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Agnès VINCE – La politique française en matière d’érosion côtière et la stratégie nationale de gestion du trait de côte.

Agnès VINCE introduit cette communication en précisant un préalable important : la politique française en matière d’érosion du trait de côte ne se limite pas à la politique de l’État. L’objet de sa communication visera à présenter un éclairage sur la contribution que la Direction de l’eau et de la biodiversité du MEDDE apporte à une problématique marquée d’une forte complexité.

Agnès VINCE exprime aussi une forme d’étonnement : le décideur peut être guetté par le découragement lorsqu’il constate que des réunions mobilisant des collaborateurs possédant un profil scientifique très élevé aboutissent à des décisions qui ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. En d’autres termes, certaines sphères de décision, qu’elles soient nationales ou plus locales, ne parviennent pas aujourd’hui à prendre en compte les méthodologies et les résultats apportés par les scientifiques, installant ainsi le sentiment d’une dégradation collective des capacités de nos sociétés à répondre aux phénomènes d’érosion. Pourtant, ce phénomène se caractérise par le fait d’être lent et donne lieu à des connaissances scientifiques solidement établies.

Les pouvoirs publics, le MEDDE et ses directions ressentent aujourd’hui l’obligation d’ouvrir un dialogue approfondi à la fois avec les collectivités territoriales, les communautés scientifiques et socio- professionnelles et les ONG, puis de mobiliser les résultats de leurs recherches pour s’efforcer d’enrayer la spirale de catastrophes ou d’impacts négatifs que décrivent un certain nombre de communications.

En France, rappelle en second lieu Agnès VINCE, un quart du littoral recule du fait de l’érosion côtière. Ce phénomène naturel est fréquemment aggravé par les actions anthropiques et l’effet du changement climatique. Il est donc impératif, pour les décideurs politiques, d’améliorer les processus de décision afin de faire face à des aléas susceptibles de se transformer en catastrophes. Le littoral français figure parmi les territoires qui connaissent une forte croissance démographique. Un Français sur quatre, nous disent les statistiques récentes, souhaite soit vivre une période de son existence sur le littoral, soit y passer la fin de sa vie. Ces résultats soulèvent donc, bien évidemment, des questions cruciales d’aménagement du territoire. Enfin, l’artificialisation du littoral français se renforce à mesure que l’on s’approche des côtes, atteignant de 2,5 à 3 fois la moyenne métropolitaine. La population des

   

 

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départements littoraux pourrait croître, quant à elle, de 18 à 19 % à l’horizon de 2040, ce qui équivaudrait à une augmentation de 4,5 millions d’habitants. Par ailleurs, 140 000 personnes résident à moins de 250 mètres de côtes en érosion et plus de 800 000 personnes dans des zones basses. Ces chiffres doivent toutefois être reçus avec prudence dans la mesure où ils combinent des données nationales et territoriales.

En second lieu, l’anticipation du risque potentiel de recul du trait de côte soulève non seulement des enjeux d’urbanisme et d’aménagement du territoire, mais aussi des questions relatives à la capacité de nos sociétés à connaître le fonctionnement des milieux. De manière générale, mieux l’on sait comment s’organise et fonctionne un milieu naturel, plus l’on sait éventuellement en tirer parti.

Agnès VINCE met l’accent sur cette dimension collective de l’action face au risque d’érosion côtière, dans la mesure où, en matière de prévention et d’anticipation, le dispositif législatif et réglementaire aujourd’hui en place s’avère extrêmement faible, à la différence de celui relatif à d’autres aléas ayant fait l’objet d’engagements européens, de directives communautaires ou de dispositions législatives. Cette disparité s’explique par le fait que, l’érosion étant un aléa lent, le bon sens et les responsabilités des uns et des autres sont jugés suffisants face à ce type de risque. L’année 2012 a été marquée par l’adoption de la Stratégie nationale de gestion du trait de côte, qui édicte un certain nombre de principes et apporte aux décideurs une feuille de route, au moins à l’échelle nationale. Ce document, réalisé entre 2010 et 2012, a résulté d’un travail collectif et reposait sur la conscience que la capacité à pouvoir installer les sociétés dans des territoires exposés à l’érosion est liée à des politiques variées, mais qui s’entrecroisent, et à des enjeux ou des problématiques également très divers. La stratégie de gestion du trait de côte comportait de ce fait plusieurs volets :

• Les problématiques de la connaissance et la manière dont la connaissance disponible peut éclairer l’action.

