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Sylvain MONDON – Les aspects concrets de l’adaptation au changement climatique sur les littoraux en France

Sylvain MONDON présente en introduction l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC), une structure rattachée à la Direction générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) du MEDDE. L’ONERC assure plusieurs missions : la collecte et la diffusion d’informations sur le changement climatique et les évènements extrêmes ; l’élaboration d’un rapport annuel au Premier ministre et au Parlement, incluant des recommandations en matière d’adaptation au changement climatique ; le pilotage et l’élaboration des politiques nationales d’adaptation au changement climatique ; le rôle de point focal en France pour le GIEC.

Les échanges de ces 2 jours de colloque ayant largement couvert la problématique annoncée dans le titre de sa contribution, Sylvain MONDON indique pour commencer qu’il s’attachera plus spécifiquement à déterminer à quel stade se situe aujourd’hui la Stratégie nationale d’adaptation au changement climatique pour préciser, dans un second temps quelles seront ses évolutions et sous quelles formes elle s’articule avec les problématiques de l’aménagement du littoral.

Au niveau national, la démarche d’adaptation débute à la fin des années 1990 avec les investissements réalisés dans le domaine de la recherche sur les impacts du changement climatique. Ils se traduisent notamment par la mise en place d’un fonds, le fonds de Gestion des impacts du changement climatique (GICC), ayant financé un certain nombre d’études en cette matière. À l’issue de cette phase de développement des connaissances, une stratégie est adoptée en 2007 : la Stratégie nationale d’adaptation au changement climatique. La mise en place de cette stratégie a été suivie d’une phase de diagnostic économique, de collecte de recommandation au travers d’une concertation nationale, à la fois sectorielle et territoriale, pour aboutir au Plan National d’Adaptation du Changement Climatique (PNACC), en vigueur pour la période 2011-2015 et comprenant 84 mesures et 240 actions. Enfin, ce PNACC a donné lieu à un bilan de mi-parcours, présenté devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE) et rendu public en janvier 2014.

Ce plan national, poursuit Sylvain MONDON, est constitué de 20 fiches thématiques, dont une fiche « Littoral » et une fiche « Risques naturels » qui recouvrent l’ensemble des problématiques relatives à la gestion des risques littoraux en lien avec le changement climatique. La fiche « Littoral » comporte 4 actions couvrant une vingtaine de mesures tandis que la fiche « Risques naturels » recouvre 5 actions pour une trentaine de mesures. Ces 2 fiches thématiques, les plus étendues de ce plan, constituent à elles deux le cinquième du PNACC. Bien que ce plan français inclue aussi quelques orientations territoriales, son rôle reste avant tout de déterminer comment l’État peut faciliter l’adaptation des territoires sans se substituer à eux. Les mesures prévues par ce plan ne peuvent être transposées directement du niveau national au niveau local, dans la mesure où il importe avant tout de traiter le risque dans son bassin, c’est-à-dire au niveau où il est pertinent de l’appréhender.

Toutefois, certaines approches relatives aux problématiques du littoral et des risques naturels sont directement transposables localement. L’enjeu de relocalisation, par exemple, pose une série de questions identiques au niveau national et au niveau local, bien que le mode de réponse, d’une part, la vision et le point de vue, d’autre part, soient au contraire tout à fait différents. En second lieu, les principales mesures utiles à la collectivité au niveau national sont des mesures transversales telles que la mise à disposition des données climatiques et des projections régionalisées dans le portail

Drias - Les futurs du climat (http://www.drias-climat.fr) ou sur le site de partage d’expérience Wiklimat

(wiklimat.developpement-durable.gouv.fr). Grâce à cet outil, en effet, chaque collectivité réalisant des expérimentations ou des aménagements d’adaptation peut en faire part à l’ensemble des membres de la collectivité francophone.

