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Laurent MONTADOR – L’assurabilité des risques du littoral

Laurent MONTADOR rappelle, pour introduire son propos, que les débats de cette première journée de colloque ont soulevé l’enjeu de l’acceptabilité sociale du risque. Cet enjeu est essentiel dans la mesure où le réchauffement climatique conduira au cours des prochaines années à un accroissement des risques dans un contexte où les fonds financiers que peuvent mobiliser les acteurs sont de plus en plus contraints.

La Caisse Centrale de Réassurance (CCR) est une entreprise de réassurance appartenant en totalité à l’État. Elle poursuit plusieurs missions :

- Assurer la gestion comptable et financière pour des fonds liés à des risques, tels que les calamités agricoles, ou encore, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, alimenté par une taxe sur les primes d’assurance correspondant à ce que les assureurs appellent la prime CatNat.

- Jouer son rôle prépondérant dans le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles servant d’amortisseur entre l’État et les assureurs par le biais d’une réassurance13 avec garantie de l’État. En effet, le régime des catastrophes naturelles, créé par le législateur en 1982, se présente comme un régime relativement spécifique puisqu’il résulte de l’un des premiers partenariats public-privé mis en place à l’échelle mondiale pour gérer les catastrophes naturelles.

Ce régime repose sur un principe ayant fait l’objet d’un engagement fort de l’État au terme duquel chaque citoyen doit être protégé contre les catastrophes naturelles, qu’il s’agisse d’une inondation, d’un séisme, d’une avalanche, d’une sécheresse ou autre péril dit CatNat14. Et ce à un prix accessible et uniforme pour tous, et pour tous les risques dommages aux biens (les risques de personnes ne font pas partie de ce périmètre).

Dans ce système, les assureurs sont mobilisés par l’État pour diffuser une garantie obligatoire dans les contrats d’assurance couvrant les dommages aux biens. Un contrat d’assurances multirisques habitation prévoit ainsi qu’une partie de la prime d’assurance correspond à la prime CatNat, laquelle représente 12 % du total de la prime versée à l’assureur. Pourtant, rappelle Laurent MONTADOR, les assureurs ne souhaitaient pas au départ prendre en charge les risques liés aux catastrophes naturelles. Il n’existait donc pas, à l’époque, de garantie en faveur des citoyens français contre ces évènements. Depuis la mise en place de ce régime, tout assuré en France est garanti de manière égalitaire contre les catastrophes naturelles, qu’il soit ou non exposé à l’un de ces périls. Ce point continue pourtant de faire débat entre les assureurs et certains économistes qui considèrent que, dans la mesure où il n’existe pas d’éléments de différenciation sur les primes, l’assuré n’est pas toujours conscient du risque auquel il est exposé. Dans cette perspective, il n’est pas juste, estiment ses opposants, qu’un assuré non exposé à un risque ait à payer une prime d’assurance tandis qu’un assuré exposé à de nombreux risques paye quant à lui une prime identique. Si cette question a suscité des débats, elle a été expressément tranchée par l’État français dans le sens du principe selon lequel l’ensemble, ou du moins le plus grand nombre de citoyens français, doit être assuré contre les catastrophes naturelles à un prix modique. Pour en prendre la mesure, on peut comparer ce principe avec les systèmes assurantiels mis en place dans d’autres pays, par exemple celui de la Californie pour les tremblements de terre, dans lequel seuls 10 % de la population sont réellement assurés contre ce type de risque, qui plus est moyennant des prix très élevés.

En second lieu, les assureurs ont la possibilité de se réassurer auprès de la CCR en bénéficiant d’une garantie de l’État. Ils ne pourraient le faire qu’avec beaucoup de difficultés, de manière peu homogène

       

12  Plans de prévention des risques.  13  Assurance des organismes d’assurances et mutuelles.  14  La tempête (sauf pour l’Outre‐Mer), grêle, poids de la neige ou encore le gel, ne font pas partie des périls CatNat. 

