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2.1 Revendications courantes et mot d’ordre syndicau

SUD-Nettoyage

II. 2.1 Revendications courantes et mot d’ordre syndicau

Il n’est pas question ici de dresser la liste exhaustive des revendications exprimées par les salariés du nettoyage ni de les hiérarchiser par ordre d’importance ou de fréquence. L’objectif est plutôt de percevoir, à travers les demandes collectives formulées par ces derniers, parfois de manière récurrente, les problèmes majeurs qu’ils rencontrent dans leur activité de travail.

La question du salaire a toujours joué un rôle d’équivalent universel et a toujours constitué l’une des revendications principales des salariés tous secteurs confondus, on ne s’étonnera pas que dans le nettoyage, où les salariés occupent massivement les deux premiers niveaux de la grille des salaires et surtout, où la durée mensuelle du travail effectuée permet rarement d’atteindre un temps complet, elle soit également à la première place. Plus de 60 % de salariés du nettoyage à temps partiel (cf. supra), compte tenu du taux de salaire horaire, c’est au moins autant en dessous du SMIC en situation de « pauvreté laborieuse » (Maruani, 2003). Pour certain(e)s de ces salarié(e)s, l’insécurité salariale est encore plus forte avec des montants de rémunération qui ne sont pas stabilisés d’un mois à l’autre, comme ont pu le révéler les conflits de ces dernières années dans l’hôtellerie.

« Dans l’hôtellerie, la difficulté du travail vient davantage du rythme et des cadences et de l’incertitude qui pèsent sur les femmes de ménage de ce qu’elles vont toucher à la fin du mois. Car elles travaillent à la chambre. C’est inadmissible et illégal. Elles ont des contrats de travail, elles sont mensualisées. Elles peuvent faire 5 chambres comme 50. Mais si on leur dit de faire 4 chambres à l’heure et qu’elles ne les font pas, elles ne sont pas payées. L’entreprise ne dit pas que c’est parce qu’elles n’ont pas fait leurs 5 chambres. On leur décompte cela en absence. 151 heures = 1000 € - 200 € d’absence. Les chambres en moins sont transformées en nombre d’absence pour rester dans la légalité ». (Syndicaliste au syndicat du nettoyage CFDT Ile de France).

Toutes les organisations syndicales ont ainsi placé la demande de revalorisation salariale au faîte de leurs plates formes revendicatives, avec pour certaines d’entre elles (CGT, SUD…), la revendication d’un salaire minimal à

1 500 €, bien au-dessus du SMIC (1 254,28 € au 1er juillet 2006). Mais cette demande se heurte à la pression sur

les salaires générée par la concurrence très vive entre les entreprises du nettoyage. D’où le combat tout aussi important qu’elles mènent, au niveau de la branche comme dans les entreprises et les chantiers, pour l’augmentation des primes (de transport, de panier, de fin d’année, de congés payés, etc.), la réévaluation des coefficients classificatoires et le changement de qualification des salariés sur les sites. D’où l’importance

également d’une revendication comme le 13e mois, « car cela représente du pouvoir d’achat pour eux »

(Syndicaliste au syndicat du nettoyage CFDT Ile de France). Le caractère vital de ces revendications salariales a pour effet pervers de faire passer les autres revendications à l’arrière-plan, les salariés préférant y compris les taire pour obtenir de meilleures rémunérations.

« La demande la plus criante dans le nettoyage, ce sont les salaires, comme ils sont bas et qu’il y a du temps

partiel. Au point qu’ils sont prêts à ne pas discuter de leurs conditions de travail. » (Secrétaire générale de la

Fédération des services CFDT).

Voire même parfois de mettre le discours syndical en porte-à-faux.

« Un autre problème que l’on peut avoir avec les salariés du nettoyage, c’est alors que nous défendons la

réduction du temps de travail, eux sont là pour travailler beaucoup. Ils essayent de faire le maximum d’heures dans différentes entreprises. Syndicalement, c’est compliqué de dire cela à quelqu’un qui a deux emplois alors qu’un autre n’en a pas. Il vous rétorque qu’il est là pour envoyer de l’argent à sa famille. On n’a pas les mêmes conditions de vie ni du coup le même rapport au travail. Cela alimente des débats qui ne sont pas faciles. Même si je connais très peu de gens dans le nettoyage à n’avoir qu’un employeur, ils ne pourraient pas vivre ».

(Syndicaliste SUD-Rail).

