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La Confédération Nationale du Travail (CNT)

La CNT est de plus en plus présente au sein du nettoyage au point que son syndicat intervenant dans ce secteur est le plus important de la confédération (la CNT revendique 5 000 adhérents au niveau national en 2006). Depuis 2003, ses effectifs auraient augmenté de façon conséquence pour atteindre un demi millier d’adhérents environ sur la seule région parisienne, cette croissance le conduisant à se doter d’un local spécifique dans le dix-huitième arrondissement de Paris pour organiser l’action dans le secteur. Il couvre des salariés relevant de la convention collective de la manutention-ferroviaire et de la propreté et dispose de sections syndicales dans plus d’une vingtaine d’entreprises (Penauille, ONET, Francenet, ISS, Sin et Stes, GOM, Challancin, etc.)

Le syndicat se réunit en assemblée générale tous les trimestres et dispose d’un bureau de onze membres (dont quatre femmes). La structuration adoptée par la CNT est territoriale, avec une base régionale. Elle est essentiellement implantée en

157 Y compris la maladie compte tenu du délai de carence de 10 jours avant le démarrage de toute indemnisation (article 9.07

de la CCN des agents de propreté du 1er juillet 1994).

158 L’hypothèse selon laquelle la faiblesse du salaire horaire constitue un obstacle à la grève semble être attestée par les

résultats de l’enquête REPONSE 2002-2004 qui montrent l’existence d’une relation inverse entre la faiblesse du salaire horaire (moins de 8 €) et le nombre de conflits avec arrêts de travail (Béroud, Denis, Desage, Giraud, Pelisse, 2007).

région parisienne et en Rhône-Alpes et commence à se développer en Poitou-Charentes. Si elle dit vouloir à terme créer une fédération qui prendrait en charge le secteur du nettoyage, elle cherche pour le moment à relier ses sections syndicales et ses « interco » à l’intérieur d’une coordination nationale. Son activité dans le nettoyage la conduit à adopter deux positions paradoxales. Tout d’abord, alors que la CNT-AIT se positionne officiellement contre les élections professionnelles, elle y participe au niveau du nettoyage 159.

« Nous avons un slogan à la CN pour refuser les élections professionnelles, qui est notre position au niveau confédéral :

« puisque personne ne travaille à ta place, que personne ne décide à ta place ». Nous avons une dérogation sur le secteur du nettoyage en raison de sa spécificité. » (Responsable du secteur du nettoyage et des questions juridiques pour ce secteur à la

CNT

Ensuite, alors que ce rejet des élections professionnelles la conduit logiquement à s’opposer aux élections prud’homales, elle développe une très forte activité contentieuse, faisant même de l’action juridique « l’un des moyens de développement du syndicat » (doc. Interne).

Les principales revendications de la CNT dans le nettoyage : - Augmentation salariale

- L’obtention du 13e mois pour tous les salariés du secteur

- Une convention collective unique et revalorisée - Une diminution des cadences du travail - Le droit à la formation

- Une prime de panier

Malgré tout, et paradoxalement, la grève est la forme d’action collective la plus répandue, voire quasi unique dans le nettoyage. En dépit de son coût pour ceux qui s’y livrent, elle reste l’un des seuls moyens à leur disposition pour faire entendre leurs droits. C’est ainsi que la grève dans ce secteur, même si elle est à chaque fois porteuse de revendications précises, ne peut être réduite à sa seule dimension instrumentale et doit être considérée aussi comme l’expression d’une révolte, « le « ras le bol » de la condition ouvrière » (Dubois, Durand, 1975). Par sa forme ultime, elle est le vecteur privilégié des « conflits de dignité » si nombreux dans la branche.

Deux autres formes d’action collective, plus rares, sont également évoquées par les syndicalistes. La « grève passive », sorte de grève du zèle visant à protester contre la réduction du personnel et l’intensification du travail sur les chantiers.

« On a un autre moyen d’action : la grève passive. Lorsque dans un chantier, on enlève des salariés mais où la grève est difficile ou pour ne pas dire impossible, les salariés font leur travail mais pas celui des salariés que l’on a retiré du chantier. Le travail n’est pas fait dans sa totalité et le donneur d’ordre peut écrire au prestataire pour que celui-ci respecte le cahier des charges. Il n’y a rien de plus hypocrite qu’un donneur d’ordre qui peut se montrer complice avec un prestataire mais qui n’hésitera pas à se retourner contre lui si le travail n’est pas fait » (Syndicaliste SUD-Nettoyage).

La pétition, qui circule de chantier en chantier, en faveur de la réduction de la précarité dans le secteur ou pour défendre le principe du 13e mois pour tous. En revanche, la manifestation semble difficile à organiser, hormis sur

la scène de la grève

« On a essayé pendant des années d’organiser des manifestations, on y est jamais arrivé. On a jamais réussi à

mobiliser plus de 150 personnes. Et puis, la manif de rue… le fait de ne pas aller travailler pour faire une manif… Pour eux, quand on ne travaille pas, c’est uniquement pour la grève et pour se mobiliser contre quelque chose d’inacceptable, ce n’est pas pour aller manifester » (Syndicaliste SUD-Rail).

