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Jacky LAUGRAUD – Gestion de la submersion : retour d’expérience à Port-des Barques (Charente-Maritime)

Jacky LAUGRAUD, ancien maire de Port-des Barques, présente en introduction les actions qu’il a menées en tant qu’élu et décideur local en matière de gestion des risques. En tant que membre de la Commission Mixte Inondation (CMI), tout d’abord, il a travaillé aux côtés Jean-Philippe LALANDE à l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention des risques afin de faire valoir qu’une stratégie de dimension nationale devait être articulée avec les élus locaux. Ces revendications ont été entendues par l’État, au terme d’un processus long et difficile qui a pu parfois exposer les membres de cette commission à des oppositions fortes. Jacky LAUGRAUD témoigne que la DGPR15 a déployé des efforts importants pour répondre aux demandes des élus locaux, lesquels doivent eux-mêmes répondre à leur tour aux demandes de leurs citoyens. Cet aller-retour entre État et citoyens, estime Jacky LAUGRAUD, a donc bien eu lieu et, à n’en pas douter, continuera d’avoir lieu à l’avenir.

Jacky LAUGRAUD a également œuvré, en tant que vice-président de la Communauté d’agglomération du Pays Rochefortais en charge du PAPI de la Charente, à la mise en place d’un PCS intercommunal, en collaboration avec l’Université de La Rochelle. Jacky LAUGRAUD exerce aujourd’hui les fonctions de vice-président de l’Université Populaire de La Rochelle (UPLC), créée après la tempête Xynthia par plusieurs personnalités présentes lors du colloque « Réduire les risques littoraux et s’adapter au changement climatique », avec l’objectif d’apporter une réponse associative à la demande adressée aux élus de faire le lien entre les citoyens, les décideurs et les experts. L’UPLC a été conçue précisément dans ce but de favoriser le dialogue entre ces acteurs et a organisé pour ce faire plusieurs rencontres en Charente-Maritime. Elle contribue ainsi à faire en sorte que cette vulgarisation des différentes stratégies et des décisions restent vivantes pour rappeler l’importance de la connaissance, de la culture et de la mémoire des risques. Jacky LAUGRAUD précise, pour conclure cette présentation, qu’il est chargé de mission Littoral pour la Région Poitou-Charentes et formateur auprès du Lycée de la mer et du littoral de Bourcefranc, au sein duquel il met en place des formations sur l’aménagement du littoral.

Jacky LAUGRAUD cite en second lieu un article extrait du journal Le Monde daté du 1er avril 2014 qui souligne l’importance de renforcer le lien entre citoyens et décideurs : « Dans l’une de ses premières versions de travail préparées par les scientifiques et que Le Monde a pu consulter, le « Résumé pour les décideurs » du volet 2 du 5ème rapport du GIEC avançait que l’une des raisons de l’insuffisance des mesures d’adaptation aux bouleversements en cours était l’éloignement des centres de décisions » des zones où se font sentir les effets majeurs du réchauffement. Cette petite pique des scientifiques, pointant la distance entre les responsables politiques et leurs administrés, ne figure plus dans la version finale du texte, négociée ligne à ligne, à Yokohama, par les délégués des gouvernements des États membres du GIEC (195 pays) ». S’il est vrai, ajoute Jacky LAUGRAUD, qu’il est difficile de mettre d’accord autant de parties, cet aspect des négociations devrait être rendu public afin que les élus puissent en avoir connaissance.