   

 

 

 

 

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décision, afin d’assumer un dialogue entre les acteurs de la lutte contre le changement climatique et de renforcer la cohérence globale de leurs actions. Le plan privilégie en effet, comme l’a rappelé Sylvain MONDON, une approche par bassins de risque, lesquels ne recouvrent que rarement les limites administratives des territoires. Pour ces raisons, ce plan vise à un certain décloisonnement à la fois territorial et thématique. Cet enjeu de l’échelle nationale, voire transfrontalière, comme dans le cas de la Guyane, est donc au cœur des stratégies d’adaptation et se pose à toutes les échelles, y compris pour les problèmes liés à l’endiguement. Dans ce domaine, en effet, la construction d’une digue en un point a pour effet d’accentuer le problème en un autre point du territoire. De même, la fixation de sable à Calais, par exemple, a pour conséquence d’en limiter les stocks disponibles en Belgique. Le plan national doit aussi s’articuler, ajoute Sylvain MONDON, avec les enjeux européens et internationaux. Au niveau européen, une Stratégie de l’Union européenne pour l’adaptation au changement climatique a ainsi été adoptée en 2013 et vise à ce que tous les États membres s’engagent dans une politique d’adaptation.

L’actuel PNACC s’achevant en 2015, un second plan à vocation à prendre le relais à partir de 2016 en capitalisant sur l’ensemble des retours d’expériences effectués depuis 2011 en matière d’aménagement du littoral, que ces projets soient pris en charge ou non par les différents instruments de la planification territoriale (SRCAE, PCET, SCoT, PLU, PAPI, SDAGE, PPRNL…). Dans ces dispositifs administratifs de planification et de gestion, l’adaptation consiste finalement à intégrer un élément majeur, le très long terme, et pour chaque acteur, à concevoir un projet de territoire tenant compte du climat futur. En ce sens, une stratégie d’adaptation consiste surtout à offrir aux acteurs engagés dans ce domaine d’action des outils pour intégrer des démarches d’adaptation à leur politique et leur territoire. Elle ne représente pas, à ce titre, une démarche nouvelle de niveau national, mais consiste plutôt à ajouter un paramètre supplémentaire dans une réflexion qui existe au préalable pour traiter les problématiques de l’aménagement du territoire, que ce soit pour la ressource en eau, pour les risques naturels ou pour la gestion du littoral.

Après avoir brièvement rappelé les principes de l’adaptation dans le secteur littoral, Sylvain MONDON porte son attention sur le principe visant à ne pas augmenter la vulnérabilité des personnes, des biens ou des activités économiques. Ce principe est essentiel d’abord parce que les pays européens ne sont pas toujours bien adaptés au climat d’aujourd’hui. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles la gestion du littoral soulève aujourd’hui des enjeux aussi critiques. Malgré cette situation complexe, la France a désormais l’opportunité de pratiquer une adaptation qui ne soit pas purement réactive mais anticipative car elle dispose d’éléments permettant d’intégrer le long terme dans la préparation à ces changements. La tendance de certains acteurs français, souligne toutefois Sylvain MONDON, à privilégier la réglementation dans ces domaines est désormais un fait établi. Les organisations professionnelles par exemple, quelles que soient leurs orientations, préfèrent bien souvent se voir imposer une loi sur des mesures d’adaptation plutôt que s’engager dans des voies moins contraignantes. L’adaptation soulève donc, en parallèle, des problèmes liés à une conception particulière de la gouvernance. La réglementation est importante, reconnaît Sylvain MONDON, mais elle peut être précédée par d’autres modes d’adaptation, fondés sur des approches à la fois moins réactives et moins coercitives. Sylvain MONDON cite en particulier la circulaire du 27 juillet 2011 relatif à l’intégration de la hausse future du niveau marin dans le zonage des risques côtiers, applicable notamment pour l’établissement des Plans de Prévention des Risques Naturels Littoraux (PPRNL). Ce texte constitue une étape importante dans le devenir de la stratégie française d’adaptation et apparaît comme une avancée pionnière à l’échelle mondiale. Il serait donc intéressant, estime Sylvain MONDON, pour l’évaluation de la période écoulée et l’élaboration du prochain plan d’adaptation au changement climatique, d’évaluer le nombre de PPRNL qui se réfèreront à cette circulaire et qui auront réussi à mettre en œuvre ses recommandations.

 

 

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Parmi les mesures prises par le PNACC pour le littoral, on peut également citer :

Les études du transit des sédiments marins, assorties de catalogues sédimentologiques actualisés.

Le développement de méthodologies d’analyse multicritères et d’analyse coûts-bénéfices pour l’aménagement littoral.

L’identification des enjeux « population » et « logement » pour les zones basses.

Les photographies aériennes du littoral pour suivi de l’érosion.