   

 

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et avec un risque de sélection en l’absence d’un tel système de réassurance, dans la mesure où eux aussi disposent de profils de portefeuilles différents, certains étant plus exposés que d’autres. C’est donc pour permettre au citoyen français assuré de continuer à bénéficier d’une garantie à un prix relativement modéré que l’État apporte une garantie à la CCR dans le cadre de ce système de garantie assurantielle, tout en limitant son intervention puisque la CCR agit en tant qu’amortisseur, garant de la bonne application de la solidarité nationale et préservant ainsi les finances de l’État. La loi de 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles a également mis en place dans le domaine assurantiel un volet prévention. Les polices d’assurance et les garanties CatNat de ces polices d’assurance incluent désormais un système de franchise qui dépend du nombre d’évènements survenus au cours des 5 dernières années et de l’existence ou non d’un PPR mis en place dans les différentes communes. De plus, le déclenchement d’une garantie CatNat est affecté par la déclaration d’état de catastrophe naturelle de la part des différents ministères, voire directement par le Premier Ministre ou le Président de la République, lorsque l’ampleur de l’évènement le nécessite.

La tempête Xynthia, poursuit Laurent MONTADOR, a constitué un facteur déclenchant dans la redécouverte de ce système d’assurance et de réassurance, mais aussi dans le renouvellement des critiques dont il a fait l’objet, bien qu’il fonctionne de manière satisfaisante depuis sa mise en place. Comparativement à d’autres pays, le système assurantiel français en matière de catastrophes naturelles se situe à un haut niveau, bien qu’il puisse encore être amélioré. Le volet prévention et le volet portant sur la gestion des crises, la mise en alerte et la préparation des populations, en particulier, se sont montrés perfectibles, comme on le constate tous aujourd’hui. Cependant, force est de constater que la culture du risque au sein des territoires, mais aussi à l’intérieur des directions nationales implantées à Paris, a connu, comme l’a montré Emmanuel GARNIER dans son intervention (séance plénière 1), un certain effacement du fait de la diminution des fréquences d’occurrence d’évènements importants. Les débats et les critiques ayant émergé suite aux catastrophes de ces dernières années montrent aussi que, dans le champ assurantiel, les citoyens et les acteurs de la gestion du risque ne doivent pas fonder toutes leurs attentes sur l’action de l’État. Celui-ci dispose certes de pouvoirs importants dans ce domaine et peut notamment développer des stratégies et des actions de mise en cohérence pour s’assurer que les éléments d’investissement présents dans les axes de prévention soient cohérents à un niveau plus large que le niveau local. La gestion des inondations, à ce titre, fait actuellement l’objet d’avancées importantes, sous l’effet conjugué de la directive dite Inondation de 2007 et d’évènements catastrophiques tels que Xynthia, et favorise la mise en place de nouvelles stratégies. Mais l’enjeu est aussi, dans un second temps, de faire accepter ces stratégies au niveau local, une acceptation qui peut s’avérer difficile lorsque des intérêts locaux diffèrent des intérêts de dimension plus générale.

En dernier lieu, conclut Laurent MONTADOR, les débats en cours ne doivent pas se borner à prendre en compte les risques actuels, mais aussi nous amener à porter le regard sur les risques qui surgiront dans une vingtaine ou une trentaine d’années. Face à la montée du niveau de la mer, les acteurs du risque doivent s’engager dans des actions à la fois solidaires et responsables en définissant des priorités et en identifiant ce qui peut et qui mérite d’être, pour ainsi dire, « sauvé », et ce qui peut ne pas l’être. Ces priorisations indispensables doivent reposer sur des analyses dont la première caractéristique devrait être leur caractère équitable, honnête, basé sur des méthodes et des résultats scientifiques. Ces priorités doivent aussi faire l’objet d’explications suffisantes, quand bien même elles heurteraient dans certains cas les intérêts particuliers des uns ou des autres. En toute hypothèse, les citoyens et les acteurs de la gestion du risque doivent aujourd’hui accepter collectivement l’idée qu’il nous faut réviser nos modes d’appréhension du risque, notamment en prenant conscience que le risque actuel n’est pas le risque de demain, et modifier en conséquence nos comportements. Les acteurs de l’aménagement du territoire doivent également revoir les politiques d’urbanisation et accepter le principe que les opérations d’aménagement ne peuvent être réalisées sur n’importe quel site et à l’identique sur tous les points du territoire. Enfin, dans la mesure où la mise en œuvre de ces stratégies représente un coût et à l’heure où le contexte financier est plus contraint que par le passé, les transformations actuelles impliquent aussi des choix financiers et doivent tenir compte de leur retour sur investissement.

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