Port-des-Barques a été frappé par deux catastrophes au cours des dernières décennies : Martin en 1999, qui a provoqué des submersions de plus de 1 m d’eau dans les habitations les plus impactées ; Xynthia en 2010, avec un niveau d’eau de 1,30 m dans certaines d’entre elles. Ces tempêtes, rappelle Jacky LAUGRAUD, doivent représenter des occasions pour se projeter vers l’avenir et « rebondir » en tirant de ces expériences des enseignements permettant de réduire les impacts de futurs évènements extrêmes. Il ne s’agit pas uniquement, par ces processus de résilience, de revenir à la normale, mais d’aller, dans toute la mesure du possible, vers une amélioration de la situation. Les habitants ont vu leurs habitations inondées, que ce soit sur la commune de Port-des Barques, sur celle de Saint-Pierre d’Oléron ou sur d’autres territoires de Charente-Maritime. Mais ces habitants d’un littoral frappé régulièrement par des tempêtes étaient habitués à ces impacts et ont pris les mesures pour vidanger les eaux dans leurs habitations. Ils ont notamment construit des marches pour éviter des entrées d’eau dont ils étaient conscients qu’elles allaient se reproduire. Pourtant, certains sénateurs souhaitent aujourd’hui construire des digues de 6 m de hauteur, avec le risque, si des entrées d’eau ont lieu malgré ce dispositif, que la vidange des eaux ne puisse ensuite être effectuée. Les habitants

       

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de ces côtes exposées doivent donc aujourd’hui habiter mieux et différemment pour réduire les impacts de la submersion.

Jacky LAUGRAUD rappelle en troisième lieu que la solidarité entre les habitants constitue une dimension importante de la stratégie de gestion des submersions. Les opérations sont ponctuées par trois temps importants : l’urgence ; le moyen terme, qui s’est traduit dans la commune de Port-des- Barques par le relogement des habitants et la recherche des mesures d’application des PAPI les plus appropriées pour les 10 prochaines années ; enfin, le temps long.

Jacky LAUGRAUD aborde ensuite le cas des zones noires. Celles-ci ne sont pas prévues, en effet, par le Code de l’environnement, mais ont été le fruit d’une décision que Jacky LAUGRAUD estime hâtive et illégale. À l’époque de la catastrophe, rappelle Jacky LAUGRAUD, il avait jugé que l’étendue de ces zones noires n’était pas suffisante et a alors annoncé au représentant du préfet qu’il remettrait sa démission si l’État n’accordait pas à sa commune davantage de moyens, suite à l’enquête diligentée auprès de la population. Le préfet fit droit à la demande des élus et de la population pour étendre la zone noire à 42 habitations au lieu des 15 prévue initialement, tandis que la reconstruction d’un nouveau lotissement située près du rivage fut dans le même temps rejetée par les élus locaux. Par la suite, il fut nécessaire, poursuit Jacky LAUGRAUD, de restaurer certains milieux naturels, notamment, pour la commune, un certain nombre de zones humides à proximité desquelles avaient été construits ces lotissements. Ces milieux pourraient retrouver ce statut dès lors que l’État aura révisé sa convention avec ce territoire, permettant ainsi de reconstituer, par exemple des bassins d’orage ou des jardins.

Au final, résume Jacky LAUGRAUD, le projet mené a consisté à se servir de Xynthia pour construire des projets durables sur les micro-territoires. Ce projet peut se décliner selon plusieurs axes :

• Partager les données scientifiques, économiques, sociales et les diffuser au plus grand nombre. • Partager la gestion des leviers de décisions sur l’eau.

• Porter avec les élus l’urgence à agir sur les aménagements structurants.

• En cas de récidive de submersion, réagir plus vite pour avancer la trésorerie aux petites communes.

Sur ce quatrième axe, la Région Poitou-Charentes a accordé aux communes sinistrées une avance financière à hauteur de 100 000 € pour chacune d’entre elles afin de gérer l’urgence et lancer immédiatement les opérations les plus adaptées. Cet exemple met ainsi en évidence un enseignement qui doit être retenu : dès le lendemain d’une catastrophe, les habitants doivent retrouver un logement ou un mobile home dans un camping, un véhicule pour se rendre à leur travail et un budget suffisant pour qu’une famille puisse s’approvisionner en nourriture.

