• Aucun résultat trouvé

Laurent TESTUT – L’élévation du niveau de la mer s’accélère‐t‐elle ?

La communication de Laurent TESTUT vise à présenter de manière synthétique les causes de l’élévation de la mer et les évolutions à venir dans ce domaine.

Le constat est connu de tous : le niveau de la mer monte. Au 20e siècle, les observations marégraphiques et altimétriques réalisées par satellite ont permis de disposer de topographies du niveau de la mer de manière globale. La combinaison de ces deux séries permet de reconstituer de manière précise les évolutions globales sur la base de l’ensemble des marégraphes à l’échelle du globe pour réaliser des moyennes. Le dernier siècle a été marqué par une élévation d’environ 19 cm, soit 1,9 mm/an. Surtout, les chercheurs disposent depuis les années 90 de données altimétriques qui montrent, sur ces deux dernières décennies, une élévation d’environ 3,2 mm/an.

Laurent TESTUT aborde en second lieu les causes de cette élévation du niveau de la mer :

• La première cause réside dans la dilatation thermique de la surface des océans : l’atmosphère réchauffe les premières centaines de mètres de surface de l’océan et entraîne par conséquent sa dilatation.

• Une seconde contribution importante réside, notamment dans les périodes récentes, dans la fonte des glaciers. Les masses d’eau stockées sur terre sous forme de glace, qu’il s’agisse des glaciers ou des deux grandes calottes polaires du Groenland et de l’Antarctique, rejoignent l’océan lorsqu’elles fondent et augmentent la masse de l’océan. Alors que la dilatation thermique correspond à un changement de volume, le changement de masse résulte, lui, de l’apport d’eau nouvelle à l’océan.

S’agissant de la distribution entre ces contributions respectives, les chercheurs dressent le constat suivant pour la période récente :

• La contribution de l’expansion thermique est forte, soit 1,1 mm/an.

Université de La Rochelle, le jeudi 3 avril 2014. 47

• La fonte du Groenland et de l’Antarctique représente une contribution positive (respectivement de 0,33 et de 0,27 mm/an).

• Les eaux de surface contribuent à ce phénomène à hauteur de 0,38 mm/an.

L’ensemble des mesures indépendantes réalisées sur chaque part de ce « budget », en permettant ainsi de recalculer l’expansion thermique et la fonte des glaciers, rend compte d’une somme de contributions d’environ 2,8 mm/an sur les 3,2 mm/an d’élévation observés.

Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs disposent d’un ensemble d’outils d’observation et de mesure. Les outils historiques recouvrent les échelles de marée, utilisées depuis des siècles pour mesurer le niveau de la mer dans le cadre des activités portuaires et de navigation. De la même façon, les premiers marégraphes automatiques datent de 1840 et permettent de disposer de séries longues, notamment à Brest ou, en Charente-Maritime, sur l’île d’Aix. Certains scientifiques travaillent ainsi à la reconstruction de séries historiques du niveau de la mer. Il existe par ailleurs depuis quelques années des marégraphes radars, tandis que se développent en parallèle de nouvelles technologies, telles que les bouées GPS. Mais la grande révolution pour les océanographes étudiant le niveau de la mer a résulté du lancement de satellites altimétriques dans les années 90, notamment le satellite TOPEX-Poséidon, lequel émet une onde radar qui se réfléchit sur l’océan et, en mesurant le temps aller-retour moyennant plusieurs correctifs, permet d’estimer la distance entre le satellite et le niveau de la mer. Le satellite, lui, est référencé par rapport au centre de la Terre ou à une surface de référence. Les chercheurs sont ainsi en mesure de réaliser une cartographie tous les dix jours de la surface de la mer. Ces résultats sont fondamentaux pour étudier les circulations océaniques, mais ils sont aussi d’un apport essentiel pour disposer d’un état de surface de niveau de la mer. Les observateurs peuvent aussi mesurer la masse des océans, grâce à des missions satellites fournissant des informations sur les variations de masse, notamment celles des grandes calottes polaires et des glaciers. Au final, chaque décennie voit l’émergence dans ce domaine d’un nouveau type d’instrument, permettant d’affiner l’observation de l’élévation du niveau de la mer et, surtout, de distinguer les contributions différentes. On peut ajouter à cet ensemble de technologies nouvelles les satellites InSAR et un grand nombre de satellites altimétriques réalisant ce type de topographie. Les océanographes doivent également disposer, en plus de la surface et de la masse, d’informations sur le contenu thermique. Des progrès considérables ont là aussi été réalisés concernant la surveillance du contenu thermique de l’océan. En plus des mesures classiques réalisées par des bateaux envoyant des sondes pour mesurer la température ou la salinité, se sont mis en place de grands programmes internationaux qui permettent grâce à des flotteurs situés à des surfaces de quelques centaines de mètres ou plus, de réaliser des sondages en continu pour établir des profils de température et de salinité.

