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Nos questions sur les relations instaurées via la convention collective entre les salariats des grandes entreprises donneuses d’ordre et de leurs petits sous-traitants reçoivent, dans les permanences syndicales régionales de la métallurgie, des réponses plus convergentes que nous ne l’avions sans doute anticipé. Aux yeux des syndicalistes, la convention collective se justifie essentiellement par ses effets protecteurs pour les salariés dans les petites entreprises – sans être porteuse d’une dynamique de sécurisation susceptible de réduire l’écart entre les régimes sociaux des entreprises dominantes et dominées. Nos interlocuteurs n’excluent pas la relation inverse : dans un contexte d’exacerbation de la demande de flexibilité, la sécurisation des stables risque d’avoir pour corollaire l’insécurité grandissante des moins stables, sans que la convention collective n’y puisse grand- chose.

Syndicalement, les zones de flexibilité peu sécurisées semblent de moins en moins accessibles, et cette coupure se vérifie y compris dans des situations où les deux catégories de salariés – CDI d’Airbus non licenciables versus sous-traitants in situ, CDD, intérimaires – sont amenées à travailler côte à côte : la proximité géographique n’aboutit pas à une proximité sociale. Les syndicalistes analysent avec une lucidité teintée de pessimisme le rétrécissement des forces militantes et leur propre méconnaissance des populations qu’ils représentent dans la négociation de branche. Retrait (défensif) sur le terrain de la présence institutionnelle ou affirmation positive de représentativité : les syndicalistes ne perdent pas espoir que cet affaiblissement aux contours menaçants se trouve contrebalancé par un statut institutionnel indemne. Dans les entretiens, nos interlocuteurs glissent facilement du constat d’impuissance (à agir sur la précarisation et la dualisation des situations salariales, à mobiliser les bastions syndicaux sur la question des flexibilités, à atteindre les salariats fragilisés …) à l’esquisse de projets de long terme qu’ils entendent mener à bien dans les structures centrales adéquates, mettant dans la balance leur statut d’acteur et leur savoir-faire : développement du dialogue social dans le cadre du pôle de compétitivité,

mise en œuvre de dispositifs de prévoyance collective, sécurité sociale professionnelle, mise en place de structures de reclassement etc.

II.2-R

ENCONTRE AVEC UNE ORGANISATION PATRONALE

Le statut incertain de la convention collective de la métallurgie Midi-Pyrénées suscitera-t-il la distanciation des employeurs à son égard ?

Nous avons pu bénéficier d’une rencontre prolongée avec le président de l’Union régionale UIMM et avec sa secrétaire générale. L’un et l’autre sont des connaisseurs très pointus du terrain industriel de la région Midi- Pyrénées et de la convention collective.

Ils sont des défenseurs fervents de cette dernière. Ils dénient tout effet de perte de pertinence de cet outil au prétexte d’un accroissement de la disparité des situations entre les entreprises grandes et petites. Ils reconnaissent néanmoins les écarts de situations entre les unes et les autres tant du point de vue économique que du point de vue social.

En fait, la convention collective ne semble pas être un objectif en elle-même. On pourrait, à ce stade de l’analyse, plutôt évoquer son effet de disciplinarisation sur l’ensemble du tissu industriel. Cela se perçoit à travers l’insistance que nos interlocuteurs mettent sur des éléments spécifiques de la convention collective et de leurs liens avec d’autres interventions.

La formation professionnelle est au centre de la stratégie. Elle se comprend comme un fil rouge essentiel dans le chaînage des différentes structures qui entrent dans le système productif. Le terme de supply chain est le mot-clé. Il faut que les entreprises les plus éloignées du pôle directeur constitué par les quelques entreprises donneuses d’ordre soient intégrées dans la rigueur des contraintes productives que ces dernières génèrent. Les systèmes de validation, de certification, etc. sont les moyens de contrôle essentiels. Ils passent par des moyens techniques, mais aussi sociaux. Comment s’assurer de la flexibilité de la capacité productive de la supply chain, sans s’assurer que le dernier des fournisseurs dispose d’une main-d’œuvre compétente et suffisamment abondante ? La liaison intime entre une politique de formation professionnelle qualifiante et certifiée dans l’espace régional et la reconnaissance des classifications à travers la convention collective se transforme alors en un moyen efficace, et socialement validé, de régulation des normes productives, qui s’impose au moindre employeur qui veut s’introduire et se maintenir dans la supply chain.

La flexibilité est conçue comme un principe de cette dernière, sans que ses conséquences sociales soient totalement ignorées. Un minimum salarial est indispensable, même si sa détermination conventionnelle n’est pas un impératif. Il permet de fixer les salariés sur leur lieu de travail et d’éviter qu’en période de pointe productive

le marché de la main-d’œuvre ne se soit trop appauvri169. Il permet aussi de maintenir la distance entre les

situations sociales des différentes entités productives, au profit de la rentabilité d’ensemble de la supply chain. Le souci de maintenir cette coexistence va jusque dans le refus d’embaucher au sein des entreprises du cœur productif des salariés venant d’entreprises de sa périphérie. Il ne faut pas assécher ces dernières, et il y a un risque de cette nature lorsque le cycle se regonfle. On va plutôt chercher des salariés loin de la région pour compléter les équipes des entreprises centrales tout en maintenant les entreprises périphériques régionales en état de fonctionnement dans ces phases stratégiques.

Dans cette stratégie très affinée, les organisations de salariés jouent le rôle de partenaires. Mais sont-elles encore des forces de négociation ? Aux yeux des représentants patronaux, elles apportent des garanties dans la qualité de l’information sociale disponible, et elles apportent une valeur ajoutée aux choix effectués par la validation qu’elles en font. La faible couverture du territoire par les syndicats, la concentration de leur présence dans quelques sites industriels sont connues et ouvertement évoquées, en même temps qu’est valorisée leur expertise sur certains points.

II.3-R

EGARDS D

EXPERTS

Les rencontres avec les administrations et avec les experts permettent de « cadrer » les interviews menées avec les acteurs directs de la convention collective.

Les administrations confirment l’emprise sur le marché du travail régional de la spécialisation industrielle et de ses enjeux sociaux de flexibilité. Elles confirment aussi que la question de la précarisation sur le marché du travail est devenue un enjeu social lourd. Des actions spécifiques dans cette direction sont menées. Elles soulignent aussi que les organisations syndicales ne jouent en la matière qu’un rôle très secondaire. Collectivités locales, administrations spécialisées et associations dédiées sont les interlocuteurs les plus actifs en la matière. Les experts, principalement ceux spécialisés dans la vie des entreprises, confirment l’isolement social des entités industrielles les unes par rapport aux autres. Les équipes syndicales, peu nombreuses, n’entretiennent guère de contacts entre elles et guère de contacts avec les structures syndicales hors entreprise. Les régimes salariaux et sociaux sont essentiellement dépendants de règles internes à ces entreprises 170. Les flexibilités internalisées dans

les entreprises ne jouent qu’un rôle très secondaire dans la détermination des politiques syndicales, centrées sur les salariés à statut. Les enjeux de pouvoir au sein des structures syndicales n’ont pourtant pas perdu de leur acuité, mais sans que cela ait de réelles répercussions sur la vie locale des équipes syndicales.

Du côté de l’inspection du travail, on note le déplacement du statut des conventions collectives. Elles n’ont plus pour fonction de tirer « le bas vers le haut » mais de gérer des écarts grandissants. Elles concernent en effet, peu les entreprises syndiquées, où elles encadrent tout au plus des éléments complémentaires de statut et de protection sociale.

III - La flexibilité vécue en entreprise : un département marqué par la sous-

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