La mise en place du PAPI Charente-Estuaire, quant à elle, a été précédée d’une vingtaine de réunions avec les services de l’État et des collectivités locales et été réalisée en lien avec l’Établissement Public Territorial de Bassin (EPTB) du fleuve Charente. Cet établissement public a vu le jour grâce à une convention-cadre signée en mai 2013 tandis que les premiers travaux ont été amorcés en septembre sur la commune de Port-des-Barques et les communes voisines.

Jacky LAUGRAUD présente également quelques actions permettant d’illustrer l’idée d’un aménagement intelligent du territoire en utilisant l’histoire du milieu. À Port-des-Barques, il a notamment été proposé, en plus des premières protections du centre du bourg, d’utiliser sur la commune l’ancien parapet du village. Ce cas de figure montre qu’il est possible de mobiliser l’existant pour éviter des travaux plus coûteux et pour favoriser des ouvrages adaptés sur le plan esthétique. Par ailleurs, la configuration particulière du village permettait de disposer de terrains situés à 12 m de cote NGF. La mairie a repris avec la communauté d’agglomération le foncier disponible pour relancer immédiatement une dynamique et éviter que le village ne perde son attractivité, comme ce fut le cas, par exemple, pour Charron. Le village compte en effet 1 800 habitants, abrite une école et des services publics qui devaient redevenir opérationnels immédiatement après la catastrophe. Dans cette perspective de reconstruction rapide, 19 lots ont été construits à ce jour. Un travail a également été mené en lien avec l’établissement public foncier, dont l’une des missions, rappelle Jacky

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LAUGRAUD, est d’aider les communes dans l’acquisition de foncier pour des projets d’intérêt général.

S’agissant de la vidange des zones d’expansion, Jacky LAUGRAUD précise également que la tempête entraîne fréquemment la rupture des approvisionnements en électricité de sorte que les écluses électriques de la commune ne permettent pas d’évacuer les eaux ayant pénétré dans le village. Les anciens disposaient d’un système de manivelles pouvant être actionnées manuellement. La vidange représente un aspect important dans la gestion de la submersion et peut représenter une alternative à la construction de digues, comme l’ont évoqué plusieurs intervenants au cours de la première journée. Si les digues doivent être mentionnées, il ne faut pas négliger pour autant les dunes, le sable, les galets et, de manière générale, les systèmes naturels pouvant assurer un rôle de protection efficace. De plus, si l’on ne nettoie pas les fossés, si l’on ne prépare pas les clapets ou si l’on ne s’assure pas que les écluses puissent être ouvertes, on n’accomplit qu’une partie du travail de gestion et d’anticipation. Dans ce cas, en effet, l’eau ayant pénétré dans le village y demeure pendant plusieurs jours au lieu de rester le temps d’une marée. Ces mesures, conclut Jacky LAUGRAUD sur ce sujet, sont donc désormais incluses dans le PAPI s’appliquant dans la commune.

Jacky LAUGRAUD conclut ce témoignage en présentant plusieurs pistes permettant de donner au plus grand nombre un accès aux connaissances utiles pour habiter le littoral :

• Organiser des expositions itinérantes scolaires ou universitaires, figurant dans les 8 PAPI de Charente-Maritime, afin de favoriser un véritable échange de ces savoirs.

• Prévoir la diffusion des sigles spécifiques à la gestion des risques, qu’il s’agisse des PCS, des DICRIM16 ou d’autres. Il serait aussi sans doute souhaitable, estime Jacky LAUGRAUD, de simplifier certains de ces termes.

• Former ou informer des étudiants, souvent demandeurs, autour des problématiques de la gestion des risques littoraux, sur la base d’exemples concrets de projets ou de réalisations afin de permettre à ceux-ci de mieux identifier les débouchés de leurs études et l’utilité des connaissances acquises au cours de leur cursus.

Jean-Philippe LALANDE – La stratégie de l’État en matière de politique nationale de

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