Pourtant, certains problèmes restent en suspens, lorsqu’il faut passer de mesures globales à des mesures plus locales. Dans ce domaine, comme dans celui de la climatologie ou de la météorologie, ce problème résulte en effet des changements d’échelles des modèles. Les chercheurs obtiennent des résultats satisfaisants pour obtenir, au niveau global, la distribution des contributions respectives de chaque facteur précité, mais se heurtent à de plus grandes difficultés pour passer à l’échelle régionale. Les cartes d’élévation du niveau de la mer montrent de grandes disparités selon les régions. Certaines régions connaissent une élévation absolue du niveau de la mer qui s’avère nettement plus élevée que la moyenne de 3 mm/an tandis que d’autres correspondent à une baisse du niveau de la mer. Ces variabilités régionales, liées à la dynamique océanique, sont en cours d’étude et sont aujourd’hui expliquées partiellement. Le cas de Stockholm montre ainsi que le niveau de la mer absolu, mesuré par altimétrie, connaît une hausse, tandis que le marégraphe de Stockholm enregistre une diminution du niveau de la mer. En effet, sur l’ensemble de la Norvège et de la Scandinavie, la relaxation des calottes glaciaires formées il y a 20 000 ans entraîne leur lente

   

 

Université de La Rochelle, le jeudi 3 avril 2014. 48

remontée de sorte que la terre monte. Or, le marégraphe apporte des mesures relatives, de sorte que, si le sol sur lequel est situé cet instrument monte, le niveau de la mer enregistré sera descendant. Il existe donc une forme de compétition entre le niveau de la mer qui monte et le niveau des terres dont la montée s’effectue à un rythme plus rapide. Les océanographes doivent donc suivre à la fois le niveau de la mer relatif, qui intéresse tout particulièrement les pouvoirs publics, et le niveau de la mer absolu. C’est pour cette raison que les stations marégraphiques sont associées à des stations GPS qui apportent une information sur les variations verticales du site où est localisé le marégraphe. En dernier lieu, conclut Laurent TESTUT, les prédictions du 5e Rapport d’évaluation du GIEC soulignent que, alors que l’élévation était de 19 cm sur le 20e siècle, la fourchette estimée se situe entre 40 et 60 cm pour le prochain siècle.

Échanges avec la salle

Esméralda LONGEPEE (doctorante en géographie, Université de La Rochelle) fait part de récents travaux évoquant une oscillation cyclique du niveau de la mer sur 60 ans et demande à Laurent TESTUT ce qu’il en est.

Laurent TESTUT précise que le niveau de la mer a varié sur des échelles géologiques, avec des cycles longs liés notamment à l’orbite de la terre. Par ailleurs, des phénomènes tels qu’El Niño peuvent aussi perturber ces évolutions, de telle sorte que des phases d’élévation très importantes du niveau de la mer peuvent être suivies d’élévations plus modérées. Les chercheurs sont ainsi confrontés à deux enjeux centraux : d’une part, faire ressortir de cette variabilité les évolutions lentes ; d’autre part, séparer la composante anthropique de la variabilité naturelle. Sur ce dernier enjeu, les scientifiques ne disposent pas toujours d’un recul suffisant dans la mesure où ils n’ont d’observations précises et globales que depuis les années 1990, alors qu’il serait nécessaire de disposer de séries d’au moins 50 ans pour séparer la tendance générale de la variabilité.

Arnaud GUÉGEN (GIP Littoral Aquitain) souligne que l’Aquitaine a connu au cours du dernier hiver d’importants phénomènes de vagues générant des submersions, mais aussi d’érosion. Il se demande si un système d’alerte pour les enjeux liés à l’érosion pourrait être mis en place à destination des acteurs publics de la région.

Alexis DENIS, habitant de Charente-Maritime, se demande quelles sont les actions menées par Météo-France concernant l’effet de surcote. Cet intervenant souhaite également savoir si, concernant la masse de l’océan, les modifications affectant les océans ont pour conséquence de provoquer des poussées entraînant la remontée du continent.

Laurent TESTUT souligne qu’il existe effectivement des ajustements de bassins aux échelles géologiques. Il faut y ajouter la période actuelle d’ouverture de l’océan Atlantique, de telle sorte que la géométrie du bassin se trouve modifiée, avec les impacts associés localement au niveau des côtes. Cet effet de masse n’a pourtant, selon Laurent TESTUT, qu’un effet résiduel à l’heure actuelle. Pascale DELECLUSE souligne que Météo-France et le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM) mènent aujourd’hui un travail sur les surcotes au niveau opérationnel. Ces effets sont évalués sur la base de modèles, mais les résultats donnent lieu à une analyse précise menée dans un souci d’améliorer la représentation de ce phénomène en fonction des résultats récents apportés par la communauté scientifique.

Un intervenant estime que l’érosion a moins focalisé l’attention des chercheurs que d’autres phénomènes en matière de gestion des risques. Ainsi a-t-il fallu attendre 2010 pour disposer d’un relevé LiDAR et connaître la topographie précise des côtes. En l’état actuel, il n’existe pas d’observatoire national en charge du suivi de l’évolution du trait de côte.

Université de La Rochelle, le jeudi 3 avril 2014. 49

Emmanuel GARNIER – Une mémoire pour des sociétés littorales plus résilientes

Outline

Documents relatifs