Lieu de travail, le chantier est également le lieu du conflit. Très rares sont ceux qui vont au-delà de ce cadre pour concerner l’entreprise et encore moins le secteur. La journée organisée par la CFDT et la CGT en faveur du

159 Créée en 1946, la CNT française s’est scindée en 1993 en deux tendances : la CNT-AIT, section française de

l’Association Internationale des Travailleurs et la CNT-F (française) dite également CNT-Vignoles (nom de la rue où est installée son siège). Au centre de cette scission : une conception différente de l’anarcho-syndicalisme et du choix organisationnel à adopter. Cette opposition se cristallisera autour de la question des élections professionnelles : la CNT-AIT défendant une ligne « dure » basée sur le refus de toute participation à ces élections (du fait de l’impossibilité de révocation des délégués élus) et choisissant une construction strictement territoriale sur le mode intercorporatif, la CNT-Vignoles pour sa part acceptant la participation ponctuelle aux élections pour protéger ses sections syndicales et couplant le développement de syndicats de branche d'industrie et des sections syndicales d'entreprises avec l'action interprofessionnelle au sein d’unions territoriales.

13e mois en octobre 2004 mise à part (et dont le succès a été mitigé), aucune journée nationale d’action n’a

jamais été organisée au niveau de la branche.

« Au niveau de la branche, c’est clair. Les rapports de force s’exercent chantier par chantier. En l’état actuel, il

n’y a pas de généralisation au-delà. Nos camarades sont intéressés par les accords conventionnels car les accords d’entreprise sont marginaux mais pour autant, il n’y a pas encore eu de mobilisation sectorielle »

(Secrétaire général de la Fédération de l’Equipement, de l’Environnement, du Transport et des Services Force ouvrière).

Deux raisons essentielles expliquent cette concentration de la conflictualité au niveau des chantiers. Tout d’abord, le repli professionnel des salariés du nettoyage est tel qu’il se traduit par une absence de solidarité d’un site à l’autre. Autant cette solidarité peut être forte à l’intérieur d’un chantier, celui-ci constituant une sorte d’entité intégrée et fusionnelle, autant celle-ci paraît quasi inexistante entre eux.

« J’ai des vu des gens travailler pour la même entreprise sur des chantiers distants de 500 mètres et qui ne se

connaissaient pas. Dans le nettoyage, c’est le chantier qui part en grève » (Responsable du secteur du nettoyage et des

questions juridiques pour ce secteur à la CNT). « On a fait une action pour le 13e

mois devant la chambre patronale mais il n’y avait pas beaucoup de monde. Il n’y a pas de culture syndicale dans notre profession. On n’est pas à la SNCF ou à la RATP. On voit rarement un conflit déborder un chantier. La solidarité d’un chantier à l’autre est excessivement rare. D’autant plus que vous avez un nombre important de salariés qui sont isolés et qui sont seuls dans une agence bancaire ou à deux ou trois. Demander à ces gens là de se mettre en grève, c’est du suicide. » (Syndicaliste au syndicat du nettoyage

CFDT Ile de France).

Ensuite, l’absence de toute coopération intersyndicale, au niveau de la branche au moins, ne favorise pas la construction de convergences communes, malgré des revendications pas si éloignées (cf. Les revendications principales exposées dans les encadrés consacrés à chaque organisation). Lorsque l’on sait que la solidarité professionnelle et interprofessionnelle n’est ni spontanée ni naturelle dans le monde du travail, et qu’elle nécessite d’être construite par un travail d’homogénéisation du groupe, l’état des divisions existantes entre les organisations intervenant dans le secteur aide à comprendre pourquoi la solidarité n’y est pas davantage développée.

« Il n’y a pas vraiment de coopération intersyndicale, en dehors des réunions de branche où les choses se

passent plutôt correctement. Au niveau de la fédération, il n’y a pas traditionnellement de recherche de contacts avec les autres organisations » (Secrétaire général de la fédération des Ports et Docks CGT).

« Il n’y a pas de coopération intersyndicale. On a du mal à travailler en intersyndicale même si en paritaire,

cela se passe bien. Je pense que dans les boîtes, les militants arrivent à mieux s’entendre qu’au niveau de la branche » (Secrétaire générale de la Fédération des services CFDT).

« Faire du travail avec la CFDT et la CGT, ce n’est pas simple. La Fédération des Services de la CFDT est plus connue pour son positionnement d’accompagnement que pour ses convictions combatives. La CGT [long silence

et mimique dubitative]… ce sont les dockers. Et les dockers CGT et les Dockers FO, ce n’est pas simple. Depuis

1947, c’est un peu difficile. J’aurais encore du mal à me promener sur les quais de Marseille. Sans compter les comportements de ceux qui s’occupent du nettoyage à la CGT » (Secrétaire général de la Fédération de

l’Equipement, de l’Environnement, du Transport et des Services Force ouvrière).

« Il n’y a aucun contact avec la CGT et la CFDT. Il n’y en a jamais eu. On n’a jamais rien pu faire avec eux. De toute façon, ils ne nous reconnaissent pas et ils sont achetés. Dans le secteur du nettoyage, les repas des anciens des Ports et Docks, ce sont les entreprises qui payent. À la CFDT, elles payent les journaux fédéraux pour y mettre de la pub… » (Syndicaliste SUD-Rail).

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