La Stratégie nationale de gestion du trait de côte, présentée lors de la seconde journée par Agnès VINCE.

L’étude portée par l’IFRECOR dans le champ de la protection de la biodiversité du rôle de défense naturelle des récifs coralliens et des mangroves

Sylvain MONDON résume en conclusion les caractéristiques majeures d’une stratégie d’adaptation. D’une part, l’adaptation est une démarche à la fois multi-échelles et multi-secteurs ; d’autre part, elle doit être en construction permanente et de manière aussi décloisonnée que possible. Les responsables nationaux sont confrontés au quotidien à ces enjeux, chaque fois qu’ils rencontrent les directions générales des différents ministères pour aborder la modification de leur mode de travail sans avoir d’autre légitimité que l’impératif de réaliser et mettre en œuvre un plan national visant à s’adapter au changement climatique. En fonction des sujets, ces demandes peuvent recevoir un écho plus ou moins favorable, le littoral étant probablement, estime Sylvain MONDON, l’une des problématiques sur lesquelles ces engagements sont les plus nombreux. S’il est vrai que le contexte des catastrophes récentes a incontestablement remis ces questions à l’ordre du jour, il reste que l’élévation du niveau des mers, chiffrée à 20 cm en un siècle, est désormais un fait objectivé que nul ne peut mettre en cause. Il n’est pas envisageable que les acteurs de la gestion des risques naturels ne s’emparent pas de cet enjeu. Enfin, si le décloisonnement souhaité est difficile, il demeure essentiel pour maintenir une cohérence des actions d’adaptation et éviter les transferts de vulnérabilité, par exemple dans le domaine de la ressource en eau pour les conflits d’usages.

L’adaptation, en troisième lieu, est un gage de l’attractivité future des territoires, et apparaît de ce fait comme une manière de présenter cette stratégie sous un jour plus positif que la seule notion de résilience. Dans les années à venir, un territoire qui ne sera pas attractif pourrait être condamné à péricliter, quelles que soient ses capacités de résilience. À l’inverse, un territoire prenant en compte les enjeux d’érosion, de submersion et de changement climatique renforcera son potentiel d’attraction et pourra également devenir, de ce fait même, plus résilient.

En quatrième lieu, l’adaptation exige aujourd’hui une forte dose de pragmatisme : aucune solution « clé en main » ne peut fonctionner à l’identique sur l’ensemble du territoire. En ce sens, l’approche locale systémique n’est pas une option, mais une incontournable nécessité. S’agissant du changement climatique, les chercheurs sont désormais conscients que l’adaptation rencontrera des limites et que les sociétés ne pourront s’adapter à n’importe quel changement. Lorsque les limites seront dépassées, les options aujourd’hui encore disponibles seront définitivement fermées. Ce constat doit conduire, en d’autres termes, à un renforcement de la mobilisation en faveur de l’atténuation et de la limitation des émissions de gaz à effet de serre et à prendre conscience qu’aucune société n’est capable de s’adapter indéfiniment à des problèmes qui s’aggravent en permanence.

Échanges avec la salle

Virginie DUVAT (université de La Rochelle) souligne que le PNACC prévoit le financement de projets- pilotes pour développer une méthode de gestion locale des relocalisations. Virginie DUVAT demande

   

 

 

 

 

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à Sylvain MONDON si le financement de tels projets a d’ores et déjà été engagé et quels sont les types de montage financier et de modalités de mise en œuvre prévus dans ce cadre.

Sylvain MONDON précise que le cadre institutionnel de ces projets-pilotes est défini sous l’action « Relocalisation des territoires », lancée par la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN) et la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR).

Soumaya BARHOUN (Université Jean Monnet Saint-Étienne) demande en quel sens est utilisé le terme « résilience » lorsqu’il désigne, parmi les principes de l’adaptation sur le secteur littoral, l’axe intitulé « Évaluer et développer la résilience face aux aléas liés au changement climatique ». Sylvain MONDON indique que ce terme est d’abord défini au niveau international dans le cadre de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CNUCC). Il est mobilisé par les instances nationales pour rappeler que la France est d’ores et déjà affectée par des aléas liés au réchauffement global des températures et le sera de plus en plus dans les décennies à venir. La résilience renvoie ainsi à la capacité des États à faire face à ces impacts.