Le bilan d’activité du syndicat CGT des agents de propreté de l’Ile de France pour les années 2003-2006, qui contient les protocoles d’accord de fin de conflit signés par le syndicat avec les directions des entreprises concernées, confirme ce primat de la question salariale et donne des indications sur les manières des directions d’y répondre (ces données sont indicatives car on ne connaît pas le degré d’exactitude et d’exhaustivité de cet inventaire d’autant que seuls les conflits ayant donné lieu à une satisfaction globale ou partielle des

revendications y sont listés) 145. Sur 58 protocoles recensés146, seuls 3 ne portent pas sur les rémunérations

(emploi, annexe VII). Cela ne signifie pas que les thèmes non salariaux ne soient pas évoqués, mais lorsqu’ils le sont, ils s’ajoutent aux revendications salariales. Sur les 55 restants, 4 ont donné lieu à une augmentation salariale, 6 à une requalification des coefficients des salariés, 19 à la création d’une prime ou à l’augmentation d’une prime existante (le plus souvent de fin d’année et/ou de panier mais aussi de vacances, etc.), et 25 à une

requalification des coefficients et à la création ou augmentation d’une prime. Le 13e mois est obtenu dans 5 cas

(dont trois chantiers d’une seule entreprise). Par contre, cette revendication aboutit souvent à un échec notifié dans les protocoles, les directions invoquant le plus souvent l’aspect non conventionnel du 13e mois et son poids

économique : « En préambule, il est rappelé que la FEP et les partenaires sociaux négocient actuellement un

13emois pour l’ensemble de la profession, seul moyen pour les sociétés de pouvoir répercuter

conventionnellement cette hausse certaine des coûts chez les clients. XXXX [nom de l’entreprise] n’a pas les moyens de se substituer aux instances représentatives patronales et ne peux accéder à une demande qui, tant sur

ce site que sur l’ensemble des autres clients, la placerait dans une situation extrêmement critique »147. La

question des salaires apparaît encore au détour de trois autres revendications, qui en disent long sur la précarité salariale de certains agents de nettoyage : la majoration des heures du travail le dimanche, le paiement des jours fériés non travaillés et l’obligation faite aux entreprises de verser les salaires au début de chaque mois. Les revendications non monétaires sont effectivement moins nombreuses : le thème des conditions de travail n’apparaît que 5 fois (fourniture/renouvellement de matériel et de tenue de travail, mise à disposition de vestiaires décents), comme celui de l’emploi (3 revendications « offensives » de transformation de CDD en CDI et 2 « défensives » de réintégration de salariés), suivi de l’organisation et du temps de travail (trois revendications) et du droit syndical (réintégration de délégués, organisation d’élections professionnelles.

De façon complémentaire à la revalorisation des salaires, les revendications autour du 13e mois et de la

convention collective unique pour l’ensemble du secteur du nettoyage visent à réduire les disparités salariales qui peuvent exister d’une entreprise à une autre et d’un chantier à l’autre.

« Les revendications les plus courantes concernent les primes qui sont différentes d’un chantier à l’autre. Chaque chantier a ses spécificités sur le plan du travail mais également sur le plan salarial. On a eu par exemple une grève dure de plus de 25 jours sur ces questions de prime mais également de coefficient. Pour le coup, on a réussi à faire passer tous les salariés dans la catégorie « ouvrier qualifié » (Syndicaliste SUD-Rail).

Les entreprises se réorganisent en filiales (voire annexe 2) et les disparités salariales peuvent également concerner les salariés d’une même entreprise. Certains d’entre eux, localisés sur tel site, peuvent ainsi bénéficier du 13e mois alors que d’autres situés ailleurs n’y ont pas droit, soit parce que les premiers ont réussi, à l’issue

d’un conflit, à « arracher » cette revendication, soit parce que compte tenu de l’application de l’annexe VII, l’entreprise a gagné le marché mais au prix du maintien des acquis salariaux des salariés repris avec lui.

« Il y a vraiment des contradictions importantes lorsque l’on dit à travail égal salaire égal. Dans notre

profession, tout le monde n’a pas le droit à la même chose. Si vous travaillez dans l’entreprise X qui a 400 salariés, vous n’avez pas le droit au 13e mois. Demain, cette entreprise emporte un marché sur un chantier où les salariés en bénéficient, elle est dans l’obligation de respecter les accords conventionnels et de maintenir le 13e mois pour les salariés de ce site. Vous aurez donc une partie des salariés de l’entreprise qui en bénéficiera et l’autre non. Sachant que, pour compliquer le tout, elle n’a pas forcément les reins assez solides pour accorder ce 13e mois à ceux qui n’en bénéficient pas encore. Ce qui montre que ce problème est un vrai problème collectif » (Syndicaliste au syndicat du nettoyage CFDT Ile de France)

Le cas le plus extrême de ces disparités est celui de salariés travaillant sur un même site, découpé en plusieurs chantiers et pris en charge par une ou plusieurs entreprises prestataires, couverts par des conventions collectives différentes et donc soumis à des conditions salariales elles-mêmes différentes. Tel a été le cas de nombreux chantiers à la SNCF, obligeant l’entreprise ferroviaire à intervenir pour délimiter les territoires devant être couverts par telle ou telle convention.

