficile pour les délégués syndicaux d’aller sur les chantiers. Les directions interdisent d’une

manière ou d’une autre l’entrée des sites, notamment en demandant aux entreprises donneuses d’ordre de ne pas autoriser l’entrée sur les sites, y compris sur les chantiers où les donneurs d’ordre sont les pouvoirs publics. Le DS a la liste des chantiers mais pas forcément les horaires des salariés. Sur les chantiers où il ne peut pas aller, on est obligé de faire intervenir l’inspection du travail pour délit d’entrave mais c’est souvent classé sans suite »

(Syndicaliste au syndicat du nettoyage CFDT Ile de France).

Dans ce secteur, du fait de son éclatement et de l’absence de négociations d’entreprise, les délégués centraux mènent une tâche essentielle : faire redescendre au niveau des chantiers l’ensemble des informations relatives à la branche et à l’activité conventionnelle. Cependant, il paraît tout aussi important pour les organisations syndicales de disposer de délégués de site, seule possibilité pour elles d’atteindre les salariés.

« Nous sommes sur une logique de développement de délégations de proximité. Sur tous les gros chantiers, 25

salariés et plus, il faut que l’on obtienne des DP de site. Alors que dans les entreprises, même si la CNT est critique là-dessus, on est souvent sur une logique visant à monter la représentation du personnel de plus en plus haut pour avoir des délégués au plus haut niveau… là, dans le nettoyage, c’est complètement différent »

(Responsable du secteur du nettoyage et des questions juridiques pour ce secteur à la CNT).

L’annexe VII, qui prévoit le transfert des salariés d’une entreprise à l’autre en cas de passation de marché, rend la présence de ces délégués de site d’autant plus indispensable qu’ils sont a priori transférables comme n’importe quels autres salariés 120.

« Lorsque l’entreprise perd le site, si on a des délégués, ils vont être transférés avec leur mandat. On n’a donc

pas de rupture de la représentation du personnel » (Responsable du secteur du nettoyage et des questions

juridiques pour ce secteur à la CNT).

119 « L’employeur doit porter à la connaissance des représentants du personnel (syndicaux ou élus), sous une forme et selon

des modalités à déterminer dans chaque entreprise en accord avec ceux-ci, la liste des différents lieux de travail permanents, ainsi que les horaires auxquels ils peuvent prendre contact avec le personnel. Une attestation, destinée à être produite à l’entrée des lieux de travail sera délivrée aux représentants du personnel (syndicaux ou élus) afin qu’il ne soit pas fait obstacle à l’exercice de leur mission », article 5 de la CCN des entreprises de propreté du 1er juillet 1994.

120 « Lorsqu’un représentant du personnel (élu ou syndical) remplit les conditions exigées à l’accord du 29 mars (annexe VII)

pour le transfert de son contrat de travail, celui-ci doit accepter, comme il est prévu dans cette annexe et en application de celle-ci, son transfert », art. 5 de l’accord de 1994, CCN des entreprises de propreté. « Les représentants du personnel

remplissant les conditions d’une garantie d’emploi stipulées dans l’article 2, dont le mandat dépasse le cadre du marché repris, pourront opter pour un maintien au sein de l’entreprise sortante sous condition : qu’ils en fassent la demande à leur employeur au plus tard trois jours après avoir été informés de la perte du marché ; que leur temps de travail accompli sur le marché repris n’excède pas 40 % de leur temps de travail accompli pour l’entreprise sortante ; qu’ils acceptent, lorsqu’elle existe, la proposition de reclassement faite par l’entreprise sortante dans le respect des clauses essentielles du contrat de travail », souligné par nous, article 5 de l’accord du 29 mars 1990, CCN des entreprises de propreté

La CGT

À la CGT, le secteur de la propreté est pris en charge par la Fédération des Ports et Docks. Cette ouverture s’est effectuée à la faveur d’un processus historique d’extension sectorielle, l’activité de propreté se développant originellement à partir des entreprises de manutention portuaire et ferroviaire, conduisant à l’extension du champ de syndicalisation de la fédération en direction des salariés du nettoyage. Le rattachement des premiers agents de nettoyage date ainsi des années 1970 à partir d’entreprises comme la RATP et de sites comme les aéroports d’Orly et de Roissy, alors qu’ils ne disposaient pas encore de couverture conventionnelle, la première convention collective datant de 1981.