Alexandre MAGNAN souligne que le terme de « résilience » a souvent suscité l’interrogation des chercheurs, préoccupés de mieux définir les concepts qu’ils utilisent. La sphère scientifique tend à considérer que ce concept est mal compris ou insuffisamment cerné par les acteurs de la lutte contre le changement climatique, alors que, selon Alexandre MAGNAN, cette notion est suffisamment bien ancrée dans le vocabulaire quotidien des acteurs et n’exige finalement pas nécessairement une définition plus précise.

Sylvain MONDON souscrit à ce propos en soulignant l’importance de faire preuve, sur l’ensemble de ces enjeux, d’un certain pragmatisme, entendu comme la capacité à faire face à un problème nouveau. De leur côté, les décideurs politiques n’expriment pas, en règle générale, le besoin d’une définition précise de ce terme et des concepts qui lui sont associés pour avancer dans le développement de leurs politiques d’adaptation.

Agnès MICHELOT (université de La Rochelle) se demande quelle est la pérennité de l’action conduite par l’ONERC dans le cadre de la Stratégie nationale d’adaptation au changement climatique, soulignant que l’importance de la démarche et de la méthodologie déployées exigent une action dans le temps. Agnès MICHELOT s’interroge également sur la réception de l’action portée par l’ONERC auprès d’instances nationales telles que le CESE et le CNTE.

Sylvain MONDON constate qu’il a été parfois difficile de faire réaliser au CNTE – une structure mise en place très récemment – qu’il incombait à cette instance d’émettre un avis sur les travaux présentés par l’ONERC. En tout état de cause, la restitution des travaux des pilotes du PNACC par l’ONERC auprès du Conseil représente pour cet observatoire la première étape concrète d’un engagement développé sur le long terme, la seconde étant fixée en 2015, avec la présentation de l’évaluation approfondie finale du PNACC. Les autorités nationales auront à cette date à décider comment le plan doit être poursuivi et révisé et à choisir selon quelles modalités il sera reconduit sur la période courant à compter de 2016. L’ONERC est aussi engagé avec ces instances dans une collaboration de portée pédagogique. Quant au CESE, la section de l’environnement, plus habituée à traiter ces problématiques spécifiques à l’adaptation, s’est saisie elle-même de cette question en juillet 2012 et publiera en mai 2014 un rapport national formulant des préconisations sur les futures thématiques à intégrer dans le prochain plan français d’adaptation au changement climatique. Les avis émis par ces deux instances joueront donc un rôle essentiel dans l’élaboration de cette nouvelle stratégie. En troisième lieu, estime Sylvain MONDON, la phase ultime de cet engagement sera atteinte lorsque l’ensemble des acteurs politiques auront, d’une part, intégré le long terme et le très long terme dans leurs politiques et leurs stratégies pour y inclure le changement climatique et seront, d’autre part, suffisamment mobilisés pour qu’un plan national n’ait plus véritablement de raison d’être. Sylvain

 

 

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MONDON rappelle enfin que d’autres instances nationales sont mobilisées, notamment le Sénat et l’Assemblée nationale qui ont récemment procédé à un audit des travaux rendus publics par l’ONERC. Ces initiatives variées montrent en tous cas qu’une dynamique d’ensemble se met actuellement en place pour faire face à un problème qui n’a désormais plus valeur d’option. La stratégie nationale peut sur ce point créer un effet d’entrainement, en lien avec la publication en cours du 5ème Rapport d’évaluation du GIEC, notamment avec la parution du troisième volume attendue à la mi-avril et celle du rapport de synthèse en octobre 2014. Enfin, les négociations climatiques de 2015 de la CCNUCC se dérouleront à Paris, un évènement qui devrait lui aussi susciter un puissant effet de mobilisation. En définitive, l’ensemble de ces initiatives constituent autant de raisons positives de considérer qu’une dynamique est bel et bien enclenchée et pourra déboucher sur des actions concrètes.

Alexandre MAGNAN remercie les intervenants et donne rendez-vous à tous pour la dernière table ronde de cette journée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table ronde 4 

Réduire les risques actuels et 

s’adapter au changement 

climatique : même combat ? 

 

 

 

 

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Table ronde 4 – Réduire les risques actuels et s’adapter au

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