« À la SNCF, on a deux conventions, et on a de gros problèmes de limites de territoire entre les deux. La SNCF

a réglé le problème. Il y a eu d’énormes conflits sur la définition de ce qu’est une cour de gare. Les entreprises

145 Par ailleurs, un protocole de fin de conflit donne des indications sur les négociations qui ont eu lieu à l’issue de celui-ci

mais n’informe pas sur son origine et ne permet pas non plus de savoir si la ou les revendication(s) initiales sont celle(s) qui ont été négociées au final.

146 Le bilan en question en contient d’autres mais peu clairs et donc difficilement exploitables.

147 Protocole d’accord de fin de conflit entre la société XXXX et la CGT, Bilan d’activité pour le VIIe congrès du syndicat

sous-traitantes disent que les quais, ce n’est pas une cour et ils appliquent donc la convention collective de la propreté, soit 20 à 25 % de rémunérations de moins pour les salariés. La SNCF en a eu marre parce qu’il y avait plein de conflits autour de cela et elle a vraiment scindé son territoire en deux : tout ce qui est bureau relève de la CC de la propreté et tout ce qui est train et quai, c’est la « manu-ferro ». Nous, à SUD-Rail, on est sur les deux conventions. La SNCF a séparé les marchés selon les chantiers de bureaux ou relevant du ferroviaire. Les entreprises prestataires ne peuvent plus appliquer un même contrat pour ces deux territoires. Cette séparation provoquée par la SNCF a eu pour conséquence que certaines entreprises de nettoyage ont également séparé leurs établissements et leurs activités. Challencin a créé un établissement propreté et un établissement ferroviaire et un encore un pour la partie RATP » (Syndicaliste SUD-Rail).

Cette annexe VII est plébiscitée par les représentants syndicaux qui voient en elle « une rigidité apportée au marché en faveur de la sécurité des salariés ». Elle (son application) est néanmoins source « d’effets pervers » à l’origine de très nombreux conflits individuels et collectifs entre les salariés et leurs nouveaux employeurs, avec essentiellement deux types de griefs : le non-respect par l’entreprise « entrante » des acquis salariaux attribués par l’entreprise « sortante » ; l’articulation à cette annexe d’une clause de mobilité, qui permet à une entreprise de déplacer les salariés et de « s’en débarrasser » en les plaçant sur des chantiers perdus.

« Quand il y a des passations de marché, les boîtes entrantes ne reprennent que les salariés qui ont plus de trois

mois d’ancienneté. Souvent, les entreprises sortantes ne fournissent pas la totalité des informations sur la réalité d’un chantier, sur le plan des acquis salariaux. Ce qui explique que la passation est souvent l’occasion de grèves. Tout est bien défini dans l’annexe VII mais les entreprises ne respectent pas cette convention. Si une boîte a envie de se débarrasser d’une partie de son personnel, elle va le placer sur un chantier qu’elle est en train de perdre, y compris trois mois avant car une entreprise sait qu’elle perd un chantier plus de trois mois à l’avance » (Syndicaliste SUD-Rail).

Mais ce n’est pas tant cette disposition qui est en cause selon eux, que la petite taille des chantiers, l’absence de délégué et la méconnaissance des salariés quant à leurs droits.

« À la SNCF, on n’a pas de problème avec l’annexe VII. Pour éviter le maximum de désagréments, dés que l’on

sait le nom de l’entreprise entrante, on va négocier avec elle sans attendre qu’elle prenne concrètement le chantier. On anticipe toujours. On fournit tous les accords et on négocie avant. Mais on ne peut le faire que sur les gros chantiers. Dans la propreté, c’est beaucoup plus compliqué avec toutes ces boîtes qui essayent de ne pas reprendre tout le personnel ou toutes les primes. Mais le problème, c’est l’absence de délégué. Car si un délégué est présent et s’il fait son boulot, l’annexe VII ne pose a priori aucun souci car si l’entreprise ne fait pas ce qu’elle doit faire, c’est soit la grève soit le tribunal. Mais quand il n’y a pas de représentants syndicaux, les employeurs font ce qu’ils veulent : ils ne reprennent pas tout le monde ou proposent de les reprendre en les faisant travailler moins, exigent que ces modifications soient avalisées tout de suite par les salariés, font signer des avenants à des gens qui ne savent pas lire… » (Syndicaliste SUD-Rail).