Dans un premier temps, l’activité revendicative propre aux salariés du nettoyage sera conduite par les dirigeants de la fédération, mais sans création de structures internes spécifiques, ces derniers se répartissant le suivi parallèle des différents secteurs d’activité couverts par la fédération (au nombre de neuf aujourd’hui : Dockers et manutention portuaire, Ports autonomes et chambres de commerce maritime et de pêche, Nettoyage-agents de propreté, Manutention ferroviaire, Manutention et nettoyage aéroportuaire, Importation et négoce de charbon, Navigation intérieure, transports de marchandises et de passagers, Marée, conserves et salaisons, Officiers de ports). Leur reconnaissance interne date de 1999 via la création d’une commission technique de branche. Celle-ci se réunit plusieurs fois par an pour élaborer la plate-forme revendicative propre au nettoyage qui est utilisée par la délégation CGT lors des négociations de branche (celle-ci étant composée du secrétaire général de la fédération accompagné de quatre membres de la commission technique et/ou du syndicat des agents de propreté d’Ile de France – toutes les délégations des syndicats représentatifs étant limitées à l’occasion de ces négociations à ce nombre de cinq représentants). Cette même plate-forme revendicative sert également de base de discussions pour l’adoption d’une résolution de branche à chaque congrès fédéral.

Pour le nombre de salariés du nettoyage qui adhère à la CGT, voir dans le corps du texte.

Sur le plan de son organisation, le nettoyage à la CGT est organisé sur l’Ile de France en syndicat régional et, sur les bassins d’emplois où la concentration d’entreprises et des salariés du nettoyage est plus réduite, en collectifs propreté à l’intérieur des UL et des UD. Aucun permanent ne s’occupe de ce secteur d’activité mais des délégués centraux des grands groupes (ONET, Peauneuille, ISS, etc.) dont « l’activité principale est de pallier à l’éparpillement des personnels et à la dispersion des sites qui rendent difficile la tenue de réunions sur le terrain en diffusant une information écrite régulière aux DS dans les entreprises » (Secrétaire général de la Fédération des Ports et Docks).

Les principales revendications de la Fédération Ports et Docks pour le secteur du nettoyage : - Augmentation des salaires avec un minimum de 1 500 € nets par mois

- 13e mois

- Majoration des heures de nuit, dimanches et jours fériés à 100 % - Délai de carence en cas de maladie ramené à 3 jours au lieu de 10 jours - Prise en charge d’une mutuelle à 50 % par le patronat

- Augmentation des taux de la prime d’expérience - Augmentation de la prime de transport

- Renforcement de la continuité des contrats lors d’un changement de prestataire.

Néanmoins, ce jeu incessant de pertes et de reprises de marché complexifie singulièrement l’activité des organisations syndicales − certains syndicalistes allant jusqu’à parler de dysfonctionnement du droit syndical −, celles-ci étant dans l’obligation de se réorganiser en permanence au niveau local (modification ou perte des instances de représentation du personnel sur les sites) et au niveau de l’entreprise (modification ou perte des mandats dans l’entreprise sortante).

« L’application de l’annexe VII peut être défavorable pour les organisations syndicales. Cela peut être une variable pour une entreprise qui veut casser une section syndicale particulièrement efficace et active. Elle peut passer un appel d’offres qui va poser des problèmes au niveau du transfert des délégués Quelqu’un qui a été désigné délégué dans une entreprise X, s’il est transféré dans l’entreprise Y, non seulement n’est plus délégué dans son ancienne entreprise, le lien est donc coupé avec ses salariés, mais on n’a aucune certitude sur le fait qu’il puisse être désigné dans l’entreprise Y où le mandat peut déjà être occupé. C’est une situation à laquelle on est souvent confronté. Ce n’est pas l’annexe VII qui pose problème. Ce sont ses conditions d’application dans un contexte où les rotations de contrats sont beaucoup trop rapides » (Secrétaire général de la fédération des

Ports et Docks CGT).

Cette contrainte s’exerce encore plus fortement sur les syndicats non confédérés. Car, la reprise d’un chantier par une entreprise peut également lui fournir l’occasion de contester leur représentativité : « Pour une organisation

syndicale comme la nôtre, cela veut dire que nous perdons la représentativité car le nouvel entrant nous la conteste systématiquement. Si le nombre de travailleurs sur le chantier repris est faible et que l’entreprise est importante, nous n’avons plus forcément les critères de représentativité nécessaires (peu d’adhérents, pas d’activité syndicale dans la nouvelle entreprise…) » 121.

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