• Le besoin d’articuler et d’améliorer la cohérence entre les différentes politiques applicables au niveau de l’État et des collectivités, et auxquelles contribuent l’ensemble du secteur privé, la société civile et ses représentants (politiques économiques, politiques sociales, protection du patrimoine bâti et paysager, politiques de l’environnement, politiques scientifiques, etc.). Les contributeurs de la stratégie de 2012 étaient conscients que l’aléa érosion exigeait un certain nombre de dispositions coordonnées au travers d’outils très différents et mis en œuvre par des directions elles-mêmes diverses pour mener finalement à des décisions prises par des autorités relevant elles aussi de gouvernances fort différentes.

L’action menée aujourd’hui et confirmée par les ministres successifs porte en premier lieu sur la connaissance de l’aléa et la réalisation d’une cartographie nationale. Cet outil sera rendu public sous quelques mois et pourra donner lieu à une appropriation par les différents acteurs en charge de la gestion du risque d’érosion. L’élaboration de ce document, s’il est à la hauteur des enjeux, témoigne qu’il faut aujourd’hui disposer d’une connaissance de niveau national qui n’existait pas jusqu’à présent. Celle-ci doit reposer sur des indicateurs communs, relatifs, notamment, à la vitesse et à l’amplitude de l’érosion, afin de rendre possibles des comparaisons entre territoires.

Le second enjeu soulevé par cette cartographie porte sur l’interopérabilité, notamment auprès des nombreux acteurs qui pratiquent depuis longtemps déjà l’observation de ce risque d’érosion et de son évolution.

Cette méthodologie répond aussi à une exigence de transparence vis-à-vis des citoyens, pour permettre aux pouvoirs publics de rendre compte à la société de l’état des avancés en matière de gestion du trait de côte. Dans ce domaine, en effet, les pouvoirs publics ont souvent à faire face à des formes de déni de la réalité, dénis qui peuvent affecter aussi bien les habitants que les décideurs. Cette connaissance du risque d’érosion sur lequel le MEDDE a mis l’accent, à travers cet outil, doit pouvoir être mobilisée par chaque acteur, à son propre niveau de responsabilité et en fonction des politiques ou des choix qu’il a à réaliser.

Agnès VINCE indique en conclusion que, au regard des incertitudes qui affectent les processus de l’action et son efficacité, par exemple au moment de l’élaboration d’un PLU ou de la préparation d’un règlement, les décideurs ne cherchent pas à obtenir des scientifiques des modèles exempts de toute incertitude. Ils doivent toutefois mener leur action à plusieurs échelles temporelles, sur les court,

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moyen et long termes. La connaissance, dans cette perspective, s’inscrit elle aussi, pour ces décideurs, dans cette triple échelle de temps.

Échanges avec la salle

Raphaëla LE GOUVELLO (Fondation GDF-Suez) fait observer que les élus des petites communes n’ont souvent aucune connaissance réelle des enjeux présentés aujourd’hui. Les habitants qui souhaitent les aborder sont de ce fait stigmatisés et ne peuvent exprimer leur positionnement. Pour répondre à ce problème, il est important, estime Raphaëla LE GOUVELLO, que les universités et les décideurs puissent développer concrètement l’éducation des collectivités et de leurs élus pour éviter ces formes d’incompréhension portant sur des phénomènes qui relèvent pourtant du bon sens. Raphaëla LE GOUVELLO estime par ailleurs que la loi Littoral est un instrument juridique qui gagnerait à être davantage mis en valeur dans les débats de ces journées.

 

 

 

 

 

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