Les revendications dans le secteur du nettoyage s’expriment principalement à l’échelon des entreprises et des chantiers, d’autres au niveau de la branche (extension du droit syndical compte tenu de la configuration du secteur, déplacement de l’activité de nettoyage en journée, réinternalisation  défendue essentiellement par SUD- Rail  convention collective unique, etc.). Les critiques à l’égard des conditions de travail sont formulées à ces deux niveaux. Au plan local, et malgré la spécificité de chaque site, deux sous-thématiques dominent : l’intensification du travail, liée à l’augmentation des cadences imposées par les temps contraints attribués au

nettoyage et à la diminution du nombre de salariés sur chaque site (cf. première partie) 148 ; les mauvaises

conditions matérielles de travail, avec une double responsabilité : celle des entreprises de nettoyage qui ne fourniraient pas toujours, ou ne renouvelleraient pas assez souvent, les fournitures, tenues et a fortiori les effectifs nécessaires pour que les salariés réalisent leurs taches en sécurité et dans de bonnes conditions…

148 Un débat existe chez les syndicalistes du nettoyage sur les effets de la loi Aubry sur les conditions de travail dans la

branche, avec pour certains, comme le secrétaire général de FO, l’idée que cette loi a contribué à la détérioration des conditions de travail des nettoyeurs : « Au niveau conventionnel, on réussissait à augmenter les qualifications et les

classifications et on a eu le coup de bambou de la loi Aubry. On signe un accord de branche qui doit normalement être normatif, stipulant que les salariés à temps partiel ne doivent pas voir leurs horaires diminuer. Or ce qui s’est passé, c’est que celui qui faisait 180 minutes par jour, on lui en a enlevé 18, et toujours pour la même charge de travail. La première à être sortie du cadre, c’est Penauille, en se retranchant derrière la loi Aubry et toutes les autres boîtes se sont engouffrées dans la brèche. Car pour toucher les aides, il fallait diminuer le temps de travail. Au final, cela a surtout accru la pénibilité »

« Il y a eu un conflit avec l’entreprise XXXX où les salariés n’avaient ni gants ni pinces pour ramasser les

seringues et comme ils n’avaient pas de boites non plus, ils devaient les mettre dans la poubelle de la gare. On a interpellé la SNCF mais XXXX est toujours là. Les boites tournent sur les marchés mais enfin de compte, on retrouve toujours les mêmes. » (Syndicaliste SUD-Rail).

….celle des donneurs d’ordre, tenus de mettre à disposition de ces salariés « extérieurs » des locaux adéquats

(article 7.03.2 de la CCN des agents de propreté du 1er juillet 1994). Ce ne serait pas toujours le cas comme

l’indique une enquête par questionnaire menée auprès de 450 salariés du nettoyage en 2 000 en Normandie : « 15 % du personnel ne trouve pas sur place ni le matériel nécessaire ni les produits adaptés, un salarié sur cinq n’a pas d’eau chaude à sa disposition, un sur quatre ne dispose pas de vestiaire et presque un sur six n’a jamais accès à des WC et un sur cinq à un lavabo »149.

« On a vu chez certains donneurs d’ordre les salariés devant se changer dans un couloir ouvert aux quatre

vents. Dans d’autres endroits, la pièce où ils se changeaient était celle où l’on rangeait les produits. Là, celui qui est en faute, c’est le donneur d’ordre. Il doit fournir un endroit pour le personnel et des sanitaires. Mais c’est vrai que dans la plupart des entreprises, la pièce des nettoyeurs est bien souvent au sous-sol ou proche du local à poubelle. » (Syndicaliste au syndicat du nettoyage CFDT Ile de France).

On retrouve également cette question des conditions de travail au plan fédéral, à travers deux problématiques revendicatives : la pénibilité au travail, avec la volonté exprimée par les organisations syndicales de voir reconnaître les travaux de nettoyage comme des travaux pénibles pour pouvoir bénéficier des dispositions réglementaires qui les encadrent (en particulier, la retraite à 55 ans) ; la santé au travail 150. Le nettoyage est en

effet un secteur à risque compte tenu des postures de travail adoptées au quotidien par les salariés, de leur

exposition aux agents biologiques151, des substances nocives et/ou toxiques manipulées. L’importance de

l’analphabétisme chez ces derniers et la formation insuffisante qui leur est dispensée lors de leur embauche dans les entreprises rendent l’utilisation de ces substances encore plus hasardeuse152. Si la fréquence des accidents du

travail dans ce secteur est en baisse, la gravité des accidents serait par contre en progression 153 ainsi que le

nombre d’arrêts de travail154. Les maladies les plus fréquentes sont d’origine articulaire (lombalgies, TMS),

dermatologique ou liées à des troubles du sommeil155.

II.2.2 - Actions collectives et recours individuels : comment lutte-t-on dans le secteur du

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